De ces liens dont on ne parle pas [Flashback - Terminé]

De ces liens dont on ne parle pas

feat. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] le 1er avril 2021.

La soirée était fraîche. Il avait plu longuement la veille et l’humidité transperçait l’air, le rendant lourd et poisseux. Dans le ciel, la nuit commençait à poindre, les teintes orangées du crépuscule cachées par d’épaisses traînées de nuages gris. Pour Aylaen, c’était son jour de repos : en plus du dimanche, où elle n’ouvrait qu’occasionnellement pour les grandes fêtes annuelles, elle fermait aussi le lundi. À la fois patronne et unique employée, elle n’avait pas d’autre choix, le code du travail français étant ce qu’il était. Ça ne l’aurait pas dérangé, pourtant, de travailler plus. Ce n’était pas comme si elle avait grand-chose d’autre à faire !

Désœuvrée, elle avait fait une promenade sur les quais de Seine plus tôt dans l’après-midi pour, au final, écourter sa sortie en raison de la météo maussade. Quand la sonnette de la porte du rez-de-chaussée retentit, elle était en train de lire un roman d’amour, pelotonner sur son canapé devant l’âtre flamboyant. Elle se redressa. Elle devait se lever mais pour cela se débarrasser du livre, du plaid, de sa tasse de thé… toute une aventure ! Elle crut qu’elle allait encore provoquer une catastrophe quand le contenant brûlant de sa boisson manqua de lui glisser des mains. Elle le rattrapa in extremis. Aguarde, elle chercha ses chaussures : elle ne pouvait décemment pas descendre pieds nus. Vite. Vite. Les gens détestaient attendre devant chez elle, parce que la porte donnait sur la route. Z surtout. Son frère était toujours méprisant avec son appartement. Pas assez chic pour le roi des Olympiens. Aaaaah ! Il ne fallait pas qu’elle se laisse distraire !

Chaussures, check. Elle se dirigea vers l’entrée puis réalisa quelque chose. « Oups » murmura-t-elle avant d’exécuter un élégant geste du poignet en direction de sa cheminée. Aussitôt, les flammes disparurent, ne laissant derrière elles qu’une traînée agréablement odorante. Si son visiteur était un mortel, elle ne pouvait pas le laisser se réchauffer près des flammes sacrées de son foyer, ce ne serait pas… correct ? Et, surtout, si quelqu’un venait à découvrir qu’il s’agissait de flammes magiques, adieu sa couverture d’innocente fleuriste parisienne.

Avec précipitation, pour combler son retard, elle descendit ouvrir. Son appartement était au-dessus de sa boutique, ce n’était pas toujours pratique pour recevoir. Peut-être devrait-elle faire installer un interphone ? Mais ce genre de gadget était cher, et ce n’était pas comme si elle avait des visites imprévues si souvent. Qui pouvait bien venir la voir ? Aylaen ne tarda pas à le découvrir, la silhouette d’un homme se découpant dans l’ouverture d’une porte enfin atteinte. « Teu... » commença-t-elle avant de se reprendre, de se taire, de réfléchir à comment il se faisait appeler en ce moment. « Charles » Voilà, c’était ça. Son « amitié prudente » chez les celtes. C’était difficile d’avoir des amis en dehors de son panthéon, ils aimaient tous tellement se faire la guerre ! Mais il y avait quelques exceptions dans la vie de Hestia, car aujourd’hui, comme il y a des milliers d’années, elle préférait rester en dehors des conflits. Fidèle à son panthéon, mais sans haine pour les divinités étrangères, elle se considérait relativement neutre. Pour tenir cette position, elle restait à l’écart, se faisait oublier… elle n’avait pas été impactée par les derniers terribles événements qui avaient secoué les divins. Certains membres de sa famille ne pouvaient pas en dire autant… et la déesse du feu sacré ne savait plus bien quoi en pensait. Sa Maison brûlait-elle ? Devait-elle s’inquiéter ? Et même si c’était le cas, que pourrait-elle y faire, elle, déesse pacifiste sans grand pouvoir ?

Hestia papillonna des yeux. Sous la lumière assombrie de la fin de journée, il semblait que la noisette de son iris se teintait de noir. Elle observa Teutatès quelques secondes, ne sachant pas quoi dire. Une visite était inhabituelle. Ils se voyaient, de loin en loin, se tenaient un peu au courant de leur vie humaine respective – celle d’Aylaen étant moins complexe que celle de Charles, ça ne faisait pas un pli ! - mais ils n’affichaient pas se connaître. Pas trop. Pas quand ils pouvaient l’éviter. Les autres dieux n’aimaient pas trop que les panthéons se mélangent, et Hestia ne tenait pas à subir une leçon de morale interminable par le reste de sa fratrie… ce que les Olympiens ne savaient pas ne pouvait pas leur faire de mal, non ?

« Je ne m’attendais pas à te voir » finit-elle par dire doucement, s’effaçant pour le laisser passer « Entre, nous serons mieux là-haut ». Teutatès devait avoir quelque chose à lui dire. Sa vieille connaissance Hestia était bien curieuse de savoir de quoi il s’agissait.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

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Aylaen "Hestia" Summers

Dévêtue, mon âme s'évertue, à retrouver la lumière

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Teutatès & Hestia

« Appartement d’Aylaen Summers, Paris, 01 avril 2021 »

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] L’échec est profond. L’affront, terrible. Sequana continue d’hurler. Ses cris me labourent l’âme de l’intérieur. Ils se sont imprimés au fer rouge dans ma conscience, et son agonie perdure malgré l’éloignement de sa dépouille mortelle. Je suis coutumier de ce genre de situations ; ce n’est pas la première fois que je perds quelqu’un, quelqu’un qui n’est pas forcément proche mais qui compte sur et pour moi. Sequana est innocente, à sa manière. Bien sûr, son âme immortelle en a vu passer, des âges et des péripéties. Femme à hommes, femme de fêtes et d’unité, elle était proche, dans le temps, de Meduna qui siégeait à mes côtés. Nous avons toujours pu compter l’un sur l’autre, même si « amis » n’est peut être pas un terme qui définirait tout à fait bien notre relation… Cela ne change rien, de toute façon. Mes pouvoirs se renforcent, ces derniers temps. La proximité avec d’autres divins, comme Morrigan ou Mama Quilla, mais aussi et surtout le rassemblement du panthéon celte –au moins gaulois- pour faire face à l’ennemi. Tout change.

Mais au fond, l’histoire se répète.

J’entends encore les hurlements de l’inconscient de Sequana résonner en moi, comme des cris d’orfraie résonner de mur en mur dans la cathédrale de ma conscience. Vide. Une fois n’est pas coutume. D’ordinaire emplie des émotions de ceux qui m’entourent, à toute heure du jour ou de la nuit. Instants de rage, d’envie, de sensualité, d’amour, qui me changent parfois sans prévenir. J’ai cru gagner en contrôle et en puissance, avec un brin de pouvoir retrouver. Mais cela s’accompagne d’une torture plus forte. Sequana, quand elle s’est noyée, savait que je serais aux premières loges pour m’en rendre compte malgré la lourde porte d’acier qui me barrait la route. Elle m’a appelé à l’aide à sa façon. Et j’ai tout ressenti. De sa peur panique qu’un autre divin additionne ses pouvoirs à la catastrophe, et ne la prive de résurrection à tout jamais. De mettre des années à revenir, autrement. J’ai tout ressenti. De la souffrance à la solitude. A une nouvelle mise à mort qui l’ébranle bien plus que par l’air qui lui manque.

