Toutes ces machines entre nos mains [PV]

❝ Toutes ces machines entre nos mains ❞

- Internet & Zoé -

Cyber, on est cyber et si bien. Super toutes ces machines entre nos mains. Cyber et si fiers de ne plus être… humains.

Je me devais de suivre un séminaire sans intérêt sur l’apport des nouvelles technologies dans l’industrie pharmaceutique. Il s’agissait d’un module obligatoire de mon cursus à UCLA, ou pour être plus exacte, il avait fini par être obligatoire pour moi en raison de mes excellents résultats. Je me devais par conséquent de représenter notre filière qui avait besoin de se faire bien voir du doyen de l’université. Dans l’assemblée docile, je remarquais toutefois que pas mal de mes camarades de promotion avaient pris sur leur temps libre pour venir écouter notre intervenante. Jeune et jolie, elle avait en effet tout pour plaire aux blaireaux de ma classe… Même mon petit ami, assis à mes côtés, lui avait jeté un coup d’oeil alors qu’il avait – et c’était sa première qualité – tout du chien fidèle. Pour ma part, j’avais déjà lu pas mal de choses sur cette femme. Et il était à mettre à mon crédit que bien que je les aie parcouru sur mon ordinateur, je n’avais pas triché. Pas de pouvoir, pas d’Architect, rien que de la bonne vieille lecture de pages web à l’ancienne. Vu le thème du séminaire, je m’étais concentrée sur l’entreprise qui, bien que florissante, m’avait paru on ne peut plus banale. Toutefois, la première règle d’un léchage de bottes en règles était d’être bien préparé. En effet, je savais qu’en tant que major de ma promo’ – je trichais pour obtenir ces résultats seulement, ça, la fac l’ignorait – on se hâterait de me présenter cette femme.

Ce qui ne manqua pas d’arriver. « Je vous présente Miss Campbell, notre meilleur élément, et elle parle français couramment ! » dit mon professeur avec un accent de fierté que je trouvais comique. Parfaitement dans mon rôle de reine des abeilles de cette université, j’adressais un sourire digne d’une pub pour dentifrice à l’intervenante et répondit en français à sa suite : « C’est trop d’honneur professeur. Enchantée de faire votre connaissance Madame, votre intervention était passionnante ! J’espère que mes futurs projets auront leur place dans des industries aussi prestigieuses que la vôtre » Je savais de quoi j’avais l’air, à savoir d’une jeune fille à peine sortie de l’adolescence qui se trouvait à mi chemin entre la parfaite écervelée californienne et l’intello de première. On ne dirait pas, mais ce n’était pas si simple de trouver le juste équilibre entre les deux.

Si parler français m’était naturel et ne me demandait pas vraiment d’effort, en revanche j’étais en train d’en fournir un énorme pour ne pas scroller sur mon téléphone, pourtant dans ma main. Je me concentrais pour ne pas le regarder, pour ne pas montrer cette distraction qui était propre à Internet mais qui n’avait pas sa place lorsque je me présentais comme Charisma. Certes, elle était une petite reine des réseaux sociaux, j’y avais veillé, toutefois elle n’était pas une geek : cela n’aurait pas cadré avec l’image voulue, à savoir celle d’une fille populaire à qui tout réussit.

Partant du principe qu’il me serait plus aisé de rester dans la conversation si je faisais preuve d’initiative, je cherchais une question à poser pour finalement demander : « Vous n’en avez pas beaucoup parlé lors de votre présentation mais je me demandais, vous aimez l’industrie pharmaceutique ? Parce que, de vous à moi, c’est prestigieux… sans être vraiment… glamour ? ». On pourrait me rétorquer que l’informatique n’était pas exactement la filière la plus glamour non plus mais créer des site web avait un aspect esthétique et puis, si je m’étais inscrite à la fac, c’était uniquement pour pouvoir aller étudier à Istanbul l’an prochain. La filière n’avait eu aucune importance, j’avais juste pris la plus simple pour moi. Par ailleurs, j’étais toujours cheerleader, et ça, c’était la classe. Si on en croyait mes followers en tout cas.

