Dites cheeeeeeeseeeee !

◍◍◍◍◍

Feat @Romain Papadopoulos

Je regarde l'heure sur mon ordinateur. 15H08. Mes doigts pianotent sur mon bureau dont le dessus est recouvert de marbre. Je n'aime pas attendre. Peu importe avec qui j'ai rendez-vous. Célébrité ou non, l'heure c'est l'heure. Je leur laissais encore deux minutes avant de partir. Je savais que la circulation pouvait être difficile mais il aurait du anticiper. Ce vieux con n'en avait sûrement encore fait qu'à sa tête. Heureusement qu'il avait eu du nez en m'engageant. En dehors de ce fait là, je ne comprenais pas pourquoi le chanteur continuait de travailler avec lui. Grincheux, au regard parfois lubrique, de la vieille école, son manager n'avait pas grand chose pour lui. Après son poulain avait du succès. A qui était-ce du ? Au jeune homme ou aux bons choix du vieux ? Allez savoir. Tout ce que je savais c'est que je ne l'aimais pas. Il avait été déçu quand il avait vu une jeune femme menue et frêle lors de notre premier rendez-vous. Il avait remis en question mon idée de sortir des sentiers connus de Paris alors que, justement, à peine l'avais-je évoqué. Il en fallait bien plus pour me démonter et finalement la célébrité m'avait fait confiance...Et ne l'avait pas regretté vu le succès qu'il avait rencontré. Si lui, je l'appréciais, le vieil homme, c'était une toute autre chose. Je savais qu'il allait d'ailleurs me casser les pieds quand j'allais lui exposer mon idée pour cette nouvelle séance... Et je comptais bien ne pas lui en parler afin de gagner du temps. Vu que je ne voulais plus de lui dans la boutique, nous n'aurions pas de mal à lui faire ce bébé dans le dos.

15h09, mon téléphone sonne. Le nom de ma secrétaire apparaît. J'étais tentée de ne pas décrocher mais décide de le faire à la dernière sonnerie. Je lui annonce que si Romain peut se rendre dans le studio, son manager, lui, doit retourner dans la voiture. Je raccroche sans attendre qu'elle puisse me répondre et qu'il puisse contester. Je rassemble mon matériel en prenant mon temps. Ouvrir le coffre, sortir ce dont j'ai besoin, le ranger dans ma sacoche, y glisser mes papiers d'identité, mon téléphone. Je pris dans mes bras mon manteau puis sortais de mon bureau pour aller dans l'une des salles de photographie où m'attendait le nouvel « Apollon » comme ses fans l'appelaient. Vous êtes encore en retard. lui dis-je en guise d'introduction avant de poser mes affaires sur l'une des tables. Je fouille dans une armoire et en sors un chapeau et des lunettes de soleil que je lui tends. Tiens enfiles ça. On va sortir par derrière afin que le grincheux ne nous fasse pas perdre plus de temps. Je ne lui en disais pas plus : il allait devoir me faire confiance. J'enfilais mon manteau, troquais mes talons aiguilles pour des baskets blanches, puis lui fis signe de me suivre. Nous traversions le bâtiment en passant par des petites portes et j'attendais d'être dans la ruelle étroite et nauséabonde – je devais bien le reconnaître – pour lui annoncer. Il y a une représentation improvisée d'artistes à quelques rues d'ici. Ils y expose leurs œuvres et la rue a été décorée en conséquence. Le cadre sera parfait et... Authentique. Partant Popo ? lui demandais-je en tendant ma main de manière théâtrale.  
◍◍◍◍◍

