Revenir en Pologne c'était comme revenir chez moi. Je me sentais si à l'aise sur ces terres et plus encore maintenant que je suis une oupyr. J'avais toujours cette fierté patriotique, même si au final, ça n'avait plus réellement de sens. Je suis une enfant de la nuit, je suis chez moi à peu près partout désormais, du moins la nuit et c'est déjà pas si mal. J'avais pas mal de choses à voir ici avant de retourner à Istanbul et faire un rapport plus ou moins détaillé à Keyra. Elle voulait étendre son empire et je voulais reprendre ma place, c'était gagnant pour nous deux quelque part. Et puis, je savais parfaitement ce que je faisais, l'avantage d'avoir déjà eu mon business sur place lors de mon vivant. Mais cela ne me rendait pas trop confiante non plus. Même si je suis plus dangereuse pour les trafiquants qu'ils ne le sont pour moi, je fais profil bas, je reste le plus possible dans l'ombre. Je ne veux pas mourir maintenant, quoi qu'on puisse en dire, je veux continuer d'apprendre à connaître ce monde, à l'apprivoiser. J'ai soif de nouvelles aventures, nouvelles connaissances. La curiosité que je pourrais sans doute assouvir avec le temps. Je peux vivre encore de très longues années, voir des siècles si je suis suffisamment prudente.

J'étais en train d'attendre quelqu'un lorsqu'une scène assez curieuse se passa sous les yeux, de l'autre côté de la rue. Une jeune femme, asiatique à première vue qui semblait parler toute seule. Rien d'extraordinaire à ça. Et ça a le mérite de me faire sourire quelques secondes. Il n'y avait que nous dans la rue et je m'avance de quelques pas, peut-être qu'elle fera un bon repas, même si je n'avais pas spécialement faim sur le moment. Sauf que je ressens quelque chose, je sens qu'elle n'est pas humaine. Ce truc, je l'ai ressenti lors de la réunion avec les grecs et les nordiques. Lorsque j'étais en présence de dieux. Mais je ne sens pas d'hostilité à son égard. De toute façon, il serait ridicule d'attaquer des dieux, j'avais bien compris qu'ils m'étaient supérieurs en matière de pouvoirs. Je comptais retourner dans l'ombre, mais il semblerait qu'elle m'ait vu. J'eus un léger sourire et traverse la rue, les mains dans les poches et l'air aussi inoffensive que possible. " Non, je ne pense pas." Je ne sais pas quel goût ça a le sang d'un dieu ou d'une déesse, mais je ne suis pas spécialement pressée de le savoir. " Mais vous allez bien ? Il me semble que vous parliez... Toute seule ?" Assez étrange en effet, mais pas impossible. Il y a les fous qui parlent tout seuls, mais pas seulement. Cette aura divine, je la ressentais plus clairement maintenant, mais je ne dis pas un mot à ce sujet. " Vous êtes perdue ?" Il est si facile de jouer à la pauvre humaine inquiète quand on sait comment s'y prendre. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir la duper, mais qu'importe. En tous cas, je n'ai pas l'impression d'avoir à faire avec une déesse slave, elle n'avait pas le profil. Panthéon hindou ou japonais ? Telle est la question.

Elle répond qu'elle va bien et j'eus un sourire. Je suis un loup déguisé en agneau, mais je sens cette aura en face de moi et je sais que je dois rester sur mes gardes. On m'a dit de me méfier des dieux en général et je n'ai pas réellement de raison de douter de cette mise en garde. Les seuls que j'ai pu voir ou croiser sont ceux que j'ai vus pendant la réunion avec les grecs et les nordiques et j'ai été quelque peu impressionnée. Si cette mise en garde était de mise, ce n'était pas pour rien. Pourtant, je me rapproche d'elle, avec l'air le moins menaçant possible sur le visage et dans mon attitude en général. On verra combien de temps ça va durer. Elle ajoute que j'ai dû mal voir et je hoche la tête. " C'est bien possible. J'étais de l'autre côté de la rue et on ne peut pas dire que ce soit très bien éclairé." Ce qui est vrai. Je lui laisse donc le bénéfice du doute, même si je sais ce que j'ai entendu. Mon réveil en tant que vampire avait décuplé mes sens, mais pas assez pour entendre plus que des bribes de voix la concernant. Il y a des avantages à être une vampire. Mais je reste prudente, quelque peu sur mes gardes, même si je n'en ai pas l'air. Elle par contre, à sa posture, je peux m'en rendre compte, elle n'a pas l'air si sereine que ça.

