No control, it's out of your hands [PV]

No control, it's out of your hands

It's okay not to be okay When you're down and you feel ashamed Feeling like your life's an illusion And lately, you're secluded Thinkin' you'll never get your chance Feeling like you got no solution It's only 'cause you're human No control, it's out of your hands

« Apollon ? Bordel, qu’est-ce que tu fous là ? » Vous vous demandez peut-être pourquoi la déesse du foyer interpellait aussi brusquement son neveu ? Revenons cinq minutes en arrière.

Depuis le début du mois de mars, la déesse du feu sacré était particulièrement prudente lorsqu’elle sortait de sa boutique/temple. Si les gréco-romains en avait théoriquement tiré une meilleure réputation des derniers événements, elle n’oubliait pas qu’elle avait pris la poudre d’escampette de toutes leurs histoires et que son amitié envers certains celtes n’avait pas été très bien accueillie. Certes, elle ne craignait rien des mortels qui ignoraient pour une grande part de leurs affaires de famille, mais parmi eux il pouvait se trouver des déicides... Sans même parler de ses frères qui  pourraient avoir envie de l’attraper pour la faire rentrer dans le rang. Ou encore des nordiques à qui l’idée de s’en prendre à elle, au vu de son refus de s’allier à leur petite bande, avait dû traverser l’esprit.. Aussi, sur les conseils de sa garde rapprochée, ses fidèles parmi les fidèles, elle cherchait à camoufler un peu son apparence. En tant qu’Hestia, le grand public connaissait ses longs cheveux roux, raides, et ses tenues sobres. Aujourd’hui comme hier, elle n’avait jamais été très ostentatoire. Pourtant, pour aller chercher une commande à une librairie à l’autre bout de Paris, elle avait ondulé ses mèches, mis des lunettes de soleil et s’était maquillée – trop à son goût. Le vice était poussé jusqu’aux talons, hauts. Fait moins anodin qu’il n’y paraissait quand on connaissait la propension de la déesse à tomber sur des sols plats. Alors avec des escarpins...

Elle manqua d’ailleurs de chuter lorsqu’au détour d’une rue, elle avait senti cette aura familière.

Apollon n’était pas son neveu préféré. Prétendre le contraire aurait été mentir : à cause de son insistance - et de celle non moins déplacée de Poséidon - elle avait juré son premier corps à la vertu puis l’avait par la suite amèrement regretté. Ceci étant dit, à l’époque, elle avait gentiment gardé ça pour elle. Son rôle avait été de maintenir leur foyer uni, à cet égard jamais elle n’avait démérité avant la mort de Zeus. Depuis la disparition de ce dernier, elle ne pensait pas avoir abandonné son poste : pour elle, il n’avait plus de raison d’exister. Héra occupait un trône que leurs frères convoitaient probablement, il ne saurait y avoir d’unité dans ces conditions.

Après avoir trébuché sans pour autant rencontrer le bitume, sous le coup de la surprise, elle s’était tout droit dirigée dans la direction de l’aura. Elle reconnut l’enveloppe, elle l’avait vu à la télévision. C’était bien Apollon de s’incarner dans une star… cette pensée faillit lui faire lever les yeux au ciel mais elle lâcha plutôt la réplique sur laquelle nous avons débuté ce récit.

D’Apollon, elle n’avait eu aucune nouvelle ces dernières années, pas même à la mort de Zeus. Autant dire que le choc se disputait à l’irritation… mais Hestia était très souvent au bord de la crise de nerf depuis quelques mois. État qui tenait autant d’un effet cocotte minute de plusieurs millénaires qu’à sa consommation excessive et régulière d’alcool. Pour elle qui n’avait jamais eu d’enfant, Zeus avait tenu lieu de fils de substitution. Sa perte l’avait ébranlée jusque dans les fondations qui la constituaient. Les humains diraient qu’elle était en dépression, sauf que les dieux n’avaient pas le droit à ce genre de faille, aussi interprétait-on plutôt son récent comportement comme de la trahison. Chose qui la laissait assez froide en réalité. Pour elle, son panthéon faisait fausse route en s’alliant aux nordiques… et sûrement que, quand tout serait fini, il serait bien temps de démêler qui avait tort de qui avait raison. En attendant, elle avait trouvé la solitude dont elle avait besoin, même si ses décisions n’étaient pas comprises. Ou pas par tous.

Elle ne retira pas ses lunettes de soleil pour que la foule ne la reconnaisse pas. Même si on l’avait entendue, il lui semblait qu’il jouait son propre rôle dans une production, au pire passerait-elle pour une fan… sauf si on découvrait qu’elle était elle-même Hestia. « Pardon, j’ai été surprise. Puisque tu es là, on peut se parler ? » Elle avait expliqué sa position à Héra, ainsi qu’à Aphrodite, mais plus sa position serait claire pour tout le monde moins elle risquait de se faire enfermée « pour son bien ». En tout cas, ça s’essayait !

Comprenez bien. Me faire appeler Apollon par une inconnue dans la rue, ça n'a rien de catastrophique, quand bien même le grand publique n'est pas censé connaitre ma véritable identité. Ce cher Romain avait eu la bonne idée d'accepter d'incarner mon rôle dans une série télévisée - un honneur en soi, pour lui. Ce qui facilitait grandement ma façon d'entretenir mon culte, jouant sur la frontière entre le personnage incarné et la vrai identité de l'artiste. Bien souvent, les fans ont tendance à enfermer une célébrité dans le rôle qui l'a fait connaitre. Et à l'instar de Miley Cirus chevauchant presque nue des boulets de démolition et Daniel complètement nu (décidément c'est une constante de se foutre à poil) à côté d'un cheval, beaucoup se doivent de casser l'image de ce personnage. Moi, j'ai pris le parti de faire tout le contraire. Je joue tellement sur ce tableau que l'identité d'Apollon est devenue indissociable de l'apparence de Romain. Ca tombe bien, d'ailleurs, puisque, et bien, je suis vraiment Apollon dans le corps de Romain.

Bref, un fan qui m'apostrophe sous mon nom divin, ça n'a rien de nouveau ni d'inquiétant. J'aurais donc tout simplement pu continuer mon chemin sans y prêter plus attention. Est-ce que c'est cette aura alors, qui m'a interpellé ? Ou la façon quasi maternelle dont l'inconnue exige de savoir pourquoi je suis là ? Toujours est-il que, cette fois, je n'ai pas ignoré l'appel, et me suis retourné. Oh, j'ai regretté tout de suite. Bon sang, j'aurais dû tracer ma route. Je veux dire, je n'ai fondamentalement rien contre Hestia. Mais notre passif est, bah, embarrassant dirons nous. Oui, j'ai essayé de séduire ma propre tante. Mais pour ma défense, son propre frère a fait la même chose. Oh, ça va ! Autre époque, autres mœurs hein ! Et puis répondre à ça en vouant son corps à la virginité éternelle, c'est quand même un peu surréagir aussi, hein. Et après on me considère comme la drama queen des Olympiens ... C'est pas ma faute si à l'époque, il n'y avait pas tant de déesse que ça à se mettre sous la dent, et que fatalement, la divinité était surtout une histoire de famille chez nous.

Malheureusement, elle avait maintenant vu que je l'avais vu. Je ne pouvais donc pas disparaitre comme ça, et j'avais vraiment pas envie de subir une esclandre en pleine rue. Surtout que de me voir, le "pseudo Apollon" en grande discussion avec la vraie Hestia - qui pensait visiblement que nous vivions dans le monde de Superman et qu'une paire de lunette allait cacher son identité efficacement - c'était pas bon pour la discrétion. Les gars, rien à craindre, enfin j'espère. C'est ma tante. Bien évidement que mes deux gardes du corps étaient au courant de mon identité divine. Comment je pourrais faire confiance pour donner leur vie à la place de la mienne à des personnes qui ne sont pas mes fidèles. Ils laissent donc la rouquine approcher, avec une délicatesse que je ne lui connaissais pas. Elle a visiblement pris cher, la gardienne du foyer, et elle a définitivement besoin de cours pour savoir marcher avec des talons. Même moi, je fais mieux que ça. Oui, j'ai eu une incarnation comme Drag Queen dans les années Stonewall, et laissez moi vous dire que je pourrais slay les drag races actuelles comme personne. Bonjour à toi aussi, tantine. Si tu pouvais éviter de hurler dans la rue et rameuter tous les paparazzis de la ville, je t'en serai gré. Mon studio est deux rues plus loin, si tu veux bien m'accompagner, on discutera loin des oreilles indiscrètes. Je lui adresse un sourire mi sarcastique mi gêné, mais mon regard voulait 100% dire "s'il te plait, tu la fermes et tu suis le mouvement, gâches pas tout."

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Hestia ne se souvenait pas s’être déjà agacée aussi vite. Ceci étant dit, quelques mois seulement auparavant, elle ne s’agaçait pas du tout, trop conciliante et trop timorée pour un tel sentiment. Le fait étant qu’elle sentit un aiguillon nerveux la tirailler dès que son neveu ouvrit la bouche, impression d’autant plus surprenante que c’était elle qui lui avait adressé la parole : à quoi s’attendait-elle ? Si, de son côté, elle avait beaucoup changé en peu de temps, ce n’était pas le cas des autres olympiens. Quoique… Héra n’était plus aussi colérique qu’autrefois (et c’est heureux!). Preuve qu’elle n’avait pas été la seule à qui ces derniers millénaires avaient appris des choses.

« Ravie de constater que tu te rappelles avoir une tante » répliqua-t-elle donc, un brin trop ironique pour quelqu’un ne l’ayant pas vue depuis – au bas mot – plusieurs décennies. Elle enleva ses lunettes noires, regrettant maintenant de s’être laissée convaincre de s’accoutrer avec des vêtements qui, s’ils lui allaient bien, ne lui ressemblaient absolument pas. Si elle avait pu prévoir qu’elle tomberait sur Apollon, elle se serait promenée en jean et en basket – non qu’elle craigne être encore l’objet de son attention, elle était juste mal à l’aise en robe et en talons.

« Tu m’excuseras mais ce n’est pas exactement comme si tu envoyais des cartes pour la nouvelle année : ma réaction était à la hauteur de ma surprise. Au vu de ton assourdissant silence, je te croyais encore dans l’éther » La déesse du foyer en voulait à sa famille de leur manque d’attention à son égard ces trois derniers millénaires – là encore, nous étions sur une estimation faible, car même au début de son histoire, son panthéon lui marchait déjà dessus. Elle qui s’incarnait presque en permanence parmi les humains parce qu’elle était le symbole de l’Olympe, de leur famille, elle avait passé la majeure partie de ces trop nombreuses années seule. Avant la mort définitive de Zeus, elle en avait pris son parti. La solitude lui pesait mais elle avait l’habitude de ne se contenter que de ce qu’elle avait, à savoir un rôle confié par son frère qu’elle se devait d’honorer.

Puis Zeus était mort. Son chagrin l’avait rongée, souffrance insupportable qui avait réveillé toutes les autres. Et si elle s’en voulait plus à elle-même qu’à sa famille pour tout ce qu’elle avait vécu, elle n’arrivait plus à faire abstraction de ce deuil qu’elle avait, pour ainsi dire, dû faire seule. Si tant est qu’il soit correct de dire qu’elle l’avait fait : en réalité, cette spécialiste du déni était plus dans une fuite en avant et n’avait pas réussi à dépasser la phase de colère qui avait suivi la mort de son frère.

