An Unexpected Journey [Intrigue III - Terminé]

An Unexpected Journey

L'Irlande.

Terres vertes et luxuriantes de végétation abondamment arrosée en eau. Terre qui pouvait refléter autant de couleurs que de reliefs, si l'on savait où et comment regarder. En ce mois de mars, elle ne décevait pas. Elle ne décevait jamais, en fait. Morrigan tourna la clé de la voiture qu'ils avaient louée pour la mettre à l'arrêt, pivotant légèrement le buste pour regarder à tour de rôle Meduna et Chulainn.

« Bien, récapitulons. Pierce m'a mentionné une colonnie de korrigans qui se cache normalement dans cette forêt. On doit les trouver et les rallier à notre cause. Ils savent manipuler les personnes et créer des illusions. Les rares fois où j'ai pu les approcher, ils se sont montrés joueurs et farçeurs. Il se peut qu'ils nous mettent à l'épreuve, d'une façon ou d'une autre. Tenez-vous prêts à tout, même à l'impensable. »

La nuit tombait, moins rapidement qu'en janvier, mais encore un peu. Ils avaient fait le trajet depuis Dublin, où ils étaient arrivés quelques jours plus tôt. A la suite des événements de Marseille, les deux reines avaient émis un plan de bataille pour renforcer leurs rangs : la mobilisation de tous en Bretagne, et l'appel à l'aide d'autres alliés. Morrigan avait été forcée de reconnaître que le problème dépassait maintenant le cercle restreint des dieux du Panthéon Celte et qu'il leur faudrait des appuis plus nombreux et divers pour faire face à l'ensemble des menaces. Mais les deux reines n'avaient eu aucune difficulé pour s'accorder sur un plan et définir les prochaines étapes. Cela, en soi, était encourageant. Chulainn avait accepté de les accompagner, et ainsi, les trois compères étaient partis pour l'Irlande, terres natales de la sorcière et de son maudit.

La première étape avait été de rallier le fief dublinois des fidèles de la déesse de la guerre. Cela n'avait pas été très difficile, ils se réunissaient souvent pour qui savait où chercher. Les signes ne trompaient pas, et Morrigan avait pu retrouver Pierce, dont elle avait rencontré les ancêtres. De génération en génération, ils se passaient les consignes pour vénérer la déesse, faire triompher son culte et sa puissance. Pierce s'était tout de suite senti investi d'une mission, et sous l'appel de Morrigan, il avait organisé une réunion de fidèles. La sorcière était apparue et s'était exprimée, sous l'oeil attentif de Meduna et Chulainn, pour galvaniser ses fidèles et rappeler les enjeux. Suite à cette réunion et grâce à une question de la reine rousse, Pierce leur avait ensuite mentionné la colonnie de korrigans. Au vu de leurs capacités, cela valait le coup d'aller jeter un oeil et de tenter de les convaincre de rejoindre leur cause.

Morrigan ouvrit la voie, laissant Chulainn et Meduna quelques pas derrière elle. Elle réfléchissait à la façon dont elle pourrait les aborder. Ils risquaient d'arriver en plein dans leur territoire, ce qui les alarmerait sans doute. Mais ces créatures savaient exactement qui elle était, ou du moins ils le sauraient rapidement. Leurs pouvoirs étaient grands, et ils ne devaient pas les sous-estimer. Ils marchèrent un peu, chacun équipés d'une lampe torche, bien utile car la nuit commençait à tout recouvrir de son épais manteau. Ils arrivèrent bientôt près d'une source calme dont une cascade venait créer des remous à la surface de l'eau, entournant l'entrée de ce qui semblait être une grotte. Difficile à dire, au vu de l'obscurité. Morrigan s'arrêta, levant sa main pour stopper ses deux autres compagnons, écoutant alentour. Rien de réellement décelable. Les korrigan aimaient souvent se cacher au coeur des forêts, notamment près des sources. Elle laissa son regard se promener jusqu'à apercevoir un rond de sorcière. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Symbole d'une présence korrigane, à n'en pas douter. Même si une explication rationnelle existait, celle d'un phénomène naturel de formation de champignons, créée par des humains afin de camoufler les activités de ces créatures.

L'irlandaise se retourna vers Meduna et Chulainn pour leur lancer un regard les incitant à faire attention, puis s'avança à pas de loup. Le clapotis de l'eau se faisait plus impressionnant à mesure qu'elle s'avançait. En gaëlique, elle prit la parole, levant légèrement les mains :

« Is mise Morrigan, bandia na laochra, an Raven Empress agus Banríon na nIllians. Tá tú faoi chomaoin ag éisteacht liom sna hamanna trioblóideacha seo. »
Je suis Morrigan, déesse guerrière, impératrice-corbeau et reine des Illiens. Vous me devez écoute en ces temps troublés.

Le silence.

« Seol ar do rí, caithfidh mé labhairt leis. Gabhaim teachtaireachtaí ónár gcomhghuaillithe sa Bhriotáin. Níl aon rud le himní ort, ná uaimse ná ó na daoine a shiúlann taobh liom. »
Faites quérir votre roi, j'ai à lui parler. Je porte des messages de nos alliés, en France et en Bretagne. Vous n'avez rien à craindre, ni de moi, ni de ceux qui marchent à mes côtés.

Le silence.

Mais une lumière, diffuse, terne, éclairant un tronc d'arbre penché. Sans pouvoir l'expliquer, elle sut. Une offrande ? Un cadeau en guise de bonne foi ? Ou déjà une honteuse arnaque ? Peu importait, elle devait tout tenter. S'avançant doucement, elle déposa sa lampe torche. Puis invita Meduna et William à faire de même.

KoalaVolant

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Meduna & Morrigan

William avait hésité lorsque les deux Déesses lui avaient proposé de se joindre à elles suite aux récents évènements qui s’étaient passés à Marseille. Une tragédie, un piège orchestré de toutes pièces par les ennemis Celtes suivi d’un scandale médiatique qui bousculait les croyances et salissait l’image du Panthéon.. Il avait hésité à rester sur place, aux côtés de cette jeune milice qu’il avait à peine commencé à former et dont la loyauté n’avait pas encore été testée. Resté avec eux, c’était s’assurer qu’il ne quitte pas les rangs et que son travail des dernières semaines ne soit pas vain, mais finalement, que savait-il de ces jeunes recrues avec si peu de recul ? C’était peut-être déjà perdu d’avance ! Et si ça ne l’était pas, il pourrait s’en glorifier dès son retour.

Louper une petite virée au milieu de ce drôle de duo, c’était impensable ! Une pure folie en l’état actuel des choses, ou William tentait d’être un soutien sans faille pour sa protectrice, tout en partageant une relation ambiguë avec la jolie rousse.

Mesdames, quel plaisir de vous revoir. Pour le moment en tout cas. Dit-il, joueur.

Confortablement installé dans la berline, il n'avait pas dit un mot du voyage, préférant somnoler à l’arrière du véhicule pour se remettre de ses longues heures d'entraînement. Il ne dormait pas vraiment et ses sens restaient en alerte, mais il trouvait dans cette pause le repos nécessaire pour relancer la machine.

Des Korrigans.. Tu parles de farceurs.. ils sont fourbes… mais ils peuvent être utiles, c’est vrai… C’était donc ça, votre plan commun ? Vous êtes toujours pleines de surprises, je ne suis presque pas étonné par le projet...Un projet fou, j'espère que vous en êtes conscientes ? Remercions chaleureusement Mr Pierce pour ses grandes idées. Réveillez-moi lorsqu'on est arrivé.

Il n’avait pas posé de question sur la nature du voyage et s’était contenté de valider sa présence. William avait déjà croisé des Korrigans il y a fort longtemps, de chétives créatures pourtant redoutables qui l’avaient fait prisonnier sans qu’il n'ait le temps de dire ouf. De quoi annoncer la couleur.. Tisser une alliance avec eux ne serait pas chose facile et ne viendrait certainement pas de ses mots. Lui, se contenterait de jouer les mercenaires et d’assurer à son niveau la protection des deux dames en cas de pépin, si tant est qu’il ne soit pas victime d’une illusion ou d’une autre farce.

Torches à la main, les trois compères suivaient le chemin ouvert par la déesse guerrière qui semblait savoir où trouver ce clan. William fermait la marche, scrutant chaque recoin, écoutant attentivement le moindre bruit à ses oreilles pour déceler un éventuel danger.

Du Gaelique..
Des souvenirs remontèrent à la surface et lui donnèrent des frissons. Sympa cette petite virée dans les bois à la lumière des torches, non ? Pour eux deux à minima, de sa place il ne pouvait voir le visage de Méduna et se contentait d’une vue tout aussi charmante en restant derrière elle.

Pas d’imprudence Morrigan, avance doucement.

La déesse annonçait leur présence et déposa sa torche à terre avant de leur faire signe de faire de même. William grimaça. Il savait les arnaques fréquentes et espérait que ça ne soit pas le début des problèmes..

(c) DΛNDELION

An unexpected journey

Le verre traversa la pièce et s’éclata contre le mur dans un bruit assourdissant. Un autre ne tarda pas à le rejoindre. Tout ce qui me passait sous la main. Je hurlai de douleur, les sanglots m’échappant… Je ne contrôlais plus rien.

Cela faisait des jours. Des jours que nous luttions pour reprendre le contrôle des événements. Marseille, et la tuerie de masse perpétrée en notre nom. Média et Internet qui nous avaient roulé dans la boue, nos communiqués de presse interceptés. Notre nom salie, spolié, alors que j’avais contesté publiquement l’implication d’Esus en jouant sur le bon sens des gens : “comment un dieu du commerce pourrait-il bien avoir le pouvoir de déplacer des vagues de cette puissance ? Cela n’avait aucun sens.”. Alors que j’avais proposé un rapprochement avec l’Etat pour démasquer les vrais coupables, que nous avions tenté d’approcher Marseille pour aider les victimes…

Mais c’était la mort de Diancecht qui m’avait anéantie.

Je me trouvais dans mon pied à terre à Paris, en compagnie de Morrigan. L’habitacle était devenu notre base pour un temps… Et j’avais ressenti la perte comme si on arrachait une partie de mes entrailles. La souffrance… Puis le vide. J’avais suffoqué.

-Ils vont payer… parvins-je à articuler. Je relevai les yeux maculés de larmes vers la reine des insulaires, le visage déformé par la rage. Finis de se cacher et d’oeuvrer dans l’ombre !!! Le sang va couler !!!

Nos fidèles pris pour cible était un affront intolérable. Un de plus. Une fois calmées, Morrigan et moi redoublâmes d’ardeur pour décider de la suite. Un plan simple, efficace.

Trouver la concentration nécessaire pour me lier à mes enfants fut une épreuve en soi.

Un message de la mère des celtes à ses fidèles, un rappel en Bretagne, dans le Morbihan. Une promesse de protection pour tous ceux qui en auraient besoin, un appel à se préparer à prendre les armes pour protéger et défendre les terres et les faibles pour tous ceux qui étaient capables de se battre, et à former ceux qui ne savaient pas. Des coordonnées.

Un autre message destiné aux dieux celtes. Un rappel en Bretagne pour défendre le territoire celte, se regrouper pour être plus fort, s’organiser et protéger nos croyants. Des coordonnées.

L’organisation se fit, rapide et efficace. Je décidai de déléguer avec une série de consignes, mon rôle était ailleurs. Nous avions fait le choix d’agir avec Morrigan, d’aller chercher nos guerriers, de ranimer la flamme de la dévotion auprès des plus hautes instances du pouvoir, de revendiquer ce qui revenait de droit à l’insulaire… Nous partions en Irlande.