◍◍◍◍◍

Feat @Romain Papadopoulos

Je lève les yeux au ciel. S'il n'avait pas été mon gagne pain du jour, je lui aurais répondu l'une des répliques acerbes. Il avait beaucoup de chance car j'en avais viré pour moins de minutes de retard. Moins de trente minutes c'est pas un léger retard, c'est du foutage de tronche. Quand on a un vraie raison de retard, on arrive bien après. Il n'avait juste pas pris la peine de bien anticiper... Lui ou son connard de manager. Allez savoir. Mais ça, la gentille et talentueuse photographe ne peut pas le dire haut et fort. Je n'avais pas besoin de ce boulot pour vivre, non. Torben le dirait bien, c'est un simple passe temps. D'autres diraient que c'est juste un moyen d'avoir un peu d'argent de poche. Ce n'était pas faux. Disons que cela me permettait de m'évader. Je n'avais pas besoin de réfléchir pour prendre de belles photos. C'était comme instinctif chez moi et cela était... Reposant. J'avais besoin de ce job pour trouver un équilibre entre la DG que j'étais et la déicide.

Je l’entraînais à l'extérieur de mon agence. Nous avions bien mieux à faire que de lui tirer des portraits classiques. Non pas qu'il avait pas la gueule d'ange pour ça, non, mais parce que ce n'était pas ma marque de fabrique... Et pas pour cela qu'il me payait comme il le faisait. Je n'étais pas donnée parce que j'étais douée et il avait pu s'en apercevoir vu que sa précédente campagne de promo avait été un franc succès. Il se montre enthousiaste bien évidemment. Lui non plus ne devait pas avoir beaucoup d'occasions de « s'évader ». C'était la rançon du succès dirons nous. Nous débouchons dans une ruelle classique de Paris et je lui expose mon idée. Je vois bien qu'il est excité par le programme et sa manière de me répondre me le prouve. Je pouffe alors qu'il saisit ma main. Je l’entraîne aussitôt à ma suite, et nous nous mettons à marcher, main dans la main, comme un couple de touriste. Je m'arrêtais au bout de dix minutes pour sortir mon appareil et parfaire cette illusion que nous donnions. Les couples courent les rues par ici. Nous attirerons moins l'attention ainsi. Tu es acteur, je compte sur toi pour me donner le meilleur de toi même. lui dis-je sur un ton d'humour avant de lui dire, tout en marchant tranquillement. C'est justement le thème de l'exposition... L'amour. L'accroche de l'événement promet que si on s'y rend à deux, une belle et longue vie nous attends en compagnie de notre âme sœur. Attends moi là... Je lâche sa main pour entrer dans une boutique de vêtements. J'y achète deux chapeaux assortis, avant de ressortir. Je sors de ma pochette deux longues plumes de paon et les pique dans le sien et le mien. Tiens, mets celui-ci. lui ordonnais-je avant d'en mettre moi aussi un. Un parfait petit couple. La prochaine à droite est notre destination. N'essaie pas de prendre la pose. Nous allons la faire en mode reportage. Ce serait plus... Authentique et naturelle. Sauf indication contraire, ne lâche pas ma main. Le but est que tes fans aient envie que, justement, ce sont iels qui te tiennent cette main pour déambuler dans les rues de Paris en ta compagnie... Et cela fera également une bonne publicité pour ses artistes. Certains sont très talentueux mais tu le verras par toi même. N'hésites pas à t'arrêter là où tu te sens attiré. J'avais fais un peu de repérage la vielle... Et j'étais curieuse de voir ce qui, lui, allait lui parler.
◍◍◍◍◍