N’ayant toutefois aucune envie d’avoir une conversation avec Apollon sur la place publique, elle soupira : « Allons-y ». Elle lui aurait aussi bien fait remarqué qu’elle n’était sa tantine que quand ça l’arrangeait mais bon… ce n’était pas le sujet. Elle le suivit jusqu’au studio et quand ils y furent, elle enchaîna directement sur ce qui la tracassait : « Où étais-tu passé ? Notre panthéon est devenu un champ de ruines, les autres pourraient avoir besoin de toi... ». Un deuxième soupir passa la barrière de ses lèvres. « Moi... » Elle voulait le dire car, le savait-il ? C’était loin d’être certain puisqu’il n’avait, à sa connaissance, pas repris contact avec sa famille. « Je suis partie. Je les ai quittés... » Un voile de tristesse et de vulnérabilité passa dans son regard qui ne dura qu’une fraction de secondes avant qu’un masque de dureté ne prenne sa place. « Mais c’est différent, je ne suis pas importante » Aphrodite et Héra avaient essayé de la persuader du contraire, toutefois elles n’avaient pas réussi à la convaincre. Hestia avait abandonné son trône à Dionysos, ses flammes étaient devenues un symbole plus qu’un vrai feu, et elle n’avait jamais participé à une guerre avant celle-ci. Elle ne comprenait même pas pourquoi on faisait tout un plat de son départ alors qu’elle avait si peu compté quand elle était là. Apollon en revanche était l’un des douze, il aurait dû reprendre sa place auprès d’Héra et des autres, cela semblait être dans l’ordre des choses… si tant est qu’il y en ait encore un.

Je levais les yeux au ciel. Elle était vraiment en train de me jouer la carte de la tante triste de ne pas avoir eux des nouvelles de son neveu qu'elle avait ghosté pendant au moins cinq siècles, sérieusement ? Ah bah, elle ne manquait pas de culot. Cela dit, ça, c'était nouveau. J'avais un souvenir d'une Hestia, et bien, assez transparente en fait. Quelle se permette de me faire ouvertement ce genre de reproche dénotait d'une changement avec celle qu'elle était la dernière fois que nous routes s'étaient croisée. Intéressant. Je ne pouvais cependant pas me retenir d'ironiser en attendant ses mots. "Ton assourdissant silence" dit-elle à la célébrité internationale qui laisse sous ses fans répandre publiquement l'idée qu'il est en fait un dieu. Il me semble que je ne t'ai pas vu venir à ma rencontre. Aphrodite l'a fait. Artémis aussi, au péril de sa vie. C'est quoi ton excuse ? J'ai probablement était plus piquant que je ne l'avais prévu à la base. Ouais, mais tu viens pas en m'apostrophant dans la rue sans même dire bonjour pour me reprocher de ne pas avoir fait quelque chose que tu n'as pas fais toi même. Et ce n'est pas exactement comme si nous étions les BFF de la mythologie. On n'avait, en fait, pas grand chose en commun, en dehors de cet malheureuse histoire dont elle avait fait tout un plat. Néanmoins, je l'emmène dans mon studio d'enregistrement, escorté par mes deux gardes. Heureusement, personne ne semble faire attention à nous, et c'est très rare quand cette situation me satisfait. En temps normal, je prendrais plutôt mal qu'on ne me remarque pas dans la rue.

Une fois à l'abris des oreilles étrangères et curieuse, la voilà qui recommence. Elle ne va quand même pas oser ... Si, elle ose. Où j'étais ? L'Ether, ça te parle ? C'est pas comme si on pouvait choisir de s'incarner au moment où on le désir. Mais si ça peut te rassurer, c'est la mort de Zeus qui m'a ramené. Et ne me parle pas de l'état du panthéon. Ma sœur est en cavale aucun d'entre vous n'a ne serait-ce que levé le petit doigt pour tenter de l'aider ... La seule qui ai besoin de moi, c'est elle. Cette fois, ce n'est pas un ton ironique que j'ai adopté, mais bel et bien le ton de ce qui gronde au fond de moi depuis cette soirée à Budapest. Une colère, pure et aussi brulante que le soleil. Cette colère a de multiples cibles. En premier lieu, ceux, qui qu'ils soient, à l'origine du piège qui coûte à Artémis sa liberté de mouvement et sa réputation. Mais "les miens" ne sont pas oubliés. Qu'ont-ils fait pour l'aider ? Ont-ils seulement cherchait à la retrouver ? À l'aider à disparaitre ? À laver son nom pour qu'elle ne soit pas la cible des monothéistes en plus de celle des autorités mortelles et des déicides ? Je suppose qu'ils étaient trop occupés avec leur spectacle aquatique sur la côte et leur union avec les nordiques pour s'intéresser à leur propre famille. Et ELLE, entre tous, déesse du FOYER, à l'audace de me reprocher à moi de ne pas être présent pour ceux qui ne l'ont pas été pour la seule qui compte vraiment à mes yeux ?

Je comptais d'ailleurs ne pas me priver de lui faire remarquer l'hypocrisie de ses propos, quand, sans prévenir, elle me largua littéralement une petite bombe à la figure. La déesse du foyer quitte le sien ? C'est pas banal ça. Et c'est d'autant plus culoté de sa part de me faire la moral. Cela ne fait que rajouter du bois sur le bucher de ma colère, dont les flammes consument à présent mon regard, autant au littéral qu'au figuré. Mais voilà qu'elle continue de parler - bon sang, elle parle bien plus que dans mon souvenir - et presque instantanément, ses propos font ressortir ma casquette de guérisseur, et mon ton, bien que toujours dur, se radoucit. Apollon, dieu lunatique couteau suisse à votre service. Oh non, pas de ça avec moi. Dieu de la médecine ça veut pas dire thérapeute officiel pour déesse dépressive. Joue pas la carte du "je suis pas pas importante" pour essayer de me faire culpabiliser deux secondes après m'avoir dit que tu avais quitté ta sœur. Tu sais très bien ce que tu vaux, tu l'as toujours su. Sans rire "je suis pas importante" ça n'a jamais été crédible dans la bouche d'une déesse. Je ne peux pas croire une seconde qu'elle croit vraiment à ce qu'elle vient de dire. Enfin, elle n'est pas n'importe qui, la première Olympienne, rien que ça. Qu'un divin comme elle est un problème d'estime de soi me semble tout simplement inconcevable.

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« Sans vouloir te vexer mon cher neveu, tous les acteurs se prennent pour des dieux vivants, ça ne veut pas dire pour autant qu’ils en sont tous » répliqua du tac au tac Hestia, pas du tout impressionnée par l’humeur changeante d’Apollon. Pour commencer, elle avait toujours été capable, même au temps de sa transparence, de supporter les colères de Zeus sans broncher – et n’importe quel olympien se souvenait qu’elles pouvaient être impressionnantes. Et à cela s’ajoutait un je-m’en-foutisme nouveau, très loin de sa volonté d’autrefois d’arrondir les angles pour complaire à tous. Réalisant que l’ego de son neveu n’était pas l’information importante de sa réplique, elle le fixa plus sérieusement : « Tu as vu Artémis ?! ». Il n’y avait rien d’étonnant à ce que les jumeaux se soient retrouvés, mais elle n’était pas du tout consciente – aucun dieu ne le pouvait d’ailleurs – que sa nièce fusse revenue. À moins d’être en présence physiquement d’un divin, ils n’étaient pas capable les uns et les autres de sentir leur retour parmi les vivants ou même de deviner où ils pouvaient se cacher. Quant à savoir comment Aphrodite avait compris pour Apollon, c’était une autre affaire : un goût plus prononcé pour les acteurs et leur clinquant était peut-être à mettre en cause. Bien qu’elle s’entende plutôt bien avec la déesse de l’Amour, elles étaient très différentes, c’est un fait.

« Zeus a disparu il y a des mois » objecta-t-elle à nouveau, connaissant aussi bien que les autres dieux l’éther, et ayant d’ailleurs cru avant de le croiser quelques minutes auparavant qu’Apollon s’y trouvait encore. « Quant à ta sœur, je l’aurais aidée si elle était venue me voir, mais j’ignorais son retour. J’ai été mise à l’écart donc on ne me tient pas au courant des événements... Par ailleurs, mon identité étant connue de tous, je ne suis pas étonnée qu’elle n’ait pas cherché refuge chez moi. Elle y aurait été la bienvenue toutefois je ne suis pas une déesse guerrière, elle y aurait trouvé plus de réconfort que de sécurité » Elle haussa les épaules : sa porte avait toujours été ouverte aux siens, depuis des millénaires, et sa boutique à Paris n’avait pas fait exception. Mais seuls Hadès et Héra en avait passé le seuil, personne d’autre ne lui avait rendu visite. Elle était loin d’en vouloir au premier chef à sa nièce puisqu’elle avait ses soucis et qu’il fallait reconnaître qu’aller chez sa tante qui avait pignon sur rue n’était pas l’idée du siècle… ceci étant dit, lui reprocher à elle de ne pas s’occuper des autres, alors qu’elle y avait sacrifié son existence, elle trouvait que c’était un peu fort ! Qu’attendre d’autre, néanmoins, de son rutilant neveu, ébloui par sa propre lumière ? Ne répondez pas à cette question, elle a déjà la réponse !

Pas le moins du monde décontenancée par le regard noir d’Apollon, elle sentit sa colère se dégonfler un peu et décida de se radoucir aussi. Elle ne l’avait pas abordée pour se disputer avec lui, quand bien même elle ait pris le plis ces derniers temps de réagir au quart de tour. C’est donc avec douceur et une pointe de tristesse dans la voix qu’elle dit : « Exactement, je sais ce que je vaux : je ne suis pas une des douze, j’ai abandonné mon trône il y a des millénaires » Elle soupira, passant la main dans ses cheveux roux et les secouant avec un air de profonde lassitude sur le visage. « Ton père est mort Apollon » dit-elle d’une voix qui se brisa, laissant apparaître dans ses yeux l’abysse sans fond que cette tristesse avait provoqué chez elle. « Je n’ai jamais pu avoir d’enfant alors... lui, mon petit frère, était comme un fils pour moi... Si je suis restée sagement près de mon feu pendant tous ces millénaires… c’était par amour filial » Zeus avait voulu faire d’elle une déesse de la famille alors que par la naissance elle était une flamme, une déesse du feu, et elle l’était devenue car tel était son désir. Il était son frère, son fils, son roi : il lui avait été naturel de lui obéir.

« Cela ne signifie pas que je ne vous aime plus, mais je ne suis pas d’accord avec les choix qu’Héra et Poséidon ont fait. » Si ce n'était pas la raison de son changement d'attitude, c'était bel et bien celle de son départ. Ou de sa mise à l'écart si on préférait. Elle avait refusé l'alliance avec les nordiques, qui voulaient s'en prendre à certains de ses amis celtes - et savoir si les premiers avaient raison d'en vouloir aux seconds ne l'avait jamais intéressé car elle était de ceux qui aiment et font confiance sans condition. Au registre des refus, elle ne tenait pas non plus à prendre parti pour l'un ou l'autre membre de sa fratrie pour le trône. Héra y était pour le moment, cela lui convenait d'autant mieux qu'elle avait une relation sororale plutôt bonne avec elle, mais elle doutait que sa soeur soit acceptée de tous comme l'avait été Zeus. Poséidon devait être en train de ronger son frein... même si, bien sûr, Hestia espérait se tromper.

Se mordant nerveusement la lèvre inférieure, elle poursuivit : « Cette mascarade à Marseille, par exemple, je ne peux la cautionner. J’ai dit à ma sœur que je ne pouvais pas la suivre sur cette voie, je lui ai expliqué mes raisons, bien qu’elle les ait comprises, elle m’a mise à l’écart du panthéon. Vis à vis des autres, elle y était contrainte» Nul trace d'amertume dans sa voix, elle comprenait n'avoir pas laissé le choix à Héra lorsqu'elle avait exposé sa dissidence et en acceptait les dangers. « Je suis considérée comme traîtresse et ce n’est qu’une question de temps avant que leurs amis les nordiques ne s’en prennent à moi, ou que mes frères m’enferment… Partir était ma seule option car ils ne m’écoutent pas. Quoi que je dise, ils se déchireront et suivront une voie que je juge mauvaise, toi c’est différent, ta parole a un poids. Tu es le fils de Zeus après tout » Même s’ils n’avaient jamais été proches, elle avait toujours eu en considération ses domaines de compétence – la médecine, par exemple, était un art qui suscitait son admiration – aussi lui semblait-il évident que si elle ne pouvait éviter que Poséidon, Hadès et Héra se disputent le trône ou qu’ils s’allient à des gens qu’elle jugeait nocifs, Apollon, lui le pouvait.