Le voyage s’était passé sans encombre, notre tournée commença. L’opinion nous était favorable ici, les celtes étaient encore puissants dans ce pays… C'était un sentiment plaisant.

Après nombre de détours, nos pas nous conduirent finalement vers un peuple bien difficile à cerner… Un appui non négligeable si tant qu’ils acceptent de nous soutenir. Les korrigans n’étaient pas des êtres mesurés. Je les avais rencontré il y a bien longtemps en Bretagne, une autre communauté. Je ne connaissais pas celle-ci.

-Ce sont des êtres amusants, les Korrigans… Le genre à vous obliger à danser jusqu’à ce que vous mourriez d’épuisement… Ou à vous récompenser de votre poids en or si vous triomphez de leurs jeux et énigmes.

Je marchai d’un pas tranquille, drapée de mes habits traditionnels et d’un maquillage qui renvoyait directement à la symbolique de la déesse que j’incarnais. Cela faisait du bien de pouvoir évoluer en plein jour… J’évitais néanmoins de paraître en pleine foule sans dissimuler au moins en partie mon visage. Il était encore trop tôt pour dévoiler mon identité au monde…

-Cela me rappelle cette époque où je faisais danser les pires engeances sur une plaque de métal chauffée à blanc jusqu’à l’inconscience ou la mort…. Le dieu père était doué pour démasquer les coupables mais j’étais plus inventive pour les punitions. Étonnement le taux de récidive était moins important, jadis, lançai-je narquoise.

Je me sentais détendue, confiante. Qu’importe l'issue de cette rencontre, nous aurions fait de notre mieux. J’avais appris à apprécier la compagnie de Morrigan et de William, et la bonne humeur de ce dernier était un vrai baume pour apaiser mes tourments et oublier le deuil.

Je me rapprochai d’un ruisseau, extirpai une gourde en peau de mon sac et la plongeai dans l’eau jusqu’à la remplir, purifiant le liquide au contact. Je repris la marche, psalmodiant à voix basse dans ma langue natale en me laissant guider par les lueurs des lampes torches de mes comparses et leur acuité. Mon attention à moi était toute entière accaparée par mon oeuvre.

“Le pouvoir né de l’unité, l’unité de la force. Guide les vaillants sur le champ de bataille et la main des justes pour frapper le mauvais. Donne vigueur et puissance pour assurer la pérennité de la vie et des tribus…”

Je sentis mon pouvoir vibrer entre mes mains, se concentrer. Je pris une bouffée d’air, soupirai et fit la moue. Cela manquait cruellement de cérémoniel mais nous n’avions pas le luxe du temps ni les prêtres et prêtresses pour mener le rituel…

Lorsque je repris réellement conscience de mon environnement, je notai que Morrigan avait ralenti le pas et cherchait quelque chose au sol.

-Attends, soufflai-je lorsqu'elle s’apprêta à reprendre la marche.

Je bus une longue gorgée avant de tendre la gourde à Morrigan. Cette dernière dégageait désormais une douce odeur d’hydromel et une fumée tout à fait étonnante qui n’était pas sans rappeler celle dégagée par l’azote liquide.

-Je partage avec vous force et courage. Buvez sans crainte ; puissions nous être victorieux ce soir.

Le premier contact avec les korrigans fut établi peu de temps après. Mon gaëllique irlandais était un peu rouillé à défaut de l’avoir parlé ces derniers siècles, mais j’avais veillé à le travailler ces derniers mois, profitant de la présence de Chulainn en ma demeure pour pratiquer. C'était là chose indispensable pour pouvoir m'adresser à la partie insulaire de notre panthéon avec le respect qui lui était dû. La langue me revenait peu à peu et heureusement car nous l’employions à répétition depuis notre arrivée en Irlande.

-Is mise Meduna, máthair mhuintir na gCeilteach agus banríon na mór-roinne! Mise Aontacht na n-anam agus na gcroí agus cosantóir na dtithe, Mise Meisce na gcéadfaí agus tugaim dúshlán daoibh, a chairde, an deichiú cuid den mhéid a ólfaidh mé an tráthnóna seo a ól gan titim! m’exclamai-je en riant, les bras grand ouvert en pivotant sur moi-même à la recherche de mon public invisible.

"Je suis Méduna, mère du peuple celte et reine du continent ! Je suis l’Unité des âmes et des coeurs et la protectrice des foyers, je suis l’Ivresse des sens et je vous met au défi de boire le dixième de ce que je consommerai ce soir sans vous écrouler !"

Il me sembla entendre quelques rires étouffés un peu partout autour de nous. Bien… Bien. Il fallait les prendre par les sentiments, les korrigans étaient joueurs.

-Cloisim thú, a chairde! Táimid anseo chun ceiliúradh a dhéanamh in éineacht leat, táimid anseo chun spraoi agus caint a bheith agat. Ar dúradh liom faoi fhlaithiúlacht finscéalach na gCorrgans? m’exclamai-je fortement amusée.

"Je vous entends, mes amis ! Nous sommes là pour festoyer à vos côtés, nous sommes là pour nous amuser et pour parler du monde de demain. M’aurait-on menti sur l’hospitalité légendaire des korrigans ?"

Je lançai un regard en direction de Morrigan qui déposait sa lampe dans le creux d’un arbre. Avait-elle du flair, étais-ce la bonne marche à suivre ?

J’extirpai une cruche en terre cuite de mon sac et la déposai près des lampes torche.

-Mar sin blaiseadh duit, féach cad atá le tairiscint agam duit!

"Goûtez donc, voyez ce que j’ai à vous offrir !"

De nouveaux rires raisonnèrent, plus marqués. Le petit peuple commençait à se manifester… J’éteignis ma lampe et la gardai en main, non sans avoir constaté au préalable que les offrandes avaient disparues comme par enchantement…

Et soudain, j’entendis des notes de musique…
Puis ce fut mon odorat qui fut sollicité… De la viande rôtie.
Puis vint le tour des lueurs. Nous marchâmes d’un pas prudent, posant les pieds dans un grand cercle de champignons. J'aperçu Et tout à coup, la communauté nous apparut. Des yeux étaient braqués sur nous, rieurs. Ils se moquaient.

Un petit être s’avança et fit une courbette parodique devant les deux femmes.

-Korhen, notre roi, apprécie vos présents, et vous tire bien bas son chapeau.

J’avisai les deux lampes torches de Morrigan et Chulainn allumées suspendus à des branchages en hauteur telles des réverbères. De jeunes korrigans s’amusaient à faire des ombres chinoises avec l’éclairage… Je me mordis la lèvre pour ne pas éclater de rire.

-Si ces majestés veulent s’amuser, nous serons ravies de les contenter. D'un vœux vous serez récompensé si vous gagnez. Faites place, les jeux vont commencer !

Spoiler:

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An Unexpected Journey

Sous les mises en garde de William, Morrigan s'était avancée en premier, profitant de son statut d'Irlandaise pour essayer de capter l'attention des Korrigan. Des murmures semblèrent apparaître, à côté d'eux, en haut, en bas. Difficile de les localiser. Il fallait dire qu'ils étaient experts dans l'art de se cacher, ces petits êtres. Meduna avait eu la bonne idée de leur offrir un présent, ce à quoi Morrigan avait hoché la tête en signe d'approbation. S'il y avait quelque chose d'autre que ces créatures irlandaises adoraient, c'était les cadeaux. L'ambiance sembla s'alléger, d'une façon imperceptible à l'œil nu mais qui se ressentait pourtant sans problème. Des petites notes de musique, discrètes. Des odeurs de repas, de fleurs, le tout mélangé. Morrigan inspira à pleins poumons. Des senteurs d'Irlande, qui la propulsaient bien des années en arrière.

Meduna fit des étincelles, après tout rien d'étonnant. Elle savait manier les mots, la reine rousse, avec bien plus d'habileté que ne le ferait jamais la sorcière. Ce n'était pas grave. C'était même une des raisons principales pour laquelle elle était venue, aussi. A chacune son champ d'expertise. Et celui de Morrigan était bien plus terre à terre.

Un petit Korrigan apparut, une fois qu'ils furent entrés dans le cercle de champignons. Il était petit, habillé d'une tenue de toutes les couleurs, de bottes pointues et d'un grand chapeau. Il salua la compagnie en quelques mots bien choisis. La guerrière nota l'utilisation de la langue commune, ce qui la rassura. Jusqu'à la faire soupirer, lorsqu'elle comprit ce qu'il attendrait d'eux.

C'était prévisible. Ils devraient respecter leurs traditions, s'ils voulaient les convaincre.

« Nous nous plierons à votre volonté. Quels sont ces jeux, que vous voulez nous proposer ? » fit-elle simplement, fixant le petit homme qui leur faisait face.

Tout autour d'eux, une poignée d'autres Korrigans étaient visibles. Certains plus petits, d'autres plus grands. Des jeunes, aussi. Ils les observaient avec de grands yeux ronds, interloqués par ce qu'ils voyaient. C'était peut-être la première fois pour certains, qu'ils voyaient des humains. Si toutefois on pouvait qualifier la compagnie d'humains quand deux étaient des déesses et le troisième un maudit.

Des technicalités dont les Korrigan semblaient se ficher éperdument, pourvu qu'ils aient leur dose d'amusement. L'interlocuteur afficha un grand sourire puis claqua des doigts. Tout à coup tout s'éteignit et ils se retrouvèrent seuls, dans le noir.

« Evidemment, avoir une réponse aurait été trop demander.. Tenez-vous prêts, on ne sait jamais ce qu.. »

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que le sol sembla se dérober sous leurs pieds. La chute fut rapide, pourtant, mais le fait de ne rien voir empêchait toute anticipation. Morrigan heurta le sol suivant de tout son poids, le choc expulsant l'air de ses poumons. Elle secoua la tête après une seconde pour reprendre ses esprits, puis s'appuya sur ses poignets pour se redresser. Elle regarda autour d'elle. Rien de visible. Si ce n'était une sorte de tunnel au bout duquel brillait une lumière tamisée, sans qu'il fut possible de la voir, cependant.

Sur quoi étaient-ils tombés ? De la pierre ? De la terre ? Elle pouvait sentir des petits graviers s'être incrustés sur sa peau dont elle se débarrassa en se frottant les mains sur les cuisses.

« Tout le monde va bien ? » lança-t-elle dans le noir, sans pouvoir poser les yeux ni sur William ni sur Méduna.

« On a plus le choix maintenant. »

KoalaVolant

An Unexpected Journey ~

Meduna & Morrigan

Ces femmes étaient folles. Elles l’étaient déjà individuellement, et plus encore à deux ! William, qui fermait la marche, soupira à plusieurs reprises. Chercher des Korrigans était une activité aussi drôle que risquée et ces petits êtres farceurs n’étaient pas inoffensifs. Lui aussi n’eut aucun mal à sentir leur présence autour d’eux. Ils étaient encerclés, incapables de distinguer leurs silhouettes dans la pénombre. Les deux dames qui le précédaient se lancèrent dans des présentations formelles, pleines de promesses et d’ambitions, un talent qu’il n’avait pas.

Cloisim thú freisin, ach ná breathnaigh ormsa, nílim ach ag gabháil leo.
Je vous entends aussi, mais ne me regardez pas, je les accompagne seulement.

