Est-ce que j'ai fait ce qu'il fallait ? Est-ce que j'ai été à la hauteur ? Tant de questions qui me hantaient depuis la fin du rituel. L'appréhension était palpable. Je ne me sentais pas capable de recommencer, pas dans l'immédiat. Alors il fallait que ça marche. Je regarde ce corps, par terre. Il m'avait fallu un moment pour reprendre mes esprits, pour sortir de cette torpeur qui avait été la mienne, bien trop concentrée sur ce que je faisais. Ramener un dieu dans le monde des hommes n'a rien de simple, mais il le fallait. Quid du danger que je pouvais endurer toute seule au milieu de cette forêt tellement mythique. Faire ce rituel ici, m'avait semblé être une bonne idée. Si je réussissais, alors le soulagement serait de mise. Mais pour le moment, il fallait que je m'occupe de ce corps. J'avais bien sûr anticipé ce fait, tout avait été méticuleusement préparé. Bien qu'il soit plus compliqué de traîné ce corps dans le trou que j'avais préparé. J'avais froid, la fatigue commençait à se faire sentir, mais je ne devais pas m'arrêter. Y mettre le feu n'était pas le plus dur, c'était même une certaine forme de délivrance sur le moment, parce que ça voulait dire que c'était terminé. Je recouvre le tout de terre et je quitte l'endroit, las, épuisée, mais confiante. Je regagne la petite cabane aménagée que j'avais louée pour quelques jours sous un faux nom, et m'effondre sur le lit pour sombrer dans un sommeil sans rêves.

Ces quelques heures de répit n'en sont pas vraiment, le sommeil est agité. Et lorsque j'ouvre de nouveau les yeux, je sens quelque chose. Instinctivement, sans que je ne sache comment l'expliquer, je sens que ça a marché. Je me relève et cherche une veste ou un gros pull parce que j'entends la pluie tombée à l'extérieur. La nuit était aussi en train de tomber. Mais je me rends compte que je n'avais pas pris cela en compte quand j'ai quitté Lyon un peu dans la précipitation. Je soupire, me maudissant intérieurement et enfile finalement la seule veste que je trouvais et sors de la cabane. Le chemin, je le connaissais, mais je progressais doucement. Déjà parce qu'il faisait froid, qu'il pleuvait, mais aussi et surtout parce que je ne savais pas ce qui m'attendait. Par les temps qui courent, il vaut mieux être prudent. Surtout moi, après tout, pour beaucoup, je devais être... Non, j'étais une traîtresse et ma mort serait une petite victoire pour eux. Mais je voulais vivre. J'inspire, prête à tout au cas om et j'attrape donc une grosse branche, parce que bien évidemment, je n'avais pas pensé à prendre quelque chose pour me défendre. Lorsque j'arrive à la clairière, il y a déjà quelqu'un, penché sur cette tombe de fortune. Je m'approche encore et une voix que je ne connaissais pas s'élève, mais... Il y a autre chose. Je lâche alors la lourde branche qui tombe sur le sol dans un bruit sourd et je soupire." Je rêve... J'ai réussi..." Incrédule encore quelque secondes avant de finalement me reprendre. " Violeur, mais ça n'a plus d'importance maintenant." Sa question suivante me refait penser à ce que j'ai dû faire pour qu'il revienne et je ferme les yeux, essayant d'oublier ces images qui me revenaient.

J'essaie d'oublier mais pourtant, je sais que c'est là et que ça va me poursuivre. Je passe une main sur son visage, chassant une mèche de cheveux mouillée par la pluie. " J'ai essayé, mais faire disparaître un corps est plus compliqué que je ne le pensais." Il semble pourtant satisfait et ça me soulage quelque peu. Il se relève et se tourne vers moi, mais avec la pluie qui tombe et la pénombre j'ai du mal à savoir à quoi il ressemble cette fois. Pourtant je souris légèrement.  " Est-ce une surprise ? On n'échappe pas à son destin il me semble. Je ne fais pas exception." Il serait présomptueux de ma part de penser le contraire. Quand à ces raisons de le faire revenir, elles sont multiples. Je m'avance pour distinguer un peu ses traits. Il me faudra un peu de temps pour me faire à ce nouveau visage. " Parce que les celtes ont besoin de vous." Je lève les yeux vers le ciel et soupire. " Parce que ce monde va mal." Je repose les yeux sur lui et souris de nouveau. " Et parce que vous ne m'avez jamais donné les réponses à mes questions." Je savais qu'il en savait plus qu'il ne me disait. Mais j'allais être patiente, le plus urgent en premier lieu. " Pour être franche, je ne savais pas si j'allais réussir. Je ne suis peut-être pas celle que vous vous attendiez à voir, mais je pense qu'ils seront tous contents de vous revoir." Ses frères, Méduna, les autres du panthéon.