Elle ajoute qu'elle séjourne dans l'hôtel qui se trouve derrière nous et je pose les yeux sur le bâtiment quelques secondes. Un hôtel classique, ni trop bas de gamme, ni même hôtel de luxe. Une personne lambda en quelque sorte. Mais je suis réellement surprise quand elle me demande si je ne suis pas en danger. Je hausse un sourcil, intrigué par cette question et elle ajoute que j'ai une odeur de mort. Je me retiens de justesse de sourire et à la place, je laisse une grimace se dessiner sur mes traits. " Je ne crois pas." Je la regarde alors quelques secondes avant de me retourner et scruter les ténèbres et l'obscurité. Je suis le chasseur, c'est normal que je pue la mort, parce que je suis morte et je suis revenue. Différente, assoiffée de sang avec un penchant pour la violence. " Vous pensez que je puisse être en danger ? Qu'est-ce qui vous fais croire une telle chose ?" Je me retourne vers elle et est prononcer ces mots avec une petite voix, comme apeurée sans trop savoir pourquoi. Je suis douée pour jouer ce rôle, cela me sert parfois quand je chasse, surtout auprès des hommes.

Mais là, le but était tout autre. Je ne pouvais pas me révéler en tant qu'oupyr au premier dieu venu. Johannes me l'avait expliqué et cette guerre entre panthéons pouvait être dangereuse pour moi. Et maintenant que je l'avais vue parler toute seule et qu'elle m'avait vu sur le trottoir d'en face, j'allais devoir faire semblant. Jouer le rôle de la pauvre humaine qui ne comprend pas ce qu'elle est en train de lui dire. Et si je suis démasquée, eh bien je ne serais sans doute pas la seule ! Je renifle mes vêtements. " La mort à une odeur ?" Certainement. Et je ne sais pas si je veux savoir laquelle.

Je suis le danger, je suis la mort qui frappe quand elle a faim, parce que je ne peux pas laisser de témoins derrière moi. Je ne suis pas encore à l'aise avec cette idée, même si je sais que certains le font, mais je n'ai pas encore assez de retenue pour ça. Ils sont un moyen -non le moyen- d'assurer ma survie et je ne vais pas me priver. Je suis le prédateur, le monstre à visage humain, une jeune femme d'apparence normale, jolie, mais qui cache bien son jeu. Et ce soir ne fait pas exception. Je pourrais jouer le jeu de manière différente, jouant le rôle de la femme sceptique quant à ce que je venais de voir, et en temps normal, je me serais dit qu'elle était folle ou plus vraisemblablement qu'elle parlait à quelqu'un avec des oreillettes. La technologie est magique depuis des années, mais ce n'est pas le cas. Et puis son aura, la même plus ou moins que j'avais ressenti en présence de dieux slaves et nordiques il y a plusieurs mois.

Alors je pose des questions, comme si l'annonce de ce danger me faisait peur. Je me retiens de sourire, étant curieuse moi aussi de voir comment elle allait me présenter les choses. Généralement, je n'annonce pas ce que je suis et quand il y a danger, on remarque assez vite ma nature vampirique. Alors j'attends la suite en silence, regardant autour de moi, nous étions toujours seules dans les environs. Du moins, à l'extérieur. Elle reprend la parole et je croise les bras, la regardant sans comprendre pendant quelques secondes avant d'avoir une sorte d'illumination. " Vous êtes une personne qui parle avec les morts ? Une sorte de médium c'est ça ?" C'est comme ça que les humains appellent les gens comme ça. Elle, je sais que c'est une déesse. De la Mort ? Je ne sais pas, mais il doit y avoir un rapport. Je ne suis tellement pas au fait des dieux et de leur fonction ! Je suis athée, bien qu'Adam a voulu qu'on donne une éducation plus religieuse à notre fille concernant les dieux slaves. Aujourd'hui, je sais que ça a son importance et qui sait, peut-être qu'un jour elle deviendra la prêtresse d'un dieu ou un autre, même si ce n'est pas la vie que je lui souhaite.

" Si vous pouvez predire la mort des gens ce n'est pas un peu... Compliqué ?" Je suis morte, donc je ne pousserais pas le vice à lui demander quand selon elle je vais mourir. Mais le fait que la mort à une odeur était une information que je garderais en mémoire. Je ne me rends pas bien compte à dire vrai. " En terme de danger, vu l'époque que nous traversons, c'est un risque plus que probable." La Grande révélation, les dieux qui sortent de l'ombre, les humains qui veulent notre mort, sans compter cette guerre entre panthéon, on a l'embarras du choix. " Désolée, je suis un peu perdue et très ironique. Voyez vous, je suis athée, enfin je crois, du coup ce qui se passe n'a pas le moindre sens." Je renifle mes vêtements. " Et vous me parlez d'un danger en plus du reste. C'est déroutant." Je soupire et secoue légèrement la tête. " Vous avez bien fait, si je suis en danger, je préfère le savoir." Et dans le même temps, je me demande ce qui se passera si elle se rend compte que je joue un rôle. Je ne peux pas me présenter comme vampire après tout. Si les dieux peuvent se réincarner, ce n'est pas mon cas et je suis déjà morte une fois, c'est suffisant.

