Toi, moi ; elles [Johannes von Reiner]

Toi, moi ; elles

Johannes von Reiner & Keyra Weiss

« 10 janvier 2022, Karakoy, Istanbul »

[hide]Il faut maintenant répondre aux questions. Se montrer ouvert et urbain, décidé en toutes choses. Parce que je ne me suis pas allié à n'importe qui, aujourd'hui. Parce que j'ai fait en sorte de pouvoir m'élever, autant que possible, hors de portée des petits du monde pour aller m'attaquer à bien plus gros. La vie n'est pas terminée, même si la mienne peut prendre une tournure autrement plus dramatique et voir un coup d'arrêt plein et entier la terminer en un seul coup. Je la vois offerte, la scythe, celle née d'un peuple de jadis qui aura enfanté plus de monstres et d'horreurs que d'espoirs et de récits. Il y a une disproportion des légendes qui leur sont accordées, par rapport à leur manière de vivre les choses et de les perpétuer. Finalement, ces bouchères-là sont bien des esthètes, mais de chair et de sang, et de jolis motifs écarlates. Les questions sont sincères et honnêtes ; elles sont sans détour. Je ne peux pas vraiment me laisser posséder par la nostalgie, mais parfois la mélancolie me guette, c'est indéniable.

| Evidemment que oui. Et en même temps, non. |

Oui parce que j'ai connu l'amour véritable et sincère, et parce que j'ai donné la vie, l'une des meilleures choses qui ne me soit jamais arrivée. Non parce que j'aurais évidemment continué de souffrir, au sein des campagnes de l'Empire ou bien de maladie des années après, assez longtemps en tout cas pour voir péricliter amours, famille et cause que j'avais choisie de défendre. Dans tous les cas, beaucoup de malheurs, des bonheurs sans doute à nulle autre pareille mais beaucoup de malheurs malgré tout. Je ne lui retourne pas la question, à elle. Car le temps a depuis longtemps usé ses souvenirs des temps jadis.

Keyra m'explique son point de vue sur la situation, et sur les conséquences qu'il y aura à tous les changements qui transpercent le monde. Dans tous les cas je me montre peu enthousiaste à l'idée que ma fille vampire poursuivre encore tout ce qui a fait d'elle une bête à crocs prometteuse et ambitieuse, mais porteuse de dangers pour elle-même comme pour les autres. Je comprends aussi que la situation à istanbul a changé déjà depuis un petit moment, de ce qu'elle me raconte.

| Je comprends, et c'est normal que tu défendes ton bout de gras. Nous restons comme les humains, des créatures bien territoriales en fin de compte. Quant à Alcina, je veillerais à ce qu'elle ne devienne pas un poids plutôt qu'une opportunité. C'est le moins que je puisse faire, même si notre entente s'est jouée sur d'autres sanglants espaces au moins n'aura-t-elle pas à en payer le prix. |

C'est ce que j'estime pour elle, pourtant, et c'est ce que je veux pour l'avenir. Celui ci doit nécessairement s'écrire en lettres de sang et l'échange ne perdure que le temps d'une ardente étincelle, au milieu de l'écarlate et de la chair morte. Ils n'étaient pas à la hauteur, aucun d'entre eux. Et je n'ai aucun regret de les avoir massacrés pour prouver que je restais une force sur laquelle compter. Certes, instable et forcément mortifère au regard de ma nature de vampire. Mais efficace, et c'est tout ce que l'on peut se dire en fin de compte ; d'être en accord et en lien de vérité avec sa nature profonde, de ne pas se renier ni se parjurer. Dans tous les cas, nous sommes des créatures à l'instinct aussi grégaire que violent ; nous avons besoin des autres tout autant que nous pouvons répugner à dépendre véritablement d'eux.

Sourire sous la moustache détrempée de sang.

| Libre, hein ? J'aime cette idée. |

Car libre je me suis toujours battu pour l'être, et me méfie naturellement des fausses promesses, des opportunités trompeuses. J'ai longtemps cru par exemple que Jana m'avait aidé à déployer mon potentiel, et à faire en sorte de me révéler au monde et à ma propre nature. Poudre aux yeux, esclavage masqué par des torrents de sang, mais sitôt qu'ils se tarissent les chaînes réapparaissent alors. Elle m'étonne alors et je me fige quand Keyra évoque Nyx, que je connais de nom.

| Celle que certains surnomment la vraie Reine de la Nuit ? Tu as maille à partir avec elle... C'est un jeu dangereux. Je suis bien placé pour savoir que les dieux font de capricieux alliés. |

Elle se devra bien de me l'expliquer, d'autant que les efforts pour montrer que je devais être cru puisque j'étais mortel dans mes contre-arguments. Mais une autre fois. Et m'esclaffe alors que nous discourons au milieu d'une pile de corps de ceux qui ont prétendu m'arrêter. Ramasse mes affaires encore emportables, tout ce qui a pu voler dans la bagarre, et ne me prive pas pour ramasser quelques pièces de butin au passage ; on ne traverse pas les guerres de la révolution sans se servir au passage, et bien ici c'est pareil.

| Malheur aux vaincus hein, comme disent ces tarés de celtes. |

Lui offre un dernier sourire sauvage et un clin d'oeil.

| Si tu recrutes des chèvres, il ne faudra pas t'étonner que je les saigne. |

(c) DΛNDELION

Johannes von Reiner - Red Thirst
Innocence proves nothing

6AM christmas morning. No shadows, no reflections here. Lie cheek to cheek in your cold embrace. So soft and so tragic as a slaughterhouse. She pressed the knife against your heart. And say that 'I love you' so much you must kill me now. I love you so much you must kill me now... If I was your vampire, slim as the moon. Instead of killing time, we'll have each other till the sun. If I was your vampire, death waits for no one. Put my hands across your face, because I think our time has come. Oupyr
(c)codage - Kanala - texte (c)If I Was Your Vampire - Marilyn Manson

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