I need a miracle. I need you.

Je ne me fais pas encore à cette nouvelle vie … À ce nouveau corps … J’ai vécu tant de temps dans ma dernière enveloppe, que j’ignore si je pourrais même faire le deuil de cette dernière. Marie Gauthier. Une femme qui me ressemblait tant, convaincue du bien fondé de la médecine douce, et surtout issue d’une famille riche, cela m’a beaucoup aidé dans mes objectifs. Pendant si longtemps j’ai vagabondé, ici et là, aidant par petite touche les gens que je croisais ou les celtes qui m’appelaient. Marie m’avait donné l’opportunité de plus, m’ouvrant d’autres horizons, grâce à elle j’en suis ressortie grandie, bien plus confiante. L’avoir perdue avait été un gros coup à digérer pour moi. J’ai alors revisualisé les deux siècles passaient en son sein. Et ce fut une bien belle aventure.

Il avait fallu tourner la page, je l’ai fait lorsque Gwen est venue à moi. Sa vie ne fut pas une surprise, puisque je la connaissais déjà par cœur, considérant celle-ci presque comme ma protégée. Alors prendre son corps ne fut pas sans regret. Moi qui n’avais pas d’enfants dans ma précédente vie, refaire face à un adolescent m’avait rendu mal à l’aise. Mais après neuf mois, je crois m’y être habituée. Il faut dire qu’Ethan n’est pas des plus compliqué à vivre … Malgré cela, j’apprécie le travail de Gwen. Il n’est pas directement dans le feu de l’action, mais il me permet de rassurer bien mieux les patients en rééducation. De plus, son cabinet est relié à mon centre de Paris, alors quoi demander de mieux ?

Alors que la journée s’avançait, après deux patients satisfaits, j’écrivais un rapport au sujet de mon dernier patient. C’est alors que mes doigts cessèrent leur mélodie sur le clavier, les lettres s’arrêtant sur mon dossier ouvert. Mes sourcils se froncèrent, alors que mes yeux restaient collés à la porte du cabinet. Que faisait-il ici ? Je sentais sa présence, pesante en mon âme. Il n’y avait aucune raison pour qu’il vienne me voir. Le téléphone sonna, l’accueil qui appelait. Je répondis, et on me signala l’arrivée de mon rendez-vous, M. Millet. Un rictus se dessina sur mes lèvres alors qu’il s’agissait d’un “nouveau patient”. C’est qu’il n’avait aucun toupet.

Ma bonne humeur habituelle sombra alors que je quittais mon bureau pour rejoindre l’accueil, ma respiration se négligeant au fil de mes pas. A peine arrivée que je croisais mes bras sur mon torse en signe d’auto-défense. A peine prit-il la parole, que je m’agaçais déjà. Par les celtes, nous ne sommes plus en des siècles reculés.

- Mademoiselle ? Le patriarcat est révolu, tu devrais te mettre à la page.

Rétorquais-je sans cacher ma désapprobation à son encontre. Je n’ai jamais su faire autrement, même après des millénaires. Je n’aime pas être ainsi, cela ne me ressemble tout bonnement pas. Alors que la réceptionniste s’éclipse, Taranis reprend, m’avertissant qu’il ne me laissera pas tranquille tant qu’il n’aura pas ce qu’il veut. Classique, du grand Taranis, arrogant au possible, il se croit tout permis. Même si.. Je sens quelque chose de différent. Son ton n’est pas habituel. Comme une supplique.

- Si je ne te savais pas aussi pitoyable, j'appellerais les forces de l’ordre pour harcèlement. Que me veux-tu au juste ?

Finis-je par demander, son ton commençant presque à m’inquiéter. Je n’ai jamais refuser d’aider qui que ce soit. Et même si cela ne me fait pas plaisir, je ne le refuserais pas à cet homme que j’ai haï pendant des siècles. Il mentionne avoir besoin d’un miracle, j’hausse un sourcil. Cela avait l’air sérieux, pourtant il ne semblait pas blessé à vu d'œil, cela ne le concernait donc pas. Mais de quoi cela pourrait-il s’agir ? Je soupire, abdiquant et lui fit signe de la tête de me suivre. Je me redirige alors vers mon cabinet, n’attendant pas qu’il me suive. Je laisse la porte ouverte en arrivant puis me stationne devant la fenêtre, où je regarde quelques secondes le parc en contrebas de l’immeuble. Je me tourne finalement vers mon invité non désiré.

- Je t’écoute, mais ne me fait pas perdre mon temps.

Ne puis-je m’empêcher d’ajouter, être aimable avec lui semblant bien me coûter.

I need a miracle. I need you.