Quand elle ajoute finalement être une déesse et de la mort, cela prit tout son sens en fait. J'avais vu juste, même si je ne sais toujours pas à qui j'ai a faire, mais je sais que mon petit jeu doit cesser. On ne joue pas avec les dieux, surtout s'ils sont beaucoup plus forts que nous. Toute oupyr que je suis désormais, j'ai bien comprise que je ne faisais pas le poids face à une divinité. Sa démonstration est intéressante et je me retourne quand elle tapote sur mon épaule. Elle semblait sincèrement s'inquiéter du fait que je pourrais être en danger, dans les faits, cela ne serait pas totalement exclu, vu qu'il existe des gens qui nous traquent, mais ce n'est pas le cas ce soir. Mais la question de qui elle était étant effectivement réglée, il fallait sans doute que je lui annonce qu'en réalité, j'étais bel et bien morte. Bien que ce soit effectif depuis quelques mois maintenant, je n'avais jamais eu à le dire à haute voix, du moins, pas depuis la première nuit où j'étais sortie de ce trou creuser par Johannes. Je me rendais soudainement compte de la difficulté que c'était à dire. Je n'avais pas réellement le recul nécessaire à ce stade, agissant encore parfois comme une humaine, malgré mes instincts plus que violents.

Elle ajoute qu'elle n'était pas sur son territoire, donc j'en conclus définitivement qu'elle n'était pas Slave et donc pas de mon panthéon. Pourtant, elle semblait avoir une certaine forme d'empathie pour moi, sans pour autant savoir ce que je suis réellement. " J'ai toujours penser qu'une divinité de la mort s'occupait des défunts, peu importe l'endroit." Mais il est vrai qu'il existe plusieurs divinités de la mort, chacun son territoire en fin de compte, ça a du sens. J'eus pourtant un léger sourire sur les lèvres quand elle reprend la parole. Elle ne pouvait pas imaginer qu'elle avait raison. Je suis morte, mais je parle, je marche, j'agis comme une personne normale, mais je vis la nuit, dors le jour et me nourris de sang. Je suis un monstre à visage humain. Et c'est ça que redoute le plus les humains. Un monstre hideux est plus facile à abattre et à reconnaître qu'un monstre qui vit parmi les hommes. " Eh bien au fait je..." Elle m'invite à entrer dans l'hôtel et je sens encore une fois le désir de protection. " Vous avez raison, je suis morte." Je me devais d'être franche avec elle, vu qu'elle l'avait été avec moi. Et puis je ne voulais pas subir son courroux si elle se rendait compte que je n'avais pas été franche avec elle.

Je m'approche d'elle de nouveau. " Je m'excuse vraiment de vous avoir jouer cette comédie, mais je dois me méfier de tout et tout le monde." Je regarde autour de nous pendant quelques secondes. " Je suis ce que les humains appellent un vampire. Mais je préfère le terme oupyr, c'est moins péjoratif." Je repose les yeux sur elle et lui souris légèrement. " Nous devrions peut-être continuer cette discussion à l'intérieur, cela serait préférable pour vous et moi." Même si je ne savais pas exactement où cela allait nous mener l'une et l'autre. Je n'avais eu que peu le plaisir d'échanger avec une divinité pour l'instant et ça m'arrangeait assez bien. Mais là, j'étais intriguée plus qu'autre chose.

Je m'interroge réellement sur le rôle des dieux de la mort. Chaque religion a le sien après tout et je ne sais pas comment ça se passe. Je ne me suis jamais posé la question à dire vrai. Il y a des âmes dont les dieux de la mort ne veulent pas ? Tout cela semble compliqué, mais ça l'est toujours quand on parle des divinités, n'est-ce pas ? Je ne pose pas plus de question pour le moment, parce que je ne sais pas comment aborder les choses. Mais l'explication qu'elle donnait était parfaitement logique, enfin j'imagine. En tout cas, je sais au moins à qui j'ai à faire, même si je suis un peu mal à l'aise à l'idée de mentir. Alors avant d'aller plus loin, je lui annonce assez abruptement que je suis morte. C'est un fait, je suis bel et bien morte cette nuit-là en Pologne il y a plusieurs mois de ça. Cela me semble si lointain désormais, une autre vie dont je ne sais pourtant pas me débarrasser. Je tiens a assurer un avenir à ma famille, celle que j'ai laissée derrière moi, à ma fille, mes frères. Ils me manquent, mais je sais que je dois sortir définitivement de leur vie, comme me l'a dit Johannes à plusieurs reprises.