J'avais tué quelqu'un. J'avais pris la vie d'un autre être humain et pourtant, je sais que mon esprit combat cette idée, qu'il n'arrive pas à l'accepter. Comment accepter l'inacceptable ? C'était nécessaire, bien entendu et ce n'était pas un enfant de choeur, mais, tout de même... Je sens ma raison prendre le dessus sur les sentiments, je n'arrive pas à culpabiliser, pas encore du moins. Mais j'ai de l'appréhension, je sais que mon acte, je le payerais d'une manière ou d'une autre. Mais la nécessité a pris le pas, j'ai cherché une alternative, quelque chose de moins brutal, mais c'était la seule manière de le faire revenir et j'avais compris que ça serait mon rôle et je l'avais accepté. C'est bien pour cette raison que je suis là, devant le fait accompli. J'avais réussi. Prendre la vie de cet homme avait ramené ce dieu, celui qui semblait bien me connaître, du moins connaître ma lignée. Mais ce n'était pas par désir purement égoïste que j'avais accompli cet acte. Je soupire légèrement à ses dires et hoche légèrement la tête. " Je sais, je..." Je passe une main sur mon visage et reprends. " Je ne veux plus jamais avoir à faire quelque chose de semblable... Je ne pourrais pas." La vérité, c'est que je n'en savais rien moi-même et c'est bien ce qui me faisait le plus peur. Ce futur inconnu qui s'impose à moi n'est rien à côté de l'angoisse de devoir reproduire les mêmes gestes. Il se rapproche et j'aperçois ses traits bien différents de l'homme que j'avais pu voir dans ma librairie il y a plusieurs mois. Je souris légèrement, mais pas de joie, c'était difficile à décrire vu que tout ce que je ressentais était quelque peu contradictoire. " Ne mourrez plus où il vous faudra trouver une autre prêtresse pour vous ramener." Je souris, quelque peu amusée, mais je sais que j'ai la mine sombre. Cela n'a rien de drôle et cette mise en garde était pourtant réelle.

Je reste silencieuse, mais je pose de nouveau les yeux sur lui quand il reprend la parole et quand il me nomme prêtresse, je ne peux empêcher un sentiment de fierté m'envahir une poignée de secondes. Ce n'était pas pour cet honneur que j'avais accompli ce geste, mais bien parce que j'en avais ressenti la nécessité. Il fallait que ce soit moi et quand j'avais exposé cette idée aux autres, ils étaient plutôt d'accord. Et nous y voilà. Je me sentais aussi délivrée d'un poids, sans avoir réellement conscience que je l'avais, mais j'avais le sentiment d'avoir accompli ma mission ce qui était assez nouveau et compliqué à gérer. Pourtant je soupire et repense à ce qu'il venait de me dire sur le destin. " J'ai failli passé à côté pourtant... De cette destinée, je veux dire." Si j'avais persistée chez les deicides, en tout cas. Mais aujourd'hui, ils sont dispersés aux quatre vents, ce qui n'enlève rien de la menace qui plane sur ma tête. J'ai trahie la cause, ils me le feront payer d'une manière ou d'une autre. " Vous n'êtes pas seul pour mener cette guerre. Commencez déjà par gagner une bataille et le reste suivra." Un tantinet optimiste quand je connais l'entente entre les différents frères et les nombreuses trahisons et déceptions au fil du temps. Mais aujourd'hui plus que jamais, le panthéon a besoin de lui, j'en suis convaincue, mais je garde cela pour moi, n'ayant pas envie, ni l'énergie pour entamer ce genre de discussion.