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Charisma "Internet" Campbell

Barbie Girl I'm a blonde bimbo girl in a fantasy world Dress me up, make it tight, I'm your dolly You're my doll, rock'n'roll, feel the glamour in pink Kiss me here, touch me there, hanky panky

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Je finissais mon intervention sous un tonnerre d'applaudissements. Vraiment? Je souriais alors que, dans ma tête, tournait en boucle que ses étudiants étaient décidément de beaux hypocrites. Ou du moins, au moins la moitié d’entre eux. J’en avais vu sur leur téléphone. J’en avais vu bailler, manquer de s’endormir ou encore jouer / regarder des films sur leur ordinateurs via leurs lunettes qui renvoient les images. Pourquoi venir et faire acte de présence? Cette conférente était gratuite, ouverte au public et non obligatoire. Je concevais que l’univers de la pharmaceutique n’était pas intéressant pour tous. J’avais beau apporter quelques traits d’humour et un support visuellement joli, je ne pouvais pas non plus faire des miracles non plus. Au moins avais-je interessée certains qui avaient gratté, et posé des questions pertinentes lors du temps d’échanges. J’avais moins l’impression d’avoir gaspillé mon temps. Moins, pas “pas” justement. Cela aurait dû être le directeur de la succursale de New York qui aurait du intervenir aujourd’hui mais vu le charisme qu’il avait - c’est à dire aucun - et le support qu’il avait prévu, je n’avais pas pu ne pas prendre le relais. Pas question de mettre en péril la réputation de MON entreprise à cause d’un vieillard. Pour l’UCLA, ce n’était en plus pas rien : la DG de Pharmalab qui se déplace en personne. Ils en avaient, bien évidemment, fait des caisses, allant jusqu’à proposer de payer mes billets et mon logement, en passant par de multiples invitations à 36 000 soirées / évènements. J’avais tout décliné poliment. Il me tardait de retourner à Paris, non sans passer par, justement, l’antenne de New York qui, je l’imaginais sans mal, était surement sans dessus dessous pour préparer ma venue. Vu la gestion catastrophique qu’il y avait, je n’avais aucun doute du stress que les cadres dirigeants devaient ressentir… Et ils faisaient bien vu que je comptais me séparer de la moitié d’entre eux après l’audit surprise que j’allais leur imposer. Deux ans de suite que nous perdions de l’argent. Il n’y en aura pas de troisième.

En attendant, j’offrais des sourires et des mercis à ceux qui venaient jusqu’à moi. Je n’avais pas encore eu le temps de remballer mes affaires, ni même de boire ce fameux verre posé sur le pupitre. Un professeur imposa sa présence, suivie par une étudiante qu’il me présenta aussitôt. Ah, la fameuse élève brillante qui allait aider la réputation de l’université à se maintenir. Décidément, c’était pareil partout. Son succès à elle n’était important et mis en avant que parce qu’il apportait des choses aux autres. Je me retenais de lui en faire la remarque pour sourire à la jeune femme, qui elle même en faisait des tonnes, dans la même lignée de son enseignants. Je lui dis en français puisqu’elle maitrisait ma langue natale. Si vous êtes aussi brillante que semble le penser votre professeur, je vous demanderai de ne pas en faire autant. Il y a assez de personnes qui ont ciré mes chaussures depuis mon atterrissage. A voir ce qu’elle a désormais dans le bide et si elle allait m’écouter ou non. Je repris, cette fois en anglais. Ravie de faire votre connaissance Miss Campbell. Puis-je vous demander votre spécialité? Le glamour, comme vous le signalez si bien, manque cruellement. Pourtant, les grandes avancées ont été portées par des femmes ayant dû mettre de côté ce côté là pour se conformer à un monde façonné et pensé par les hommes. Marie Currie, Madeleine Brès, Françoise Barré-Sinoussi ou encore Agnodice pour ne citer qu’elles. Elles ont du renier une part de leur féminité ou glamour comme vous le dites si bien pour être prises au sérieux et faire avancer les choses.J’aime à penser que les femmes sont l’avenir de ce monde et qu’elles ont beaucoup à apporter aux grandes entreprises et industrie, encore plus dans le milieu pharmaceutique. Vu le froncement de sourcils de son enseignant, il n’était pas totalement d’accord avec ça, mais, vous savez quoi? Je m’en foutais complètement. Ne vantait-il pas justement les mérites de son étudiante comme si elle était une “jument” de qualité? Je vais même aller plus loin : combien de vos camarades sont venus véritablement pour m'écouter ? S'il n'y avait pas eu ma photo sur les affiches accrochées partout... Si je n'avais pas été une femme, combien d'entre eux auraient poussé la porte de cet amphi, à commencer par votre... ami? A qui je répondais à son signe de main par la même chose et un sourire. Pourquoi les femmes devraient être obligatoirement s'intéresser aux univers glamour? Être une belle plante, ce n'est, ni mon ambition, ni mon objectif professionnel.
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La vie en rose.