Il espérait qu’ils comprennent, qu’il était aussi désemparé qu’eux sur cette visite. Par pitié, qu’elles arrêtent de jouer aux aventurières dans des coins aussi reculés. Ici, personne ne pouvait les trouver, ils pouvaient bien rester prisonniers pendant des années entières sans que jamais personne ne vienne s’aventurer dans le coin.

Les Korrigans présents autour se présentèrent et William resta sur ses gardes. Des trois, il était le plus méfiant de tous. Sa mâchoire se serra lorsque leurs torches se mirent à bouger au-dessus de leurs têtes, il n’était pas vraiment d’humeur à jouer. Soudain, il sentit le sol se dérober sous ses pieds et n’eut pas le temps de s’accrocher qu’il glissa avec les deux femmes jusqu’à s’étaler sur un lit de petits graviers.

Hhmhg. Grogna t-il après l’impact.

Sans dire un mot, il se releva, ne pouvant s’empêcher de vérifier que ses lames, cachées par sécurité à sa cheville et sa ceinture, n'avaient pas bougées dans sa chute. Un bref contrôle qui passait inaperçu, car il n’avait aucune envie d’énerver inutilement ces petites choses.

C’est ok pour moi.
Meduna, pas trop secouée ? Demanda t-il pour s’assurer qu’elle ne soit pas blessée non plus.

Est-ce que vous venez vraiment de proposer à des Korrigans de jouer avec eux ?

Ses yeux étaient écarquillés, il fit craquer sa nuque d’un côté puis de l’autre pour réveiller son corps engourdis par le voyage.

Je vous pensais folles, mais c’est en fait pire que ça.

Il fit un rapide tour sur lui-même avant de s’approcher de Morrigan, qui ouvrait la marche depuis le début.

De tous les films que j’ai regardé, rejoindre la lumière au bout du tunnel n’est jamais une bonne chose.
Mais nous n’avons pas le choix, impossible de remonter d’où nous venons. Une promesse est une promesse, allons donc servir de divertissement.

William lança un sourire mi figue mi raison aux deux femmes qui s’étaient relevées et n’avaient pas de blessures hormis peut-être des ecchymoses dans les prochains jours et il commença à avancer dans le tunnel dans lequel il distinguait à peine le sol. La lumière n’était pas assez forte pour leur permettre d’anticiper quoi que ce soit. Ils marchaient à l’aveugle, chose que l’ancien guerrier détestait par-dessus tout…

Rappelez moi pourquoi nous faisons tout ça ? Ah oui, les Celtes. J'ai bien choisi mon camps . Son épaule vint heurter celle de Meduna délicatement pour la taquiner. Il savait que ce genre de petits pics passeraient au dessus de la tête de Morrigan qui avait l'habitude de se le coltiner en mission, lui et son comportement insupportable, mais la jolie rousse était affectée par la situation des Celtes, plus qu'il ne le serait jamais. C'était de bonne guerre, elle venait de les offrir tous les trois comme tribu pour entrer dans l'arène des jeux, il avait donc le droit de rire un peu de la situation !

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An unexpected journey

Surprise !

L’impact ne manqua pas de tous nous faire grogner. Mais aïeuh ! Je me redressai avec une grimace, tendant les mains autour de moi à la recherche de repères dans le noir le plus total. Mais mains se posèrent sur un torse dur et puissant que je reconnu sans peine pour l’avoir étudié de très près à plusieurs reprises, à la lumière comme dans le noir... Je m’y attardais un peu plus que de nécessité, prétextant la nécessité de retrouver mon équilibre pour me relever. Moi, profiter ? Nooon…

-Ca va aller… dis-je d’une voix douce.

Je le lâchai pour fouiller ma poche de laquelle j’extirpai ma lampe torche. Petite, mais puissante, elle offrit une lueur plus que bienvenue dans ces ténèbres. Une chance qu’elle ne se soit pas cassée pendant l’impact.

-On dirait que j’ai bien fais de la garder en fin de compte.

Je levai les yeux vers Will.

-Bien sûr. Tu n’imaginais pas qu’ils allaient nous recevoir sans nous mettre à l’épreuve ? Ils vont nous tester et nous allons gagner, affirmai-je. On ne fait pas de politique avec le petit peuple sans casser des oeufs, petit prince.

Je lui lançai une œillade, curieuse d’évaluer son ressenti. Il avait l’air si sérieux… S'inquiétait-il pour lui ? Pour nous ?

Le petit peuple ne nous offrirait jamais son écoute si nous ne nous plions pas à leurs règles. Je posai une main affectueuse sur son bras et lui souris, confiante.

-Ne t’en fais, ça va bien se passer. Le petit peuple est farceur, mais il est parfaitement conscient de qui nous sommes et il n’a pas intérêt à provoquer notre ire. Nous allons tâcher de leur rappeler que c’est notre panthéon qui les a enfanté et que leurs parents réclament aujourd’hui leur allégeance par qui de droit.

Je posai les yeux sur Morrigan, la sondai du regard. Etait-elle aussi stressée que Chulainn ou avait-elle l’air détendue, comme moi ? Mon insouciance apparente était un masque, j’avais parfaitement conscience des enjeux et des risques. Nous étions grandement affaibli depuis la glorieuse ère celte, notre souveraineté risquait d’être pointée du doigt et remise en question. Elle le savait aussi, certainement… Nous avions pesé le pour et le contre ensemble, notre présence ici ce soir n’était pas le fruit d’une décision hâtive et inconsidérée.

-J’espère que vous êtes en forme tous les deux ? Je compte sur vous pour les épreuves sportives. Avec ce que je vous ai offert à boire, vous allez au moins soulever des menhirs ! les charriai-je.

Je sentis un certain jeune homme me bousculer…

-Tu as choisi les celtes parce que notre panthéon a les plus jolies femmes, voyons. Ah non, ce n’était pas pour ça ? plaisantai-je. Pour l’alcool alors, peut-être.

Ça lui réussissait, de boire. Il affichait moins de rides de contrariété et se détendait davantage quand il avait quelques verres dans le nez.

La lumière au bout du couloir…
Nous débouchâmes sur une gigantesque alcove. Un village troglodyte ? me demandai-je en regardant autour de moi à la recherche de repères. Dans quoi avions nous donc mis les pieds ?

C’était incontestablement une grotte. Une cavité à la fois large et très haute, éclairée par de nombreuses torches. Il y régnait une température fraîche mais bien plus douce qu’à l’extérieur. Des korrigans se massaient sur des rangées de roche taillées qui ressemblaient à s’y méprendre aux marches d’un escalier… ou d’une estrade.

Quelques-uns à terre nous observaient en formant un large cercle autour de nous. Et je perçus à nouveau cette odeur typique de nourriture et les effluves d’alcool… À droite, des tables sur lesquels se tenaient quelques êtres en train de manger en discutant bruyamment. Certains d’entre eux nous aperçurent et poussèrent des cris excités en nous pointant du doigt.

-Nous avons oublié de leur amener le popcorn.

Et je reconnu rapidement notre premier interlocuteur, le messager de Korhan qui s’avançait vers nous.

-Force, ruse ou agilité ? proposa t-il.

Tiens, nous avions le choix ? Je me tournai vers mes amis.

-Je suppose qu’une épreuve de force conviendrait à tous les deux ?

J’avais toute confiance en eux pour remporter un tel challenge.

Et de fait, je ne tardai pas à comprendre. Un bras de fer ! L’adversaire était petit mais avait l’air costaud. Intéressant… Lequel allait se désigner ? Je leur laissais bien volontiers la place.

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An Unexpected Journey

Morrigan laissa son regard se promener autour d'elle, même si elle ne distinguait rien dans le noir. Elle entendait néanmoins ses deux compagnons respirer et parler, signe qu'ils étaient en vie. Chulainn faisait preuve d'une sacrée prudence, compte tenu de la situation. Le choc contre le sol avait été violent, mais ils n'avaient pas été blessés, visiblement. Le maudit demanda à la reine celte si elle allait bien, et elle répondit par l'affirmative. Bien. Les vrais problèmes allaient pouvoir commencer. Morrigan avait la désagréable sensation que ce n'était qu'une mise en bouche, par rapport à tout ce qui les attendrait. Elle imaginait tout, et rien. N'importe quoi pouvait se profiler, et ils devraient réussir pour gagner audience avec le roi de Korrigan.

La sorcière s'épousseta en soupirant, répondant à la suite de Meduna pour appuyer ses paroles :

« Méduna a raison. On doit leur donner quelque chose, si on veut qu'ils en fassent de même avec nous. C'est risqué, mais nous n'avons pas le choix. Et maintenant, il n'y a plus de retour en arrière possible. Jouons leur jeu, tant que nous le pouvons. Mais gardons à l'esprit la raison de notre venue. »

Elle n'était pas inquiète, mais vigilante. Ce genre de rencontres pouvait amener à de puissants partenariats, mais elle restait sur ses gardes. La situation pour le panthéon était suffisamment critique pour qu'ils tentent tout ce qu'ils avaient à leur portée. Elle savait que Méduna était dans la même démarche, car les deux reines s'étaient accordées sur ce plan. Risqué, oui. Mais il n'y avait plus le temps pour tergiverser. L'irlandaise esquissa un sourire sans rien dire aux échanges entre Chulainn et la rouquine, peu convaincue que son maudit avait réellement choisi quoi que ce soit à l'origine.

Ils s'avancèrent jusqu'à la lumière grâce à la lampe torche que Méduna avait gardé. Une fois à l'autre bout, ils arrivèrent dans une grotte. Large et haute cavité bordée de pierres en tout genre sur lesquelles perlaient quelques gouttes d'eau. Etaient-ils sous la chute d'eau préalablement vue en arrivant ? Plus près d'eux, des rangées bien alignées ressemblaient à des sièges sur lesquels des dizaines de Korrigan s'amassaient, regardant la zone libre au centre, discutant entre eux ou festoyant avec emphase. Leur arrivée, en tout cas, les interrompit dans leurs activités.

La sorcière déglutit. Le porte-parole s'approcha, proposant plusieurs types d'épreuve. La sorcière hocha la tête à la proposition de Méduna, et lorsqu'elle donna la décision, un large sourire éclaira le visage du petit Korrigan qui s'avança plus vers le centre du cercle avant de faire apparaître une zone munie d'un tronc d'arbre. Un autre Korrigan sauta depuis les gradins et vint se positionner près du tronc central, et leva les yeux vers le groupe des trois celtes. Morrigan comprit. Elle se retourna et jeta un oeil à ses compères.

« Je m'en occupe. Restez sur vos gardes, on ne sait jamais. »

Avec confiance, elle prit place autour de l'épreuve. Au vu de la hauteur des petits êtres, elle du s'agenouiller pour se mettre a sa hauteur. Dans ses grands yeux brillait une sorte de fierté qui la frappa. Est ce que les défier était plus qu'une sorte de jeu, pour eux ? Morrigan le salua d'un signe de tête auquel il répondit et ils lièrent leurs mains. L'épreuve commença. Pour une petite créature, elle avait de la force en fait ! Mais Morrigan en tant que déesse de la guerre sentait la force affluer dans ses veines, notamment grâce a des années d'entraînement mais aussi le bonus prodigué par la boisson de Méduna. La lutte dura quelques longues secondes pendant lesquelles tous autour se taisaient. Le coeur battant, la déesse restait concentrée, grappillant centimètre par centimètre de l'avance sur lui.