Puis je commence à trembler, le fait d'être trempée par la pluie me fait frissonner. Il s'en rend compte et enlève sa veste pour la passer autour de mes épaules et je souris légèrement. Je l'écoute et l'observe aussi. Nous sommes proches et je suis curieuse de cette nouvelle apparence, différente de l'ancienne. " J'ai sous estimé le climat breton, je ne pensais pas que j'aurais aussi froid." Je ricane légèrement entre deux claquements de dents très léger. " Désolée, je n'ai pas eu le temps de trouver les bonnes chaussures, mais je suis certaine que vous saurez pardonner cet écart." Mon ton était un peu plus amusé sur la fin de mes dires, comme pour souligner le fait que ce n'était pas grave. Après tout ça avait marché. " Oui, il y a une cabane pas très loin, c'est assez simple, mais on y sera à l'abri et il y a le confort de base."

A savoir qu'il pourra prendre une douche et moi me réchauffer. Je lui fais signe de me suivre et durant quelques secondes, j'ignore sa question. J'écarte les branches d'un arbre et finis par me tourner vers lui. " Pour Morrigan, c'est sûr que non." Je lève les yeux vers le ciel et aperçois la lune à mon tour. L'astre que représente Mama Quilla et même si je ne la connaissais pas, j'ai entendu ce qui semblait la lié au dieu devant moi. "Je ne sais pas pour Mama Quilla. Je suis désolée." De quoi au juste ? De ne pas avoir de bonnes nouvelles ? Je continue d'avancer jusqu'à la cabane que j'avais loué pour encore deux jours. Je pousse la porte et nous y entrons, je ferme derrière lui. " C'est un peu le désordre, je n'ai rien rangé." Des livres pêle-mêle et des outils, des accessoires, tout ce qui m'avait servit pour le rituel. " La salle de bain se trouve au fond. Vous voulez manger quelque chose ? Ou boire ensuite ?" Sans vraiment écouter sa réponse, je remue les braises de la cheminée. Je me sentirais mieux avec des vêtements secs sur le dos. Je profiterais du fait qu'il se trouve dans l'autre pièce pour me changer rapidement.

Même si ce que je venais d'accomplir était déjà énorme, je savais que ce n'était que le commencement. Je n'avais pas commencé par le plus simple, comme d'habitude, mais je savais désormais que j'en étais capable, même si j'espérais ardemment ne pas avoir à recommencer avant un long moment. Jamais si possible, mais si la vie m'avait bien apprit quelque chose, c'est qu'il ne fallait jamais dire jamais. La preuve en est ce soir et pourtant, malgré tout ce que je ressens, je laisse un léger sourire se dessiner sur mes lèvres, trahissant tout de même le soulagement qui était le mien que tout cela ce soit solder par une réussite. J'avais tant d'autres choses à apprendre, à appréhender aussi, mais je me sentais vraiment prête à m'engager sur e chemin, en espérant ne pas me tromper non plus. Pourtant ses paroles me rappellent aussi que j'ai ma propre épée de Damoclès au-dessus de la tête. Pas seulement cette guerre entre panthéons, parce qu'il avait raison, maintenant que je les avais rejoints, je devenais aussi une cible pour les autres divins. Mais ce n'était pas forcément eux qui m'effrayaient le plus. Je soupire légèrement avant de répondre. " Je sais bien." Que dire de plus après tout ? Je m'étais engagé sur un chemin qui me semblait familier et en même temps bien plus dangereux que je ne l'imaginais. Je le vois qui se penche et ramasser quelque chose avant de le mettre dans la poche de son manteau. Je me questionne, mais je n'y prête pas plus attention que cela, alors qu'il reprend la parole. Je baisse légèrement la tête, ne sachant pas si je devais être flattée, mais ça me semblait si normal en même temps, comme si j'avais attendu ce genre de moment toute ma vie sans jamais m'en rendre compte avant que l'instant arrive.