La seule chose vexante, c'est que tu ne sois pas capable de me reconnaitre. Je ne suis pas n'importe quel acteur qui se prend pour un dieu. Je suis littéralement le dieu des acteurs. Oui, je suis réellement vexé qu'elle ose me comparer à n'importe quel petit comédien de seconde zone. Je suis Apollon quand même, j'ai déjà brûlé des mortels pour moins que ça. Quand à son étonnement sur Artémis, je préfère ne pas répondre, car nous sommes alors toujours dans la rue, et je ne souhaite pas laisser le moindre indice à quiconque sur sa localisation ou la façon de la trouver, et dire que je la voit deux fois par mois environ rendrait sa cachette très simple à retrouver en retraçant mes trajets. C'est seulement une fois dans le studio que le ton monte et que les langues se délient.

Son retour ? C'est la meilleure. Ne te demande pas pourquoi elle n'est pas venue vers toi si tu n'es même pas capable de savoir qu'elle était là depuis des années. C'est cruel et injuste, je le sais. Si Artémis n'est pas venu vers elle, c'est parce qu'elle ne le pouvait pas, et Hestia ne pouvait pas deviner ce qui se tramait. Mais un peu de mauvaise foi ne fais pas de mal quand il s'agit de passer ses nerfs.

Néanmoins, je m'apaise quand j'entend le discours de la déesse du foyer se faire plus ... plaintif ? Comme si elle avait besoin que je lui fasse la faveur de faire quelque chose qu'elle n'avait pas l'importance de faire ? Zeus est mort. Elle balance ça comme si ça venait de sortir. You don't say ? Mais je dois dire que, outre l'horrible réalisation que les dieux n'étaient désormais plus si immortels que ça, cette nouvelle ne m'avait pas réellement bouleversé. C'est à dire que Zeus, c'était pas exactement la figure du gentil papounet. Exigeant. Cruel. Injuste. Colérique. Egoïste. Je n'avais jamais eu d'affection pour lui. Du respect, sans aucun doute. De la crainte aussi. Mais de l'amour ? Jamais. J'écoute néanmoins ce qu'elle a à me dire. SERIEUSEMENT ?! Elle joue le couplet de la meuf qui est triste de jamais pu avoir d'enfant alors qu'ELLE a CHOISIE de rester vierge, tout ça parce que j'ai été un peu lourd UNE FOIS ?! Bon sang, si toutes les femmes victimes d'harcèlement de rue devaient réagir comme elle, non seulement on aurait une chute démographique astronomique, mais les psychothérapeutes seraient les personnes les plus riches sur cette planète pour gérer leurs paradoxes existentiels.

Je comprends finalement que son argumentation / complainte est terminée. Alors je prends à mon tour la parole, parce que j'en ai, des choses à lui répondre. Fils de Zeus, oui, mais franchement, est-ce que ça a déjà voulu dire quelque chose dans notre panthéon ? Nous sommes huit de ses enfants parmi les douze, l'a tu vu écouter quelqu'un d'autre qu'Athéna parmi ses enfants ? Et penser que je pourrais avoir un impact maintenant, quand le panthéon est dirigé par ma belle-mère, qui ne m'a jamais apprécié, a essayé de tuer ma mère quand elle était encore en ceinte, et est bien connue pour offrir des destins peu joyeux aux enfants bâtards de son infidèle mari ? Non merci, je passe mon tour, je tiens encore à la vie. Je conclu avec un rire nerveux. Et quand bien même, pourquoi tu voudrais que je fasse ça ? Je ne suis pas ton porte parole, si tu as des choses à dire, dis les toi même. "Je ne suis pas l'une des douze" ... Non, effectivement, tu es la raison pour laquelle les douze ne se sont pas fait la guerre des milliers de fois. Tu es l'unité de l'Olympe, le ciment qui a retenu notre panthéon de s'effondrer tant de fois. Nous ne nous sommes jamais entendu. La seule chose qui nous a maintenu dans notre gloire, c'était toi. C'est ton départ qui signe la mort de notre famille, pas la disparition de père ou l'alliance douteuse d'Hera. Loin de moi l'idée de l'accuser, mais je suis factuel. Le nombre d'Apocalypse que le monde antique aurait pu connaitre si elle n'avait pas était là pour arrondir tous les angles ferait froid dans le dos  n'importe qui. Quand à moi, Aphrodite a déjà essayée quand elle est venue me trouver, mais je ne vois pas pourquoi je voudrais m'associer à eux. Je n'ai aucune confiance dans les nordiques, ni en Hera. Poséidon est un très mauvais acteur, et même si regagner le bassin méditerranéen est un très jolie moove, je suis persuadé que la hype pour les grecs va vite redescendre et qu'être officiellement lié à eux pourrait être plus délétère à mon culte qu'autre chose. La seule chose qui m'importe, c'est de trouver qui a piéger ma sœur, et lui faire payer le prix du sang. Pour le reste, on verra plus tard.

Il parait qu'il n'ait jamais bon qu'une incarnation d'un dieu soit animé par la colère et la vengeance. Oh, bien sûr, on pourrait se dire que la vengeance d'Apollon n'est pas si effrayante que ça. Voilà sans doute l'une des choses sur lesquels Hestia ne se trompait pas dans son discours. J'avais cette réputation d'être un dieu frivole et superficiel. Et sincèrement, j'en jouais. Mais je suis dieu de la médecine, la profession la plus valorisée pour les capacités académiques qu'elle demande. Je fu dieu des prophéties, portant le poids des connaissances passées et futures. Protecteur des artistes, tous plus torturés les un que les autres. Dieu du soleil, dont la brûlure peut s'avérer mortelle et dont il faut se protéger. C'est facile pour moi de jouer le rôle de la starlette un peu bête mais tellement charmante. C'est l'image que j'ai choisi de montrer au monde quand j'ai compris que le pouvoir se trouve dans les apparences. Peu de gens ont cherché plus loin que ce que j'affichais, et l'une des rares qui sait voir sous la surface a toujours été Hestia. J'ignore comment, mais j'ai toujours pensé qu'elle été capable de savoir mieux que nous qui nous étions, car elle était une si bonne médiatrice pendant des millénaires. La voir abandonner, alors ....

Qu'est-ce qu'il s'est vraiment passé, Hestia ? D'habitude, ce n'est pas un conflit d'opinion qui te fais lâcher le morceau. Il y a plus que ça, n'est-ce pas ? Peut-être pas, peut-être en a-t-elle tout simplement eu raz le bol, et franchement, personne ne pourrait lui en vouloir. Mais c'était sa nature divine. Il m'était toujours impossible de croire qu'elle pouvait à se point se dévaloriser et laisser derrière elle ce qu'elle avait toujours protégé. Il y avait forcément plus, j'étais persuadé de ne pas me tromper, ce qui pouvait pourtant être complètement le cas. Et j'étais sans doute incapable de concevoir que la mort de Zeus pourrait être la cause. Peut-être étais-je moi même dans le dénis de l'état actuel des croyances dans le monde, et me cacher dans ma colère et ma confiance exacerbée en moi même était ma propre fuite en avant pour ne pas me confronter à la réalité de l'effet que m'avais fait la mort de mon père, qui avait tout de même entrainé ma réincarnation. Mais on n'est pas là pour parler de moi.

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« Tu es le dieu des arts, le dieu des acteurs c’est Dyo » dit-elle d’un ton péremptoire car elle n’aimait pas trop qu’Apollon essaie de piquer les prérogatives de son meilleur ami. Elle avait toujours été plus proche du dieu du vin que de celui du soleil, elle en avait même été très amoureuse à une époque… mais il était marié à Ariane, elle avait dû en faire son deuil. Cette histoire-là aussi remontait à plusieurs millénaires. Elle avait eu le temps de se remettre. La déesse rousse restait toutefois plus blessée du silence de Dyo et de sa participation aux événements de Marseille que des actions de n’importe quel autre membre de son panthéon… Peut-être en voulait-il aux celtes plus qu’elle ne le croyait ? Mais pourquoi ? Ces questions resteraient sans réponse puisqu’il n’y avait aucune chance qu’Apollon le sache. Elle en revint donc au neveu en face d’elle : « Et puis je t’ai toujours préféré en dieu de la médecine » moins clinquant mais plus utile. Pour le coup, plus que Dyo qui était le dieu du théâtre, du vin et de la folie. Et pourtant, elle adorait boire du vin : certains diraient qu’elle flirtait avec l’alcoolisme.

« Apollon… ne fais pas ta mauvaise tête ! » le gronda-t-elle gentiment sans s’offenser, du ton qu’elle utilisait envers tout le monde sur l’Olympe, Zeus y compris, pour tenter d’y remettre de l’ordre. En vain. Au mieux parvenait-elle à leur éviter de s’entre-tuer. « Tu sais très bien qu’on ne peut pas sentir le retour des dieux à distance. Tu es en colère, je le conçois, mais nous savons tous les deux que je n’y suis pour rien » elle le concevait moins qu’elle ne le ressentait d’ailleurs. Elle aurait pu s’en inquiéter si une part d’elle n’avait pas trouvé touchant qu’il se soucie de sa sœur.

Hestia ressent ensuite qu’elle l’agace, à la mention de son absence d’enfant. Oui, forcément. Il n’avait jamais compris son vœu de chasteté. Elle aurait pu essayer de lui expliquer mais s’abstint, se doutant que cela ne mènerait à rien. C’était plus une question d’égo qu’une question de logique. Autant rester sur ce qui était vraiment important !

« J’aurais tendance à dire que ça signifie que les enfants de Zeus sont plus importants que les autres ? Et Héra est beaucoup plus douce maintenant » répondit-elle dans un désir conscient de défendre sa sœur. La jalousie de celle-ci avait occupé un tiers de son temps à l’époque de l’Olympe, rien qu’à essayer de la calmer… en général Hestia aidait les enfants, pour les mères ça avait été plus difficile. Il faut dire que Zeus semait les maîtresses plus vite encore qu’il ne lançait des éclairs ! Elle était désolée à chaque fois qu’il y avait un drame qu’elle ne parvenait pas à éviter… d’autant que, très souvent, les conquêtes de Zeus avaient été plus forcées que consentantes. Toutefois, pour Héra la fidèle, il était toujours plus facile de blâmer les femmes que son époux, frère et roi. Il avait beau craindre les colères de la déesse – Hestia le savait bien puisqu’il se réfugiait près d’elle comme un enfant pris en faute – il restait le maître, nul ne pouvait réellement contesté ses actes. Héra avait fait comme elle pouvait avec ce qu’elle ressentait à l’époque, c’était horrible mais ils avaient tous agi comme elle à l’époque : au mieux par rapport à ce qu’ils vivaient. Ceci étant dit, elle comprenait que l’aigreur d’Apollon ait survécu au temps… les immortels ont de la mémoire.

