Source de vie, aux sensuelles ondulations, irrésistibles aux yeux des celtes, persévérantes face aux obstacles. Voilà ce que je suis. La source miraculeuse. Celle qui abreuve la nature de son abondance. Celle qui soigne de tous les maux. Ils ont prié pour me trouver, si fort que je suis apparue. Dansante au milieu de la verdure, éternelle au fil du temps, je me satisfais de prendre soin de ce qui m’entoure.

Un jour, une jeune femme, aux cheveux tressés, couronnée de fleurs séchées, vêtue d’une robe aussi blancharde que sa peau vint à moi. Elle flottait à mes côtés, je la caressais de mes flots et ressentais … La vie avait quitté son corps. Puis je les ai entendues. Ils m'appelaient. De ce nom qu’ils m’ont décerné. Sequana. Ils ont prié pour moi. Appelant à la vie. Alors j’ai exaucé leur souhait. Mes pouvoirs ont traversé le corps de cette celte. J’ai senti sa précédente vie, j’ai senti son adulation pour moi. Et j’ai enfin ouvert les yeux, j’ai respiré pour la première fois. J’ai levé la main de mon enveloppe corporelle afin de ressentir le vent sur ma peau. Les cris de mes adeptes m’ont encensé et je me suis redressé, posant mes pieds sur les pierres glissantes, mais retombant dans l’eau puisque je ne savais point m’en servir. Cette femme dont j’avais reprit les traits, étaient revenues à la vie. La source d’où j’ai pris vie prit le nom de Source miraculeuse par la tribu. Une eau capable de contrer la mort elle-même.

Pendant des siècles, j'ai pris soin de cette tribu, mes dons de la nature me servant à les soigner, et à exaucer leur souhait. J’ai vu des générations entières vieillir, alors qu’ils construisaient pour moi, mon havre de paix. Un sanctuaire à mon nom, à Source-Seine. Un domaine magnifique, où nature et hommes ne faisaient qu’un. Où de nombreux bassins ont été érigés afin que je fasse part de mes talents. Dont je me servais afin d’agrandir mon influence, de sauver plus de vie. J’ai sacralisé l’eau des bains afin d’apaiser les douleurs extérieures, et concocté des infusions à base de plantes thérapeutiques pour les maux de l’intérieur. Je formais également certains des adeptes à mes connaissances du corps humain et des plantes médicinales. De temps à autres, j’organisais des fêtes en l’honneur des celtes, invitant mon Panthéon à me rejoindre. Tout était parfait, paisible et sans conflit.

Les choses se sont un peu compliquées lorsque les armées romaines envahirent les territoires gaulois. Je souhaitais protéger les miens, mais je n’ai jamais eu l’âme d’une guerrière. J’ai donc essayé de régler cela avec diplomatie, acceptant un compromis. Mon sanctuaire ne serait pas entaché, et mes adeptes seraient en sécurité si je soignais certains d’entre eux. Je l’ai fait, malgré que cela déplaise fortement mon Panthéon. Je l’ai fait, pour éviter un bain de sang. Je l’ai fait puisque je sers la vie.




Lors de l’avènement du Dieu Unique, la brutalité tomba sur les celtes qui furent pourchassés, tués pour leurs croyances. Mon sanctuaire fut détruit, une grande partie de mes adeptes massacrés, mon territoire souillé, et mon premier corps fut brûlé puisque je portais mon nom. Le monde est fort injuste avec ceux qui sont bons, je l’ai compris. Mais cela ne m’a pas empêché de réitérer mes faits.

J’ai aidé les derniers celtes à survivre, et tentait de convertir de nouveaux adeptes à ma cause, changeant d’histoire et de corps à profusion. Herboriste, guérisseuse, femme de noble. J’ai évolué au fil des âges, en me cachant ou bien en usant de mes talents pour changer les choses. Je fus à de nombreuses reprises accusé de sorcellerie, et nombre de mes incarnations périrent dans les flammes. Pourtant, malgré cela, j’ai continué à aider les humains, qu’ils soient celtes ou non. Combattant les différentes épidémies qui sillonnaient les terres celtes. Soignant les blessés de guerre et venant en aide à ceux qui m’appelaient encore.




Après de nombreux siècles à papillonner ici et là, j’ai retrouvé ma tendre et belle Seine, décidant de vivre à Paris. L’industrie pharmaceutique ayant grimpé en flèche auprès des hommes ces dernières années, mes dons ont été de moins en moins sollicités. En tant que divinité, il nous faut savoir nous adapter aux évolutions de notre monde. J’ai donc créé un réseau de centres d’hydrothérapie à travers l’Europe. Des centres cumulant les bienfaits de mon eau aux compétences des employés (adeptes) que j’ai moi-même formés.