Si je veux me battre, et venger ma cousine, je dois trouver des ressorts pour mieux me contrôler, encore. D’abord, j’envisage d’autres solutions. Je devrais recruter des ambactes, comme jadis. Des hommes solides et concentrés, des prêtres et prêtresses que je pourrais former et sur lesquels je pourrais me reposer pour m’inonder d’émotions plus neutres que d’ordinaire. Mais c’est compliqué. Si je suis capable de sonder l’âme des gens pour les juger, je sais aussi que ce genre de lien ne marche que s’il est absolu. Et j’entretiens une relation trop mouvementée avec l’imprévisible Morrigan –dont je ne sais pas vraiment où nous en sommes- tout autant que je rame avec le panthéon tout entier pour offrir un cadre structurant à des volontaires pour me rejoindre dans cette lutte à mort contre le panthéon nordique. Je dois trouver autre chose, pour le moment du moins.

Je vois un autre avantage qui explique ce que j’ai finalement décidé, en rejoignant Hestia, une ancienne « ennemie » du panthéon olympien. Prendre la mesure de ce qu’elle sait de son panthéon pourrait être utile, en plus de m’apporter, peut-être, les outils et ressources dont j’ai besoin pour mieux me comprendre, et pour mieux calibrer mes propres pouvoirs. Je me demande si je ne tombe pas dans un nouveau piège… Mais j’assume. Avec la guerre qui se prépare, je dois réussir à rester concentré, comme jadis, à faire le tri dans mes émotions. J’ai besoin d’un miroir pour me contempler… Et c’est ce qu’est précisément la divine.Pour le moment, les remous de ses propres sentiments, à la rouquine, me paraissent calmes comparés à la tempête qui fait chanceler mon âme. Qu’elle peut pleinement sentir. Je note sa surprise, mais pas de réserve particulière.

Le risque de piège s’éloigne. Je ne me sens pas plus en paix. J’acquiesce à son invitation d’un signe de tête, la gorge nouée par l’horreur de la mort, la terreur de Sequana, la rage du désir de revanche qui m’étouffe plus que tout le reste.

| Merci. Victor, maintenant. Charles devenait trop lourd à porter… |

Et pour cause, Loki, ministre de l’intérieur français, avait lancé ses flics sur les traces de Charles Niemans depuis le bordel des Halles, en février.

| Pardonne-moi de passer à l’improviste. |

Sobre, comme toujours en dehors des libations. Elle doit pourtant ressentir l’urgence. Je la laisse me mener à son appartement, alors que sa boutique semble plongée dans le noir habituel d’un fleuriste fermé. J’attends qu’elle me fasse entrer chez elle.

| Je suis désolé de faire irruption comme ça, Hestia. Mais j’ai besoin de toi. Tu me permets… ? |

Je prends sa main dans la mienne. Et par-dessus ma veste, je la pose sur mon poitrail. Le palpitant tambourine, bien plus puissant que celui d’un humain standard. Même par-dessus le vêtement, c’est évident. Comme un homme apeuré, pourchassé, ou en proie à une forme de colère frénétique. Elle peut voir la jugulaire qui pulse, sur le côté, et à la lumière, le regard doit toujours paraître fou, pupilles en partie dilatées.

| J’ai besoin de toi pour contrôler ma rage. Sinon, le ciel va tous nous tomber sur la tête. |

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« Heu… OK » Victor avait vraiment une vie trop trépidante comparée à la sienne. Néanmoins, l’objet des préoccupations de Hestia était ailleurs : pourquoi Teutatès venait-il lui rendre visite ? Il en avait le droit évidemment – quelle déesse du foyer serait-elle si elle n’ouvrait pas sa porte à ses amis ? - c’est juste qu’elle ne se souvenait pas qu’il soit déjà passé sans prévenir avant. Tous les voyants étaient au rouge dans son esprit, mais elle ne s’inquiétait pas, le dieu celte finirait par lui apporter des réponses. « Pas de problème, tu es toujours le bienvenue » le rassura-t-elle quand il s’excusa : au moins, elle n’était pas la seule à trouver que cette visite dérogeait à leur discrétion habituelle !

Comme ils n’allaient pas rester dans l’entrée donnant sur la rue, elle s’effaça pour le laisser entrer et le guida jusqu’à l’étage. Dès qu’ils y furent, elle fit réapparaître les flammes dans l’âtre : nul besoin de cacher le feu sacré à Teutatès, il savait parfaitement qu’elle en était la gardienne et la maîtresse. Avec l’humidité ambiante, un peu de chaleur naturelle ~~si on veut~~ n’était pas de trop, et, sans qu’elle sache trop pourquoi, elle sentait que ce serait une conversation à avoir plutôt au coin du feu. Pressentiment confirmé lorsqu’il lui prend la main pour la poser sur son cœur. « Vas-y » Elle conserva le contact, observant les signes physiques du trouble de son ami. « Oh Teutatès... » souffle-t-elle en ressentant son trouble comme si c’était son propre coeur qui s’emballait.

Elle glissa son autre main sur la nuque du dieu celte et posa son front contre le sien. « Tu as bien fait de venir mon ami, prends mes émotions et laisse moi les tienne, tout va bien se passer » murmura-t-elle de ce ton cajoleur qu’elle utilisait parfois avec Zeus. Cette rage dont il parlait, elle pouvait la sentir. Ils avaient tous les deux le don d’empathie, c’est ce qui les avait rapproché autrefois. Personne à part lui ne comprenait ce que c’était de sentir les émotions d’autrui… évidemment, leur objectif différait : lui jugeait, elle consolait. Une méthode, deux finalités. Pour autant, il n’y avait pas d’autres dieux avec qui elle puisse, elle, partager un peu de ce qu’elle était. Elle se concentra sur ce qu’elle ressentait : il y avait un peu de peur, c’est vrai, parce qu’elle s’inquiétait de la sécurité des siens, mais il y avait surtout tout l’amour qu’elle éprouvait pour eux, et aussi pour les mortels qu’elle aidait chaque jour en les conseillant et les écoutant. Il y avait aussi la sérénité, quand elle composait ses bouquets, ou créait des colonnes de chiffres pour faire ses comptes, ou encore quand elle lisait au coin du feu. Un peu de solitude, peut-être, d’être isolée, elle qui était la représentation vivante d’un foyer, une allégorie de la famille. De la rage, cependant, jamais. Hestia n’était pas colérique.

« Tu te sens mieux ? » demanda-t-elle en décollant son front du sien, ses yeux noisettes dans les siens. Du pouce, elle lui caressa gentiment la joue, comme une mère, ou une sœur (position qui correspondait mieux à son âge apparent), c’étaient les rôles dans lesquels elle était le plus à l’aise. « Il n’y a que moi qui imagine un petit gaulois blond avec un casque ailé quand il est question de ciel qui tombe sur la tête maintenant ? » Elle sourit, tentant d’alléger l’ambiance, bien consciente toutefois qu’après un tel début, ce ne serait pas simple.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

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Aylaen "Hestia" Summers

Dévêtue, mon âme s'évertue, à retrouver la lumière

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Teutatès & Hestia

« Appartement d’Aylaen Summers, Paris, 01 avril 2021 »

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Je sens le doute, et une forme d’appréhension. Je sens une forme de plaisir de me revoir, mais surtout ce que je sens, c’est de la compassion. Hestia est l’écho de ce que je ressens, et je suis le sien. Comme deux sonars de sous-marins au beau milieu d’échanges de tirs ; ils sont saturés d’informations et sont incapables de dire ce qui vient d’eux, ou de leurs ennemis, de leur environnement. A quel point l’olympienne connaît-elle et éprouve-t-elle de l’inquiétude quant à la situation ? Je n’arrive pas à me dépatouiller de tout ce que je ressens. Je n’arrive plus à faire le tri. Je me sens fébrile, fragile. Une situation contre laquelle je me bats depuis bien avant ce qui est arrivé à Sequana. Depuis le déclin de mon panthéon. Depuis que ma puissance s’est évaporée, et m’empêche de me saisir des effets de mes capacités.