Puis il lui parla de son importance supposée. Elle se mit à faire les cent pas devant lui avec nervosité « Ne dis pas ça ! J’étais obligée de partir ! » s’emporta-t-elle, sans crier mais en montant dans les aigus « Ce n’est pas normal que notre famille repose sur quelqu’un comme moi ! J’ai passé plus de la moitié de ma vie toute seule à vous attendre ! Je… ne… peux… pas… revenir ! » elle s’arrêta pour maîtriser la crise de nerf qu’elle sentait monter et se massa les tempes yeux fermés à cet effet. Elle inspira profondément, expira, et reprit d’un ton plus maîtrisé : « On est d’accord, les nordiques c’est un mauvais plan. Mais Héra pense le contraire, elle croit que les celtes ont essayé de la tuer et elle veut se venger ». Elle soupesa ce qu’elle venait de dire et hocha la tête avec une moue mi-figue, mi-raisin : « Honnêtement, c’est pas impossible qu’ils l’aient fait… » Les celtes détestaient les grecs et, comme Apollon l’avait souligné, Héra n’était pas toujours la personne la plus mesurée du monde divin. Hestia avait eu les deux versions de l’histoire des catacombes et croyait que la vérité était quelque part au milieu car elle ne croyait pas non plus que les siens soient de gros vilains méchants.  « Je pense quand même que les nordiques les manipulent. L’inondation de Marseille, si les mortels comprennent que c’est Poséidon qui l’a provoqué ils vont se retourner contre eux mais les nordiques eux ne seront pas atteints. Héra s’est beaucoup trop exposé ! » Ce dont Apollon se moquait probablement mais Hestia était inquiète pour sa sœur, sauf que l’un des soucis de sa mise à l’écart était qu’elle ne pouvait pas l’aider… « Mais tu as raison, un problème à la fois. Si Artemis a besoin de toi, c’est la priorité » Elle était conciliante vis à vis du désir de vengeance de son neveu : elle c’était les meurtriers de son frère qu’elle comptait mettre au bûcher. Elle secoua de nouveau ses cheveux, tics nerveux qu’elle avait toujours eu.

Apollon lui demanda alors ce qui s’était passé. Il devait sentir qu’elle n’était plus tout à fait celle qu’il avait connu : bien que toujours aimante et compréhensive, elle était aussi plus nerveuse et plus sèche. Qu’est-ce qui avait changé ? Difficile à dire… un jour, après la mort de Zeus, elle avait juste réalisé qu’elle n’y arriverait plus. Que la vie qu’elle avait vécu pendant cinq millénaires n’avait aucun sens. « M’allier aux nordiques était au-dessus de mes forces. C’est tout » Pourquoi ne voulait-elle pas s’allier à eux ? C’était compliqué et elle n’était pas sûre d’avoir envie d’en parler avec son neveu. Elle n’en était pas aussi proche que d’Héra ou d’Aphrodite et, surtout, cette conversation arrivait bien après sa mise à l’écart.  Et peut-être qu’elle n’était plus aussi à l’aise d’expliquer pour qui elle avait pris cette décision maintenant qu’elle ne pouvait plus tout à fait se draper dans sa dignité. Non que ses sentiments aient changé, Hestia était d’une incroyable constance à ce niveau et capable d’une parfaite transparence, elle ne souhaitait juste plus en parler.

Ne joues pas sur les mots, tu veux ? Et la plupart des médecins ne savent même pas pourquoi ils prêtent leur serment en le jurant par mon nom, alors ne me fait pas rire. Mon fils et ses filles m'ont bien volé la vedette sur ce plan là. Je réponds, sur un ton amer. Elle me préfère quelque chose qui n'ai pas vraiment mien. Faites le test. Tapez "dieu de la médecine" sur Google. Allez-y, je vous attend. Alors ? Et oui. Mon fils, Asclépios, et ses filles, Hygie et Panacée. Respectivement, dieu de la médecine, et déesses de la santé et de la médecine curative. En gros, les médecins, l'hygiène et la pharmacie. De mon côté, c'est un abus de langage de me considérer comme dieu de la médecine. Je suis plutôt un dieu du soin, patron des guérisseurs. Si on devait me trouver dans un hôpital, je serais plutôt infirmier que médecin. Ce qui peut-être ironique si on considère que le serment d'Hippocrate fais d'abord appel à moi avant mes descendants.

Parfois, les détours d'une conversation viennent me rappeler que, cruellement, je n'ai rien de si incroyable que ça. Le dieu de la médecine ? Non, c'est mon fils. Le dieu des arts ? Pas vraiment, je suis plutôt le protecteur des muses, mais les arts sont quand même dispatchés à d'autres. Le dieu du soleil ? Tout simplement parce que Helios a été renversé par mon père et qu'il fallait quelqu'un pour reprendre le char du soleil. Le dieu du tir à l'arc ? Partagé avec ma sœur, à qui ont donne bien plus cet attribut qu'à moi. Le dieu des prophéties ? Super, je ne l'étais plus maintenant. Il me restait quoi pour moi ? Le dieu de la beauté masculine et de la lumière ? Tu m'étonnes que mon image dans l'inconscient collectif soit celle d'un gars superficiel et egocentrique. De quoi me foutre le cafard, et me faire rire jaune quand Hestia sous entend que je suis un dieu important, plus qu'elle. Tu parles. Tu mets un plante touchée par Midas à ma place au conseil de l'Olympe et personne ne voit la différence. C'est ça, je suis un ficus en or massif. Beau, certes, mais relativement inutile.

Ou simplement que les enfants de Zeus sont plus nombreux que les autres parce qu'il n'a jamais été fidèle à Héra, et que comme c'est lui qui a prit la tête des Olympiens, il y a placé ses enfants pour s'assurer de se faire obéir en tant que père et se donner cette aura d'importance. Je répond, toujours amer. Non, les enfants de Zeus ne sont pas plus importants que les autres. C'est juste une question d'influence et de politique. Berceau de la démocratie parait-il, et sans doute des politiciens véreux. Désolé, je sais que tu aimais ton frère, mais soyons honnête, il n'a jamais été un bon père pour moi. Je rajoute, afin qu'elle comprenne pourquoi je reste tellement pragmatique. Et, sérieux ? Héra et douce, c'est deux mots qui ne vont pas du tout ensemble. Je lâche un petit rire, plus nerveux qu'autre chose. Allez donc dire à Héraclès que Héra est une déesse douce tient. Lui qu'elle a littéralement rendu fou et fait assassiner femme et enfants.

Bien sûr que c'est normal que la famille repose sur toi. Tu es l'aînée, et de loin la plus sage, la seule assez humble pour céder ton trône sans hésiter, parce qu'à l'époque, tu savais que ta vrai force n'était pas dans une position dans un conseil aussi stupide qu'inutile. Tu as étais la première à voir plus loin quand nous n'étions que des imbéciles aveuglés par notre ego, pensant que notre règne durerait toujours et que nous étions intouchables. La preuve, elle est celle qui a sût apaiser ma colère aussi rapidement qu'elle était montée. Et trouver les mots justes pour calmer mes propos assez injustes sur leur absence de soutien à Artémis.

Ainsi donc, c'est bien les nordiques qui sont derrière ça. Je n'en étais pas certain, je l'avais simplement déduis, mais les propos de la déesse du foyer me confirment que c'est donc bien Poséidon qui a inondé Marseille, et que c'est une idée des nordiques. Bien sûr, un fois que les mortels se seront remis de leurs émotions, il ne leur faudra pas longtemps pour faire le lien. Et si ils ne le font pas tout seuls, tu peux être sûr que les monothéistes les aideront à le faire. J'ai rencontré Lucifer il y a quelques temps, et il n'était pas très heureux que nous ayons revendiqué le bassin méditerranéen. Ce n'est qu'une question de temps avant que cette affaire ne nous retombe dessus. Et ce n'est pas pour m'arranger. Je réfléchissais à l'idée de me révéler pour placer ma sœur sous ma protection, mais le timing n'était décidément pas bon pour ça. Mais oui, elle est et reste ma priorité numéro un.

J'opine quand la rouquine élude ma question. Je comprends, elle ne veut pas en parler. Je n'en suis pas ombragé. Nous n'avons jamais été proche. Ou bien il n'y a peut-être rien de plus à dire. Je n'ai personnellement jamais rencontré les nordiques. Pour autant, j'ai déjà du mal à faire confiance à certains membres de ma famille, alors je ne suis pas certain de pouvoir l'accorder à quelqu'un d'un autre panthéon. Surtout un panthéon dont l'un des dieux principaux est celui de la malice. Si Héra et Poséidon sont incapables de voir le red flag ... Ou bien, y-a-t-il plus en jeu que ce que je peux savoir. Mais dans ce cas, et bien, il faudrait que j'apprenne tout avant d'accepter de me rallier aux norois. Et à moins que Héra m'explique ce qu'elle a derrière la tête ...  

No control, it's out of your hands

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Elle ressentait l’amertume de son neveu et, pour un peu, aurait été tentée de lui faire un câlin pour le consoler. Mais cela faisait plusieurs millénaires qu’elle évitait les contacts physiques rapprochés avec les membres masculins de sa famille aussi n’en fit-elle rien. À la place, elle se contenta de poser une main sur la joue du dieu du soleil et de lui sourire d’un air maternel : « Et toi, ne te dénigres pas, tu veux ? Non seulement cela ne te ressemble pas, mais en plus c’est tout à fait faux. Asclépios, Hygie et Panacée ne sont dieux des médecins que parce qu’ils sont tes descendants, c’est de toi qu’ils tiennent ce pouvoir. J’ai toujours été très fière de vous pour toutes les avancées médicales que vous avez inspirées ». Contrairement à plusieurs enfants de Zeus, Apollon avait eu une mère, aussi avait-elle eu l’impression – au moins à l’époque – qu’il n’avait pas besoin de ses encouragements. Elle réalisait que cela avait peut-être été un tort car il paraissait maintenant souffrir de sa propre superficialité. Était-ce à cause de sa perte de puissance ? Ils n’étaient plus, tous, les dieux d’autrefois. Ceux qui avaient beaucoup de domaines de compétence, comme Apollon, avaient parfois perdu un pan entier de leurs pouvoirs. À moins que ce ne soit de vivre parmi les hommes qui avait fait naître en lui un doute ? L’empathie ne lui permettant pas de répondre à cette question, Hestia caressa la joue de son neveu du pouce avec tendresse et retira sa main.

Le ton de leur conversation resta assez amer. Logique lorsqu’il était question de Zeus… « C’est possible... » reconnut-elle prudemment. Il était difficile de nier que l’ego subsistant chez ses enfants venait de leur père : Zeus était très orgueilleux et veillait à asseoir son pouvoir de façon à ce qu’il reste sans conteste. Puis, elle soupira profondément : « Je sais… il n’a jamais été un très bon frère non plus en réalité ». Par amour, elle lui avait toujours tout pardonné. Beaucoup trop conciliante avec ce benjamin ombrageux, elle s’était retrouvée à n’être qu’à lui, à sa disposition éternelle. Tous les olympiens avaient de grosses carences affectives, elle comme les autres, cependant Zeus était sûrement l’un des seuls qui ait aussi eu un excès de confiance car il était trop aimé. Héra en était folle amoureuse et Hestia le considérait comme son fils, même Déméter en avait été proche. À l’époque, l’aînée pensait que cela compensait les relations difficiles entre les trois frères, mais peut-être en avaient-elles trop fait… Zeus n’avait jamais appris à gérer les refus, il était tout puissant et entendait être obéi : rien de bon ne pouvait sortir d’une hiérarchie familiale aussi stricte.