◍◍◍◍◍

Feat @Romain Papadopoulos

Si je n'oublies pas que je suis là pour le travail, arpenter ces rues restent agréable... Surtout que Romain est plutôt de bonne compagnie. Il a beau être célèbre, il ne se pense au dessus des « petites mains » que je suis en tant que photographe. Il ne sait pas que je suis la DG d'une énorme entreprise qui fait un carton et que, ce travail relève bien plus d'un passe-temps qu'autre chose. Quand je suis derrière l'objectif, je ne suis pas Annabella, ni Zoé la tueuse de dieu. Non. Je suis celle que j'aurais pu être si mon enfance avait été différente et plus équilibré. Je ne voulais pas renier la vie que j'avais et que je menais. Je n'étais pas peu fière de mon parcours. Mais j'avais besoin de cette pause, de cette bulle que m'apportait la photographie. Sur pas mal de points, Romain me faisait penser à Donovan. Pas étonnant que la presse se donne à cœur joie de leur prêter une romance. Si je connaissais la déicide, je me gardais bien de l'interroger à ce sujet là. Déjà, parce que cela ne me concernait pas – ils couchaient avec qui ils voulaient après tout – et parce que Zoé la photographe, n'avait aucun moyen de connaître la fille de Zeus. Officiellement, nous étions des inconnus l'une de l'autre après tout. Fais moi confiance. Les gens ne voient que ce qu'ils veulent voir. Un tel festival n'attire pas les « grands » de ce monde. Ils ne chercheront pas à te reconnaître. Et même si l'un d'eux s'attarde sur toi, il pensera que tu ressembles au célèbre Romain... Et que tu as de la chance d'avoir une sublime petite amie qui te prend en photo. ajoutais-je sur le ton de l'humour en me désignant des mains. Je n'était pas laide oui, mais je n'étais pas non plus un canon de beauté. Comparé à lui, je faisais très pâle figure, mais qu'importe. Ce n'était pas un concours après tout et je me foutais bien de mon corps. Un corps c'est un corps après tout. Et tous les goûts et les couleurs sont dans la nature non ?

Je lui explique la manière dont nous allions procéder et sa réaction me fait sourire. Il est complètement partant et enthousiaste. Son manager m'aurait mis une fin de non recevoir... Mais il n'était pas là donc il n'avait pas son mot à dire. J'avais étudié le public qui suivait Romain sur les réseaux. J'avais cerné leurs attentes et les dernières photos que nous avions faites avaient eut un succès fou. Je comptais alterner mon appareil photo pro et mon téléphone pour rendre encore plus authentique ce côté proximité que je recherchais. Je le laissais donc me guider, m'amusant de ces découvertes. Mon silencieux enclenchait, je ne le laissais pas savoir quand je le prenais en photo. Je ne voulais pas qu'il pose pour moi. Parfois je captais son visage d'en face quand il tournais la tête pour regarder autre chose ou pour me parler mais rien n'était programmé à l'avance. Il était beau au naturel. Oui un shooting classique mettait bien en avant cet aspect de lui.. Mais il le restait même sans éclairage ou maquillage. Peu importe que sa peau ne soit pas lissée, et qu'elle soit légèrement brillante. De l'authenticité, je vous l'ai dis.

Trente minutes et une centaine de cliché plus tard, je range mon appareil pour profiter à mon tour du festival. C'est à moi de l’entraîner cette fois ci jusqu'au premier stand sur lequel il s'était arrêté. Je lui achète la statuette en argile de deux êtres s'enlaçant, celle la même qu'il avait façonné sous les yeux fasciné de la star. Je la tend ensuite à l'artiste. Mon téléphone dans la main, je le laisse récupérer l'objet tout en le prenant en photo avec l'artiste qui se prête au jeu de la pose l'espace d'un instant. Je m'arrange pour qu'apparaisse son nom afin de lui faire de la pub. Ses mains valent de l'or après tout. Cela fait, je lui tends ma carte, lui propose une séance gratuite dans son atelier, avant de lui indiquer que, s'il me l'autorisait, je voudrais parler de lui sur mes réseaux. Il accepte en me remerciant chaudement, avant de nous souhaiter à nous deux « les tourtereaux » une belle journée. Je me penche vers Romain pour lui glisser à l'oreille joyeusement Tu vois, je te l'avais bien dit... Il risque de tomber des nues quand je le taguerai avec toi... Pourquoi pas, la prochaine fois, faire une séance où il t'apprend à manipuler l'argile ? Je suis sure que tes fans adoreraient te voir te salir ! Je m'écarte puis lui fais de nouveau signe de me suivre. Je m'achèterai bien un bouquet de roses en verre soufflé. Tu viens? je lui tendais de nouveau la main.


◍◍◍◍◍