Et puis de manière assez soudaine, le froid se fait sentir, alors que je sentais toute cette pression quitter mes épaules. J'étais fatiguée d'avoir passé ces derniers jours à me préparer, à lire, à apprendre aussi, sans trop m'accorder beaucoup d'heures de sommeil, mais encore une fois, c'était pour une bonne cause. Je souris légèrement quand il ajoute que j'aurais pu le faire avec une tenue civile actuelle, mais il m'avait semblé important que ce soit aussi fidèle que possible aux écrits que j'avais lus. Quitte à ce que je sois malade, ce n'était pas si grave. Je sens pourtant mes joues se colorer légèrement quand il fit allusion à autre chose. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres, mais je ne relève pas vraiment pourtant. Ce n'était pas le lieu ni le moment pour ça de toute façon. Et il avait Mama Quilla et Morrigan si j'avais bien compris ce que les autres m'avaient dit à ce sujet au fil des discussions que j'avais pu avoir auprès des uns et des autres. Mais c'est vraiment auprès de Louis, enfin Taranis que j'en avais le plus appris sur le panthéon dans son ensemble. Finalement on quitte le lieu du rite pour se rendre à la cabane qui se trouve un peu plus loin pour être à l'abri du froid et de la pluie qui menaçait de tomber d'un instant à l'autre. Je réponds de la meilleure manière à ses questions, mais je ne suis pas sûre d'être d'un très grand réconfort quant aux réponses fournies, mais je ne pouvais pas lui en dire plus parce que je l'ignorais tout simplement. Si ça se trouve l'une et l'autre était de retour, mais elles restaient à l'écart, ce qui serait judicieux au vu de ce qui se passe actuellement.

Finalement on arrive et je me rends compte de la pagaille qui règne dans la pièce. Il ne semble pas m'en tenir rigueur d'ailleurs et je lui propose quelque chose à manger ou à boire après qu'il eut pris sa douche. " Je vais me débrouiller." Il quitte la pièce pour la salle de bain et dès que j'entends l'eau couler, je me dépêche de me changer pour mettre des vêtements secs et un peu plus chauds. Un jean, un pull feront l'affaire. Je pose la robe dans un coin et m'attèle donc à faire à manger. Je n'avais pas grand-chose, à part des pâtes et un restant de viande que la voisine m'avait donné la veille parce qu'elle partait et qu'elle ne voulait pas jeter de la nourriture. Et ça me sauvait la vie présentement. En attendant que l'eau chauffe, je range un peu, histoire qu'on puisse quand même s'asseoir, cela sera plus simple pour discuter. Plusieurs minutes se passent et je suis plongée dans mes pensées, il y avait tellement de choses à dire, tellement de questions à poser que je ne savais pas par où commencer. Pourtant, je sursaute quand j'entends à nouveau sa voix et me tourne vers lui, un vieux livre dans les mains. Sa voix était tellement différente de l'ancienne, mais je me reprends et reste silencieuse quelques secondes de plus, alors que je l'invite d'un geste de la main à s'assoir devant le feu de cheminée s'il en avait envie. Je pose ensuite le livre sur une pile qui menaçait se tomber à tout instant.

" Il s'en passe des choses..." Je soupire et réfléchis quelques secondes de plus avant de répondre. " Le Dieu Unique est passé à l'action, il a déclaré la guerre à tous les panthéons ou presque, ce qui entraîne ses fidèles a attaquer les sanctuaires sacrées et les morts s'accumulent." Les guerres de religions, ce n'est pas un fait nouveau, l'Histoire en était jonchée, mais cette fois, c'était différent. " Esus est quelque part en Bretagne il me semble, je crois qu'il avait dans l'idée de taper sur du Monothéiste et recruter aussi si j'ai bien suivis." Je ne savais pas quelle était la bonne réponse, mais sans doute la première au vu de son caractère. " Le panthéon est un peu éparpillé pour le moment, je ne sais pas forcément où sont tous les autres." Je crois que je n'ai pas de bonnes nouvelles, enfin tout dépendra de ce qu'il voudra savoir en fin de compte. " Zeus est mort, il a été tué par sa fille et une poignée de deicides. L'organisation est en partie dissoute il me semble, mais ils restent dangereux, autant pour vous que pour moi..." Je ricane légèrement, mais ce n'était que la vérité. Je sais qu'ils feront tout pour me mettre la main dessus et me faire regretter ma décision.