Concernant Héra, en revanche, la déesse du foyer se montra plus ferme : « Je comprends tes griefs à son encontre mais elle a vraiment changé, comme nous tous d’ailleurs ». Apollon devait bien se rendre compte que malgré une certaine constance dans son comportement – son côté maternel et affectueux – sa tante avait aussi changé. Du point de vue de celle-ci, cela concernait tous les dieux : des millénaires avaient passé et le monde autour n’était plus le même, ils avaient évolué eux aussi. Ils n’avaient pas eu le choix…

Hestia, elle, était tellement différente qu’elle en avait claqué la porte au nez de son panthéon. L’image était plus violente que les faits, car sa conversation du mois de janvier avec Héra avait été parfaitement civilisée, mais la déesse ne doutait pas que sa famille l’ait vécu ainsi. Son départ était une sorte de mini-séisme. Bien qu’elle en fusse désolée, elle avait l’intention de ne jamais revenir… et c’est en ça que les paroles d’Apollon la perturbait car, jusqu’ici, elle s’était faite à l’idée que les olympiens devaient être contrariés mais qu’elle ne leur manquerait pas tant que ça. Après tout, ils vivaient sans elle depuis toujours ! Se sentant à la marge, son départ lui paraissait un moindre mal. Chose que remettait en question les belles paroles de son neveu.

« Que je sois l’aînée n’a jamais eu aucune importance, je suis la plus faible de ma fratrie » protesta-t-elle faiblement, sachant qu’elle était devenue faible à force de renoncer plus qu’en raison de ce qu’elle était au départ. Déesse du feu, elle était devenue déesse de la famille et sa flamme s’était amoindrie au profit d’autres capacités qui, en dépit de leur utilité, paraissaient bien faibles au regard des accomplissements des autres enfants de Chronos. « Il est vrai que je n’ai jamais couru après la gloire ou les honneurs… mais à quoi bon être lucide si personne ne m’écoute ? Et puis… » Elle hésita et finit par hausser les épaules : « Je ne suis pas certaine que mon comportement récent ait été  sage… j’en avais tellement marre d’être celle que tu décris… ». Le départ de son panthéon obéissait à une part de réflexion : elle croyait en toute sincérité que s’allier aux nordiques était une mauvaise idée et que rester avec les siens l’empêcherait de mettre la main sur les déicides qui avaient tué son frère. Mais à côté, il y avait aussi eu une part beaucoup plus instinctive et sentimentale : elle étouffait, elle avait besoin d’air, elle ne voulait pas que Teutatès meurt…

Ils revinrent à un sujet d’actualité : Marseille. « Je n’ai pas de certitude à ce sujet, c’est leur absence lors de l’événement qui m’a interrogé. Pourquoi refuser un tel coup de com’ alors qu’ils sont alliés à Héra ? » Agacée par la seule pensée de cette histoire, elle passe la main dans ses cheveux et les secoue à nouveau pour leur donner un volume dont ils n’ont pas besoin – elle avait été coiffée par une de ses prêtresses et était, à ce titre, impeccable. « Non mais… en plus… si les mortels réfléchissent plus de trente secondes… Comment Esus aurait-il pu faire monter les eaux ? Ce n’est un dieu des océans ! » Elle n’avait pas vérifié mais elle était presque certaine qu’une petite recherche sur internet suffirait pour qu’un humain le découvre. Pour le moment, ils étaient tous dans l’émotion... quand cela finirait par passer, ils auraient des ennuis. Poséidon et Héra, surtout, qui s’étaient exposés. « Quant aux autres panthéons, de toute façon, nous sommes sûrement l’une des anciennes religions les plus connues, nous sommes forcément dans leur ligne de mire » Elle aurait bien demandé à Apollon comment il avait pu rencontrer Lucifer mais considéra que cela ne la regardait pas. Elle côtoyait bien des celtes, son neveu pouvait donc papoter avec des monothéistes, ils n’étaient tous plus à ça près !

Apollon n’insistant pas au sujet de ses raisons de partir, elle laisse refluer la vague de panique qui l’avait prise. Puis, elle reprend : « Que veux-tu faire Apollon ? Si cela n’implique pas de trahir mes engagements, je t’aiderais à protéger ta sœur. J’ai reconstruit mon culte, j’ai un réseau important maintenant… Héra t’aiderait aussi je pense, et elle a plus de ressources étant notre reine, mais si tu restes réticent à aller la voir, Artémis et toi pourrez compter sur moi ». Bien que son adresse soit trouvable très facilement, elle ouvre son sac et sort une carte de visite avec son numéro personnel. « Tiens, prends ça au cas où tu aurais besoin de me joindre. Appeler au temple serait moins discret » expliqua-t-elle avant d’ajouter : « Certains de mes alliés sont des celtes, je ne les vois pas souvent mais à moins d’une urgence il serait plus prudent de me prévenir avant de venir – si vous venez, juste pour vous éviter de les croiser ». Avec sa chance, la seule fois où un celte viendrait la voir chez elle, ce serait quand ses neveux y seraient aussi, et cela virerait au pugilat. Apprendre à ne pas compter sur sa chance faisait parti des leçons de ces derniers mois.

Ma colère laisse place à l'amertume, et elle saisi immédiatement la nuance. Je suis surpris de la réaction qu'elle a alors. Le contact de sa main sur ma joue a quelque chose de rassurant. C'est chaud et doux, tendre, et, oui, maternel. Un instant, j'ai un flash de ma mère, Leto, m'accueillant dans sa villa, à Delphes, comme si j'étais le plus grand héro que la terre ait portée. J'aurais déplacé des montagnes pour ma mère. Ce souvenir, et les mots de la déesse, m'apaise. J'approche ma main de la sienne, comme pour mieux sentir ce contact, sans la toucher toutefois. Je souris. Tu vois ? C'est exactement pour ça qu'on a toujours eu besoin de toi. Mon ton c'est adoucis, et c'est à regret que je sens sa main se retirer. Elle ose me soutenir qu'elle est inutile, mais sincèrement, je crois qu'aucune autre déesse ne pourrais avoir su transformer ainsi ma colère de la façon dont elle l'a fait. Et même si l'évocation de mon père reste amer dans ma bouche, elle n'invoque plus la même rage. Au contraire, c'est même une certaine tristesse qui point. Alors je suppose que je peux la croire quand elle me parle d'Héra, même si j'ai bien du mal à me figurer la déesse "douce". Si tu dis vrai ... j'imagine que je dois au moins lui laisser une chance de discuter. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs, j'y réfléchirai, et c'est déjà bien.

Personne ? Je viens pourtant de t'écouter, et par Hadès, tu sais à quel point ça peut-être compliqué de me faire taire par moment. Je lâche un rire franc, conscient que j'ai parfois tendance à me lancer dans des monologues assez imbuvables. Mais comme tu l'as dis, on change tous. Je crois que cette fois, les choses sont différentes pour moi. Je me suis incarné dans le corps d'un garçon célèbre, mais pas non plus une icone planétaire. Et surtout, il avait la réputation d'être très simple, humble et gentil. Lorsque je dois jouer son rôle en publique, et bien, je me dis que finalement, c'est pas si mal de ne pas se focaliser que sur la gloire et les paillettes. D'être un peu moins ce qu'on a toujours attendu de moi que j'incarne, et un peu plus ... je ne sais pas ... moi même ? Parce que soyons honnête deux minutes. Le gars est à la fois un artiste de talent, la beauté incarnée, un médecin et littéralement le soleil et la lumière. Un dieu courageux, généreux ... Vous imaginez une seconde le poids à porter quand on vous attribue littéralement la perfection aux yeux des mortels ? Alors bien entendu, il avait fallu contrebalancer avec mes multiples histoires de cœurs foireuses (pas merci Eros) et surtout ce côté ultra superficiel et egocentrique, histoire d'apprendre aux enfants à toujours se méfier des gens trop parfaits, qu'ils cachaient la plupart du temps un petit con narcissique plus intéressé par lui même que par les autres. J'ai incarné cette idée bien des fois, surtout parce que c'est ce qu'on attendait de moi. Ou ce que je pensais qu'on attendait en tout cas. Est-ce que la mort de Zeus m'avait libéré en quelque sorte de ce besoin désespéré de vouloir lui plaire, d'être la version la plus parfaite du rôle qu'il m'avait attribué, pour gagner son attention, sa fierté, son amour ? C'était possible, et si vous connaissez un bon psychothérapeute pour dieu en plein développement personnel, n'hésitez pas à me donner l'adresse. En attendant, mes pensées s'étaient comme, échappées toutes seules, face à la déesse du foyer. Mon regard, qui était parti dans le vague, se reporte alors sur elle. Un feu n'est pas moins dangereux parce qu'il est maitrisé. Au contraire, c'est souvent les flammes qu'on pensait avoir apprivoisé qui font le plus de dégâts. Ma façon à moi de lui dire de ne pas se sous estimer.

Et j'apprends alors que je ne me suis pas trompé. Toute cette histoire à Marseille n'est qu'une vaste blague, et plus j'en apprend, moins je crois au bien fondé de cette idée. Les grecs contre le reste du monde ? C'est un peu cliché, non ? j'ironise. Mais c'est vrai que le comportement des nordiques est étrange, les arguments d'Hestia se tiennent. Alors quand elle me demande ce que je compte faire, je suis pris de court. Sincèrement ? Je l'ignore. Je veux découvrir qui a piégé Artémis. C'est ma priorité. Je ne peux accepter qu'on touche à ma moitié et qu'on l'oblige à se cacher comme une vulgaire criminelle. Mais toute cette histoire à Marseille est préoccupante. Tu sais, j'envisagé de me révéler bientôt, de placer officiellement ma sœur sous ma protection, mais toute cette situation change la donne. Si je me révèle maintenant, on m'associera forcément à Poséidon et Héra, et je devrais prendre officiellement position, comme tu l'as fais, pour ou contre eux. Mais pour le moment, je ne peux pas assumer les conséquences d'une telle décision. J'imagine que je vais attendre de voir ce qu'il se passe. Parfois, se précipiter n'est pas une bonne idée. Je saisie la carte qu'elle me tend. Merci. Promis, j'appellerai. Et soudain, je réalise à quel point elle est prête à m'aider, et à quel point cette conversation à cœur ouvert m'a soulagé d'un poids que j'ignorais porter jusque là. Bon, qui va me valoir des nuits blanches d'introspection, mais c'est un autre problème. Je ne sais pas si elle est consciente de tout ce qu'elle vient de faire, mais elle n'en été clairement pas obligée. Surtout avec ce que je lui avais fait subir. Je prends une grande inspiration, parce que je m'apprête à faire un exercice très difficile dont je n'ai absolument pas l'habitude. Ecoute, je sais que j'ai facilement cinq millénaires de retard, mais ... je suis désolé d'avoir été un parfait goujat. Je ne m'attend pas à ce que tu me pardonnes aussi facilement, mais je suis sincère. Je réalise bien trop tard à quel point tu nous a toujours été indispensable, et que mon comportement était inacceptable. Oui, mesdames et messieurs, Apollon qui s'excuse sincèrement de quelque chose qu'il a fait, c'est une première en plus de cinq mille ans d'existence. Comme quoi, les dieux peuvent vraiment changer.  

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Hestia répond au sourire de son neveu mais son expression est mâtinée d’une certaine mélancolie : « Peut-être… mais tu sais comme moi que cela n’empêchera pas certains membres de notre famille de me vouloir du mal » Poséidon pour commencer, peut-être Hadès aussi même si elle voyait plus son frère l’enfermer que la blesser, et quelques autres. Pourtant, comme Apollon, ils étaient tous sensibles à sa présence chaleureuse et maternelle. Elle était leur panthéon, leur foyer, leur symbole. Mais il y en avait parmi les olympiens qui n’avaient pas inventé l’eau chaude et qui, tout bien pesé, n’étaient probablement pas de l’équipe de l’eau froide non plus.