Durant le même temps, j’ai fait bâtir un endroit secret pour les celtes et moi. Un refuge où j’ai pu inviter créatures et divins de confiance, pour des soirées hautes en animation ou pour simplement parlementer de potentielles alliances. Un lieu qui se rapprochait d’un cabaret burlesque en plein centre des catacombes de Paris. Après toutes ces années à me cacher, à m'occuper des autres, j'avais enfin trouver ma bulle. Une bulle d'air au milieu d'un océan de danger et de devoir. Où j'ai pu laisser place à ma soif artistique et charnelle, tout en servant ma cause et celle du Panthéon. En effet, j’usais de mes charmes pour obtenir ce que je voulais. Divins, créatures, je devenais leur petite confidente pour que les informations viennent à moi. La sécurité y était optimale, des portes hydrofuge, blindées, à l’entrée sélective, sur invitation principalement. Mon bras droit se chargeait d’embaucher des hommes de confiance pour la sécurité, des gardes armés, essentiellement comme dissuasion et surveillance. Plus tard, nous avons investi dans la vidéosurveillance afin de veiller à la sûreté des lieux. Nous avons même créé des passages secrets, au cas où mon sanctuaire serait attaqué. Je n’avais rien laissé au hasard. Lorsque des doutes s'installaient, je faisais même appel à Teutates pour user de ses talents, afin de savoir si de vils intentions habitaient mon refuge.

Seulement, il ne fallut qu’un siècle pour qu’il soit à son tour détruit par nos ennemis. Comment était-ce possible ? Qui étaient-ils ? Entre les Nordiques et les Greco-romains ? Je ne saurais point le dire encore aujourd’hui. Les griefs ont toujours entachés nos relations. Pourtant, j’ai bien essayé d’apaiser celles-ci. Tenter de faire un pas vers l’ennemi puisque des ennemis encore plus grands nous attendaient. Alors que j’avais invité des divinités de leur Panthéon, le chaos s’y est installé, les divins se battant entre eux. L’eau s’était alors infiltrée. Comment ? Je l’ignore, mes protections n’auraient théoriquement pas pu laisser une telle chose se produire. Autant que mes passages secrets n’étaient point accessibles, encore aujourd’hui je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Esus avait fait sortir Meduna en priorité, avant de fermer la dernière voie de secours. C’est alors que Mama Quilla nous est venu en aide. J’ai alors priorisé les miens, les faisant sortir en premier du refuge. J’étais responsable de cet endroit, je n’aurais pu me permettre des pertes par ma faute. Seulement, Mama Quilla ne pouvait aider tout le monde, les flots abondants ont inondé la salle où nous nous trouvions. Je n’ai pu les maîtriser, de nombreuses divinités encore piégées perdirent leur enveloppe sous mes yeux, alors que je perdais la mienne à mon tour. Je n’aurais jamais crû que mon propre élément pourrait avoir ma peau. Bien que cette mort fut bien moins douloureuse que celles des bûchers, elle fut angoissante, solitaire et culpabilisante. Puisque le refuge que je souhaitais neutre avait été utilisé pour être notre tombeau. Puisque ma parole concernant ce dernier avait été violée par un des autres Panthéons. Au moins, mon sacrifice ne fut pas vain, les autres divinités de mon Panthéon étaient sauves.

Je n’ai pas pris de corps avant trois mois. Certainement que j’avais à faire mon deuil du dernier, ou que la mort subie fut spécialement brutale pour moi. En vérité, je n’ai pas cherché à le trouver. C’est le corps qui est venu à moi. Alors que j’avais sombré dans une quelconque hibernation, je l’ai sentie venir, à Source-Seine, là où tout a commencé. Notre lien encore intact. Ma douce Gwenaëlle. Cette femme que j’ai vu grandir, après l’avoir secourue de sa pauvre enfance. Battue par son père alcoolique et ignorée par sa mère dépressive, je l’ai retrouvé dans un sale état alors que je me baladais dans un parc la nuit. Grâce à moi, elle a trouvé une véritable famille, ceux en qui j’ai le plus confiance parmi mes adeptes. Lorsqu’elle s’est donnée à moi, cela m’a rappelé ma toute première incarnation. Elle s’est laissée porter par les flots, priant si fort que j’en étais émue. Je l’ai alors accepté, lui promettant que j’honorerais son sacrifice, en prenant soin de sa vie et de celles des autres.

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