Je remercie Hestia d’un signe de tête en entrant. J’essaie de me calmer, de compartimenter. Parfois, j’ai l’impression d’y arriver. Mais ça ne dure qu’une seconde, ou deux. Et puis le chaos revient, sans que je ne parvienne à faire autre chose que tenter de rester debout pour l’affronter. La rouquine avive les flammes qui ont fait partie de sa renommée, jadis. Le contact chaud ne m’évoque rien, si ce n’est le flash visuel et sensoriel des bûchers jadis offerts en sacrifice au Père de la Tribu. Mais nous en sommes si loin, de cette période, de cette époque… Plus encore que la proximité que j’institue, la divine passe sa main sur ma nuque. Le contact est quasi-total, pour des êtres tels que nous. Il est physique et émotionnel. Il fait appel à plusieurs sens… Je suis paumé, la proximité m’enflamme et comme toujours, me rend déraisonnable. Je respire comme une bête fauve, qui cherche à se canaliser. Est-ce parce qu’elle se comporte comme une mère, à moi qui suis sensé être le père de tout, dans l’univers auquel j’appartiens ?

| Je vais devenir fou, Hestia. C’est ça mon destin, avant que l’oubli ou la mort véritable ne me prennent. |

Le contact n’arrange rien. Il fait naître en moi l’impétuosité de jadis ; la guerre, l’amour, ce tempérament tumultueux des tribus. J’inspire, je ferme les yeux. J’essaie de prendre plus d’emprise sur mon enveloppe, sur mon véhicule. Ca n’a rien de facile compte tenu des circonstances, mais je m’y force. Mais Hestia doit sentir ce tumulte, cet ouragan d’émotions violentes. Rage, colère, haine, désespoir, solitude, désir, frustration, ce cocktail qui m’empoisonne et qui m’entrave. C’est compliqué d’y résister, quand jadis je pouvais sélectionner les émotions que je voulais ressentir pleinement, et atténuer les autres. Je ferme les yeux, presse ma joue contre son pouce.

| Non, mais c’est gentil d’essayer, Hestia. |

C’est la vérité vraie ; nous sommes basiquement ennemis, du fait de vieilles rancoeurs entre panthéons dont j’ai une part plus qu’importante de responsabilité.

| Tout le monde ne pense plus qu’à ça. Mais ils ont tout mon respect, Uderzo et Goscinny. Ils étaient bons. Et ils étaient fidèles. |

Je dévisage la greco-romaine, ne rompt le contact ni ne m’éloigne en aucune façon.

| La guerre est sur nous. J’ai besoin d’avoir les idées claires. Toi et moi ne sommes que les reflets de ce que nous étions jadis. Comment fais-tu pour garder la raison quand les émotions autour de toi sont trop puissantes ? Je me sens victime d’un raz-de-marée, balayé par la force de ce qu’ils éprouvent, tous. Ca me rend faible, et des gens se font tuer. |

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Aussi étrange que cela puisse paraître, en cet instant, Hestia se sentait réellement Hestia. Si elle avait pris la peine d’y songer plus de trente secondes, elle aurait reconnu à quel point il était ridicule d’être plus capable d’entrer dans sa peau de divinité avec un dieu étranger, issu d’un panthéon guerrier avec lequel ils avaient été plusieurs fois en conflit, qu’avec ses frères et sœurs. Depuis qu’elle s’était éveillée dans ce véhicule, elle se contentait très bien d’être « Aylaen », une grecque expatriée en France qui vendait des fleurs tout en faisant la causette à qui voulait discuter. Peut-être ce ressenti s’expliquait-il par les raisons qui avaient poussé Teutatès à venir la voir. Il cherchait son aide, or, pour les olympiens, elle était plutôt la sœur un peu nulle qu’il fallait au contraire aider, oblitérant toute sa grandeur d’autrefois. En tout cas, c’était ainsi qu’elle percevait à la fois leurs choix de vie très différents – qui, pour certains, creusaient un écart social conséquent entre eux - et leurs absences récurrentes de sa vie.

Malgré sa présence, son toucher, il paraissait en proie à encore plus de tumultes. « Pourquoi parler de la Mort ainsi ? Jamais je ne te laisserais sombrer dans la folie, encore moins si elle devait entraîner ta perte définitive » Elle lut le mélange d’émotions qui animaient le dieu celte. Sous la rage et la colère – ainsi que, osons le dire, un sentiment d’impuissance -, elle sentit une forme de trouble liée à leur rapprochement physique, tout amical qu’il soit. Dans la mesure où Teutatès ne lui avait jamais paru aussi perdu qu’en cette heure, elle choisit de ne pas s’y attarder. Hestia était d’une nature confiante ~~une vraie biche sacrificielle~~ et jugeait autrement plus préoccupant qu’il parle de mourir.

Ce n’était pas dans les habitudes divines d’évoquer une telle finalité. Leur véhicule pouvait être amené à disparaître, mais eux pouvaient continuer à s’éveiller dans un autre corps. Ils étaient éternels… Cependant, en dépit de sa foi naïve en l’humanité et son panthéon, Hestia avait entendu parlé des récents événements. Pas en détail, elle n’avait pas posé assez de questions pour ça, elle avait juste entendu d’autres dieux l’évoquer. Des choses terribles arrivaient dans leur monde en ce moment… et il n’était plus seulement question de la destruction du temple de l’un d’entre eux – encore que cet acte restasse abominable à ses yeux. Elle n’avait pas voulu savoir, ne le voulait toujours pas… et pourtant, faire parler Teutatès était peut-être la solution pour l’aider ? C’était bien ainsi qu’elle faisait avec ses clients… presque tous des mortels, cela étant. Hestia doutait qu’une bonne conversation soit réellement efficace pour un dieu : ce n’était pas comme si elle ne s’était pas échinée à essayer de « co-mmu-ni-quer » au temps de l’Olympe, pour le résultat qu’on sait.

« Je suis une déesse gentille, tu devrais le savoir depuis le temps » sourit-elle, mi par plaisanterie, mi pour camoufler sa déception d’être mise en échec. Pourquoi ne parvenait-il pas à se laisser entraîner par ses émotions à elle alors que les siennes lui étaient limpides, presque violentes ? Elle se sentit frustrée de ne pas réussir à l’aider. Leur amitié aurait beau être mal vue par leurs panthéons respectifs si elle était apprise – et ne parlons pas de Zeus qui serait probablement vert de rage (aussi préférait-elle juste ne pas vérifier cette hypothèse!), sans parler de si on les surprenait à ce moment précis qu’elle aurait été bien en peine d’expliquer clairement en dépit de l’absence d’ambiguïté dans son esprit, jamais elle ne pourrait abandonner un ami en souffrance. Il était même assez probable qu’elle soit incapable d’abandonner qui que ce soit, persuadée qu’elle était que la mission divine était d’aider et guider autrui – opinion très avant-gardiste du temps de l’Olympe !