Héra, au moins, avait pris le temps de l’écouter. Et même si elle ne pouvait pas approuver ses décisions – parce qu’elle pensait très sincèrement que les celtes avaient essayé de la tuer pour commencer – au moins les respectait-elle. Sa sœur cadette avait compris qu’Hestia étouffait et était malheureuse, au point d’être auto-destructrice, et même si cela ne permettait pas de réconcilier leurs deux opinions, la déesse du foyer avait été soulagée par cette conversation. Mais malgré son tempérament volcanique, Héra avait toujours été plus intelligente que certains autres membres de leur famille. C’est pour cette raison que son aînée pensait qu’elle ferait une bonne reine. « Ce serait bien, oui. Et puis, ça ne t’engage à rien, surtout si ton but est de protéger ta sœur : Héra n’a pas de raison de s’y opposer » L’heure n’était plus aux vieilles jalousies à l’encontre des enfants de son mari. Zeus n’était plus, Héra devait unifier. Sans celle qui les avait toujours uni, mais en même temps Hestia pensait que se reposer toujours sur elle pour apaiser les tensions les avait empêché d’apprendre tous à vivre ensemble en bonne intelligence. La preuve, Apollon ne savait pas que sa belle-mère était plus patiente maintenant.

Aux paroles suivantes de son neveu, elle secoue légèrement la tête, faisant voler quelques mèches rousses. Hestia avait toujours eu cette couleur de cheveux, quelque soit son véhicule. Elle avait pu avoir les yeux bleus, verts, gris, être grande ou petite, plus ou moins gâtée par la nature… mais elle était toujours rousse. Et ses cheveux qui faisaient parti d’elle suivaient ses mouvements comme le faisaient ses flammes… en cet instant, ils montraient toute l’étendue de ses doutes, cachant pourtant en partie le visage de la déesse qui baissait le menton. « Tu as pu parfois éviter les conversations qui ne te plaisaient pas, mais tu es plus intelligent que certains de tes demi-frères et sœurs Apollon, et beaucoup moins buté que d’autres » Si en le croisant elle s’était dit qu’elle devait lui parler, c’était parce qu’elle savait qu’un dialogue serait possible. Un peu gêné aux entournures peut-être, parce qu’ils avaient ce vieux passif dont lui aimait se moquer et qui, elle, la faisait encore parfois souffrir – les conséquences plus que le passif lui-même. Mais elle le savait en capacité de comprendre ce qui se tramait. En tant que déesse tutélaire de leur foyer, elle les connaissait tous par cœur et pouvait prédire qui l’écouterait de qui ne le ferait pas. Apollon pouvait écouter : n’était-il pas, après tout, l’ancien dieu des prophéties ? Il fallait bien les entendre pour les distribuer !

Elle releva les yeux pour répondre à la suite de sa remarque, qui ne concernait plus sa capacité à elle à se faire entendre, mais uniquement lui. Hestia avait toujours été plus à l’aise pour parler des autres. « Nous étions tous figés dans les rôles qu’on nous avait donné… que mon frère nous avait donné. Je ne crois pas qu’il l’ait fait sciemment, mais nous étions tous enfermés dans une certaine vision du monde. Héra la femme jalouse, moi la mère virginale… et toi qui cherchais la lumière alors que tu la créais. Même si je reviendrais en arrière sans hésiter si cela pouvait le faire revenir, nous avons au moins tirer de sa disparition cette liberté de pouvoir choisir qui nous sommes » dans une certaine mesure, évidemment, puisqu’ils étaient en réalité l’incarnation du désir des êtres humains. Elle, par exemple, serait toujours une figure maternelle, un feu rassurant, mais maintenant elle pouvait choisir la manière de l’être. De la même façon, Apollon pouvait être aimé et admiré sans pour autant virer au narcissisme. Hestia croyait sincèrement qu’ils puissent tous devenir meilleurs, l’ennui c’est qu’ils le feraient séparés par la guerre.

À la mention des flammes apprivoisées qui pouvaient être dangereuses, elle sourit en coin. Si Apollon savait tout ce qu’elle avait fait ces derniers mois… il était clair qu’elle n’était plus une petite flammèche docile. Mais mieux valait ne pas se lancer sur ce terrain, aussi ne répondit-elle pas. Ils avaient d’autres sujets sur le feu de bien plus importants. « Cliché mais sûrement vrai. Même en admettant que cette alliance de circonstance avec les nordiques ne tourne pas au vinaigre, lorsqu’ils auront vaincus les celtes et tous ceux qui se mettront sur leur passage, que se passera-t-il ? Ils se partageront le monde gentiment ? Je n’y crois pas du tout. Quand tu réunis au même endroit des dieux avides de pouvoir, ils finissent forcément par s’entre-tuer » Ce n’était pas à cause de ça qu’elle avait préféré l’alliance païenne proposée par Teutatès. Au demeurant, cette dernière avait elle aussi des failles, comme celle qui faisait que la moitié des celtes ne l’acceptait pas parce qu’elle était grecque. Mais elle trouvait sa famille bien naïve – et c’était très ironique vu son tempérament – de ne pas envisager que le problème aille bien au-delà des celtes. Au final, c’étaient tous les panthéons qui étaient en guerre pour la foi des hommes et il n’y avait pas d’alliance viable dans ces conditions… encore moins avec des religions telle que les Monothéistes en face.

Mais ce n’étaient pas là, maintenant, qu’ils régleraient ce type de question, aussi Hestia en revint à des considérations plus pragmatiques et donna son numéro à son neveu. « Aider ta sœur est la priorité mais il n’est pas forcément nécessaire de vous révéler pour ça, au contraire le faire est devenu très dangereux » Pas tant à cause de Marseille mais parce que cela pourrait attirer les déicides. Elle avait révélé son identité exprès à cet effet, c’était un risque assumé de sa part qu’elle ne tenait pas à ce que ses neveux prennent à leur tour. « Le mieux pour elle est de se fondre parmi les humains. C’est encore là qu’elle sera la plus en sécurité : en dehors de nous qui sommes sa famille, personne ne pourra savoir qu’elle est Artémis si elle ne le révèle pas » Entre dieux, ils pouvaient se sentir, mais pas définir précisément leurs identités sauf s’ils se connaissaient bien. Et bien que les dieux soient désormais nombreux à fouler le sol français, ils restaient bien moins nombreux que les mortels insensibles à l’aura divine.

Elle lui sourit à nouveau lorsqu’il dit qu’il appellerait. Elle ne savait pas si il le ferait mais s’il devait, comme Nyx et elle, se la jouer en solo, mieux valait qu’il puisse la joindre. C’était plus rassurant – même s’il avait dit réfléchir à reprendre contact avec Héra, visiblement il faudrait que l’idée fasse son chemin avant qu’il ne retrouve celui du panthéon. Arrivèrent alors des excuses qu’honnêtement elle n’attendait plus. Il faut dire que les faits dataient de temps quasiment oubliés. Hestia en resta muette de stupeur quelques secondes avant de retrouver sa voix : « Non… enfin je veux dire… bien sûr que je te pardonne » Elle avait sincèrement pensé ne jamais le faire, tout simplement parce qu’il ne le lui demanderait pas. « Je l’avais mal vécu, tu le sais… mais tu n’étais pas seul en tort, Poséidon aussi était trop insistant » et qu’ils soient deux, ça avait été trop pour elle qui était particulièrement pudique et timorée à cette époque. Elle l’était toujours, mais beaucoup moins, car il s’était passé bien des siècles depuis. « Je tiens d’ailleurs à préciser que le problème ne venait pas de toi, je sais que tu es charmant et plein de qualités, c’est juste que… pour moi qui vous ai vu dès votre naissance, vous étiez mes tout petits... Je vous aimais mais j’étais incapable de vous désirer » Or, ce n’était pas de son affection qu’ils voulaient tous les deux. Elle avait été très mal à l’aise, et d’autant plus malheureuse que Zeus n’avait accepté de la protéger de leurs ardeurs qu’en échange d’un serment. Elle n’avait pas pensé le regretter à l’époque - les hommes lui faisant peur - puis Dyo’, ce neveu qu’elle n’avait pas vu grandir, était arrivé sur l’Olympe… et elle n’avait plus eu que ses yeux pour pleurer. Une amertume profonde était née de ce chagrin d’amour, seulement, ça aussi c’était du passé. Apollon était sincère dans ses excuses, elle pouvait le sentir grâce à son pouvoir d’empathie, et de son côté elle savait que maintenant elle ne lui en voudrait plus pour cette histoire… elle continuerait d’exister, avec ses conséquences, mais elle ne ternirait plus sa relation avec son neveu. Qui aurait cru qu’en venant lui parler dans la rue, ils en arriveraient à se parler ainsi à cœur ouvert ? Sûrement était-ce la preuve de ce qu’elle avançait plus tôt : ils avaient changé. « Tout va bien maintenant, je m’en suis remise. Même dans mon rapport aux hommes, je ne suis plus aussi craintive. Ça a pris du temps, beaucoup de temps à dire vrai, mais j’ai réussi à laisser tout ça derrière moi » L’empressement d’Apollon et Poséidon, son amour malheureux pour Dyo’ et leur amitié devenue étrangement fragile depuis quelques mois, tout…

Je ne peux que hocher la tête pour assentir à ce que la déesse du foyer énonce, et qui sonne comme une vérité difficilement réfutable. Bien des nôtres ont l'esprit obtus et sont incapable de saisir la différence fondamentale entre sécession et trahison. Une réalité pour Hestia, à laquelle je serais peut-être moi même obligé de me confronter, si mes choix futurs me menaient sur le même chemin qu'elle. Après tout, j'avais toujours été un bon soldat de mon père. Mes pairs seraient-ils capables de comprendre qu'on puisse désirer être plus que ça ? Est-ce qu'un dieu pouvait, à leurs yeux, désirer évoluer après des millénaires de stagnation ? D'après ma tante, Héra semblait, à se yeux, en être capable. J'avais envie de lui faire confiance sur ce point. Alors oui, peut-être que je verrais pour reprendre contact avec elle. Quand je me sentirais prêt, à moins que les événements à venir ne m'y pousse plus tôt que prévu.

On me donne beaucoup de qualificatif. Mais qu'on me considère comme un dieu intelligent, c'est ma foi, assez rare. Alors le compliment me touche, et comme je sais très bien réagir à la flatterie et à l'adoration mais bien moins à une marque d'appréciation sincère, qui touche juste là où sont mes insécurités, la meilleur réaction que je trouve est encore d'accepter tout en reportant la responsabilité sur autre chose. Ecrire poésie et musique implique toujours une certaine introspection, j'imagine que ça fait partie de mon essence de savoir m'ouvrir à la vision des autres. Si c'est mon essence, c'est que ce n'est pas vraiment conscient, je n'ai pas le choix d'être comme ça, n'est-ce pas ? Ou bien l'ai-je gagné, ce choix, en prenant conscience que je pouvais être autre chose que ce qu'on attendait de moi. Pourquoi, en bon petit soldat Olympiens, n'avais-je pas été moi même présenter ma fidélité à Héra directement après mon incarnation ? Pourquoi est-ce que je n'étais toujours pas convaincu que je le ferais ? C'est donc ça, le fameux libre arbitre pour lequel les mortels prétendent se battre ? Finalement, je crois que je comprends un peu plus leur point de vue. Qui somme nous pour leur imposer un monde qui leur appartient bien plus qu'à nous ? Elle était peut-être là, la réponse. Pour la première fois en de nombreux millénaires, j'avais le choix d'incarner ce que je voulais incarner. Bien entendu, je ne deviendrai pas une divinité de la nuit ou de la mort. Je resterai un dieu solaire, incarnant la vie. Mais j'avais pour la première fois quartier libre sur la façon de l'être. Et peut-être que d'aller me soumettre à l'autorité de ma belle mère juste après être finalement libéré de celle de mon père n'était pas quelque chose qui me faisait envie. Etrange comme c'est seulement maintenant que je me rendais compte que ma position avait toujours été bien plus proche de celle d'un humain que ce que je pouvais imaginer. J'étais littéralement dévoué à mon père, prêt à être ce qu'il voulait que je sois, en me cachant derrière l'idée que c'était ce que moi je voulais. Je ne pouvais donc pas être d'accord avec Hestia. À présent que je comprenais, je ne reviendrai pour rien au monde en arrière.