Elle semble avoir un peu de mal à le croire au début, avant de sans doute rationaliser. Et son trouble ne dure qu'une poignée de secondes et elle redevient quasiment impassible en un claquement de doigt. Il faut dire que les légendes slaves ne sont pas exemptes de créatures comme moi, parfois romancée, parfois brutale et sans concessions. Mais tous les livres, tous les romans sont tellement loin de la réalité des choses. Nous sommes bien plus que ce qu'on raconte. Et j'en découvre encore au fil des semaines, des mois. Je ne suis pas malheureuse dans cette vie, bien au contraire. Cela n'est pas facile évidemment d'être un être de la nuit, le soleil me manque, mais désormais je vis dans les ombres de la nuit. Je décide de la suivre à l'intérieur, nous y serions mieux et sans doute à l'abri d'oreilles un peu curieuse, même s'il n'y avait pas un chat dans la rue actuellement. Mais on est jamais trop prudent. C'est une chose avec laquelle je ne lésine pas réellement, restant toujours sur mes gardes, on ne sait jamais vraiment d'où peut surgir le danger.

Une fois dans sa chambre, j'observe l'endroit rapidement et je ne voyais ni ne sentais la présence d'une autre personne. Elle me propose un verre et je secoue légèrement la tête." Non merci, mais faites vous plaisir." C'était sa chambre après tout. Prévue pour deux personnes au vu de l'espace et des meubles. Je prends place également dans un des fauteuils disponibles. Je l'observe quelques secondes avec un léger sourire sur le coin des lèvres. Et elle m'annonce qu'elle est en Europe dans un but précis, que c'est une déesse coréenne, assimilée au panthéon japonais. Je sais bien via les réunions et discussions que j'ai saisies au vol durant ces dernières semaines, qu'il y avait un rapprochement. Elle me donne son identité et je souris une fois de plus. " Je m'appelle Alcina et je suis une oupyr depuis octobre dernier." Ce qui est réalité. " J'appartiens au panthéon slave, une créature parmi tant d'autres à dire vrai." Mais ce n'était pas si grave, je suis moi, avec ma personnalité, mes qualités et mes défauts. " Et cette alliance avance bien ?" Si je suis fidèle envers mon créateur et par défaut mon panthéon, je ne sais pas grand-chose du jeu des alliances. Je sais que c'est la guerre, que le monde va mal, mais je suis encore jeune et en période d'apprentissage. Et pourtant, je suis là devant elle. Cocasse cette situation. " Je suis la première oupyr que vous voyez n'est-ce pas ?" Au vu de sa réaction, je n'en ai aucun doute.

Je n'avais jamais été une consommatrice excessive d'alcool, sans doute parce que j'ai vu les ravages que ça pouvait faire. Mon père avait sombré dans l'alcool et ma mère se contentait d'être absente le plus possible pour ne pas avoir à subir les colères et autres états d'âme de son époux. Ce qui n'était pas l'idéal pour une vie de famille épanouie et heureuse, mais j'avais eu de la chance. Celle d'être la petite princesse de ses deux grands frères, ils avaient fait ce qu'ils avaient pu pour que je ne remarque pas trop ce qui se jouait. Et plus tard, quand j'ai été en âge de boire, je n'avais jamais vraiment aimé ça, bien que ça me soit arrivé de boire plus que de raison, pour mon mariage ou pour des anniversaires par exemple, mais rien qui ne fasse de moi une alcoolique. Mais désormais, tout me semble si lointain, comme les échos d'une vie passée, alors que ça fait seulement quelques mois que je suis morte officiellement. C'est très étrange comme sentiment, d'avoir tous ces souvenirs et pourtant se dire que ça n'arrivera plus. Ce qui était certain en revanche, c'est que ma famille me manquait toujours autant, que ce soit mes frères ou ma fille et je sais que j'ai été chanceuse malgré tout. J'ai aimé et j'ai été aimé, j'ai eu le privilège d'être mère et d'avoir un boulot, qui certes était dangereux, mais qui assurait tout ce qu'il fallait à ma fille. Et même encore aujourd'hui, je suis là, à rôdée dans les ombres à veiller sur elle jusqu'à ce qu'elle parte loin, pour sa sécurité et la mienne. Je regarde la jeune déesse se servir à boire et sa remarque me fait sourire. Elle se justifie un peu après et je secoue la tête. " Oui, une jeune créature dans un monde plus vaste que je ne le pensais." J'ai encore tant de choses à apprendre, mais je suis bonne élève et j'ai un bon instinct. " Un bel âge pour une déesse déjà, je dirais. Assez pour voir le monde changé une paire de fois." Et c'est également ce que j'expérimente, au-delà d'apprivoiser une réalité que je n'imaginais pas possible jusqu'alors.