La déesse rousse tenta ensuite de détendre un peu l’atmosphère, puisque le cajoler paraissait sans effet. Elle conserva cependant leur position, une main sur son cœur, l’autre sur sa joue. « Beaucoup de gens te connaissent grâce à eux, c’est forcément une bonne chose. Tu remarqueras que niveau bestseller, je fais juste de courtes apparitions dans les romans de Riordan, moi ! » Alors que son neveu Apollon avait, lui, eu le droit à toute une série de livres. Bon. Il y était ridicule les trois quart du temps, cela en relativisait l’importance, mais si son pouvoir personnel à elle déclinait, c’était aussi parce que son existence était oubliée de beaucoup. En France, le « par Toutatis » d’Astérix et Obélix était devenu très connu ! Essayait-elle de positiver ? Tout à fait ! Et quelque chose lui disait que pour réussir à faire voir à Teutatès le verre à moitié plein, elle n’avait pas fini de ramer...

Le Dieu Père des Celtes lui donnait l’impression d’être en équilibre sur un fil. Si elle le lâchait, Hestia craignait que son funambule ne tombe, et elle ne le permettrait pas. Cette métaphore s’imposa à son esprit lorsqu’il s’ouvrit sur les raisons de ce mal être – assez puissant pour le faire venir ici, chez une amie, certes, mais aussi une olympienne ! « Qui ? » ça lui avait échappé. Elle était pourtant persuadée de ne pas vouloir savoir ce genre de choses. Elle sentit la peur la gagner, non pas pour elle, mais pour ses proches. Qui pouvait être mort ? Un mortel ? Non. Les dieux se moquaient de la fin d’une vie humaine, la plupart du moins. Maintenant que la question était posée, le pressentiment que la réponse n’allait pas lui plaire s’imposait. Elle jugula ses craintes, les verrouilla dans un recoin : elle avait assez à faire avec les émotions de Teutatès sans s’encombrer des siennes.

Sa main glissa de la joue à l’épaule de son ami, son regard toujours dans le sien. Après avoir papillonné des cils pour se reprendre, elle répondit enfin à sa question : « Je me laisse envahir par leurs émotions, j’accepte la part de perte de contrôle que cela représente… et, je suppose, aussi, que je suis plus tempérée de caractère ». Même s’ils étaient amis par concours de circonstance – leur don d’empathie commun surtout - ils étaient d’un tempérament très différents. Hestia était calme, douce, souvent contemplative. Ses chagrins, elle les gardait pour elle, les cachait derrière un sourire et quelques paroles aimables. Teutatès était plus… intense. Aussi n’était-elle pas surprise qu’il vive aussi plus intensément les émotions des autres. « C’est uniquement pour savoir ça que tu es venu ? » Ses yeux scrutèrent les siens plus intensément. « Il y a forcément plus. Tu veux me le raconter ? » Lâchant son regard, elle tourna la tête vers le fauteuil qu’elle avait quitté précipitamment un peu plus tôt pour lui ouvrir. Teutatès ne serait-il pas mieux s’il s’asseyait ? Ils pouvaient rester debout ainsi indéfiniment si ça leur chantait, mais ça restait un peu bizarre comme position pour converser plus longuement… Et, en même temps, elle craignait toujours que rompre le contact n’accentue le mal du dieu celte. Raison pour laquelle, elle n’engagea pas ce geste d’elle-même, préférant attendre qu’il choisisse ce qui serait le mieux pour lui.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

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Aylaen "Hestia" Summers

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Teutatès & Hestia

« Appartement d’Aylaen Summers, Paris, 01 avril 2021 »

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Je me rends bien compte quand même que je ne devrais pas être là. Aussi bien qu’elle n’aurait jamais dû m’ouvrir, Hestia. Nous ne sommes pas sensés être amis, ou proches. Nos panthéons ont un sacré passif, et nous nous retrouvons dans une position compliquée, deux mille ans après les événements qui nous ont fait nous écharper. Je sais que nous sommes, elle et moi, des fétus de paille abandonnés dans les bourrasques d’un destin qui a continué sa route en nous laissant sur le bas-côté. Nous n’avons pas encore été renversés, et ça ne saurait peut être tarder.

Si je suis là, c’est que j’ai encore la volonté de me battre, de m’élever contre cette fatalité. Est-ce que ça sera porteur de conséquences positives pour moi, pour mon panthéon ? Je n’en sais rien. C’est trop tôt pour le dire. La démarche est positive, en tout cas, du moins dans cet état d’esprit. Ce n’est pas sûr qu’elle persiste dans le temps, car elle dépend énormément des circonstances et paradoxalement, presque plus des autres que de moi. Car ce sont ceux qui m’entourent et colorent mon âme qui impactent finalement le plus mes décisions, bien plus que ma volonté. J’ai toujours été un être plus de passion que de raison, ce qui m’a toujours compliqué la tâche de façon bien plus importante que les autres n’y arriveraient jamais.

Doux, ce qui contraste avec le tumulte qui m’étreint, je réponds à la divine pour lui faire comprendre que je ne me prédestine pas à m’infliger mes propres violences.

| Tu es gentille, mais le risque vient plutôt du fait que mes pouvoirs m’affaiblissent désormais, et que je suis devenu une proie facile pour ceux qui veulent ma peau. |

Je quitte son regard un court instant, lâchant ses yeux et sa chevelure de feu des yeux pour me concentrer sur ce que j’ai ressenti en sachant qu’Epona était torturée par les nordiques par ma faute.

| Les vieux dieux du Nord. Tout est parti d’un quiproquo, mais les choses sont allées trop loin pour se tasser désormais. Ils viennent pour moi. |

Je ne rentre pas plus dans le détail, c’est clair pour moi qu’elle n’est pas intéressée par le reste. Et surtout que moins elle en sait mieux elle peut se porter. Le savoir n’est pas tant le pouvoir dans le cas présent. Avoir accès à des informations sur la situation en cours peut provoquer une implication imprévue, et dangereuse. Loki a déjà prouvé qu’il avait des yeux et des oreilles un peu partout. Et les autres le suivent plus ou moins aveuglément, ou n’ont pas brillé par leur clairvoyance. Je dois assumer ma propre position. J’ai accepté d’aider Freyja, et j’ai mis le doigts dans un engrenage aux conséquences violentes et funestes qui n’a de cesse depuis de confirmer la létalité et l’horreur des rapports entre personnes capables de déplacer littéralement des montagnes du fait de leurs pouvoirs.

Quand Hestia se dit gentil, elle m’arrache un sourire qui l’est tout autant. Qui me ramène à ce que j’ai ressenti, un peu plus tôt. A cette proximité presque intime que deux empathes peuvent ressentir. Moi, du moins, compte tenu de ma nature et de la culture qui m’a vu naître ; la proximité fait tout.

| Je le sais, oui. Et ça ne t’a qu’aussi peu servi qu’à moi de savoir sonder les âmes mortelles ou immortelles, n’est-ce pas ? |

Ce serait même littéralement un euphémisme. Mais nous restons là, physiquement proches mais bien plus encore liés par nos consciences respectives. C’est rassurant et apaisant, de voir qu’une personne sait tout de vous en un moment précis et ne prend pas ses jambes à son cou. Fondamentalement parlant, je sais que je ne suis pas un monstre. Mais que comme les hommes que je juge, je suis capable de violence et de cruauté. Toujours au service d’un idéal, même si le monde a changé et ses attentes en même temps, et que je suis aujourd’hui décorrélé de la majeure partie des attentes des Hommes.