Lorsque finalement elle parvient a abattre son poing sur la surface, elle afficha un sourire victorieux tandis que quelques cris de stupeur et d'admiration résonnèrent dans la grotte.

KoalaVolant

Spoiler:

An Unexpected Journey ~

Meduna & Morrigan

Tu as choisi les celtes parce que notre panthéon a les plus jolies femmes, voyons. Ah non, ce n’était pas pour ça ? plaisantai-je. Pour l’alcool alors, peut-être.

Sans hésitation pour l’alcool. Dit-il en souriant en coin. Un homme peu expressif, mais capable de faire passer ses émotions par de petites mimiques discrètes et des yeux qui parlaient à sa place. Pour le coup, il était effectivement entouré de deux très belles femmes, mais ça ne l’aiderait pas face au Korrigan.

Par chance, elles n’étaient pas que belles, mais aussi douées! Leur interlocuteur proposa laissa le choix et la réponse fut unanime : la force ! William n’eut pas le temps de dire un mot que la guerrière se désigna la première. Étonnant ? Absolument pas. Elle n’était pas du genre à se laisser faire et sa force était redoutable. Il jubilait d’avance de profiter du spectacle et de voir leurs têtes se décomposer de se faire battre par une femme. Pas n’importe quelle femme bande de petites créatures sournoises !

La victoire fut sans équivoque. Un KO rapide et efficace qui lui arracha un sourire et des applaudissements. Il regretta son geste, de peur d’avoir contrarié les bestioles, mais après une seconde d’hésitation, ces derniers se mirent à applaudir à leur tour. Ils étaient bons joueurs..

A ton tour, l’homme grincheux ! Ruse ou agilité ?

Grincheux !? Moi, grincheux ? William serra les poings et afficha son plus beau sourire. Il n’avait pas clairement compris qu’il s’agissait de trois missions et pas d’un choix. Sa chute avait été brutale et ses côtes s’en souvenaient encore même s’il n’avait rien dit, pourtant, il n’hésita pas très longtemps.

Et bien.. allons y pour l’agilité… Dit-il, étrangement peu confiant dans une situation ubuesque comme celle-ci.

Le petit homme lui fit signe de le suivre et un couloir de la grotte s’éclaira. Une cul de sac. Une chemin sans issue. William fronça les sourcils.

Va toucher ce mur et revient jusqu’à nous.

Non merci, ça pue le piège ! Il pivota sur lui-même, croisa le regard assassin de deux demoiselles derrière lui qui lui interdisait clairement de jouer au plaisantin.

Bon.. si vous insister.. Finalement ce petit bout de grotte m’a l’air plus safe que ce qui se trouve derrière moi, dit-il les yeux écarquillés.
Le soldat n’était pas fou, il avait repéré des inserts dans les paroies sombres qui l’entouraient et savait qu’à la première foulée en avant, le jeu commencerait. Il avanca d’un pas et le mécanisme s’enclencha. A différentes hauteurs, des tiges en mousse semi rigides se mirent à entrer et sortir sans rythme logique. S’il se loupait, c’était la chute ou la claque assurée. Rien de dangereux, il aurait juste l’air d’un idiot à manger le sable pour le plus grand plaisir des Korrigan. Il soupira, déjà contrarié d’avance par les rires qu’il s’apprêtait à entendre avec si peu de lumière…. Le pire : il n’aurait pas le droit à la riposte et devrait se contenter d’un peu d’auto-dérision sans sortir les lames. Un super voyage, vraiment. 3 tiges à l’aller, 2 au retour.

Ce qui devait arriver arriva... L'enchainement devint plus rapide, vicieux et la lumière fut adoucie pour rendre l'avancée complexe. Sur l'allée retour, William ne put échapper qu'à une seule attaque ! Il trébucha, pris un coup dans les côtes heureusement sans douleur, se fit malmener à droite, à gauche sous les éclats de rire généreux. De retour, le desespoir pouvait se lire dans ses yeux.

A sa droite il entendit l'un des Korrigan hilare crier "Encore ! Encore " et se pinça les lèvres pour se retenir de l'étouffer. Il sourit aux demoiselles, fit sa plus belle révérence et prit la parole avant qu'elles n'ouvrent la bouche.

Information numéro 1 : je ne vous suivrais plus jamais en voyage. Information numéro 2, la première qui dit un mot va me le payer très cher.

Evidemment, elles ne se gêneraient pas...

(c) DΛNDELION

An unexpected journey

Un bras de fer pour première épreuve. Voilà qui était peu original… Morrigan se proposa très spontanément pour affronter le champion korrigan et j’hochai la tête d’un air entendu. J’avais toute confiance en elle…

Mes yeux se promenèrent sur l’assistance. Où était donc leur roi ? Pourquoi ne s’était-il pas encore manifesté ? Par crainte que nous courcircuitions ses épreuves pour nous adresser directement à lui ? Par esprit de défi ? Je n’imaginais pas un seul instant le fait que le seigneur de ce peuple puisse se cacher alors que les reines celtes avaient pénétré son territoire et demandé après lui. Il était forcément là, quelque part. Où se cachait-il ? Mes yeux ne voyaient pas à travers leurs puissantes illusions mais je pouvais peut-être percevoir des signes…

Des éclats de voix survoltés attirèrent mon attention. Morrigan avait fait tourner court la partie, envoyant son adversaire au tapis. Je lui adressai un sourire satisfait. Elle était belle, la reine des iliens. Il était bon de ne pas avoir à cacher sa nature, son aura resplendissait.

Et à nouveau, je simulais la curiosité en observant la foule alors que Chulainn s’avançait pour réclamer une épreuve d’agilité.

Des regards…
Des doutes.

Des éclats de rire. Je levai les yeux pour voir un vieux soldat millénaire se ramasser à quelques reprises et ne put m’empêcher de rire. Pauvre Chulainn… Mon sourire se fit plus franc lorsque je le vis fulminer en revenant vers nous.

-J’allais te proposer de travailler la souplesse en privé un de ces jours… mais je vais plutôt me taire, dis-je avec un sourire en coin.

Je ne l’avais toujours pas débusqué. Où était-il ? Où se cachait le roi des korrigans d’Irlande ? Je n’aimais pas que l’on se paye ma tête et j’avais l’étrange impression qu’il s’amusait très largement à nos dépens.

L’animateur des épreuves fit un pas en avant pour m’inviter à entrer dans l’arène et je levai une main à son intention. “Silence”.

Il se figea.

Je fis quelques pas en avant, la tête haute et embrassai la foule du regard.

-Nous enchainons vos épreuves sans sourciller pendant que votre peuple ripaille sous nos yeux. Est-ce là la légendaire hospitalité des korrigans ? Vous recevez des déesses sans même leur offrir à boire ?

Tête haute, je ne demandai pas, je commandai.

-Portez nous des coupes, et nous continuerons à jouer selon vos termes.

Mon ordre siffla et suscita une vague de confusion. Je vis des regards se croiser, des conversations s’arrêter et d'autres démarrer à toute vitesse. J’observai attentivement, donnant l’air d’être contrariée.

“C’est ça… Montrez moi qui vous commande…”

L’ombre d’un sourire apparut sur mes lèvres alors que je surprenais des regards inquiets converger discrètement dans une direction. “Bien, bien…”.

Je me détournai pour marcher en direction d’une source d’eau, une fontaine aménagée contre un mur. J’y posais la main, y concentrai mon pouvoir… Le jet d’eau s’altéra et se mit à cracher un liquide noirâtre qui répandit une douce odeur alcoolisée. De la guinness, une bière emblématique de ces terres, au fort goût de café. Des korrigans arrivèrent en courant avec des verres pour chacun d’entre nous, et des bouteilles. Je saisis le mien et le remplit dans la fontaine. Puis je me retournai, souriante. Mon expression parut détendre l’atmosphère. De deux choses l’une j’eus confirmation : les korrigans nous craignaient. Bien… Nous avions donc encore un semblant d’autorité sur eux.

-Je vous avais promis de l’alcool à en perdre la tête ! m’exclamai-je en retrouvant mon visage avenant.

Je levai le bras qui ne tenait pas la chope et fit un signe aux korrigans.

-Buvez en notre honneur les amis, la fontaine ne se tarira pas ce soir !

Puis je me tournai vers notre principal interlocuteur et marchai d’un pas assuré vers lui pour rejoindre le centre de l’arène. Le défi serait plus doux avec une bonne bière...

-Parle, quelle sera la prochaine épreuve ?

Force et agilité avait été passée, restait donc l’esprit. Et je compris rapidement lorsque je fus soudain encerclée par l’apparition d’une quinzaine de silhouettes de créatures, toutes identiques : un korrigan plus grand, plus large et bedonnant que les autres, qui portait une couronne.
Et dire que je l’avais cherché tout ce temps… Il se trouvait donc là depuis le début ?

-Où est notre roi ?

Je me figeait, la choppe a mi parcours sans avoir eu le temps de tremper les lèvres dedans. Très bonne question, ça... où était donc leur roi ?
Concentrée, je toisai chaque korrigan avec admiration, allant jusqu’à les toucher. Fascinant… L’illusion était parfaite, je sentais la texture de leur peau, jusqu’à l’odeur qu’ils dégageaient… Le pouvoir des korrigans étaient tel qu’il biaisait mes sens. Je fermai les yeux, tentai de me concentrer… Les créatures de mon panthéon ne pouvaient échapper complètement à mes perceptions, avec la concentration et l’acuité, je finirai forcément par percevoir son aura...

“Où es-tu petit roi ?”

Non, cela n’avait pas de sens. Aucune de ces créatures ne dégageait d’aura, je ne percevais rien. Les korrigans tentaient-ils de m’abuser ? Une vengeance après mon petit coup d’éclat ? Je me mordis la lèvre. “Réfléchis, Méduna, réfléchis…”.

Les regards qui convergeaient vers un point, tout à l’heure…
Mes yeux rencontrèrent ceux d’une jeune korrigan aux traits fins, légèrement en retrait, qui me fixaient avec un sourire de défi. Ils s’y accrochèrent…

“Je te vois…”

Son sourire s’agrandit. Elle me toisait, insolente et rieuse.

“C’est toi qu’ils regardaient…”

J’avalai la distance, repoussai les illusions pour sortir du cercle et aller au devant de la demoiselle. Tête haute, mais franchement amusée par le piège déloyal qu’ils nous avaient tendu. Les enfoirés !

Je lui tendis ma chope pleine sans la quitter du regard, épaules relevées et tête haute. Je décidai de me fier à mon instinct… Je prenais un risque. Si je me trompais…

-Aimeriez-vous un verre, reine Korhen ? demandai-je avec un sourire provocateur.

La korrigan à l’expression insolente me scruta quelques instants, sans perdre son sourire.

Suspens… Mon coeur battit un peu plus vite. Je ne laissai rien paraître de mon trouble, affichant un air sûr de moi. Si je me plantais, nous allions être la risée du petit peuple…

Elle tandis la main pour s’emparer du verre, m’observant avec un air entendu… Et puis elle inclina respectueusement la tête.

-Soyez remerciée. Bienvenue en notre royaume, reine Méduna des terres continentales, reine Morrigan des îles du nord…

Son regard se figea sur Chulainn et elle le dévisagea avec malice :

-Et à celui qui “ne fait que les accompagner”, reprit-elle en citant les mots de l’homme d’un air taquin.