The duchess ☽No, nothing, no, I don't regret anything. Nor the good that was done to me, nor evil, all that I care ! No, nothing... No, I do not regret anything. This is paid, swept away, forgotten... I do not care about the past

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En fait de personne qui lui avait ciré les bottes, je ne doutais pas que mon enseignant n’ait pas été en reste. S’il ne m’inspirait pas plus de mépris que la moyenne des êtres respirant sur cette planète, force était de reconnaître qu’il avait les dents qui rayaient le parquet tout en possédant à peu près autant d’assurance qu’un poulpe. Un mélange aussi antithétique que peu propice à l’élévation sociale. Mon sourire ne s’affadit pas mais pris un air plus sarcastique pour répondre en français : « J’avais pourtant cru comprendre que c’était la règle dans ce genre de séminaire. On passe de la brosse à reluire aux intervenants pour qu’ils aient envie de revenir… je me trompe ? ». Je me tournais vers mon professeur qui, bien que son français fusse plus approximatif que le mien, se trouvait très embarrassé par ma subite franchise. Il devait bien comprendre, pourtant, que faire de la lèche à quelqu’un qui n’en avait pas envie était totalement contre-productif, non ?

Désireuse de ne pas me laisser distraire, j’avais lancé une question un peu en l’air, histoire de nous lancer sur un sujet pour m’éviter de voir mon esprit partir ailleurs ce qui m’aurait inévitablement fait passer pour la dernière des malpolies. Je ne m’attendais toutefois pas à une telle diatribe en réponse. Cette femme me faisait penser à ma tante et cette comparaison inopinée eut l’heur de me faire sourire à nouveau, cette fois amusée. Je repris la parole lorsqu’elle eut terminé dans un anglais à l’accent californien très prononcé – il rendait Charisma plus authentique, elle qui n’avait jamais passé la frontière de l’état avant que j’occupe son corps. « Je suis en webdesign et programmation ce qui n’a rien de particulièrement glamour non plus, j’en conviens. Je mets plutôt à profit mon sens de l’esthétique sur mes réseaux sociaux qu’en cours » Les sites que je créais étaient toujours impeccables autant dans leur fonctionnement que dans leur qualité graphique, mais les thèmes qu’on nous donnait correspondaient rarement à mes goûts. Je rêvais qu’on me demande un jour de créer un site vendant ma marque de chaussures préférées… Là, il y aurait du challenge, là, il y aurait du potentiel !

Bref. Revenons-en à nos moutons. « Est-ce qu’on ne peut pas imaginer être à la fois une grande dirigeante ou scientifique et en faire aussi une carrière glamour ? Malheureusement, l’industrie pharmaceutique telle qu’on l’imagine actuellement est pleine de murs blancs et d’éprouvettes. Il y a des raisons pratiques à cette vision – je les connais, je vous assure – mais les visages qui y travaillent, hommes ou femmes, n’auraient rien à perdre à travailler l’esthétique de leur métier, à montrer un autre décor. Or, ce n’est jamais le choix qu’ils font, comme si la recherche était incompatible avec le glamour. C’est opposer deux concepts – science et beauté – alors qu’on devrait pouvoir avoir les deux. De bons médicaments dans un joli packaging, de bons scientifiques bien habillés. Notez que je ne considère pas une carrière glamour sous un spectre uniquement féminin, à mes yeux les hommes aussi sont concernés » Je le précisais car elle m’avait parlé des femmes ainsi que de son physique, mais j’avais déjà été un homme et je pensais n’en avoir pas moins été glamour. « Si votre ambition est de ne pas être uniquement une belle plante, moi j’ai choisi ma spécialité pour travailler avec les marques et leur insuffler un peu de cette philosophie » Mon professeur commençait à paniquer sérieusement à me voir répondre à l’intervenante dans un argumentaire qu’il n’approuvait pas forcément. Il voyait sûrement les codeurs et créateurs de sites comme des outils, des employés répondant à une commande. Il avait sûrement raison en un sens, mais Charisma n’ayant que 19 ans, elle pouvait bien porter certaines de mes idées, même utopiques. Pouvoir mettre sur le compte de la jeunesse n’importe quel discours était l’un des avantages de mes véhicules : je perdais en crédibilité ce que je gagnais en liberté de parole. Et de toute façon, ce qu'il pensait m'importait peu, créer des sites ne serait jamais plus qu'une couverture à mes yeux... sauf que pour le moment, je n'étais pas Internet. Pas pour ces interlocuteurs.