Ma main vient se poser sur la sienne, la couvrant par-dessus ma cage thoracique. Je laisse filer la mention des écrivains, des dessinateurs, des scénaristes. Ni elle ni moi n’avons les faveurs du monde, en dehors de quelques élus que nous pouvons choisir au gré de nos pérégrinations ou d’historiens amoureux de vieilleries. Mon cœur se serre à nouveau d’une douleur lancinante quand elle demande qui est tombé. Je sens sa peur… Et la couvre, ouvrant les vannes de ma propre conscience, par tout ce que j’ai ressenti au moment de vivre la noyade et le désespoir absolu de Sequana.

| Sequana. Une cousine. Elle s’est retrouvée piégée dans les catacombes qui étaient son domaine, sous Paris. |

Mon regard rougi de nouveau et mon palpitant s’emballe encore, ma respiration subit une arythmie qui se transforme rapidement en essoufflement. J’inspire, j’essaie de me discipliner. De me lover dans les parois et limites de sa propre conscience, et me laisse tomber dans un de ses fauteuils à son invitation, confus, empêtré dans les hurlements psychiques que Sequana poussait encore au moment de mourir, à court d’oxygène pour son véhicule.

| Je suis le contrôle. En théorie. Je suis le Père de la Tribu, le Protecteur de mes peuples. Je suis sensé savoir faire le tri. |

Je concède, atone, regard perdu dans le vide. Sitôt avoir séparé nos corps, une chape de plomb recouvre mon âme et la laisse en proie au doute, frissonnante de solitude.

| Je me suis plongé dans l’âme d’une divine ravagée par la folie. J’ai été piégé ce qui s’est écoulé comme une éternité dans un monde dévasté par une tempête qui détruit tout ; souvenirs, amour et affection, jusqu’à te ravir le plus beau des souvenirs. | Je relève les yeux vers elle. | C’est Loki, qui a infligé ça à Morrigan. Il lui a lancer une attaque, imposé des visions, joué avec son don de double-vue. J’ai cru qu’être avec elle la rendrait plus forte ; j’ai cru qu’à deux âmes nous repousserions son attaque. Je n’ai jamais rien connu de tel, Hestia. J’ai été renversé, ma conscience absorbée par la tempête. Il m’a fallu longtemps pour revenir, et je suis rentré à temps pour être suffisamment près de Sequana quand elle s’est noyée… |

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Avec une moue têtue qui ne lui était pas familière, Hestia répondit : « Tu es le Dieu-Père des Celtes, tu ne peux pas être une proie facile. Que dire de moi sinon ? » Teutatès avait de la puissance et elle s’imaginait qu’il avait forcément le respect de l’intégralité de son panthéon, un peu comme Zeus chez eux (même si c’était surtout elle qui était obéissante et faisait de son attitude une généralité). « Les Nordiques... » marmonna-t-elle sur la suite du récit de son ami, sourcils froncés dans une expression de plus en plus soucieuse. Hestia était une divinité pacifique, elle ne prenait pas parti. Sauf si l’un des siens était mis en danger. Or, bien qu’ils ne soient pas du même panthéon, Teutatès était son ami, elle l’aimait beaucoup et depuis longtemps, elle voyait d’un mauvais œil ce qui se dessinait en filigrane dans le récit du celte.

« Ce talent n’est pas très respecté par nos pairs, mais je continue d’aider les mortels grâce à lui. Ma mission n’a pas changé. Ils ne se rendent pas compte de ma présence près d’eux, pourtant je suis toujours là » La différence avec Teutatès était probablement que percevoir les émotions d’autrui n’était pas au cœur de sa fonction à l’époque de leur grandeur. Si elle avait développé ce pouvoir plutôt qu’un autre, cela tenait plutôt à sa nature profonde qu’à son statut de divinité du foyer et du feu sacré. Désormais, il fallait bien admettre qu’il s’agissait de son pouvoir le plus utile au quotidien, car elle n’avait plus à veillé sur le feu. Autrefois si vivant, il tenait maintenant dans sa cheminée parisienne… Sentir les besoins ou les attentes de ses clients lui servait dans son métier actuel de fleuriste qui soulageait les peines et se montrait de bon conseil… Il restait vrai, malgré tout, que si son pouvoir lui servait, il ne lui apportait aucun crédit, surtout auprès des dieux.

La peur l’assaille à la mention d’un mort parmi eux. Oui. Eux. Même si les différents panthéons ne parvenaient pas à se mettre d’accord les uns avec les autres, ils avaient tous plus en commun que certains l’admettaient. Et surtout, toute mort qui touchait Teutatès la touchait elle aussi. Vu la sensibilité de la déesse rousse, il était presque heureux qu’elle ne connaisse pas Sequana. Dans le cas contraire, elle se serait probablement mise à pleurer à chaudes larmes, ce qui n’aurait pas aidé… quoique, parfois, les durs à cuir ont besoin qu’on pleure à leur place, non ? Ses frères étaient un peu de ce genre ! « Respire... » murmure-t-elle enfin dans un souffle, son propre rythme cardiaque s’emballant au rythme de celui du celte. Hestia pouvait presque respirer l’effroi de l’instant qui traversait Teutatès.

Elle désigna le fauteuil, il s’y assit, et pour sa part, elle se mit sur le large accoudoir. Ses jambes repliées sous elle, elle avait la tête un peu penché sur son ami, ses longs cheveux roux formant une sorte de rideau d’un côté de son visage tandis que la main qui ne lui servait pas à se tenir dans cet équilibre était posée sur l’épaule de Teutatès. Le court moment où le contact avait été rompu, elle avait senti une solitude oppressante s’abattre sur le celte, aussi l’avait-elle repris, tout en délicatesse, et sans en faire la moindre remarque. Hestia était présente pour son ami, ni plus, ni moins. « C’est horrible... » dit-elle simplement, sans affectation supplémentaire. Près d’un empathe, ce n’était pas nécessaire. Il pouvait sentir le trouble que ce récit creusait dans l’être de la douce déesse du foyer. « La guerre est déclarée ? » demanda-t-elle factuellement, ayant besoin de savoir jusqu’à quel point Teutatès était réellement en danger. « Tu peux venir ici à chaque fois que tu as besoin d’un abri. Personne ne te cherchera chez une déesse grecque et je vis seule » Une partie de sa famille était sur Paris, mais peu d’entre eux lui rendaient souvent visite. Elle n’avait pas la force d’aider qui que ce soit dans un combat entre dieux. La seule protection qu’elle puisse offrir était celle d’un foyer chaleureux et rassurant… « Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose... » Il devait le savoir, mais elle devait tout de même le dire, pour être certaine que ce message passait bien à son destinataire. La guerre entre les Nordiques et les Celtes n’était pas la sienne… néanmoins, elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que la fin de Teutatès n’arrive pas.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

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Aylaen "Hestia" Summers

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Teutatès & Hestia

« Appartement d’Aylaen Summers, Paris, 01 avril 2021 »

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Je me sens perdu. Je me sens jeté en pleine tempête comme un fétu de paille. Je dois pourtant récupérer au plus vite ma position et ma force, car tout le reste du panthéon compte désormais sur moi. Je ne peux pas tenir ma position si je ne sais pas me discipliner, si je ne parviens pas à faire en sorte de calmer tous ces remous qui m’agitent l’âme. Difficile dans tous les cas de reconnaître que les choses puissent se passer encore plus mal qu’elles ne le font déjà. Je sais que beaucoup de choses reposent sur moi. Ca m’aide à tenir la barre, mais ça ne m’aide certainement pas à gagner en puissance par la seule force de ma volonté.