Je passe une main dans mes cheveux, alors qu'elle annonce que l'alliance avance lentement, mais que de toute façon, nous avons tout le temps. C'est un fait non négligeable, il est vrai." Nous c'est sûr, mais le monde tel que nous le connaissons sans doute pas." Au train où vont les choses, ça a quand même de quoi m'inquiéter, mais pas pour moi. Si je dois mourir pour de bon, alors soit, j'aurais au moins profité de ce que ce monde avait à offrir. Elle confirme alors que je suis bien la première de mon espèce qu'elle croise et je souris légèrement. Il est vrai que personne ne s'attend à voir les morts marcher et parler comme si tout allait pour le mieux." C'est surprenant n'est-ce pas ?" De croiser quelqu'un comme moi, je veux dire. " Déesse de la mort oui, enfin je crois. Je n'ai vu que très peu de dieux de mon panthéon jusqu'alors." Hormis à la réunion avec les grecs et les nordiques qui sont nos alliés également. Une belle brochette de dieux que je ne recroiseraient sans doute jamais, sauf peut-être Loki, c'est l'employeur de Johannes après tout, mais je verrais bien. " A quoi ressemble ces créatures que vous décrivez comme ressemblantes à mon espèce ?" Je suis curieuse, croiser une déesse de la mort n'est pas donner à tout le monde et j'eus un sourire taquin. " Du coup, vous êtes bien placée pour me dire s'il y a quelque chose après la mort, n'est-ce pas ?" La réponse en tant que tel ne m'intéresse pas plus que ça au vu de ma situation, mais j'aurais au moins la réponse à la question que la moitié des humains se posent.

La peur de la mort est une peur instinctive qui ne se contrôle pas. Tout être mortel se doit de mourir un jour, rare sont ceux qui ont su berner cette dernière. Je reste silencieuse de longues secondes, essayant de me rappeler ce que j'ai ressentie quand j'ai entendu les coups de feu, sentit les balles me pénétrer de part en part, me laissant me vider de mon sang. Je ne sais plus. Pas plus qu'au moment où Johannes avait bu mon sang et où j'avais bu le sien pour renaître. C'est brouillon dans mon esprit et pourtant ce n'est pas si vieux. Mais la violence des choses, des évènements ayant conduit à cette transformation à rendu le tout incroyablement embrouiller. " La mort est inévitable... Du moins en général." Je suis l'une des exceptions, même si je suis morte, mais pas tout à fait. C'est la tout le paradoxe et toute la malice propre à ma race désormais, à ces créatures dont je fais partie. " Mon monde était assez petit et se bornait à ce que je voulais bien voir et à ce qu'on me laissait en voir." Avec des frères et un mari protecteur, autant dire que j'étais limitée. Désormais, c'est moi qui veillait sur eux et ils n'en avaient pas conscience. Désormais tout était si vaste, si grand, le monde cachait tellement de mystères, de choses à découvrir, à tester que tout était possible ou presque !

Je ne sais pas quel âge ont nos dieux, mais si je me réfère aux histoires que j'entends depuis que je suis petite, alors elle a raison. Ils sont bien plus âgés qu'elle. Et j'eus un léger mouvement de la tête, sans rien répondre pour l'instant. Tout ça, c'est encore très frais pour moi, les dieux, la guerre, les créatures, les humains tueurs de dieux. Moi je n'étais qu'une trafiquante à la base, athée, qui s'efforçait seulement d'élever sa fille du mieux possible, tout en reprenant et en gérant les affaires de mon défunt époux. C'était ça, ma vie à la base. Et toutes ces croyances, ces réalités, bouleversent tout ce que je pensais connaître et j'ai plus de questions que de réponses. " C'est bien possible, mais survivre autant de temps c'est déjà pas si mal." Je ne sais pas ce qui c'est passé dans son pays quand il a été envahi, même si j'ai bien une idée sur la question, mais on va éviter les questions qui fâchent et qui sont possiblement douloureuse. Surtout qu'on ne se connaît pas toutes les deux. Je pose les yeux sur l'extérieur quelques secondes avant de les reposer sur elle alors qu'elle reprend la parole. " C'est possible, mais la différence principale entre vous et nous, c'est que si demain je meurs, c'est définitif. Pas vous il me semble." Quand au fait d'avoir oublier mon existence de mortel, on en reparlera dans quelques années ou quelques siècles, si nous sommes toujours vivantes l'une et l'autre.