Elle nous fit signe de la main pour nous montrer les tables de banquet et proposa alors :

-Nous avons bien noté votre appétence pour les plaisirs de la nourriture et de la boisson. Si vous le souhaitez, vous pourrez vous restaurer en nous présentant vos doléances. Nous n’avons pas tous les jours le plaisir d’échanger avec des invités aussi prestigieux.

J’hochai la tête, satisfaite, avant de couler un regard vers Morrigan. “ET BAH VOILÀ ! On y est !”

Spoiler:

Codage par Libella sur Graphiorum

An Unexpected Journey

Les cris des Korrigan autour d'eux laissèrent un sourire appréciateur sur les lèvres de la reine celte. Elle semblait avoir réussi l'épreuve, ce qui mettait les petites créatures dans un état de liesse proche de l'euphorie, à en juger pour certains qu'elle pouvait voir. Elle revient vers ses compagnons, son regard s'appesantissant sur l'autre reine celte qui la regardait avec intensité. Etait-ce une once de fierté qu'elle pouvait voir dans ses yeux ? Ou d'une certaine complicité, peut-être ? Quoi qu'il en fut, Morrigan reprit sa place alors que ce fut au tour de Chulainn de prouver sa valeur suite à la demande du petit animateur. Elle l'encouragea d'un signe de tête, persuadée que l'épreuve d'agilité pourrait lui aller comme un gant. L'épreuve fut compliquée, notamment car les tiges qui sortaient du mur semblaient aléatoires et chaotiques. Des éclats de rire francs se firent entendre, mais la reine irlandaise ne dit rien, malgré son envie d'aller l'aider et de faire taire ces petites voix. Elle n'en fit rien ; cela n'aurait servi ni le soldat ni leur cause, et cela allait à l'encontre de l'accord tacite mené entre leurs deux peuples. Elle rongea donc son frein, croisant les bras et affichant un air contrarié, priant intérieurement pour qu'il réussisse. Ce qu'il parvint à faire, avec difficulté et après plusieurs coups. Elle se détendit, le félicitant d'un regard qui en disait long. Ils pouvaient se passer de mots, ils l'avaient déjà faits maintes fois.

Il semblait en revanche passablement agacé lorsqu'il revint vers elle, et là, elle ne put retenir un sourire taquin, tout comme Méduna qui s'en donna à cœur joie avec sa remarque salace. Morrigan l'ignora, concentrée sur la suite des événements. Quelque chose lui disait que les Korrigan ne seraient pas encore satisfaits. La rousse sembla perdre patience à en juger par sa gestuelle et ses mots. Elle les somma de leur donner à boire, et Morrigan se tourna vers elle, arquant un sourcil. Puis reposa son regard sur l'assistance. Elle comprit alors la manœuvre de la reine celte et garda le silence. Si elle n'était pas aussi versée dans l'art de l'observation, elle avait toute confiance en Méduna pour le faire et ne voulait pas faire échouer son plan.

L'irlandaise sourit lorsque Méduna transforma la source d'eau claire en bière. Cela semblait faire plaisir aux Korrigans présents, qui récupérèrent verres, gourdes et bouteilles pour venir les remplir. Morrigan s'approcha et remplit deux verres, dont un qu'elle donna à son maudit, haussant les épaules. Autant boire un coup, ça ne pouvait pas faire de mal. Lorsque le porte parole apparut de nouveau, alors ce fut au tour de Méduna de prouver sa valeur sur une épreuve plus complexe encore : l'esprit. Un silence envahit soudain l'arène, laissant tout le monde dans l'expectative de la réussite ou non de la reine. Morrigan retenait son souffle, observant les silhouettes identiques et la façon qu'avait Méduna de les tester une par une.

Fie-toi à ton instinct, reine. Tu connais la réponse, au fond de toi.

Jamais les Korrigan ne leur donneraient des épreuves qu'ils étaient incapables de réussir, cela n'aurait aucun intérêt pour le jeu et le divertissement. Lorsqu'elle en interpella un, le monde sembla se suspendre à une seconde figée dans le temps. Jusqu'à ce que la dénommée Korhen prenne le verre tendu et incline respectueusement la tête. La sorcière retint un soupir de soulagement. Ouf. Les salutations plus formelles reprirent avec un trait d'esprit d'esprit de la Korrigane (?) et Morrigan leva son verre pour trinquer avec Korhen.

« Mes salutations, reine Korhen. Et mes remerciements pour votre accueil. »

Elle échangea un regard entendu avec son homologue. Ils y étaient, c'était maintenant. La première étape était franchie : celle de gagner audience. Le petit peuple s'activa autour d'eux, la musique reprenant de plus belle, certains riant et dansant. Morrigan but une gorgée de la Guiness préparée par Méduna, grimaçant au premier contact de la bière amer contre sa gorge. Elle laissa son regard se promener sur l'assistance tandis que la reine proposait aux trois celtes de venir s'asseoir à une table joliment décorée, un peu plus loin. Une fois posés, la reine prit la parole, jetant un regard à Méduna qui signifiait en somme : n'hésite pas à intervenir si tu le sens.

« Comme je vous le disais en introduction, nous sommes à une croisée des chemins. Les divins sont en danger, le panthéon encore plus. Notre conflit avec les nordiques s'est accentué. Ils utilisent notre nom et notre apparence pour mener de terribles actes et nous en faire porter la responsabilité. »

Elle détailla après une nouvelle gorgée l'événement de Marseille, reprenant le déroulé tel qu'elle le connaissait et la fausse vérité qui avait été mise en avant sur le devant de la scène.

« Sans parler de notre panthéon ennemi juré, des humains ont aussi décidé de nous exterminer. Les créatures loyales aux panthéons ont rejoint le combat, aussi : strigoïs, sirènes, ... La menace est globale. En tant que reines du panthéon celte, nous en appelons à notre lien qui a traversé les âges de ce monde. Aidez-nous. Battez-vous à nos côtés, faites partie de nos offensives contre nos ennemis. Rejoignez nos rangs et menons de front le plus grand combat que nous ayons jamais connu. »

La reine Korhen l'observait. Pensive. Dubitative. Elle devait réfléchir à ce que venait de lui dire Morrigan.

« Nous sommes en sécurité ici, vous l'avez vu, nous trouver est difficile, nous convaincre encore plus. Pourquoi mettrais-je mon peuple en danger pour une menace qui n'existe que dans vos paroles ? »

L'irlandaise s'attendait à ce type de réaction. Elle serra le verre dans sa main, puis reprit.

« Vous bénéficiez pour l'instant de l'invisibilité, c'est vrai, mais pour combien de temps encore ? Tous, humains comme divins, s'arrachent les artefacts divins, sources et symboles de notre puissance millénaire. Entre de mauvaises mains, ils peuvent nous causer du trouble et semer la mort. Ils seront utilisés pour vous démasquer, n'en doutez point. »

Quelques exclamations de stupeur venant d'oreilles indiscrètes semblèrent éclater autour d'eux. La reine ne bougea pas. L'irlandaise ne dévia pas de son homologue Korrigane. Ce n'était pas le moment de flancher. Son visage se rembrunit.

« Diancecht, que vous connaissiez, est tombé. »

Elle jeta un oeil à Méduna, se souvenant parfaitement bien de sa réaction au moment fatidique. La douleur... et la colère. Elle reprit, le regard dur mais franc :

« Je vais être honnête avec vous : je ne veux pas seulement protéger le panthéon et ses créatures fidèles. Je veux le venger. »

KoalaVolant

An Unexpected Journey ~

Meduna & Morrigan

Un sourire forcé et contrarié déchira son visage lorsque Méduna se moqua de lui. Toutefois, il n’était pas contre une séance d'entraînement privée, mais ne se prononça pas sur le sujet. Pas ici, pas devant elle. La situation était encore bien trop floue dans son esprit pour jouer les princes charmants. Il soupira devant la réussite de la seconde, la bière coulait à flot et les deux femmes venaient de gagner les faveurs et le droit de s'asseoir à leur table. Pourquoi était-il venu au fait ? Elles savaient parfaitement se débrouiller à deux, excellaient dans tout ce qu’elles entreprenaient et ce voyage n’avait rien du club med non plus. William était entre deux eaux, ni utile, ni en vacances, de quoi le rendre un peu grincheux (mais drôle, toujours). Il salua convenablement la Reine sans pour autant prendre la parole ensuite. Reine Khoren dit-il en abaissant la tête. S’il y avait bien quelqu’un dans ce trio capable de réduire à néant tous leurs efforts en deux phrases, c’était bien lui. Il ne parlait jamais avec un temps de réflexion préalable et n’hésitait pas à être très cash, trop cash.

Il s’installa à son tour, trempant ses lèvres dans la bière fraîche. L’amertume le réveilla un peu et il leva son verre silencieusement en direction des autres Korrigan assis tout près d’eux qui s’étaient permis de rire aux éclats de sa contre performance. Ils avaient bien fait, ça devait être assez drôle. Morrigan reprit la parole et William écarquilla les yeux. Et bien ! Madame savait être diplomate et civilisée lorsqu’elle le voulait ! Lui n’avait le droit qu’à la puissance de sa droite sur un ring de boxe où à des paroles tranchantes comme des lames de rasoir qu’il mettait toujours dix ans à digérer. Ici, tout était différent. Les deux Reines étaient à leur place, dans leur élément, courageuses et négociatrices, galvanisées par un objectif commun : la protection des Celtes.

Il aurait aimé savoir ce qu’elles ressentaient, pourquoi elles faisaient tout ça, mais il n’avait jamais vraiment eu ce sentiment d’appartenance et de dévotion total pour le Panthéon. Il n’était pas un traître pour autant, juste un fidèle par procuration, protecteur loyal et dévoué à la Reine de ce dernier.. désormais, au deux Reines…

Voilà où était sa force et ses convictions.

Le discours se termina en demi-teinte pour le soldat qui buvait en écoutant attentivement. La vengeance.. Evidemment, ce mot faisait mouche tout autant que les précédents. Ils seraient bien stupides de ne pas avoir compris qu’eux aussi seraient en danger tôt ou tard, mais Morrigan qui souhaitait se venger, c’était comme se promener avec une grenade dans les mains en gardant le sourire alors que tout pouvait péter n’importe où, n’importe quand. C’était grisant, exaltant, la guerrière reprenait vie petit à petit pour son plus grand plaisir…

William n’avait aucun rang si ce n’était d’être un garde, un accompagnateur alors, il garda le silence pour entendre la suite. Meduna allait sans doute appuyer au bon endroit, là où sa collègue avait déjà fait des brèches profondes pour convaincre ce peuple d’unir ses forces aux leurs.

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An unexpected journey

On me porta un autre verre et on le rempli sous mes yeux. Le réflexe voulu que je touche l’objet et y diffuse mon pouvoir à la recherche de traces d’un éventuel psychotrope… Non rien, pas de drogue. Les korrigans ne voulaient pas jouer avec le feu. Pas plus qu’ils ne l’avaient fait en soumettant deux déesses et leur escorte à leurs jeux puériles, du moins.

J’écoutai Morrigan, relativement stupéfaite de ses capacités d’oratrice et de la patience exprimée face au petit peuple. L’irlandaise dissimulait tant de qualités sous ses airs bourrus… Elle était loin, l’époque du sommet où je la voyais comme une brute provocatrice. Nous apprenions à nous apprivoiser depuis, à travailler ensemble. Des heures et des heures passées à échanger sur nos stratégies, nos visions de telle ou tel individus et à prendre des décisions… Les deux reines celtes apprenaient l’une de l’autre. C’était fastidieux, demandait des efforts d’adaptation constants… Mais la confiance se construisait, et avec elle l’efficacité.