Le changement est en marche, j'avais l'impression que ma propre vie m'échappait de plus en plus au fur et à mesure que je prenais conscience de ce que j'étais destinée à devenir. Un bien étrange sentiment, mais également une sorte de réconfort. J'avais perdu tout le reste, ma mère était morte, mon argent bloqué sur divers comptes, ma réputation foulée du pied, mais au final, j'étais toujours en vie. Et je n'avais pas l'intention de mourir demain non plus. Je soupire légèrement après avoir enfilé des vêtements secs, c'était quand même plus agréable. Tombé malade n'était pas non plus dans mes plans. Mais en ce qui concerne la suite, je ne savais vraiment pas. J'avais réussi à ramener un dieu parmi les mortels et maintenant ? Le futur n'avait rien de rassurant au vu des évènements actuels. Plongée dans mes pensées, je ne l'avais pas entendue revenir et je sursaute en entendant sa voix. Encore une nouvelle chose à laquelle j'allais devoir m'habituer. " Arrêtez d'apparaître comme ça sans un bruit, je vais finir par faire une crise cardiaque !" Je souris toutefois légèrement. Il ajoute que mon confort l'importe plus que ma tenue, et je hoche légèrement la tête sans répondre.

Je commence alors à lui apprendre ce qui se passe depuis qu'il a disparu et ce n'est pas franchement joyeux. C'est même plutôt le bordel. Comme si croire en quelque chose menait forcément sur le sentier de la guerre. Et dire que pendant toutes ces années, je m'étais autoproclamée athée, me voilà devenue prêtresse d'un panthéon qui avait été oublié et mis de côté durant des siècles, si ce n'est plus. Comme quoi, une fois encore, la vie est surprenante. Mais j'eus un léger froncement de sourcils à ses dires et je secoue la tête négativement. " Je suis une traîtresse, ils n'oublierons jamais. Et je suis prête à parier que mon père doit être en train de me maudire, où qu'il soit." Bien qu'il soit mort depuis des années, j'avais mis tellement d'applications et d'énergie à lui prouver que j'étais capable de faire aussi bien que lui, que la situation actuelle me serre le coeur. Mais au fond, on ne peut pas non plus déjouer le destin et je me sens plus à l'aise dans cette cabane au milieu de la forêt de Brocéliandre, qu'au QG des Deicides. Même si je n'en donne pas l'impression actuellement." Quand au fait que je me pardonne, seul le temps nous le dira, mais je pense avoir fait le bon choix." Non, j'en suis certaine en fait.

Mais il s'approche prend ma main et m'observe. A tel point que j'avais l'impression que mes joues se teintaient de rouge et de me demander ce qu'il cherchait à faire ou à voir. Il pose ses mains sur mes tempes et je ferme les yeux, inspirant légèrement, le laissant faire et attendant que ça passe. C'était une situation bien étrange, mais il devait savoir ce qu'il faisait. C'était un dieu après tout. Mais il prend la parole et j'ouvre de nouveau les yeux, quelque peu surprise. " Une malédiction ? Mais de quoi vous parlez ?" Puis je comprends et je repense à ces rumeurs que j'avais entendu plus jeune, concernant certains ancêtres masculins qui étaient morts assez brutalement et soudainement. Il y aurait un lien ? C'était bien réel alors ? " C'est bien réel alors..." Mais je sens son regard et je garde pourtant les yeux rivés sur le sol, quelque peu intimidée par cette proximité, pourtant loin d'être désagréable. Marguerite. Ce nom me fait sourire, parce que j'avais fait des recherches sur elle. Elle était si forte, si belle aussi pour l'époque. Mais entendre ce prénom de sa bouche me fait prendre conscience que ce dernier avait connu ma famille il y a bien longtemps. " Comment était elle ? On me l'a décrite comme étant une femme de valeur, avec des principes et une force d'esprit incroyable, mais vous l'avez connue alors..." Mais savoir que ma famille est liée à d'ancienne divinités depuis des lustres, c'est juste incroyable. A quel moment est-ce que nous avons commencé a chasser les dieux que nous vénérions dans ce cas ? A quel moment les choses sont partie en vrille ?Je n'aurais jamais la réponse à cette question, mais au final, je suis revenue sur le chemin de mes ancêtres. Enfin.