Elle ajoute qu'elle avait eu peur pour moi et je souris légèrement, j'imagine que c'est l'effet que ma présence doit faire à un dieu de la mort. Encore que je n'en suis même pas certaine. Mais en revanche, elle avait raison sur le fait que les dieux Slaves étaient loin d'être les plus connus. De ce que j'ai compris, c'est le panthéon le moins connu d'Europe. S'il a eu une forte influence sur les pays slaves, en revanche une fois hors de ces frontières ils sont presque inconnus. Même pour moi qui suis polonaise de naissance, c'est dire. " C'est sans doute moins vendeur que les dieux Grecs ou même nordiques." Par contre on avait certainement les créatures parmi les plus impitoyables. Même si je suppose que chacun irait dire ça des créatures de son panthéon. Elle m'explique alors ce que sont les créatures qui nous ressemble dans son panthéon et je l'écoute sans la couper. Il est intéressant de savoir quel genre de monstre il y a chez les autres cultes. " En effet ça n'a pas l'air d'être des anges." Je soupire et reprends. " Je crois que les mortels ont trop idéalisés la vie de vampire. Il y a toute sorte de clichés, même s'il est bien vrai que nous buvons du sang et qu'on ne sort que la nuit." Nous sommes sans doutes les seules créatures à être entrer ainsi dans la pop culture et c'est assez flatteur quelque part. " Je n'ai jamais croisé d'humains désirant ardemment en devenir un cela dit. Il y a une différence entre la réalité et les attentes. Moi je n'ai jamais voulu de cette vie, mais je l'accepte avec tout ce que cela entraîne." Mais ce n'est pas le cas de tous les vampires.

La mort fait partie de la vie oui en règle générale et puis il y a les anomalies comme moi, comme tous les vampires et sans doute pour d'autres créatures. Je n'ai jamais voulu mourir, j'avais encore des choses à faire quand j'étais vivante, des choses que j'aurais aimé faire, comme voir ma fille grandir. Je soupire légèrement et hoche la tête à ce propos, parce qu'en tant que déesse de la Mort, j'imagine que les cas comme moi sont quand même relativement rares. Dans un sens heureusement, sinon elle serait assez vite au chômage ainsi que ses nombreux compères. De ce que j'ai compris, il y a autant de dieux ou déesses de la mort qu'il y a de panthéons. Mais le fait d'être devenue immortel, si tant est que je fasse attention, ne me fait pas oublier que j'ai été humaine. Je ne sais pas si ça s'estompe avec le temps ou si ça reste toujours un peu. J'ai les instincts d'une tueuse, d'une chasseuse, mais parfois, je raisonne comme une humaine et c'est assez étrange, je me demande si c'est le cas de tout ceux qui sont comme moi.

Elle ne pouvait pas si bien résumé la situation dans laquelle je me trouvais. Je savais bien que le monde était plus grand et plus vaste que la Pologne, je suis blonde, mais pas stupide, mais... Mais j'étais loin d'imaginer tout cela et aujourd'hui, je me rends compte que c'est aussi le cas de pas mal de monde. Nous pauvres humains, sommes obligés d'ouvrir les yeux sur la réalité du monde, que cela nous plaise ou pas. Les dieux ne nous ont pas laissés décidés, ils sont là depuis longtemps, peut-être même depuis toujours. " Comment vous faites ?" Elle m'explique qu'elle ne voudrait pas perdre l'identité et le corps de Soo-Min et j'eus un léger rictus sur le coin des lèvres et je reprends. " Comment avez vous réussi a concilier les deux ? Vous étiez humaine, avec tout ce que cela implique et vous êtes devenue une divinité. Comment vous avez gérer ?" La réponse m'intéresse. " Je suis devenue une vampire, une chasseuse, je tue pour manger, mais à côté de cela, j'agis, je pense et je raisonne encore comme une humaine sur certains points, c'est perturbant..." Je cherche à savoir si c'est normal. Après je ne suis pas âgée, je n'ai que 6 mois en âge vampirique, quoi que cela veuille dire, donc c'est peut-être logique. Je ne sais pas.

Au final, je ne sais pas grand-chose du culte slave, juste les banalités et ce que j'ai pu voir depuis que je suis une oupyr. Mais il est vrai que c'est un culte plus discret par rapport à d'autres. Un mal pour un bien quelque part, même si cela n'avait pas empêché le culte monothéiste de gagner du terrain, entre autres. On en vient alors à parler des légendes, des mythes et surtout des histoires qui tournent autour de ce que nous sommes. La vie de vampire n'est sans doute pas aussi existant qu'on veut le croire. " C'est vrai que les romances à ce sujet sont légions." Je souris amusée par sa référence. " Et non je ne brille pas au soleil, malheureusement..." La lumière du jour, la chaleur du soleil sur ma peau me manque, mais je me suis presque fait une raison à ce sujet. " En revanche le reste, ma foi dans l'ensemble, ça se tient assez." Bon ça dépent aussi de quoi on parle, certaines choses sont exagérés. Il faut aussi dire que c'est plus vendeur, ça fait rêver.