L’une de mes mains amena ma chope à mes lèvres tandis que l’autre, sous la table, se posa discrètement sur la cuisse de William pour lui faire une caresse affectueuse. Je ressentais sa nervosité et je ne pouvais abandonner mon masque d’autorité pour lui témoigner de l’affection en public, pas pendant des négociations diplomatiques… Mon regard était figé sur Morrigan et Korhen qui communiquaient, mon attention convergeait sur leurs mots et j’écoutai, concentrée… Mon coeur était là, à côté de moi, par ce contact physique.

Je dû me résoudre à le lâcher, par souci de discrétion, avant de prendre la parole. Morrigan avait semé les graines de la peur… Et avait parlé avec raison.

-Vous avez été engendrés par des dieux et votre existence est intrinsèquement liée à la nôtre. Notre pouvoir a décru avec les invasions de nos territoires et le votre avec… Je sais que vous le sentez… L’Unique nous a supplanté dans le coeur des mortels et contraint à l’exil. Aujourd’hui ce sont les nouveaux dieux qui menacent. Leur âge d’Or signera la perte des Anciens Dieux, et avec eux déclineront toutes les créatures que nous nourrissons de nos pouvoirs. Ne comprenez-vous pas ? Il ne s’agit pas d’une guerre de territoire ! Nous nous battons pour notre survie… Et la vôtre, à tous ! m’exclamai-je en posant les paumes de la main à plat sur la table pour donner du poids à mes propos. Nous vous avons trouvés. Pensez-vous être en sécurité ici ? Croyez vous survivre si nous disparaissons ?! Notre sort sera le vôtre.

Je pris appuis sur mes mains et me relevai, toisant avec autorité la reine des Korrigans irlandais et tous ceux qui se pressaient plus ou moins à distance en tendant les deux oreilles.

-Vous participerez à l’effort de guerre parce que vos souveraines légitimes l’exigent, dis-je d’un ton qui n’admettait pas de refus. Vos illusions protègeront notre peuple, dissuaderont les mauvais d'approcher. Et lorsque nos ennemis marcheront sur l’Irlande, lorsque vous serez acculés, que vos illusions ne vous protègeront plus, les dieux celtes et leur armée se dresseront pour faire rempart. Nous n’abandonnerons pas nos enfants.

J’étais mitigée. Nous avions marché pour quitter la zone jusqu’à cesser de ressentir la présence de nos hôtes, nous avions alors pu nous détendre un peu. Le retour s’était fait dans le calme, jusqu’à ce que nous puissions rejoindre la maison de campagne que nous prêtait gracieusement un fidèle pour la durée de notre séjour.

Korhen avait cédé. En partie. La reine korrigan irlandaise avait décrété qu’elle se rendrait personnellement en Bretagne pour “voir” la situation de ses propres yeux. Une réaction prudente : un refus net aurait signifié le rejet de notre autorité et le risque d’attirer notre courroux sur son peuple, une approbation aurait engagé ses gens dans un conflit sanglant.

Je fis claquer la porte du frigo pour en extirper de quoi préparer des mojitos. Je devais passer mes nerfs sur quelque chose, les citrons et la glace pilée feraient parfaitement l’affaire.

-Elle cherchait à gagner du temps…

Korhen nous avait donné le moyen de la contacter, promis de s’embarquer avec nous sur le vol de retour pour la France.

-Si elle ne tient pas ses engagements, nous devrons peut-être envisager une approche plus… à ta manière, soufflai-je en lançant une œillade vers Morrigan. Nos enfants sont restés trop longtemps livrés à eux-même, ils ont oublié à qui ils devaient la vie et le respect.

Dire que William me pensait blanche comme neige et profondément bienveillante… Il devait déchanter depuis quelque temps. Je lui avais montré un visage doux et bienveillant, mais l’Ivresse pouvait être aussi délicate que violente.

Nous étions des dieux, les mortels tremblaient en notre présence. Les divinités celtes étaient à l’image des fidèles qui leur avait donné la vie : dures, fortes, conquérantes.

-Taranis pourra les rappeler à l’ordre.

Je me figeai avant de soupirer profondément.

-J’espère qu’elle saura se montrer raisonnable… Ce sera ta décision, bien entendu, dis-je à Morrigan. Ton territoire, ton peuple.

Quand bien même nous avions pris l’habitude de trancher ensemble pour toutes les décisions majeures.

Je levai un regard tendre vers William.

-Tu ne t’es pas fait mal, là-bas ?

Je jetai le citron dans un bol et entrepris de le pilonner avec quelques ingrédients. Les verres de mojitos furent rapidement prêts

-Quel est ton avis sur la situation ? demandai-je à mon compagnon en posant les verres devant eux.

Deux mois déjà… J’aimais le consulter, il nous offrait parfois un regard divergent et neuf sur les choses, de part sa propre expérience et son statut. Ni dieu ni tout à fait humain…

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An Unexpected Journey

C'était le moment décisif. Il ne fallait pas flancher, sous peine de voir toute l'opération capoter. Morrigan exposait les raisons de leur venue, calmement mais fermement. Elle prenait sur elle pour ne pas laisser la colère s'exprimer. A deux doigts de considérer cela comme une perte de temps, car pendant qu'ils discutaient bien au chaud en buvant un agréable breuvage, les autres se renforçaient. Mais après des discussions avec Méduna, elle s'était laissée convaincre de tenter l'expérience. Déjà parce que revenir en Irlande était un souhait cher à son cœur. Sa terre natale l'appelait, et elle l'avait trop longtemps ignorée. Sans dire que ce pays guérissait ses maux, elle s'y sentait mieux. Ensuite parce qu'elle apprenait de son homologue. C'était imparfait, et parfois frustrant de devoir réexpliquer constamment sa position, son tempérament. Mais nécessaire, lorsque deux fortes personnalités régnaient sur le panthéon. Elle avait compris que le temps de faire équipe à part était révolu, maintenant. C'était survivre ensemble ou mourir seul.

Pour autant, la reine des Korrigan jouait avec cette patience nouvellement construite, instillant doute et empressement. Et si tout ça n'avait été qu'une gigantesque erreur ? Morrigan resserra sa prise sur son verre, voyant l'effet que ses paroles avaient eu sur le reste de l'assemblée. Des yeux écarquillés, quelques soupirs de stupéfaction. Korhen, en revanche, était impassible. Morrigan se détendit visiblement lorsque ce fut au tour de Méduna de compléter. Et ce qu'elle dit la fit à son tour écarquiller les yeux et se tourner vers elle. Ces paroles là, dans sa bouche... C'était assez improbable, en vérité. Il y avait une fureur, une autorité, un ordre qui n'appelait ni au refus, ni à la négociation, mais à l'acceptation pure et simple. Dans les faits, la rousse avait raison, bien entendu. Les Korrigan vivaient sous l'autorité des reines depuis des millénaires. Ils avaient leur indépendance, leur propre organisation, passée d'un accord commun qui remontait à des temps immémoriaux. Mais cela venait avec des conséquences, la première étant de participer aux efforts de guerre. Korhen se tourna vers Morrigan, cherchant peut-être une nuance irlandaise dans les propos assez durs menés par la celtique. Inébranlable, la sorcière compléta :

« Je soutiens mon homologue. Tout ce qu'elle vous dit est vrai. Vous seriez sages de l'écouter. »

~ ~ ~ ~

Morrigan se laissa tomber sur le canapé en soupirant. Elle observa Méduna s'affairer dans la cuisine de la petite maison, sortant avec empressement quelques citrons verts du frigo. Boire un coup, vraiment ? Oh et puis après tout, pourquoi pas, la journée avait été suffisamment éprouvante. La nuit, aussi. Pendant ce temps, elle jeta un oeil à William, qu'elle avait trouvé étonnement silencieux. Etait-il impressionné de tout ça ? D'ordinaire, la diplomatie n'était pas vraiment sa tasse de thé, elle s'en souvenait. Ca n'était pas la sienne non plus. Mais les temps changeaient, et les gens, avec lui. D'autre part, il jouait quand même sacrément avec le feu, d'entretenir une proche relation avec les deux reines du panthéon. Evidemment qu'il serait mobilisé dans ce genre de cas.

« Elle tiendra parole. Ils sont joueurs, mais ils ne m'ont jamais déçue par le passé. Elle a vu la raison qui nous a poussé à venir les trouver, et je pense qu'elle sait qu'on ne se serait pas donné tout ce mal si on ne croyait pas vraiment dans cette guerre qui approche. »

Morrigan y croyait dur comme fer.

« Peut-on vraiment lui en vouloir, d'essayer de gagner du temps ? N'aurais-tu pas fait la même chose, à sa place ? A vrai dire, je me serais méfiée si elle nous avait tout de suite prêté main forte. »

A sa petite pique sur sa nature profonde, Morrigan se redressa dans la canapé, posant les avant-bras sur ses genoux, surprise.

« Ma manière ? Je crois que tu n'as plus besoin de moi, Méduna ! C'est à peine si je t'ai reconnue, là-bas. Dure, brutalement franche, presque vindicative... On dirait que j'ai une mauvaise influence sur toi, chère reine. » lui confia-t-elle en souriant. « Non pas que ça me déplaise, hein ! »

Même si maintenant, elle avait la sensation que chacune avait quelque chose à apporter à la gouvernance du panthéon. Elle ne l'avait pas toujours pensé.

« Et bien moi, je te parie que ce sera elle qui viendra nous trouver et qu'on aura pas besoin de la relancer. »

L'irlandaise la remercia d'un signe de tête pour le verre frais et dont l'odeur d'agrumes et d'alcool lui embauma les narines. Elle leva le verre pour trinquer, et leur dit à tous les deux, avec un air malicieux.

« A nous et à notre équipe ! »

KoalaVolant

An Unexpected Journey ~

Meduna & Morrigan

Enfin, il était temps pour eux de rentrer ! William n’était pas doué pour les grands discours et les deux femmes n’étaient pas en danger, à deux, elles étaient même plus féroces qu’à l’ordinaire ! En clair, sa présence n’était pas très utile, mais il était content d’être à leurs côtés malgré tout. Le retour fut plutôt silencieux et l’homme, d’ordinaire toujours prêt à faire des blagues absolument pas drôles, était resté bien sage jusqu’à la maison de campagne où ils logeaient temporairement. A peine arrivé, il s’écroula sur le canapé avec Morrigan pendant que la seconde déesse fouillait dans le frigo… des mojitos, bah voyons. La déesse de l’ivresse ne perdait jamais une occasion de sortir une bouteille ou de préparer quelques cocktails. Il en savait quelque chose, puisqu’il passait nettement plus de temps que prévu avec elle… Un léger détail qu’il avait omis de préciser à Morrigan avant leur départ.

Les jambes négligemment croisées sur un tabouret pendant que tout son corps s’enfonçait dans le moelleux du sofa, il regarda autour de lui, dubitatif. Était en plein rêve, les deux Reines discutaient comme deux vieilles amies alors qu’elles avaient failli s’embrocher en duel le lendemain de la réunion Celtes. Il fronça les sourcils et s’enfonça plus encore dans le canapé avec l’espoir d’être invisible et oublié, ce qui n’arriva pas. Oh, une petite discussion politique.