Mais sa question me fait lever les yeux vers lui et je reste silencieuse quelques instants, alors que sa main est posée sur mon coeur. Comme s'il était à l'écoute. Je pouvais mentir, mais les battements de cet organe vital me trahirons. J'inspire légèrement. " Parce que c'est ici que je dois être, avec vous et les Celtes. J'ai finis par comprendre que vouloir vous tuer n'était pas la chose à faire. Et parce que c'est ma place." Moi aussi j'avais mes questions. " Pourquoi ma famille ? " Pourquoi avoir choisit les Lancaster, il devait bien y avoir une raison, une origine à tout cela, pour qu'aujourd'hui, à l'aube de cette nouvelle guerre déjà bien entamée, je sois devenue prêtresse.

Je savais que l'histoire de ma famille n'était qu'un sac de noeuds. Il y avait ce qui était écrit noir sur blanc, mais je ne savais pas si je pouvais m'y fier. Il y avait les rumeurs, les histoires qu'on raconte depuis des générations et qui sont déformées au bout du compte. Que croire alors ? J'avais fait des recherches poussées, j'étais remontée aussi loin que je pouvais, mais au final, j'étais toujours dans l'incertitude. Le passé appartient au passé, mais il est aussi formateur pour ne pas renouveler les mêmes erreurs. Je ne sais pas ce qui s'était passé au sein de ma famille, quelle faute avait pu commettre l'un des miens, mais ça n'avait pas traversé les âges, comme si c'était une honte ou une faute impardonnable. Et aujourd'hui, dernière rescapée de cette famille décimée, je devais prendre des décisions sur des bases pas du tout solides. Je doutais de plus en plus de ce que je pensais savoir. Et ce n'était pas une sensation agréable. Si je ne pouvais plus me fier à ce que m'avait enseigné mon père ou encore ma mère, alors que faire ? Ou chercher ? Parlé de mon père était à la fois source de frustration, mais aussi d'une certaine forme d'admiration. " Je ne sais pas. On a jamais réussi a communiqué lui et moi." Je soupire et n'ajoute rien de plus sur le sujet. Au fond, je ne suis qu'une petite fille qui a toujours été en quête de reconnaissance venant de lui. En vain sans doute. Je n'étais pas ce qu'il voulait, ce qu'il attendait. J'étais moi, mais je me rends compte que finalement, je commence tout juste à me découvrir. Que cette vie que je menais jusqu'alors, n'avait été rien d'autre qu'une suite de jours, plus ou moins importants, mais que tout commençait ici, dans cette forêt.

J'eus un regard surpris à ses dires et secoue légèrement la tête, sans trop comprendre ce que cela voulait dire. Sans vouloir avoir de réponses, alors que c'était précisément ce que je recherchais pour pouvoir avancer. C'était... Pire que ce que je pouvais imaginer. " Mais qu'est-ce qui c'est passé bon sang ?!" Quand il parlait de fausses croyances, il parlait du Dieu Unique ? Je ne voyais que ça, au vu de l'époque et de la montée du Christianisme. J'avais l'impression que tout s'embrouillait dans ma tête, mais j'encaisse pourtant les informations. Il me parle de mon ancêtre et je l'observe pendant qu'il le fait. Elle avait dû lui laisser un souvenir assez vif pour qu'il s'en souvienne encore aujourd'hui. Si je pouvais avoir un peu de ce qu'elle était, tout serait un peu plus facile. Le précipice devant lequel j'avais l'impression de me trouver se trouvait être un gouffre sans fin. J'inspire légèrement. " Je crois me souvenir de ce qui se disait d'elle dans la famille. Elle serait aller trop loin, je ne sais pas en quoi. J'étais petite." Mais il me semble que la famille avait été divisée pendant de longues années ensuite, avant que les griefs du passé soient oublier pour le bien commun. " Vous savez qui a lancer la malédiction ? " Evidemment. Mais j'eus un rire assez ironique avant de reprendre. " Je comprends mieux pourquoi les membres de ma famille étaient athées pour la plupart." Mais quel bordel...