Mais la question était purement hypothétique. Car le passé été le passé, et l'ancien dieu de prophéties que j'étais savais qu'il était vain de vouloir le réécrire. En revanche, le futur était à portée de nos mains, et comprenais son lot de questions à répondre et de décisions à prendre.
Je suis entièrement d'accord avec toi. Mais même si je parle à Héra, et même si elle accorde plus crédit à mes propos qu'aux tiens, comme tu le penses, ce dont je doute personnellement, comment faire pour s'en sortir ? Briser l'alliance avec les nordiques mènera à la guerre contre ces derniers. La respecter mènera à la guerre contre les celtes. Peu importe les choix faits, cela mènera toujours à une guerre entre les dieux païens. Et les monothéistes n'auront qu'à regarder le spectacle et venir achever les derniers survivants. Comment tous ont ils pu ainsi se fourvoyer et ne pas voir qui été le vrai ennemi ? Mon incarnation actuelle est encore récente, alors j'ai du mal à comprendre comment les choses ont pu évoluer de cette façon. Est-ce que j'aurais pu avoir un impact sur les chose si j'étais arrivé plus tôt, où si je m'étais intéressé à mon panthéon quand Aphrodite est venue à ma rencontre, plutôt que de me concentrer uniquement sur mon culte ? N'avais-je pas finalement confirmé les clichés sur ma personne en étant profondément égoïste. Et puis la conversation me rappel que dans le fond, pas vraiment, car je ne me suis pas occupé que de moi, mais également de la situation de ma sœur. De quoi apaiser un peu la culpabilité que je commence à sentir poindre. Malheureusement, son enveloppe humaine est recherchée par les autorités humaines, les déicides et les monothéistes. Elle est celle qu'on accuse du vol du Graal, un piège dont on ne connait pas l'instigateur. Elle doit vivre cachée, loin de la nature, et sa souffrance et la pire chose que je puisse imaginer. Finalement sans doute la part la plus désintéressée de moi même, celle qui liée à ma moitié, ma jumelle. Elle a toujours été la meilleure chose chez moi.

Me voilà pourtant soudain capable de faire des excuses sincères pour la première fois de ma longue existence. Comme quoi. Je ne savais pas à quoi m'attendre. À vrai dire, j'aurais compris qu'Hestia me rie au nez et me dise que je ne manquais pas de culot d'oser demander ainsi son pardon. Pourtant, sa réponse parviens à me surprendre, quand elle en vient à me rassurer sur les raisons de son refus de l'époque. Comme si c'était à elle de se justifier et de me dire que franchement, si elle m'avait pas vu dans mes langes, ça aurait été différent. Je pouffe légèrement. J'imagine mal ce que les humains peuvent penser des relations au sein de notre panthéon. Vu de leur prisme, tout ça doit être bien immoral. Mais l'ichor divin n'a pas d'ADN. Pas de risque de consanguinité, alors ce tabou humain, logique en terme de survie de l'espèce, n'en a jamais été un chez nous. Nous ne sommes une famille que d'un point de vue spirituel en réalité, en confirme des naissances aussi métaphoriques que celles d'Athéna ou Aphrodite. Sans ce tabou, il n'est alors que question d'amour et de désir, sans chercher ce qui est moral de ce qui ne l'est pas. Une vision que j'aurais plus de mal à défendre aujourd'hui, après avoir partagé autant d'incarnations parmi les mortels, bien que j'ai conscience que cela vienne aussi en grande partie des valeurs judéo-chrétiennes, encore ces satanés monothéistes prêts à tout pour pervertir le souvenir de nos mythes. Je suis heureux d'apprendre que tu vas mieux ... En réalité, je le vois maintenant. Même si tu es persuadée, à tord, de ne pas être importante dans ton propre panthéon, tu dégages quelque chose de nouveau. De puissance ? Ou plutôt, de confiance, en fait. En tout cas, c'est l'impression que toute cette discussion me laissait, sans doute la plus longue discussion que j'ai eu avec un membre de ma famille en dehors de ma sœur depuis plusieurs siècles, et sans conteste la plus longue discussion que j'ai pu avoir avec la déesse du foyer depuis toujours.

No control, it's out of your hands

It's okay not to be okay When you're down and you feel ashamed Feeling like your life's an illusion And lately, you're secluded Thinkin' you'll never get your chance Feeling like you got no solution It's only 'cause you're human No control, it's out of your hands

« Tu n’es pas juste capable d’introspection, tu comprends le monde pour l’avoir vu. Je t’ai souvent envié cette liberté de mouvement » Rester coincée au coin de son feu n’avait rien eu de bien folichon. Si Hestia se sentait plus en sécurité lorsqu’elle était chez elle, près de ses flammes, elle rêvait parfois de grands espaces, de passer un moment parmi les humains, à vivre avec eux plutôt que dans un espace-temps parallèle au leur. De la chute de l’Olympe, elle aurait au moins obtenu ça, mais le manque d’habitude avait rendu ses premiers temps au milieux des mortels très compliqués. Si elle avait mieux vécu, comme Apollon, elle aurait eu moins de mal à s’adapter. « Tu es nourri de toutes tes expériences, elles t’ont enrichi, et c’est quelque chose de merveilleux » ajouta-t-elle avec un sourire sincère. Elle était un peu désolée de découvrir seulement maintenant le manque de confiance en lui de son neveu. Tout ce qu’elle lui disait, elle le pensait depuis longtemps, et peut-être aurait-il eu besoin de l’entendre. En raison de leur passif, Hestia avait l’impression d’avoir négligé son neveu – ce qui n’était ni tout à fait vrai, ni tout à fait faux car les situations d’autrefois n’étaient pas comparables à ce qu’elles étaient devenues – elle s’en sentait un peu coupable. Quoi qu’on pense d’elle depuis son départ, elle avait toujours eu le sens des responsabilités et ce n’était pas prêt de changer.

« On peut être des dieux sans s’imposer. Moi je me vois plutôt comme un soutien, un guide. C’est ce que j’essaie d’être pour mes fidèles en tout cas » Et jusqu’ici, aucun ne s’était plaint. Son culte grandissait même tranquillement. Il était assez circoncis à Paris et ses alentours mais vu la taille de sa boutique, ce n’était pas plus mal pour le moment. Elle verrait à s’agrandir quand elle aurait trouvé le courage de déménager…

Apollon posa ensuite la question des alliances. Sa tante hocha la tête en un signe discret pour montrer qu’elle était d’accord avec tout ce qu’il disait. « Je ne vais pas te mentir : je préférerais que nos ennemis soient les nordiques, ma vie n’en serait que plus simple » Mais cela semblait de moins en moins probable au fil des semaines. Il suffisait de voir ce qui s’était passé à Marseille, les grecs essayant de faire porter le chapeau aux celtes… « Mais cela n’arrivera pas, plus maintenant, avec Marseille, notre famille a été trop loin dans la félonie. Les celtes ne leur pardonneront jamais. Tout ce qu’ils peuvent encore faire c’est limiter les dégâts vis à vis des autres menaces, s’y préparer, et là je pense autant aux Monothéistes qu’aux déicides. La vraie bonne idée aurait été que toutes les religions païennes s’allient mais ils sont beaucoup trop aigris pour l’accepter… et c’est une alliée des celtes qui te le dit » Pas de tous les celtes à vrai dire, justement à cause de vieilles rancunes pour des guerres auxquelles elle n’avait même pas participé. C’est qu’elle en avait entendu des vertes et des pas mûres à la réunion de l’alliance païenne… heureusement qu’elle avait les nerfs solides !

« Elle ne peut pas se cacher dans une forêt ? Genre… cabane au fond des bois ? » proposa Hestia qui se doutait bien que sa nièce ne devait pas beaucoup aimé être enfermée loin de la nature. Ce serait comme si, elle, on la privait de ses flammes. Il lui manquerait une partie d’elle.

La conversation prend ensuite un tour surprenant avec des excuses qu’à dire vrai elle n’attendait plus. Elle avait fait son deuil voilà longtemps de cette situation, et savait qu’à l’époque c’était elle qui n’était pas comme les autres olympiens et leurs mœurs légères. Sa pudeur, sa réserve, étaient inhabituelles. Elle s’en voulait souvent de n’avoir pas su être plus ferme dans son refus, d’avoir été se cacher auprès de Zeus qui lui avait arraché ce serment. Ce n’était même pas la faute de son frère, il avait réellement cru qu’elle voulait se préserver, pour un tel séducteur toute autre raison n’était même pas envisageable ! « Oui, mais nous sommes des dieux, c’est différent d’eux. Je ne critique pas notre famille pour ses mœurs, même si je ne les partage pas, ou presque pas disons » Car elle avait quand même eu des sentiments pour Dionysos, même si pendant très longtemps elle avait fait l’autruche à ce sujet. Son départ du panthéon lui avait permis de prendre aussi du recul vis à vis de cette histoire, d’accepter que n’avoir jamais pu être avec l’être aimé ne voulait pas dire qu’elle devait faire comme si elle n’avait pas aimé… encore qu’elle se disait ça en tête à tête avec elle-même, voire de temps en temps en discutant avec d’autres, mais elle refuserait d’avoir une conversation à ce sujet avec le principal intéressé.

Apollon lui certifia ensuite que cela se voyait qu’elle allait mieux. Elle lui sourit alors, rayonnante : « N’est-ce pas ? Je regrette d’avouer que me sentir libérée a aussi mis en évidence certains mauvais côtés de mon caractère, mais j’ai l’impression que c’est la première fois que je peux… je ne sais pas… respirer peut-être ? Un peu comme si à vouloir toujours être parfaite, je m’étais un peu perdue en chemin et que, là, je me retrouvais » Puis, jugeant que c’était une précision importante : « Mais je tiens toujours à ma famille : c’est plus difficile avec ma mise à l’écart, mais tant que cela ne trahit pas mes alliances, je serai toujours là pour vous quand même » Elle ne voulait pas qu’Apollon croit qu’elle se sentait libérée au point de les oublier, c’était beaucoup plus subtil que ça. Après des millénaires à rester au coin de son feu, elle essayait maintenant d’être leur tante, leur sœur, leur amie, sans pour autant se faire passer toujours en second. C’est pour cette raison qu’elle avait refusé l’alliance avec les nordiques, et elle était sûre qu’agir ainsi était bien plus sain que d’encore étouffer ses véritables désirs ce qu’elle fait encore en réalité mais pas dans le même domaine.

C'est vrai, je reconnais que c'est une chance. fis-je, assez laconiquement. Je ne me voyais pas lui expliquer que je n'avais eu guerre le choix, en tant qu'entité solaire, de parcours le monde, même lorsque je souhaitais simplement un peu de repos, un peu de stabilité, et qu'à son instar, j'avais parfois envié le confort de ne pas avoir à quitter son foyer. On désir toujours ce que l'on n'a pas, inutile donc de s'appesantir là dessus. Peut-être pourtant était-ce cette stabilité qui aujourd'hui me faisait défaut, me donner le sentiment de ne pas être à la hauteur car toute ma vie j'avais toujours dû faire mes preuves. C'est bien la première fois que je l'admettais devant quelqu'un. Parfois, le soleil n'était pas si brillant que ça.

Une preuve que tu as compris bien plus de choses que moi, ou bien plus tôt en tout cas. Moi même je ne me considérais pas du tout comme un guide. À vrai dire, mes interactions avec mes fidèles étaient à l'image de ce qu'était mon culte : des relations parasociales, l'adoration de fans envers une célébrité. Quelque chose d'assez peu concret, et encore moins constructif. Une partie de ceux qui m'appelaient Apollon le faisait parce que c'était la mode, pas par véritable croyance, et même les fidèles étaient loin de savoir qui j'étais en réalité, il ne voyait qu'en moi une star divinisée. La rançon de la célébrité, je suppose.