« Tout va bien.» répondit-il à Meduna sur son état. En dehors de son égo, aucune blessure n’était à signaler.
« Je partage l’avis de morrigan. »

Avait-il le droit de dire ça ? Ne risquait-il pas de contrarier Meduna ? Oh bon sang, quelle galère. Elle voulait son avis, elle aurait son avis. « Nous avons accepté leurs requêtes farfelues et je n’ai perçu aucune défiance. Ils ont peur d’être mêlés à cette guerre, mais vous avez bien fait de leur rappeler que tôt ou tard, ils pourraient être attaqués. La Reine semble lucide sur tout cela, elle digère vos propos, mais reviendra vers vous, j’en suis persuadé.» Et il n’avait pas fait tout ça pour rien ! Elle avait intérêt à revenir.

« Et maintenant ? C’est quoi la suite ? L’opinion publique est manipulée par les médias, vous..nous perdons des fidèles en pagaille et même si la Reine consent à unir ses forces aux nôtres, ça ne permettra pas de redorer l’image des Celtes.»

Il souleva son verre, le porta à ses lèvres et fit un clin d'œil à la jolie rousse pour la remercier. William était distant, sans doute gêné par la situation, par ce trio improbable qui jouaient les colocataires en mission.

« Je ne voudrais pas jouer les impolis en coupant prématurément vos échanges, mais nous devons parler d’autres choses. Avant que l’on ne se lance dans une quelconque mission, j’ai besoin de toi, Morrigan. Peut-être de toi aussi, Méduna. J’ai depuis quelques mois une demoiselle d’une vingtaine d’années qui loge à mon domicile et qui prétend être la fille de Mama Quilla » Première bombe. Les verres en main, elles auraient de quoi avaler la pilule.
«Je ne sais pas si c’est vrai, et l'ai appris récemment, mais je la crois et si elle me ment, je la pardonnerai sans doute. J’aime beaucoup cette petite. Elle s’appelle Naya Flores et avant que vous ne me coupiez, je n’ai rien dit sur vous, ni sur le Pantheon avant d’avoir votre avis. » Deuxième bombe, buvez un coup.
« Ensuite, pendant que nos verres se rechargerons, j’aimerais discuter avec toi Morrigan. Dehors » Troisième bombe en approche.

La voix de William était étrangement sérieuse. Pas l’ombre d’une blague dans ses propos, ce voyage était l’opportunité idéale de mettre tous les sujets à plat dans un terrain neutre. Naya attendait beaucoup de son retour, il n’avait pas prévu de botter en touche une fois encore.

(c) DΛNDELION

An unexpected journey

J’écoutai Morrigan exprimer son opinion avec une attention rigoureuse. J’avais appris à entendre son point de vue et à le respecter. Nous n’étions pas toujours d’accord et cela n’avait que peu d’importance, au final nous arrivions généralement à faire des compromis. Mais il n’était pas question de consensus, cette fois. Morrigan connaissait bien mieux son peuple que moi et j’entendais volontiers sa sagesse. Les celtes étaient jadis découpés en de nombreuses tribus dispachées sur un très large territoire. L’Irlande n’était pas mon domaine de naissance, c’était celui des deux personnes qui se trouvaient attablées avec moi. Et les deux, en l'occurrence, semblaient s’accorder dans leur jugement : la reine Korhen collaborerait sans faire d’histoire.

-Voilà qui me rassure, dis-je honnêtement.

Ce que j’aurais fait…
Je réfléchis, pensive.

-A sa place, j’aurais sorti d’office nourriture et boisson pour honorer mes invités… dis-je avec un sourire taquin afin de détendre l’atmosphère. Mais leur manque d’hospitalité m’aura au moins permis de faire mon petit tour de manège pour débusquer Korhen.

Et je repris plus sérieusement :

-Je respecte la stratégie de la reine. Ils sont malins, très malins, et roublards. Je les veux dans notre armée, absolument.

Ils seraient un atout de taille dans notre main. Leurs illusions nous protègeraient en Bretagne, là où les hostilités ne manqueraient pas de se déclencher sous peu. Je bus une longue gorgée de mojito.

-Il va falloir convaincre les korrigans de Bretagne, maintenant. Je les connais un peu mieux, ceux-là, ça devrait être plus facile.

Je ricannai et échangeai un sourire entendu avec la Morrigan.

-Ma chère, il fallait quelqu’un pour endosser la casquette du “mauvais flic” et tu jouais si bien la diplomate…

Elle m’avait largement surprise là-bas. Très agréablement, à dire vrai.

-On dirait que nous avons encore beaucoup à apprendre les uns sur les autres.

Et je levai à mon tour mon verre.

-Au plaisir sincère de marcher à vos côtés. Nous formons une bonne équipe.

« Et maintenant ? C’est quoi la suite ? L’opinion publique est manipulée par les médias, vous..nous perdons des fidèles en pagaille et même si la Reine consent à unir ses forces aux nôtres, ça ne permettra pas de redorer l’image des Celtes.»

Je soupirai. Les deux pieds dans le plat là où ça faisait mal. Mais il avait raison, c’était un fait, nos ennemis nous avaient porté un terrible coup en faisant de nous les bouc-émissaires d’un vaste complot. C’était une démarche perfide et j’y voyais bien largement l’influence d’un chef d’orchestre vicieux et malsain. Loki, peut-être… Ou un dieu de cet acabit.
Je notai les efforts de Will pour s'inclure dans le "nous". C'était touchant, je savais ce que cela représentait pour lui.

-Je peux certifier que nos fidèles m’ont entendu…

J’avais passé mon appel avant de venir en Irlande, envoyant un message dans l’esprit de chacun de nos enfants pour nier notre implication dans le récent cataclysme et appeler les fidèles qui le souhaitaient à rejoindre la Bretagne pour trouver un abri ou défendre nos terres. Bien que cela se fasse dans la discrétion pour le moment, nous étions en train de lever une armée et de nous préparer à la guerre.

-L’opinion publique nous est favorable en Bretagne et en Irlande. Pour ce qui est du reste de la France, c’est une catastrophe. J’ai l’intuition que les Nouveaux Dieux ont pris le parti de nos ennemis pour nous enterrer dans les médias… Il y a trop de signes pour voir une coïncidence… Nous ne sommes donc pas en position de rétablir notre image en passant par les canaux de communication classiques.

C’était un fait. Nous avions pourtant essayé, pendant des jours et des jours, d’envoyer des communiqués de presse, de diffuser des vidéos, de proposer de rencontrer le gouvernement français par différents canaux… Nous étions systématiquement court-circuités, rien n’avait abouti malgré nos nombreux efforts. La technologie jouait contre nous.

-Nous devrions donc nous concentrer pour renforcer notre influence sur les territoires que nous dominons actuellement. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre la Bretagne, c’est un point stratégique à défendre coût que coût. Quant à l’Irlande…

Cela me semblait évident.

-Nous devons la revendiquer comme un territoire celte pour contrer la progression de l’Unique qui s’est emparé de l’Angleterre. Ce qui implique de nous rendre indispensable auprès du gouvernement… Des négociations, des pots de vin et de la diplomatie, tout ce que tu adores, ma chère, plaisantai-je en levant des yeux rieurs vers Morrigan. Mon réseau m’a fait remonter une information très intéressante qui pourra nous servir de point de départ. Nous en parlerons demain matin si vous le voulez bien. Ce soir, savourant notre victoire !

Ou pas. De toute évidence, Chulainn avait aussi son lot de révélations à faire…
Je le regardai l’air abasourdi et reposai doucement mon verre sur la table.

-Attends quoi… Naya est chez toi ?!

Celle-là, je ne l’avais pas vu venir…

-Depuis plusieurs mois ? Et tu ne le dis que maintenant ? demandai-je les yeux ronds. Petit gabarit, brunette, les yeux foncés, jolie bouille, précoce, très douce, bien élevée ? fis-je la description.

“Dites moi que je rêve…”

-Sa mère la cherche partout, dis-je en portant spontanément la main à mon téléphone portable. Elle a sollicité le soutien de notre panthéon pour la retrouver, début janvier… Dans la plus grande discrétion. Mama Quilla craignait que sa fille soit en danger.

Je figeai mon mouvement, hésitant, avant de reposer le cellulaire sur la table. Je ne pouvais pas contacter Marisol sans être absolument sûre de l’identité de la petite… Et si un imposteur jouait un mauvais tour à William ? Une rencontre s’imposait, ne serait-ce que pour confirmer qu’il ne s’agissait pas d’une créature ou d’une déité polymorphe.

-Est-ce qu’elle va bien ? Elle est en sécurité ?

Codage par Libella sur Graphiorum

An Unexpected Journey

Morrigan jeta un oeil à son maudit, tandis que Méduna s'exprimait sur l'attitude de la reine des Korrigan. Elle hocha la tête à sa qualification de "mauvais flic" faisant d'elle par exclusion le "bon flic". C'était pas un truc qui n'avait de sens que dans les séries ça ? Quoi que, en y réfléchissant, c'était ce qu'elles avaient fait inconsciemment depuis le début, en fait. La reine de feu dans la négociation et le calme, l'irlandaise dans la fureur. Elles étaient finalement assez complémentaires, et ce qui était plus drôle encore c'était que les rôles semblaient s'être inversés pendant cette entrevue avec les Korrigan. Ce qu'elle avait vu en Méduna à cet instant... C'était prometteur, pour en dire le moins. Et elle avait aimé cette flamme et cette autorité qui lui allaient si bien. La sorcière trempa ses lèvres dans le mojito juste après avoir trinqué. Elle s'exclama ensuite :

« T'as eu la main lourde sur le rhum, tu cherches à nous saouler ou quoi ? »

Plaisanta-t-elle, ayant la sensation d'enfin se détendre un peu depuis qu'ils étaient arrivés en Irlande. Jusque là, ça n'avait été que voyage, échanges polis, manœuvres politiques... Elle était fatiguée et éprouvait le besoin de taper sur quelque chose pour renouer avec sa vraie nature. Etre reine demandait parfois des sacrifices, et certains lui pesaient plus que d'autres. Jouer aux diplomates en était un, quelque chose qu'elle n'aimait pas particulièrement. Elle n'était véritablement à l'aise que sur le champ de bataille, qu'il soit moderne ou antique. Et la sorcière suspectait que son homologue le savait. Le fait que personne n'aborde le sujet comme si tout était normal était encore plus rigolo.

William était resté bien silencieux. Même si Morrigan était contente qu'il ait pris son parti. Elle lui donna un coup d'épaule et un regard qui en disait long, qui voulait globalement dire "qu'est-ce qu'il se passe?" Il semblait contrarié.

Lorsqu'il prit la parole, elle se tourna vers lui. Son ton était un peu brutal, même pour lui. Morrigan ne dit rien et laissa Méduna prendre la suite. Qu'est-ce qui lui arrivait, exactement ? Regrettait-il d'être venu ici ? Si c'était le cas, c'était peut-être pas la peine de bougonner comme ça...

Morrigan reporta son attention sur la reine de l'ivresse, écoutant ce qu'elle avait analysé de la situation celte en France et en Irlande. A la mention de son rôle direct sur les négociations, les pots de vin, la diplomatie, Morrigan lâcha un juron en s'enfonçant dans le canapé et rejetant sa tête en arrière. Tout ce qu'elle adorait, oui.

« Heureusement que tu es là pour mener ces discussions alors ! »

Les mots de Chulainn la firent s'étouffer dans son mojito. La fille de Mama Quilla ? Depuis plusieurs mois ? A son domicile ?