Je conçois aussi que tous ces sujets doivent bien échapper à Hestia. Elle-même semble toujours s’être contentée de cette situation, de ce relatif statu quo. Je ne peux pas dire que cela me ravisse particulièrement ; j’ai déjà eu de bons contacts dans le passé avec les olympiens. Certains d’entre eux, du moins, même si je tais toujours le nom de Nyx pour tout ce qu’il représente pour les miens. Je décline, fataliste.

| Nous en sommes tous, Hestia. Nous en sommes réduits à ça, aujourd’hui. |

Pour le reste, je ne peux qu’être d’accord avec l’Olympienne. J’use de la même stratégie depuis longtemps, en réalité. Pas seulement pas obligation et par contrainte, alors que les serviteurs de l’Unique sont partout, et sont dangereux. Je n’ai pas peur de la mort, ni de la Mort Véritable elle-même, mais il n’empêche que je me retrouve bien trop souvent en position de ne plus pouvoir aider les Humains si je dois d’abord résister aux traqueurs des Monothéistes. La vie est faite de choix, de prises de décision, de carrefours devant lesquels on se trouve. J’ai toujours privilégié ma fonction et mon devoir divin à tout le reste. Plus que ma propre sécurité, mais je dois l’être un minimum pour accomplir les desseins qui m’ont jadis été confiés.

Je me calme, un peu, en réfléchissant. A moins que ça ne soit du fait du contact avec Hestia, qui me réconforte à sa manière. C’est une bonne amie. Loyale, fidèle. Je reste à fleur de peau, mais je suis moins susceptible de me laisser joué des émotions des autres. Je ne suis pas maître en mon propre navire, je ne suis toujours pas capitaine de ma propre âme. Mais quelque part, je reste tout à fait capable de repousser l’appréhension et la déroute qui me guettent en inégales mesures.

| Ils y voient tous un danger, et une faiblesse. La plupart des jours, je suis assez en phase avec eux. |

C’est ma propre tristesse que j’éprouve, désormais. Elle reste intimement liée aux derniers soupirs de Sequana, à ses ultimes sentiments. Mais je peux faire le tri. Je caler contre Hestia, comme un enfant que je n’ai jamais été, et respirer près de quelqu’un qui partage son propre lot, cette même souffrance qu’on refoule d’ordinaire. Je ressens tout d’elle ; c’est plus fort encore avec la proximité que nous partageons, ces étreintes simples mais rassurantes. Hestia compatit.

Je relève les yeux vers elle. Expire doucement, embrasse sa main sur mon épaule, et la regarde à nouveau.

| C’est horrible, oui. Les autres ne mesurent pas. Beaucoup considèrent que ce n’est qu’un impondérable, car Sequana ne tardera pas à revenir. De nous tous c’est elle qui sans doute a le plus de ferveur, ce dont ses pouvoirs se nourrissaient. |

Mais moi, j’ai tout ressenti. Mes yeux quittent ceux d’Hestia, regardent ses bras, ses mains.

| Tu es gentille, avec moi, alors même que nous avons été ennemis. |

Je reprends sa mien dans la mienne et embrasse son revers.

| Je suis ton débiteur, pour ça comme pour le reste. |

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« Non... » Elle ne put dire que ça, une boule formée par son angoisse se glissant dans sa gorge, bloquant ses paroles, elle pourtant capable d’être volubile. Hestia ne craignait pas pour sa propre vie, l’idée qui la hantait était de perdre un de ses proches, particulièrement un membre de sa famille ~~si elle savait, la pauvre...~~ bien que la perte d’un ami comme Teutatès lui semble à peu près aussi inacceptable. Consciente que ses émotions pouvaient se transmettre au celte, la déesse du foyer tâcha de garder son calme, d’enfouir ses sentiments négatifs, et parce qu’elle était habituée à l’exercice, elle y parvint non sans qu’une légère pointe d’anxiété perdure sous la surface.

« Moi pas. User de l’empathie pour conserver un semblant d’harmonie est mon fond de commerce » Ces paroles s’accompagnèrent d’un haussement d’épaules circonspect. Même à l’époque où elle occupait un trône, elle n’était pas la plus puissante des olympiennes, mais elle s’était toujours acquitté de sa tâche avec un sérieux exemplaire. Hestia tirait une grande fierté de son existence de déesse : s’il y en avait bien une qui ne se traînait pas de casserole honteuse, c’était bien elle ! Et dans son panthéon, ils n’étaient pas nombreux à pouvoir s’en targuer, d’autant que les auteurs mortels se faisaient un plaisir depuis des temps immémoriaux de colporter leurs sordides petites affaires de famille.

Assise sur l’accoudoir de son large fauteuil, sur lequel en d’autres moments, elle aimait lire pendant des heures, la déesse aux cheveux flamboyant écoutait le récit du dieu celte. Lorsqu’il embrasse sa main, elle frissonne. Un léger embarras s’empare d’elle. Hestia n’a jamais été très à l’aise avec les baisers, sur la main ou ailleurs, mais elle n’est pas (plus?) assez prude pour ignorer qu’elle est l’une des seules déesses à être aussi timorée sur cette question. Elle ne doute pas, en outre, que c’est un acte purement amical : la liste de ses amants est très (très!) courte, et Teutatès n’est pas du lot. Il était déjà assez dangereux pour la santé de son véhicule qu’elle ait un ami chez les celtes, si elle devait se mettre à coucher avec l’un d’eux, son frère ferait plus que la foudroyer sur place !!! Laissant sa main là où elle est, et faisant fi d’une légère rougeur sur ses joues – satané peau de rousse ! - elle en revient à leur mouton. S’il y a bien un sujet qui pouvait lui faire oublier sa pudibonderie, c’était bien celui de la mort d’une déesse : « Mais… ce qui est inquiétant, c’est qu’il y ait… des attaques ? Non ? Par tous mes frères et sœurs, les dieux de chez toi ne peuvent pas être aussi inconséquents que ma famille ! » On notera qu’elle avait beau aimé son panthéon de tout son cœur, elle n’avait que peu d’estime sur leur gestion de crise. Guerre de Troie et Pomme de Discorde : son plus profond traumatisme dans ce domaine.

« C’est acté, je déteste Loki » termina-t-elle avec un petit air buté. Le dieu nordique devait se moquer comme de l’an quarante qu’une déesse mineure lui en veuille pour la mort d’une déesse qu’elle ne connaissait même pas. N’empêche : qui faisait du mal à son ami ne méritait que son mépris. Jamais elle ne dérogerait à cette règle, sa loyauté était trop ancrée dans son être.

« Je restais presque toujours sur l’Olympe, nous n’avions d’ennemis que le nom. Et puis, nous sommes amis maintenant. Je n’ai pas beaucoup d’amis, alors j’en prends soin » Son côté casanier n’aidait pas à ce qu’elle rencontre beaucoup d’immortels – et quand dans un futur proche, ce serait le cas, elle trouverait ça plus stressant qu’autre chose – et la majeure partie de ceux qu’elle connaissait faisant parti de son panthéon, elle les considérait plutôt comme des membres de sa famille. Sauf Dyonisos, lui, elle le voyait plus comme son ami que comme son neveu. Satisfaite de sa réponse à Teutatès, elle lui sourit avec chaleur.