Les questions suivantes me laissent silencieuse quelques secondes. " Il faut prendre le coup de main et être assez maligne pour ne pas se faire tuer parce qu'on a viser la mauvaise personne." Je ne laisse pas de témoins, je tue pour me nourrir, c'est plus simple. " Vivre de nuit, c'est devoir oublier la lumière du jour et ce n'est pas évidant au départ." Puis la question tombe et je remue légèrement sur mon fauteuil, passant une main dans mes cheveux. " C'était un accident, mais la finalité aurait été la même, je serais morte." Au lieu de ça, je vis une vie plus amusante, plus trépidante, même si je ne devrais plus errer sur cette terre. " Cette vie à quelques avantages, même si parfois j'ai du mal à m'y faire." Sinon c'est pas drôle.

Je ne sais pas si je trouve rassurant le fait que nous avons toutes les deux été humaines avant de servir une cause plus grande, que ce soit par choix ou pas. Je savais que ma vie était dangereuse, qu'être une trafiquante d'armes n'était pas le métier le plus sécuritaire du monde. Je savais très bien à quoi je m'exposais ayant perdu mon mari de la même manière. Mais je n'étais pas prête à mourir pour autant et abandonnée derrière moi cette famille que j'aimais tant. Et que je ne peux plus approcher pour leur propre bien. Je l'écoute me répondre avec attention, espérant sans doute un début de réponse. Ma nature n'est pas la même que la sienne, elle est une déesse, là ou moi, je suis une créature assoiffée de sang et violente. " J'ai abandonnée les miens, ils sont vivants, quelque part. J'ai du mal avec cette idée. D'un côté, j'aurais préféré être dans votre cas, je pense, même si ça n'aurait pas facilité la transformation." Mais rien n'est comparable. Mais la mort fait partie de la vie et elle prend sans se soucier du reste quand l'heure est venue. Est-ce que c'était mon heure ? Je n'en sais rien. Il est compliqué de se débarrasser de son humanité, mais est-ce que c'est ce que je veux ? Je n'en sais rien.

Trouver un équilibre... Je soupire légèrement, ne sachant pas bien comment en trouver un dans les circonstances présentes. Je suis poussée dans une guerre qui n'est pas forcément la mienne, dans un monde que je commence à peine à comprendre. Je ne sais pas exactement comment faire, mais le seul point positif, le seul point d'ancrage qui est le mien, c'est mon créateur. Sans lui, je crois même que je serais morte encore une fois à l'heure actuelle. Quant au fait de ne pas oublier d'où je viens, je crois que c'est juste impossible. " Merci pour vos réponses." Cela me donne au moins matière a réfléchir sur pas mal de petits points. Abandonné mon humanité n'est pas une option, ce n'est même pas envisageable, mais je vais devoir faire la part des choses entre ce que je ressens et ce que je suis et ce dont j'ai besoin. Tout un programme en sommes.

On en vient alors à parler des légendes, des histoires qui sont colportées depuis des siècles sur mon espèce. Et c'est assez drôle et assez faux sur pas mal de sujets. Il y aurait de quoi en discuté pendant des heures. Je ris légèrement. " C'est vrai, mais ces femmes qui rêvent d'une si belle histoire d'amour ne savent absolument pas la réalité qui se cache derrière. Les vampires sont mystérieux, charismatiques et beaux, mais il y a tout un univers sombre derrière." Fait de violence, de sang de manipulation entre autre. J'eus un léger sourire quand il est question se la manière dont on se nourrit. " Les livres sont fait pour faire rêver, fantasmer une vie que l'on ne peut - en théorie- pas avoir. Du moins les ménagères de quarante ans ou les jeunes adolescentes." Sur papier ça vend du rêve, en réalité, c'est autre chose.

Le soleil... Voilà ce qui me manque le plus avec ma famille. Sentir sa chaleur sur ma peau est une sensation que je croyais acquise et au final ce n'est plus possible. " C'est compliqué de faire une croix sur quelque chose d'aussi naturel que de se promener sous le soleil." Je tourne le regard vers la fenêtre et l'extérieur quelques secondes. " C'est vrai et je suis contente de cette nouvelle vie. C'est juste la transition qui est compliquée." Je me lève, m'approche de la fenêtre avant de me retourner vers elle. " Vous avez écrit des livres ? Donnez moi des titres, je les lirais si ça peut m'aider." Je n'ai rien a reprocher à Johannes sur la manière de m'apprendre à vivre en tant que vampire, c'est juste sur le côté plus humain que j'ai du mal. Toute aide, même extérieure est bon à prendre. " De ce que j'ai compris, votre panthéon est en lien avec le mien, donc.. Vous n'êtes pas une ennemie ?" Je soupire. " J'ai du mal avec les alliances dans cette guerre." Je ricane légèrement. Cette guerre qui n'était pas la mienne allait le devenir.