Il propose de mettre un terme à la malédiction et je hoche simplement de la tête. De toute façon, je devais le faire, pas dans le sens où c'était quelque chose que je m'imposais, mais quelque chose qui devait être fait. Comme un appel pour remettre les choses en ordre. " Je vais avoir besoin de vous pour ça." Parce que je ne savais même pas par où commencer. Et puis je l'avais fais revenir parce que je sentais que c'était mon devoir, alors que n'importe qui d'autre aurait pu le faire, mais non, il fallait que ce soit moi. Je soupire et relève les yeux vers lui une nouvelle fois. " Du coup, toute l'histoire familiale, tout ce que je prends pour acquis depuis des années... Tout ça c'est faux ?" Parce que si c'est le cas, qu'est-ce que tout ça signifie pour moi ? " Qu'est-ce que vous ne me dites pas ? Je peux tout entendre, vraiment, pas la peine de me ménager." Je voulais savoir. Et je sentais qu'il ne me disais pas toute la vérité. La connait-il au moins ? Il est certainement plus au fait que moi sur toute cette histoire.

Ce nouvel éclairage sur l'histoire de ma famille, me faisait prendre conscience qu'à un moment, tout avait radicalement changé. Mais aussi compliqué que les choses aient pu être ensuite, comment en étions-nous venus à vouloir tuer des dieux ? C'est ça la question que je me posais, mais il ne semblait pas avoir la réponse et dans un sens, c'était peut-être mieux comme ça. Je ne pouvais pas réécrire le passé de ma famille après tout, même si je sais que certains s'y sont essayés au fil des siècles. Nous sommes une vieille famille anglaise, avec un passif glorieux, avec ces zones d'ombre, avec ses casseroles et c'est moi qui en portais le poids aujourd'hui. Et j'étais prête pour ça, aussi prête que je l'étais de faire renouer le nom des Lancaster avec les rites anciens des celtes. Parce que je sentais que c'était ce qu'il fallait que je fasse et que j'étais la seule à décider de toute manière. Je n'avais plus personne pour me dicter comment je devais vivre ma vie. Et au final, je me sentais bien plus à ma place aux côtés des dieux celtes que des déicides. Assez étrange comme sentiment d'ailleurs. Je sors de mes pensées quand il reprend la parole à propos de mon aïeule et je souris doucement dans un premier temps, avant que celui-ci s'estompe quelque peu. Tourner le dos aux celtes pour embrasser la cause de l'Unique était une chose étrange à mes yeux, mais censé quand on voit la suite des évènements. " Vous ne pouviez pas la sauver de toutes évidences. Ne vous en voulez pas trop, elle n'aimerait pas ça j'imagine." Je ne sais pas, mais des écris que j'avais pu parcourir, il semblerait que je n'avais pas tout à fait tort à ce sujet.

Il se rapproche et pose sa main sur ma joue et je sens la chaleur de sa paume contre ma peau. Et je me sens plus apaisée, plus tranquille. Je sais que je ne suis pas seule, je sais aussi que je me suis engagée sur un chemin dont j'ignore la destination, mais quelle importance au final ? Cela ne peut pas être pire que ce qui a déjà été fait par mes ancêtres. Si je dois définitivement être la dernière de ma lignée, alors je veux au moins remettre les choses en ordres avant. Il reprend la parole et je ris légèrement quand il me parle de la prophétie qui semblait me concerner. Il s'en souvient, mais annonce que c'était tout de même assez vague. " C'est le propre des prophétie vous savez. Annoncer quelque chose de bien précis tout en restant extrêmement vague." Je ne sais même pas comment c'est possible, mais c'était comme ça. Sa main quitte ma joue, mais je me sens toujours apaisée, les nombreux questionnements qui me tourmentaient semblaient s'être apaisés pour le moment. Il ajoute que c'est le moment, que mon destin m'appelle et je hoche légèrement la tête. " Je suis prête, je sais que je ne suis pas seule, malgré la difficulté qui se dressera sur mon chemin, mais je ne me déroberais pas à ce qui m'attends."