Elle avait oublié sa gène précédente, elle revint lorsque le dieu père des celtes réitéra son geste sur l’autre côté de sa main. « Hum… oui… je… heu… compte sur moi pour te le rappeler » Petit rire pas du tout naturel à l’appui. Cette conversation, c’était les montagnes russes. Vraiment. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

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Aylaen "Hestia" Summers

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Teutatès & Hestia

« Appartement d’Aylaen Summers, Paris, 01 avril 2021 »

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Evidemment que nous en sommes réduits à ça. A mes yeux, c’est l’évidence. Car on ne peut en aucun cas s’aveugler nous-mêmes et raconter n’importe quoi. Nous ne sommes plus ceux que nous fûmes, et nous ne le redeviendrons peut-être jamais. Dans tous les cas, les implications sont nombreuses à cet état de fait. Nous devons tirer les leçons du passé, si nous désirons encore travailler à un avenir. Je ressens l’angoisse et l’appréhension d’Hestia, qui semble bien dépassée par l’ampleur de tout ce qui nous tombe présentement dessus. Je ne peux en aucun cas lui jeter la pierre. Il n’est pas dans le caractère de toutes les divinités du passé de s’accommoder de leur propre déclin ou du danger qui se rapproche. Pour beaucoup et pendant longtemps, la mort véritable n’était pas vraiment une menace proche, prégnante. Désormais, elle l’est pour beaucoup d’entre nous. C’est là où l’on se rend compte de ce que nous nous sommes dits et répété parfois longtemps, comme mensonges et contre-vérités autour desquels nous avons parfois trop longtemps bâti notre existence.

Je ressens sa crainte, quand elle se rend compte que je peux ressentir ces mauvais sentiments. Je m’amuse toutefois de sa répartie.

| L’harmonie n’est qu’une illusion quand on est empathe, Hestia. Ce n’est pas comme ça que l’évolution a créé les Hommes. Ce sont tous des créatures au comportement erratique, rares sont les inflexibles. Ils ne sont qu’une infinie collection de nuances et de revirements. Les côtoyer d’aussi près que nous le faisons, c’est ouvrir la porte au chaos. |

Et pourtant, le savoir ne permet pas tant de s’en prémunir.C’est juste une réalité avec laquelle on se doit de composer. C’est un peu comme la météo et ses aléas. Les hommes sont semblables. Ils sont imprévisibles, la plupart du temps. Même pour ceux dont on connaît la couleur de leur âme, les reflets et nuances de leur conscience. Je sais aussi que jamais nous ne pourrons tout à fait oublier toute la richesse que nous percevons en permanence. Ce n’est pas souhaitable. Mais être sans arrêt soumis aux passions des mortels, qu’il s’agisse de leurs actions de bien ou de mal, c’est fondamentalement quelque chose qui nous porte sans cesse, Hestia et moi.

Je ressens maintenant sa gêne, et comprends que c’est lié aux contacts que j’ai avec elle. La dernière chose que je souhaite, c’est la plonger dans l’embarras. Je souris malgré tout à la chute un peu maladroite où elle me pique d’une petite saillie bien sentie, bien que lancée sans aménité.

| Je suis désolé. C’est dans ma culture. Nous nous embrassons sans arrêt, sans la plus petite explication qui tienne à quelque chose de rationnel. Nous ne vivons les uns avec les autres qu’avec le contact physique, tu vois le genre ? Je ferais attention. |

Car Hestia est une amie, et que nous avons tous les deux bien d’autres chats à fouetter. Nos natures nous poussent, nous inclinent à partager une grande proximité de l’âme. Le reste ne peut quand même pas nous guider, pas du moins tant que nous ne sommes pas directement visés. La peur est mauvaise conseillère, c’est comme tout…

| Loki est un fils de putain, crois moi. Une vraie ordure. En réalité, il aime simplement faire ce qui lui plaît. Ca le rend bien plus dangereux que les salopards qui ont des objectifs, car il est totalement incontrôlable. Il a détruit la santé mentale de Morrigan, mais s’en est aussi salement pris à Epone, et à moi. Tout seul, il a commencé à nous démolir les uns après les autres et il me semble assez évident qu’il cherche une forme de contrôle de ses correligionnaires. |

J’ai un mince sourire pour elle.

| Je ne l’oublierais pas, Hestia. |

Je tape doucement mes mains sur mes genoux et me relève.

| voilà, en tout cas, je voulais te prévenir… Et profiter un peu de ta sagesse. Je vais essayer de me raccrocher un peu à tout ce qui me fait me sentir bien, et me reconcentrer sur ce que j’arrive à puiser des humains qui m’entourent. Avant de partir, y a-t-il quelque chose que je peux faire pour toi ? |

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« Tu sais que je ne peux pas être d’accord avec ça ? L’harmonie, c’est ma raison d’être. Je suis sensée la maintenir au sein de mon foyer. Ces derniers temps, je suis plutôt sur un constat d’échec puisque tous ses membres sont dispersés aux quatre vents, mais à une époque, je n’y arrivais pas si mal. Sous ma surveillance, il n’y a eu qu’une seule vraie guerre interne à l’époque où nous avions encore une maison » La Guerre de Troie. Un sale coup de sa cousine Eris. Si Hestia représentait l’harmonie du foyer, la fille de Nyx en était la discorde, et en raison de ces natures contraires, la déesse rousse n’avait jamais aimé sa cousine – et c’était potentiellement réciproque bien que jamais ouvertement confirmé par la principale intéressée.

Toujours était-il qu’Aylaen n’avait pas le même avis que son ami sur la nature de leur pouvoir tout en doutant que cela étonnerait qui que ce soit – en admettant qu’ils en parlent à quelqu’un, ce qui n’était pas prévu au programme -, ils avaient beau avoir le même talent, ils ne l’avaient pas obtenu pour atteindre le même objectif. Lui jugeait, elle guidait. Malgré tout, ils demeuraient très probablement les seuls à pouvoir comprendre mutuellement le poids des sentiments d’autrui.

« Je te rassure, c’est dans la culture des miens aussi... c’est tout ce truc de déesse vierge que j’ai été obligée de promettre… je suis assez tactile de nature, mais disons que si je laissais un des hommes de ma famille m’embrasser, ça finissait toujours mal… Malgré tout, je sais bien que tu n’es pas comme eux ! » Pas devant elle, pas avec elle. Elle ne le fréquentait pas assez assidûment pour en savoir beaucoup de ses relations avec les autres femmes. Ils se voyaient toujours seul à seule, en privé. Ils n’avaient guère le choix puisqu’ils venaient de panthéon qui ne s’entendaient pas. « Mets ça sur le compte d’un vieux réflexe » Dyonisos lui filait du vin pour la détendre, sauf que Dyo’, comme Teutatès, était son ami, donc elle pouvait se permettre de ne pas faire trop attention en sa présence parce qu’elle avait confiance en lui. Mais il fallait croire qu’elle était plus habituée au contact du dieu du vin qu’au celte.

Le calme était revenu en elle, le sérieux aussi. « Si Loki est ton ennemi, il est le mien aussi. Malheureusement, j’ai peu d’influence ou de pouvoir qui puissent te venir en aide contre un dieu aussi puissant » Zeus ne l’écouterait pas. Elle le savait. Quant au reste de sa famille, ils la voyaient presque tous comme leur roi : une enfant adorable, serviable, mais tout à fait inutile. Elle souffrait plus souvent qu’elle ne l’avouait de cette image. Non pas qu’elle désirasse être plus importante, après tout, elle avait abandonné volontairement son trône, elle aurait seulement apprécié que son dévouement soit plus appréciée par ceux à qui elle l’offrait.