Je secoue la tête négativement quand elle me demande si je prends des nouvelles des miens. Je ne peux pas me présenter à eux, mes frères et ma fille me pensent morte et c'est le cas. Je suis plus un danger pour eux qu'autre chose désormais et je ne veux pas les tuer sous le coup d'une perte de contrôle. Et puis, au fond, les choses sont mieux ainsi, je les ai observés de loin durant un temps avant d'arrêter de le faire parce que ça me rendait mélancolique et trop nostalgique. Et puis je ne fais plus partie de leur monde, quoi que je puisse faire. Le mien est marqué par le sang et la violence désormais et même si je m'y complais, je garde encore une petite dose d'humanité. " Non, je les laisse vivre leur vie loin de la Pologne désormais." Je ne sais pas où ils sont désormais et c'est une bonne chose. Au moins, personne ne pourra les utiliser pour faire pression sur moi par leur biais. Ne pas me mettre en danger plus que je ne le suis avec tout ce qui se passe avec cette guerre entre panthéons et avec les traqueurs de dieux et créatures qui parcourent ce monde. Je reste une mère malgré tout et personne ne touchera à ma fille.

On change alors de sujet et celui aborder présentement était les représentations des créatures telles que moi dans l'imaginaire collectif. Si je n'ai jamais été très fan de ce genre de littérature, il est vrai que je peux comprendre que cela puisse faire rêver, même si la réalité est tout de suite bien plus sombre, violente et sanglante. Jusqu'à ma transformation, je n'avais jamais songé qu'une telle chose puisse réellement exister, maintenant, cela me faisait sourire. " Il faut bien faire rêver je suppose. Il est vrai que si cela décrivait la dure réalité de la vie d'un vampire, cela serait moins vendeur et glamour." Et par les temps qui courent, rêver devient vite un luxe pour certaines personnes. Je n'ai pas le temps pour ça personnellement. " Et quand je vois l'actuelle réalité, je peux comprendre que certains cherchent à s'imaginer des choses plus agréables." Les humains sont ainsi et c'est quelque chose qui revient souvent, le désir de fuir une réalité, une vioe trop dure ou misérable. Si mon enfance n'avait pas été des plus amusantes, ni même des plus plaisantes, je ne regrettais rien.

On en vient alors a parler de sa carrière d'écrivaine et je note dans un coin de ma tête le nom de l'ouvrage qui était le sien et le plus connu d'après ses dires. Et rien que le titre me fait sourire, vu le double sens qu'il peut y avoir derrière. Vivre entre deux mondes. C'est un peu mon cas, vu que j'ai toujours un pied dans cette humanité que je ressens, malgré ce que je suis devenue pour tromper la mort. " Merci." Elle ajoute qu'elle planche sur un autre livre, mais ce dernier ne semble pas avancer selon ses dires. En tant que divinité, je suppose qu'elle doit être pas mal sollicitée ces derniers temps. Et soudainement, je me dis que cette étrange rencontre est plutôt une aubaine au final, comme quoi, tout est possible. Je ne fréquente pas les divinités, je fais ma vie dans mon coin, assistant Johannes quand il a besoin de moi, mais je sens son aura et une certaine puissance qui s'en dégage, malgré tout.

Elle reprend la parole et me donne quelques explications sur son panthéon et la raison de sa venue en Europe. J'imagine que c'est comme ça que cette guerre doit se passer, avec de l'influence et des alliés. Comme quoi, les humains n'ont rien à leur envier à ce sujet. " Oh je vois." Il y a donc rapprochement pour le moment. " J'espère que vous obtiendrez ce que vous êtes venue chercher." Elle m'avait l'air assez sympathique pour une déesse de la mort en tous cas. Non pas que j'en connaisse beaucoup non plus cela dit. " Si je peux vous aidez à ce sujet, n'hésitez pas, je ne suis qu'une créature et n'a pas l'influence des dieux, mais ça sera avec plaisir." Plus le panthéon a d'allé, plus il est puissant, c'est comme ça que ça se passe non ? " Bien, je ne vais pas tarder à y aller, la nuit est déjà bien avancée." Et je ne veux pas non plus lui prendre plus de temps que nécessaire.