Je ne veux pas refaire les mêmes erreurs que mes ancêtres. Il se tait pendant quelques secondes, le regard perdu vers l'extérieur et j'en profite pour graver les traits de son visage dans ma mémoire. Savoir à quoi il ressemblait désormais pourrait très certainement m'être utile dans le futur, ne serait-ce que pour aller vers lui quand il le faudra. Il annonce devoir repartir dans le nord, sur ses terres et j'acquiesce en silence. Je suis tout de même contente que tout ce soit bien passé. Il me demande où il peut me trouver et je réfléchis quelques secondes. Il faut que je retourne à Londres récupérer quelques affaires, mais je sais d'avance que Paris s'est exclu pour le moment. " Ma mère avait une maison dans le sud de la France. A St Jean-de-Luz. Si je ne suis pas avec Meduna, c'est là-bas que je serais." Je me retourne quelques secondes, pour attraper une feuille de papier et de quoi écrire. Je note l'adresse de la maison et deux numéros  s'il a besoin de me joindre." Tenez, l'adresse et deux numéros de téléphone si vous avez besoin de moi pour une raison ou une autre." Je ne savais pas quoi dire de plus désormais. " Oh je crois que le repas va bientôt être prêt si vous avez faim." C'était le minimum que je puisse faire après tout maintenant. " Et je crois qu'il y a de la bière au frigo si vous voulez." D'ailleurs je crois qu'en boire une me ferait le plus grand bien après ce que j'ai été faire dans la forêt ces derniers jours.

Parlé de cette ancêtre qu'il avait visiblement bien connue est assez étrange, mais plaisant. Et je souris même à sa remarque dans un premier temps avant d'avoir un léger froncement de sourcil à cause de ce qu'il sous-entendait par la suite. Mais qu'importe que je lui ressemble ou pas, que j'ai la même façon de voir les choses ou de faire, nous sommes deux personnes complètement différentes. Dans deux époques radicalement opposées l'une de l'autre. Mais la comparaison est quelque peu flatteuse dans le fond. J'aurais aimé la connaître oui, mais devant l'impossibilité de la chose, je me contentais de ce qu'on pouvait bien me dire d'elle. Je trouverais sans doute plus de choses sur le domaine Lancaster, mais je doute que je puisse m'y rendre sans tomber sur des déicides, bien décider à en découdre. Si les choses se calment, j'aviserais, mais en attendant j'avais bien d'autres préoccupations.

De tout temps, des humains ont été proches à plusieurs niveaux des dieux et les prêtresses avaient toutes un certain degré de complicité avec celui ou ceux qu'elles servaient. Dans le cas présent, il fallait qu'on apprenne à bien se connaître parce que le futur était des plus incertains, il en serait de même avec les autres dieux que je rencontrerais par la suite. Et quelque part, j'avais un peu peur, mon passif allait très certainement en faire douter quelques-uns et ça sera à moi de leur prouver que je suis sincère dans cette démarche. Si sur papier ça semble simple, en réalité je n'en savais rien. Et puis je lui donne finalement une adresse et deux numéros de téléphone où il pourra me joindre si je ne suis pas avec Meduna pour une raison ou une autre. Cette maison, ma mère l'avait acheté il y a des années, sous un faux nom à l'initiative de mon père, juste au cas où il y aurait un problème et que nous devions fuir. Et c'était resté. Et ça pourrait bien être pratique. " Merci à vous d'avoir répondu à mes questions." Pas toutes, j'en ai conscience, mais assez pour que je sache à quoi m'attendre désormais. Et c'était assez réconfortant de savoir que je ne serais jamais seule sur cette voie.

Le repas se passe le plus simplement du monde et en silence majoritairement. La fatigue y était très certainement pour quelque chose, en plus de la bière qui est bue. Je commence à ranger la table et je lève la tête à ses propos. Il s'endort dans la foulée et je reste là à le regarder pendant quelques secondes. " Bonne nuit." Pourvu qu'elle soit bonne, il avait besoin de récupérer avec tout ce qui l'attendait. J'étouffe un baîllement et reprends le rangement, mettant la radio pour avoir un léger fond sonore. Et il y a une chanson que j'aime beaucoup. " The world's not ours, but faster than the rain we cut the night. We're random bullets, love, shot by some drunken God guilty only, of growing old" Je murmure pour ne pas le réveiller et une fois que tout est ranger, j'éteins la radio, ferme les lumières et vais également me coucher. Une bonne nuit de sommeil ne sera pas de trop après tout ce que j'avais dû faire ces derniers jours. Un poids s'était néanmoins ôter de mes épaules. Il était revenu, j'avais réussi. Et il dormait dans la pièce d'à côté.