Teutatès se lève tandis qu’elle reste assise, levant les yeux vers lui. Les flammes de la cheminée se reflètent dans le marron clair de ses yeux comme deux lacs en fusion. « Non, tout va bien pour moi, ne t’inquiète pas » Elle était isolée, protégée par son anonymat et le peu de crédit qui lui était porté. Elle allait bien ~~pour le moment~~. Se levant à son tour, elle ajouta : « Mais si jamais il devait à nouveau t’arriver quelque chose, préviens-moi s’il te plaît. Je ne changerai pas d’adresse à moins d’y être forcée, et de numéro non plus. Je ne te servirais pas à grand-chose en cas de pépin, c’est vrai, mais au moins cela évitera que je m’inquiète, ok ? » [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

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Teutatès & Hestia

« Appartement d’Aylaen Summers, Paris, 01 avril 2021 »

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Je suis en quête d’aide, en besoin d’une forme d’attention. Pas pour me réconforter, pas pour faire mon travail divin à ma place. Il s’agit surtout que l’on s’intéresse à mon cas pour m’aider à sur monter l’horreur de ses circonstances et l’incapacité potentielle qu’elle renferme en son sein. J’essaie d’avancer. J’ai compris que je n’y arriverais jamais tout seul si je continue de m’entêter, de faire en sorte de me laisser piéger par ce lointain passé et par tout ce que j’ai vécu, ce qui me hante. Par ces émotions, écrites à même mon âme en lettres de sang, ou marquées au fer rouge. A l’empreinte froide laissée par le désespoir le plus absolu, par ce rendez-vous manqué avec la Mort Véritable il y a deux siècles à quelques années près. Je me rends bien compte que nous autres immortels ne sommes pas à l’abri de traumatismes quels qu’ils soient. Nous avons nos propres lacunes, nos fragilités. Beaucoup l’oublient. Beaucoup le négligent. Et pourtant il y en a eu, au cours de l’Histoire, qui ont fini par se tuer eux-mêmes sous le poids de leur existence, de leurs responsabilités et de tout ce qui en a jadis émergé en bon comme en mauvais. Je comprends ce que me dit Hestia. Je ne peux pas tout à fait y adhérer malgré tout.

| Je suis le Père protecteur des tribus. C’était Meduna, ma femme, jadis, qui s’occupait de l’unité de notre peuple. Et comme toi, elle a eu le plus grand mal à l’assurer du fait de notre éloignement progressif. Le ressentiment et la rancœur ont du mal à s’estomper et à guérir malgré le temps, amie. |

Je le dis d’un ton calme, presque doux. En tout cas mélancolique. Il est clair à mes yeux que jamais le passage du temps ne nous a permis d’assurer la paix de quelque manière que ce soit. Au contraire, il a plutôt contribué à largement nous éloigner. Surpris par ses déclarations suivantes, un rire grave mais franc retentit chez elle. Déesse vierge, promesse, tactile malgré tout, et mauvaises fins… Une part de moi aimerait bien en savoir plus par pure curiosité, mais je la réfrène. Ce qu’elle est en train de me dire ne peut pas vraiment aller à l’encontre de cette forme de confiance basée sur le secret de notre relation et de nos liens. Et ce réflexe dont elle parle, je ne peux que le respecter.

| Je sais ce que c’est. Nous aussi, nos liens nous ont joué quelques tours par le passé… |

Là encore je ne m’étends pas. Je suis plus intéressé par ce qui la met à l’aise, et donc, ce qui n’a pas de rapport avec nos contacts éventuels, plutôt ce qui a trait à la guerre que je comprends et maîtrise mille fois mieux, même si elle s’est souvent conclue dans la défaite pour moi. J’ai un sourire assez tendre, assez affectueux, pour la divine qui me propose une fois encore son alliance à titre personnel.

| Ce n’est pas le talent guerrier qui compte, Hestia. Il n’y a jamais eu que la volonté et le courage de changer les choses… |

Nous en sommes maintenant, après tous ces moments de confidence, de confiance et pourtant parfois de gêne, à nous dire au revoir. Je hoche la tête, avant de prendre congé.

| Je le promets. Et toi de me dire si tu vois ou entends des choses de ton côté… Ensemble, entre vieilleries, nous pouvons survivre à ce qui s’annonce. A bientôt, Hestia. |

Il faudra pourtant que je meure, pour pouvoir la retrouver. Mais ce soir, c’est un brin rassuré, l’esprit encore embrumé par mes insuffisances et la difficulté des solutions que je peux leur apporter que je m’éloigne et sors dans la nuit.

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« Nous sommes éternels... » Par l’âme tout au moins, leurs corps, eux changeaient. Dans le cas d’Hestia, ça n’avait pas eu que de mauvais côtés, puisqu’elle avait promis autrefois à Zeus que ce corps resterait à jamais vierge, aussi n’y avait-elle été tenue qu’avec son enveloppe d’origine. Chacun voit midi à sa porte comme disent les mortels ! « …alors nos sentiments le sont aussi. Ils durent autant que nous, les positifs comme les négatifs » Preuve en était que plusieurs millénaires après sa naissance, elle se sentait toujours la cinquième roue du carrosse. Sœur inutile de grands dieux comme Zeus ou Héra. Au fond, sa modestie n’était peut-être qu’une sorte de cachette lui permettant de camoufler son mal être… et, à cet égard, ce n’était pas la première fois qu’Hestia remarquait qu’ils auraient tous besoin d’un psy’ spécialisé dans les névroses divines.

« L’entre-soi, c’est compliqué » admit-elle aux paroles de Teutatès sur les raisons de sa propre réserve à certains gestes. Elle n’avait jamais admis que les dieux se marient entre eux. Elle en comprenait l’intérêt, évidemment, mais ne pouvait imiter ses frères et sœurs. Si l’envie l’avait prise d’être en couple, elle aurait plutôt fait comme Dyo’ et épousé un mortel qu’elle aurait aidé à devenir un dieu par son entremise auprès des mortels. La famille, c’était la famille, et il y avait assez d’occasion de s’écharper sans y ajouter des histoires de cœur. Qu’Héra et Zeus ait passé autant de siècles à s’écharper pour des questions de fidélité n’avait pas aidé à ce qu’elle change d’avis, elle qui détestait les disputes plus que tout.

Voulait-elle vraiment changer les choses ? Pas exactement ~~mais ça viendra~~. Elle se contentait fort bien de son existence actuelle… et si tout pouvait juste rester ainsi, elle n’y verrait pas d’inconvénient. Elle savait toutefois que cela ne dépendait pas d’elle. Sa volonté de paix et d’harmonie n’étant guère partagée et les panthéons se cherchant sans cesse querelle, elle devrait bien prendre position un jour ou l’autre. Toujours était-il que jamais elle ne le ferait au dépend de Teutatès : pas plus qu’elle n’était tous les gréco-romains à elle seule, il n’était pas non plus tous les celtes ! Et encore, quoi qu’en disent ses cadets, ils ne devaient pas tous êtres horribles, non ?! « Sois assuré que ma volonté sera toujours de te soutenir » et, quelque part, c’était encore plus simple de ne pas le faire d’une manière guerrière, car le soutien émotionnel n’était pas ce qui intéressait Zeus et les autres trônes. Ils la considéreraient un peu plus si c’était le cas !

Après lui avoir arraché une promesse, elle l’accompagna à la porte de son studio : « Au revoir Teutatès, prends soin de toi ». Une fois qu’il fut parti, elle resta un moment à regarder la porte, avec la sensation que ces mots étaient comme restés en suspens. Son regard se détourna vers ses flammes : quand bien même elle aurait son âtre nécessaire à pratiquer la vision magique, elle ne pourrait pas y voir le celte. Quoique… si elle avait un jour la place pour s’installer à cet effet, elle pourrait toujours essayer. Teutatès était lui aussi de son foyer : les liens ne sont pas toujours ceux du sang, même ceux dont on ne parle pas.

Topic Terminé

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Aylaen "Hestia" Summers

Dévêtue, mon âme s'évertue, à retrouver la lumière