J'appris ensuite une information très importante : les alliances liés par Héra et Hestia. Loin de tous, je n'avais rien su de tout ça. Comme ma tante, je n'étais pas particulièrement embalé par l'alliance avec les nordiques, comprenant mieux pourquoi elle voulait que je parle à ma belle mère. J'apprenais également qu'elle avait donc rejoint les celtes. Je n'en étais pas très satisfait, mais je me retins de tout commentaire. Je n'avais pas à interférer dans sa décision. Une alliance païenne ? C'est d'un idéalisme fou, mais je dois reconnaitre que c'est probablement la seule chance qu'on aurait pu avoir. L'histoire nous a déjà montré que séparément, les monothéistes avaient pu prendre le dessus sur chacun de nos panthéons, alors même que nos cultes étaient bien plus importants qu'aujourd'hui. Malheureusement, nous avons sans doute tous trop d'ego pour accepter de s'allier face à un ennemi commun. Une idée folle, irréalisable, et c'était bien regrettable, car je savais parfaitement qu'il serrait impossible pour nous de vaincre seul les monothéistes. Peut-être était-ce la raison de l'alliance avec les nordiques, en plus de la douleur de perdre les leaders de nos panthéons respectifs, mais tout de même, une alliance globale aurait permis une force de frappe non négligeable.

Nous abordions alors le sujet de ma sœur. Bien entendu, j'avais songé à organiser son transfert dans la nature. Malheureusement, ce serait beaucoup trop dangereux. Elle n'a pas eut le choix, elle a dû fuir Istanbul rapidement et s'est retrouvée bloquée à Budapest. Elle a pris d'énormes risques pour me prévenir, son visage est probablement sur le haut de la liste d'Interpol. Si elle sort, on lui tombera dessus, et va savoir si certains déicides ne seront pas dans le lot ... Et si par malheur quelqu'un avait identifié son essence divine, il irait la recherche dans la nature, pas en pleine ville. Sa souffrance l'a protégé en la dissimulant aux yeux du monde.

Après avoir présenté pour la première fois de mon existence des excuses sincères, je me retrouvais à rigoler sur le côté incongru de cette éventuelle relation avec un regard moderne. Autre époque, autres mœurs. L'emprunte de la mémoire de mes derniers véhicules fait qu'aujourd'hui, je ne pourrai plus imaginer pareil relation. Ne te méprends pas, tu reste magnifique, mais ... tu es ma tante. Je devais bien admettre que j'étais plus influencé par mes incarnations que je ne le souhaiterais. Au final, vu l'effet que Romain avait sur moi, peut-être n'était-ce pas une si mauvaise chose. Je crois que je commence à comprendre ce que tu peux ressentir. Grace à toi en fait. La liberté de changer, d'évoluer, le droit d'être qui on souhaite être. Oui, je sentais que cette discussion avait libéré ma poitrine d'un poids.

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Hestia sent que son neveu est partagé lorsqu’il lui répond mais elle ne relève pas. Elle a conscience que d’un certain point de vue, sa position avait quelque chose de confortable elle aussi. Après tout, on ne lui demandait jamais de prendre parti du temps de l’Olympe, elle ne vivait jamais aucun drame en apparence et Zeus était bien plus affectueux avec elle qu’avec certains de ses propres enfants. Sûrement qu’au bout de quelques millénaires, parcourir le monde était aussi lassant que rester au coin du feu. Et elle use d’empathie depuis assez longtemps pour savoir que chaque expérience est subjective et est ressentie différemment selon la personne. Y compris un dieu.

« Quelqu’un m’a dit que nous étions ce que les humains font de nous. Bon, il disait ça pour illustrer un argument fallacieux mais sur cette partie, il a sûrement raison. Ce n’est pas tant que j’ai compris quelque chose, c’est plutôt que c’est le rôle que j’ai toujours eu : puisque je suis une figure maternelle, on m’a naturellement attribué une fonction de guide. J’ai juste eu à suivre le mouvement » Elle ne disait pas ça pour se dénigrer, elle voulait simplement souligner que contrairement à beaucoup de dieux de leur époque, elle avait toujours eu un rôle différent des autres. Chaque maison possédait un autel à sa personne, à contrario ses temples étaient moins luxueux que ceux d’autres olympiens. Pour les mortels, elle était une déesse familière à qui on confiait des soucis quotidiens, comme on le ferait avec une mère… ou un guide spirituel. Ainsi, elle n’avait aucun mérite, là où les dieux qui commençaient à entrevoir les changements en avaient à ses yeux bien plus. Le monde avait changé, et elle y était étrangement bien adaptée. Peut-être plus qu’à l’époque antique où une déesse douce et empathique faisait pâle figure face aux exploits tonitruants du reste de sa famille !

« Exactement, l’égo de chacun nous détruira tous… sans parler de cette tendance à être rancunier pour des trucs qui ont eu lieu il y a des millénaires ! Ça n’a aucune chance de marcher. Mais j’avais envie d’y croire, et puis de toute façon je ne pouvais pas m’allier aux nordiques alors… disons que je n’avais pas grand-chose à perdre à essayer » Et peut-être que Teutatès finirait quand même par atteindre son but. Hestia avait pas mal de doutes à ce sujet, surtout vu le trouble qui habitait son ami lors de leur dernière entrevue… mais qui sait ? Peut-être que son voyage lui aurait fait du bien. Elle, qu’il soit loin, ça l’aidait en tout cas. Ce n’était pas très charitable et néanmoins vrai : il était plus facile d’ignorer des sentiments pour un être absent que présent !

« Hum… et je suppose que la chirurgie esthétique n’est pas une option envisageable ? » Changer de véhicule signifiait mourir et aller faire un tour dans l’éther, c’était un peu trop désagréable pour être envisagé. Mais la modernité offrait d’autres recours pour modifier son apparence. Ceci étant dit, aucune n’était très naturelle. Hestia voyait mal Artémis se faire refaire…

Ensuite, Hestia sourit, amusée et peut-être un brin ironique. Si elle voyait toujours Apollon comme un enfant, force était d’admettre qu’il n’en était pas ainsi pour tous ses neveux. Mais elle ignorait ce qu’Apollon savait ou avait compris de sa relation avec Dionysos et ce n’était pas elle qui en parlerait : après tout ce temps, à quoi bon ? D’autant que ce n’était pas le sujet de fond. « Et bien, ça n’aura pris que quelques millénaires, mais nous sommes enfin sur la même longueur d’onde ! » Elle rit brièvement avant de redevenir sérieuse bien que toujours souriante : « Je t’en prie, je suis contente si cette conversation t’a été utile. Elle l’est pour moi aussi tu sais, déjà parce que ce n’est pas toujours facile d’être une déesse de la famille mise à l’écart. Je ne peux pas revenir, je ne pourrai probablement jamais, mais vous me manquez » Elle prit une profonde inspiration et avec un voile de tristesse admit : « C’est un peu triste de ne pas pouvoir tout avoir ». C’était toutefois le lot de tous, humains comme divins.

Encore une fois, je trouve que la déesse du foyer se montre bien modeste. Peut-être qu'être si humble n'est pas compatible avec ma façon d'être. Après tout, même si nous changeons, si elle a raison, je suis toujours le reflet de ce qu'on imagine de moi. Je reste le soleil, la lumière, la beauté ... Un ego fortement développé est sans doute quelque chose qui me poursuivra jusque dans ma dernière incarnation (puisse-t-elle ne jamais arriver). Mais aujourd'hui, je comprends que je ne suis pas obligé de subir ces traits de caractère. Je peux les modeler, pour m'améliorer. Il y a une différence entre suivre le mouvement, et devenir l'une des meilleures dans son domaine. Regarde, tu es même une guide pour les autres divinités, c'est loin d'être peu de chose ! Je fais avec le sourire, mais finalement plutôt sérieux, vu la réflexion qu'elle a sût m'amener.

Et les remises en question ne s'arrêtent pas là. Je comprends mieux à présent pourquoi tu veux que je parle à Héra. Je te promets d'essayer. Mais je ne te garantis pas le résultat, ni même qu'elle acceptera de m'écouter. Tu sembles croire qu'elle a changée, j'espère que tu as raison, car la Héra que je connais ne voudrait pas entendre une traitre mot de ce que je pourrais avoir à lui dire. Mais le temps n'est peut-être plus aux vieilles rancœurs, alors je vais me faire violence et tâcher de pardonner ses erreurs. La guerre fait trop rage autour de nous pour qu'elle soit également intestine, il en va de notre survie ... La situation doit vraiment être désespérée pour que j'accepte l'idée de pardonner à celle qui a mené un harcèlement en bon et dû forme sur ma mère durant sa grossesse et l'a empêché d'accoucher dans de bonnes conditions, uniquement par jalousie. Pas très #metoo de passer ses nerfs sur la concubine plutôt que sur le fautif adultère. Mais bon, autre époque, autre mœurs, encore une fois. Et oui, la situation était, de toute façon, réellement désespérée.

Et pas que d'un point de vue guerre des panthéons. Bien que la situation y soit liée, c'était quelque chose de plus personnel qui me perturbait le plus, car elle touchait la personne la plus chère à mon cœur. Franchement, je pense qu'elle se ferait un manteau de la peau du moindre chirurgien esthétique qui aurait l'audace de l'approcher avec un bistouri dans l'idée de dénaturaliser son être ... L'idée en elle même me fit sourire, mais bien que la potentialité de voir Artémis en Cruella De Vil version peau humaine soit aussi glauque qu'amusante, cela relevait surtout du côté insoluble du problème de ma sœur. J'avais beau me retourner les méninges, je ne voyais pas comment faire pour l'aider, du moins, je devais me résoudre à l'idée que je n'y parviendrai pas seul.

Finalement, la discussion se porta sur notre passé commun, et mes excuses firent lever la chappe de plomb des non-dits, au point que soudain, nous soyons capable d'en plaisanter. Mieux vaux tard que jamais, n'est-ce pas ? fis-je avec un clin d'œil, soulignant l'exploit que nos personnalités sur le papier assez opposées finissent enfin par s'accorder. Sache qu'en ce qui me concerne, tu ne seras jamais une ennemie, et si l'envie te prends de venir discuter, surtout n'hésites pas. Elle était ma famille, et je ne pouvais nier que cet échange avait éveillé une tendresse toute particulière à son égard, presque filiale. J'aurais volontiers continué à discuter avec Hestia pendant des heures, mais la sonnerie de mon téléphone se fit retentir, celle que j'avais assignée à Bob, mon manager, petit-être aigrie et bougonnant qui allait me faire passer un sale quart d'heure si je ne répondais pas, dieu ou pas dieu. Je vais devoir te laisser, mon manager est en train de faire une crise de nerf parce qu'on prend du retard sur le planning de l'enregistrement de l'album. Fais attention en sortant, mes fans savent je ne sais comment tout de mon planning et il n'est pas exclu qu'un groupe attende devant l'entrée. Si tu peux, utilises plutôt la sortie de secours. Je lui montrais rapidement quelle porte emprunter avant de me diriger moi même de l'autre côté pour rejoindre la partie commune du studio, où j'étais attendu. Au dernier moment, je m'arrêtais et me retournais vers ma tante. Merci ... pour cette discussion. Je ne sais pas si tu réalises l'impact que tu viens d'avoir sur moi. Je ne sais pas si je le réalise vraiment moi-même, pour le moment. Mais parole d'un ancien dieu des prophéties : il y aura un avant et un après aujourd'hui dans ma vie. Et sur un sourire sincère, je partais cette fois-ci pour de bon. Le devoir, ou plutôt Bob, m'appel ailleurs.