« Bien entendu, dans votre cas, vous êtes déjà très jolie. » Je jetais un œil à mon petit ami qui m’attendait, tout sourire au geste de l’intervenante, et qui serait sûrement d’accord avec cette assertion si seulement on lui demandait son avis – ce que je ne ferais pas. « Mais j’ai épluché pas mal d’articles sur votre entreprise, visité leurs sites, et ils correspondent à la vision que tout le monde a du milieu pharmaceutique » Je n’explicitais pas la dite vision, supposant qu’elle comprendrait où je voulais en venir au vu de ma première remarque : son entreprise était puissante – encore qu’elle ait perdu en chiffre d’affaire dans ce pays sur les deux dernières années – mais en dehors d’elle et de son joli minois, elle avait une image quelconque. Ou du moins celle qu’on avait quand on pensait société pharmaceutique.

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Charisma "Internet" Campbell

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J'étais curieuse de voir ce que cet enfant avait dans le ventre. Elle me parlait de glamour, je lui parlais de féministe et de puissance de la femme. Elle ne semblait pas juste être une Barbie là pour faire jolie et permettre aux hommes de briller. Il y avait ce petit quelque chose dans son regard qui me poussait à la croire au dessus de cette superficialité qu'on pourrait lui accorder. Disons le, Charisma se rapprochait beaucoup des stéréotypes féminins : blonde, élancé, sans aucun doute populaire. Son français est assez bon et je lui accorde même quelque chose de rare : un rire. Je bascule en latin pour perdre son enseignant, certaine qu'elle était capable de le comprendre Je vois plutôt cela comme une erreur de jugement. Je ne suis pas femme à avoir besoin de cela pour exister. Au contraire. Plus on en fait, plus on a quelque chose à cacher. Laissez moi deviner... Il a des dettes ? Ou avoir il trompe sa femme ? Ou encore il fait sa crise de la quarantaine, et coucher avec une femme de pouvoir lui permettrait de se sentir viril? Je ne tourne pas autour du pot, jamais. Et cela me permet aussi de la tester. J'osais espérer qu'elle aurait le cran de me répondre honnêtement. Elle ne semblait pas être du genre à se préoccuper de préserver les susceptibilités des ses aînés, sinon elle ne m'aurait pas répondu comme elle l'avait fait quelques minutes plus tôt. Et puisqu'elle en sait un peu sur moi, je l'interroge sur son domaine d'expertise. C’était intéressant. Elle nageait dans un milieu plutôt masculin même s'il tendait de plus en plus à se féminiser. Je l'écoute me répondre sur mes propos pro-femmes et souris à mesure qu'elle le fait. Je croises les bras sous ma poitrine, non sans cacher mon intérêt. Trouvez-vous que je ne suis pas glamour? Ne portais-je pas des tenues de créateurs ? J'étais plus souvent en jupe et en robe qu'en pantalon lorsque j'endossais mon masque d'Annabella. J'étais toujours perchée, comme ce jour d'ailleurs, sur des talons assez hauts et fins, avec lesquels je n'avais aucun mal à marcher. Mon maquillage aussi était présent, bien que dans un style naturel. Je savais mettre en avant ma féminité et ne la cachais pas. La preuve était son ami qui n'arrêtait pas de regarder en direction de mon décolleté. Et il n'était pas le seul, à commencer par l'enseignant. Il ouvrit la bouche mais je lui fis signe de la main de se taire et d'aller voir ailleurs si nous y étions. Et histoire qu'il comprenne bien j'encrais mes yeux dans les siens et arquais un sourcil. Il bredouilla quelques mots avant de nous laisser. Si vous regardez attention, vous remarquerez que notre image change. Doucement mais sûrement. Je ne peux pas tout changer en un claquement de doigt. Vous avez fait vos recherches, vous savez donc que mon entreprise est entrée en bourse et que j'ai des actionnaires à satisfaire. Je ne peux malheureusement pas changer un patriarcal profondément ancré de manière radicale. L'image de marque est votre terrain de jeu Miss Campbell. Obtenez votre diplôme, montrez moi ce que vous avez dans le ventre et je pourrais envisager vous offrir une situation élevée. Et j'étais honnête en lui disant cela. Je n'étais pas femme à passer à côté de jeunes talents qui en voulaient.

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