Le Labyrinthe, même si je n'y avais pas personnellement mis les pieds, n'avait pas manqué de m'impacter de façon très directe, puisque la moitié de la foule présente au concert caritatif pour Marseille avait disparue littéralement sous mes yeux. La soirée du 31 avait été plutôt chargée en émotions, tandis que je devais jouer l'incompréhension totale car je me trouvais juste à côté de la tueuse de dieux la plus tristement célèbre, et pour laquelle, ô joie, mon hôte avait un méga crush. Pendant ce temps, dieux, créatures et humains se bâtaient avec les pièges du Labyrinthe, et quelque part à la surface, Poséidon se débrouillait pour ne pas totalement ruiner la réputation qu'il avait acquise suite à ses actes "héroïques" à Marseille.

Alors je n'avais été que partiellement surpris de recevoir un message de la part de ma belle-mère dans les jours qui suivirent. Comment avait-elle eu mon numéro ? J'imagine qu'Aphrodite ou Eros (ne me demandez pas comment il avait lui même fait pour l'avoir) avaient dû le lui fournir, ou peut-être Hestia, va savoir. Toujours est-il que j'avais pris le temps de réfléchir à cette invitation. Lorsque Artémis m'a rencontré, je pensais naïvement qu'elle avait été chercher de l'aide auprès de nôtre panthéon, et j'étais en colère que personne n'ait bougé le petit doigt pour l'aider. À présent, et suite à ma discussion avec Hestia, je savais qu'il n'en était rien. Ma colère était un peu retombé, et j'étais prêt, je crois, à faire un pas vers les miens. Je restais néanmoins méfiant. Cette histoire d'alliance avec les nordiques ne me plaisait absolument pas, et même si ma tante me l'avais juré haut et fort, j'avais encore de solides doutes sur le fait que Héra ait tant changée que ça, au point de devenir autre chose qu'une cocue hystérique vengeresse de mon propre point de vue. Mais je me rendais compte que moi même, j'étais capable de changer, de grandir et m'affranchir des stéréotypes qui me collaient pourtant à la peau depuis des millénaires, alors pourquoi pas elle ? Une situation de crise comme celle ci pouvait profondément affecter les gens, après tout.

Je n'avais pas dormi à Paris ce soir là. J'avais pris un airbnb en campagne, sous un faux nom, histoire de limiter au maximum le risque d'être suivi à destination le jour J. Que des paparazzis me voient me rendre dans un lieu où ne rentrait que certaines personnes, parfois identifiées publiquement comme étant les Olympiens, ce n'était certainement pas bon pour ma confidentialité, et vu ma position problématique, je ne souhaitais surtout pas que les déicides apprennent mon identité. Aussi, j'arrivais à la réunion dans une petite voiture ne payant pas de mine, une vieille Clio que j'avais racheté à un particulier pour une bouchée de pain. Elle faisait pâle figure avec le clinquant du lieu. Moi aussi d'ailleurs.

En effet, alors que je me présentais au personnel du lieu tout en élégance, je détonné avec un look des plus décontracté : un pantalon ample et confortable et un simple sweat, le tout dans des tons sombres. Il faut reconnaitre que j'avais comme réputation de faire plus complexe comme outfit, et devant son regard circonspect quant à mon identité, je ne manquais pas alors de me parer d'attraper l'un des derniers rayons du soleil déclinant avant la nuit pour en faire une flèche de lumière qui luisit doucement dans ma main. L'homme sembla satisfait de ma preuve, et m'accorda de passer, m'indiquant la pièce où je devais me rendre.

Je fus étonné d'être dans les premiers. Je n'étais pourtant pas très ponctuel. Mais force était de constater que seul deux autres dieux m'avaient précédés, puisque je suppose que la reine était présente bien avant tout le monde. Je me dirigeais donc vers ce petit groupe, et j'étais, je devais l'avouer, légèrement anxieux, car plus du tout habitué aux grosses réunions de famille.    

Je trouvais rapidement un peu de courage en croisant le regard de ma demie sœur favorite, que j'embrassais chaleureusement. Aphrodite, ma douce, tu es plus radieuse que le soleil. Me tournant vers Eros, je commençais à ouvrir la bouche, et me ravisais, parce que je ne savais tout simplement pas quoi dire. Notre dernière rencontre m'avait laissée comme un goût amer, et le voir dans cet accoutrement ... Qu'il s'estime déjà heureux que je ne lève pas les yeux au ciel, parce que bon sang, ce n'était pas l'envie qui me manquait. Je le saluait simplement d'un signe de tête, avant de souffler un bon coup et de me tourner vers celle qui présidait les lieux. Héra. fis-je, sobrement. Je ne savais pas spécialement quoi dire, ce qui ne me ressemblais pas. J'étais connu pour être fanfaron, bruyant, plein d'assurance et superficiel, pas intimidé et taciturne. Malheureusement, ma sœur ne pourra être présente, je parlerai donc en notre nom à tous deux. Si tu le veux bien, j'expliquerai les raisons de son absence quand tout le monde sera présent, car c'est en partie la raison pour laquelle j'ai accepté de venir aujourd'hui. Je n'avais pas envie de répéter l'histoire à chacun. Le reste des raisons ne concernaient que la déesse du mariage et moi. J'ignorais quand je pourrais lui parler en privé. Quoi que, si le nombre de convives étaient si restreint, c'était déjà presque le cas. Je me retournais alors pour regarder le nombre de places prévues. À ce propos ... combien de monde attendons nous ? Sommes nous nombreux à être incarnés actuellement ? Être resté aussi loin du panthéon faisait que je n'avais pas la moindre idée de quel Olympien était présent sur Terre, peut-être aurais-je quelques surprises, bonnes ou mauvaises.