Est-il toujours obligé de se comporter comme un connard ? Il n’a aucun respect pour les humains hormis pour sa petite armée de serviteurs, bien entendu qu’il saccagerait une prison pour s’en sortir ou enverra valser les forces de l’ordre avant même qu’ils ne le touchent. La diplomatie ? Cet homme ne saurait même pas le définir tant cela lui est inconnu. Il est comme son élément, impulsif, provocateur et violent. Et ce genre de comportement m’insupporte. Je décide de ne pas renchérir sur ses idioties et retourne dans mon bureau en prenant une grande inspiration. J’ignore ce qu’il me veut, mais il a intérêt à ne pas tourner autour du pot s’il ne veut pas se faire virer. Je prend déjà beaucoup sur moi d’accepter de le recevoir alors qu’il m’a berné sous un faux nom. Comme si me demander de l’aide sans détour par texto n’aurait pas suffit.

Alors que je m’attendais à ce qu’il m’expose son fameux problème, il me rapporte plutôt qu’il est désolé pour ce qui est arrivé aux catacombes. Je fronce les sourcils, n’aimant pas me rappeler ce fâcheux incident qui a eu lieu il y a presque un an. Des fonds conséquents ? De quoi me parle-t-il ? Lorsqu’il me rapporte qu’il pourrait faire don à la reconstruction des catacombes, je secoue la tête et m’apprête à répliquer. Sauf qu’il me coupe dans mon élan. Mes bras se décroisent pour que mes mains viennent se coller à mes hanches et le regarde monologuer en ravalant mon amusement, pour afficher un air passablement ennuyé. Je serais presque touchée par sa proposition si seulement il n’était pas venu me quémander de l’aide … Il n’y a pas de réelle charité en ce monde. Même venant de moi, si je ne demande rien en contrepartie, c’est puisque je récolte déjà les fruits de mon labeur.

- Je peux en placer une ? Ou est-ce trop demandé ? Demandais-je à la fin de son récit, la voix légèrement forte et tendue. J’ignore ce qui me choque le plus, que tu crois que je te ferais payer pour mes services, ou bien que tu veuilles faire don à mon tombeau, un lieu maudit par la trahison et la mort ? Quoique .. Ce serait ironique. Rétorquais-je en ricanant avant de secouer la tête, un peu soufflée par la proposition de Taranis, même venant de lui, je trouve ça maladroit. Garde ton argent, ce ne sera pas nécessaire.

Je finis par m’installer dans le petit salon en soupirant, sentant déjà mes nerfs me piquer à vif. Bon sang, même quand il ne le fait pas exprès il m’énerve, c’est dingue. Il finit cependant par me dire qu’il est heureux que je sois de retour, j’arque alors un de mes sourcils dans sa direction. Lorsqu’il s’explique, j’acquiesce doucement et reprends d’une voix plus apaisée :

- Je te remercie pour ta .. sollicitude. Assieds-toi, donc.

L’invitais-je en tendant ma main vers le fauteuil face à moi. Je saisis dans le même temps un arlequin dans le bocal de la table basse. Un peu de sucre apaisera mon esprit. C’est alors qu’il aborde enfin le sujet de sa visite. Et en plein dans le lard en plus ! A peine le bonbon dans ma bouche que je le regarde médusée. Choquée par ma propre déduction, je lui demandais sans aucun tact :


- Tu parles de ta fille ..? Elle est toujours dans le coma ? Je détourne le regard, j’avais eu des échos par mes fidèles après l’attaque, certains ayant des relations un peu partout dans le monde. Je ne m’étais pas alarmée plus que cela, me disant qu’elle se réveillerait rapidement, je n’étais donc pas intervenu. Je peux peut-être faire quelque chose, mais cela ne marche pas pour tout le monde. D’autant que la réveiller ne voudra pas dire qu’elle aura conscience de ce qu’il se passe. Mais ce sera déjà une bonne avancée pour son rétablissement. Lui expliquais-je, ayant déjà eu à faire avec ce genre de cas. Où est-elle internée ?

Le coma est, pour bien des médecins qualifiés, un événement imprévisible. On sait comment guider quelqu’un sortant du coma, mais le réveiller réellement, c’est d’une autre paire de manches. Puisque cela relève bien au-delà du cerveau, mais de la conscience même de la personne. C’est elle-même qui fera redémarrer son système nerveux, afin de rouvrir ses yeux au monde. J’ai eu de nombreux cas semblables, certains ne se réveillent jamais. D’autres, le font après quelques jours, quelques mois puis quelques années. Mais j’ai bien une solution pour les obliger à revenir, seulement cela peut prendre du temps, ou ne pas marcher du tout. Puisque les miracles ne sont qu’éphémère, il ne s’agit que d’une chance à saisir.