« Pardon ?! »

Morrigan passa sur le fait qu'il n'avait rien dit en apparence sur le panthéon, leurs alliés ou leurs plans, ce qui aurait été fort malavisé. Elle était restée bloquée à la mention de son amie inca. Comment ça, la fille de Mama Quilla habitait chez lui ? Méduna semblait effectivement bien au courant du sujet de la recherche de la gamine, et Morrigan reposa son verre sur la table base avec moins de délicatesse que la reine celte, reprenant son souffle. Elle allait demander à William comment il pouvait être sûr qu'il s'agissait bien d'elle, mais Méduna sembla penser à la même chose, alors la sorcière garda le silence. Elle gardait son regard sur William, qu'elle sentait véritablement inquiet.

« Mama la cherche depuis longtemps. Comment l'as-tu retrouvée ? »

Bon sang, elle devait absolument la voir. La sorcière fronça les sourcils à la description faite par Méduna, puis reporta son attention sur William, ignorant le fait qu'il n'ait pas jugé bon de leur dire plus tôt.

« Quand on rentrera, tu m'amèneras la voir. Si c'est bien elle... »

Morrigan en frissonna d'anticipation. Mama Quilla serait folle de joie. Elle se leva brusquement, faisant quelques pas vers l'entrée de la maison pour faire suite à la demande de William.

« Parlons maintenant. Excuse-nous, Méduna. »

Une fois dehors, elle fit quelques pas et se retourna vers lui, bras croisés :

« Tu m'expliques ? »

KoalaVolant

An Unexpected Journey ~

Meduna & Morrigan

William écouta attentivement les paroles de la Reine Celtes, la jolie rousse et hocha la tête de temps en temps. S’il y avait bien une personne capable de gérer la situation et le maintien de leur influence en Bretagne, c’était elle. Doyle était un pur produit irlandais, mais n’était de toute manière pas l’homme de la situation. Il faisait des efforts pour s’intégrer davantage, pour donner son avis et participer aux réunions, mais son détachement vis à vis du Panthéon était toujours assez flagrant. Il suivait le mouvement, allié protecteur plus que fervent défenseur des Celtes dans leur globalité. La preuve, il ne connaissait pas la moitié des divinités et un dixième de leurs alliés.

«Hum.. ça colle oui .. douce et bien élevée, j’ai des doutes. Je dirais plutôt agitée et sauvageonne, mais c’est un avis personnel.. La description physique correspond et cessez donc de me dévisager ainsi, je n’avais aucune idée de tout cela lorsque je l’ai rencontré. Elle allait.. Enfin, un type s’apprêtait à faire d’elle son casse-croûte, je vous passe les détails de ses intentions et de son état au terme de nos brefs échanges. Timide, pas de famille, pas d’argent.. je devais faire quoi d’après vous ? La laisser dormir dehors .. Sa présence régulière est récente et à force de discuter, elle s’est confiée.» Et les deux femmes devraient savoir mieux que quiconque que William n’était pas toujours un grand bavard, ni un homme très doué dans les relations humaines. « C’est plus judicieux que l’une de vous vérifie son identité. Avec les derniers évènements, on est sûr de rien, il pourrait s'agir d’un piège très bien mené ..» Même si son coeur refusait de croire que tous leurs échanges n’étaient qu’illusions..Naya faisait partie de sa vie désormais… Il ne pouvait croire un seul instant qu’elle soit une menteuse.

Un sourire en coin étira ses lèvres lorsque Morrigan se leva du canapé avec énergie et un enthousiasme relatif. « Qu’est ce que t’es pète sec toi, j’avais oublié » il haussa les sourcils, amusé. Ce n’était pas le moment de l’agacer, mais c’était vraiment vraiment (vraiment ?) sa passion de la provoquer. Enfin, une fois debout, la tension retomba sur ses épaules, accompagnée de son sérieux et de toute l’appréhension du monde. Jamais, depuis qu’ils se connaissaient, Will avait officialisé une relation avec une femme. Morrigan savait qu’il en fréquentait librement, parfois un peu trop, mais aucune n’avait captivé son attention de cette façon. Chouette discussion..

Sur son passage, il adressa un sourire modeste à la jolie rousse, son anxiété était palpable. Avait-il peur de la réaction de Morrigan ? pas tant. Il craignait la sienne. Il craignait ne pas réussir à assumer ses mots face à celle qu’il aimait d’une façon différente depuis si longtemps..

Une fois dehors, profitant du calme de la maison de campagne, il sortit sa cigarette et inspira une première latte avec énergie pour se donner du courage.

« Tu sais de quoi je veux parler, non ? » ça l’aiderait bien, de ne pas démarrer de 0 et de boucler cette conversation rapidement. « Je.. je n’ai pas jugé nécessaire de t’informer plus tôt car c’était le brouillard dans mon esprit. J’y vois plus clair désormais et notre conversation à renforcé mes convictions. Je ne peux pas indéfiniment repousser les gens que j’apprécie… et j’apprécie beaucoup Meduna. Vraiment beaucoup.» Aucun doute, elle comprendrait le sens profond de cette demi déclaration. D’une part car ils étaient liés depuis beaucoup trop longtemps pour qu’elle ne sache pas lire entre les mots d’un homme pudique et jusqu’à là, très solitaire. D’autre part car leur lien était plus profond que ça, ancré en eux. Il était heureux, apaisé comme il ne l’était plus depuis longtemps et Morrigan le sentirait.

« Je.. ça ne te pose pas de problème ? » Une question qui n’avait pas vraiment de sens. La déesse guerrière n’avait jamais bridé son compagnon de route, mais il ne s’agissait pas d’une jolie bibliothécaire lambda. Meduna était un femme importante, une Reine. Durant sa longue existence, William n’avait jamais détourné les yeux de Morrigan plus de quelques semaines, durant lesquelles il avait usé et abusé de plaisanteries douteuses, preuve de son détachement émotionnel. Il revenait inlassablement dans le même chemin après seulement quelques nuits de débauche. Tout ce temps, il n’avait eu de sentiments que pour elle et sa relation avec Meduna marquait donc le début d’un changement sans précédent dans leur relation. Quelques semaines s'étaient écoulées depuis cette promesse, puis bientôt même quelques mois. Il ne regrettait pas son choix, n'avait aucune envie que se lien fusionnel et passionnel avec la jolie rousse ne s'arrête après un si bon début.

(c) DΛNDELION

An unexpected journey

-Ah oui ? demandai-je étonnée. Attends…

Je glissai délicatement mon pouce sur le verre de Morrigan comme si je lui faisais une brève caresse, réduisant la concentration d’alcool.

-C’est plus à ton goût ainsi ?

Je n’étais pas contrariante, et si je prenais un certain plaisir à préparer mes cocktails manuellement, je pouvais tout aussi bien gérer les liquides et les dosages avec ma magie.

« Heureusement que tu es là pour mener ces discussions alors ! »

Je ris de bon coeur, sentant doucement la pression de la journée quitter mes épaules.

-Je ferai de mon mieux, promis-je.

A elle la guerre, à moi la diplomatie. Si les deux étaient intrinsèquement liés et ne pouvaient fonctionner séparément, nous avions chacune nos domaines de prédilection et talents innés.

Je hochai la tête. La réapparition de Naya était une nouvelle forte qui remettait en perspective nombre de choses… Le retour en France allait devoir se faire plus rapidement que prévu, par respect envers notre alliée. Mama Quilla cherchait désespérément sa fille, la faire attendre serait risquer qu’il arrive, d’une part, quelque chose à Naya, et d’autre part infliger de terribles souffrances inutiles et cruelles à sa mère.

Je fronçai les sourcils, contrariée. Naya avait été confrontée à un prédateur ? Pauvre petite… J’aimais bien la jeune fille, je l’avais fréquenté à l’époque où je côtoyais sa mère. C’était une enfant gentille, intelligente. Mama Quilla allait péter les plombs si elle apprenait ce qui lui était arrivé.

-Oui… L’une de nous ira la trouver dès notre retour en France, approuvai-je en lançant un regard vers Morrigan. Et il ne faudra pas tarder.

Je leur fis signe de la main alors qu’ils manifestaient tout deux leur désir de s’entretenir en privé.

-Je vous en prie, je vais aller prendre une douche.

Je me demandais ce que William voulait chuchoter à sa Dame…
La situation était ridiculement pesante entre nous et pour cause, il m’avait demandé de taire notre relation à Morrigan le temps de lui parler…

Et le temps passait…

J’étais d’un naturel franc et honnête, il me coûtait de prendre sur moi pour cacher une relation dans laquelle j'avais promis de m'impliquer. Obligés de faire chambre à part, de cacher les baisers volés et les gestes de tendresse, de faire attention aux regards… Pour un homme qui avait exigé l’exclusivité…

Mais c’était le deal. Lui, obligé de se confronter à la politique qu’il arborait, moi obligée de faire des efforts pour ne pas heurter Morrigan et sa précieuse relation avec Chulainn… Je n’aimais pas ça, mais je prenais sur moi.

J’adressai un sourire tendre à William avant de m’éclipser sous la douche avec une pile de vêtements propres et confortables. Après une longue marche en forêt sur terrain dénivelé, je désespérais de me laver et d’enfiler un survêtement et un sweat doux et chauds.

Je pianotai sur mon téléphone pour allumer la musique et chanter de bon coeur en me plongeant dans l’eau chaude, j’avais grand besoin de me détendre. Je ne sortit qu’un long moment plus tard dans un nuage de vapeur en chantonnant “A new society” de Meg Myers…

Codage par Libella sur Graphiorum

An Unexpected Journey

Il resta silencieux, un peu. Suffisamment pour que Morrigan se mette a imaginer le pire. Il avait été bizarre toute la soirée, même avant ça, pendant le voyage. Il était resté étonnement silencieux, assez taciturne. Elle ne l'avait à vrai dire jamais vu ainsi, sauf peut être sans les heures les plus sombres de leurs existences partagées. Son comportement ce soir était suffisamment inhabituel pour laisser la sorcière sur ses gardes. Il s'alluma une cigarette tandis qu'elle le toisait, dans l'expectative qu'il daigne ouvrir la bouche.

Lorsqu'il le fit, elle aurait pu tomber de sa chaise si elle avait été assise.

« Comment je pourrais savoir de quoi tu veux me parler, t'es muet comme une tombe depuis des jours ! » s'agaça-t-elle en secouant les bras.

Lorsqu'enfin il sembla se confier, elle l'écouta. Elle l'écouta lui dire qu'il avait préféré garder tout ça secret car il ne savait pas. Il ne savait pas quoi ? Leur conversation lui avait ouvert les yeux. Tant mieux ? Il ne pouvait pas repousser les gens... Ah, il aimait bien Méduna.

Non, il aimait vraiment beaucoup Méduna.

Morrigan se raidit sans vraiment s'en rendre compte au début. Pourquoi lui disait-il cela ? Elle avait compris qu'il se passait quelque chose entre eux deux, plus tôt dans l'année. Il lui avait avoué à demi-mots, même. Mais elle n'avait considéré cela que comme une flamme passagère, pas une vraie histoire. Était-il en train de lui dire que c'était bien plus qu'une aventure sans conséquence ? Parlait-il d'amour ?

Ah, l'amour. La justification ultime pour s'infliger toutes ces blessures de l'âme. L'objectif recherché par tout le monde, humain comme divin.

« Hum. »

Aucun autre son ne fut lâché, pendant un moment. Morrigan le regardait tenter presque d'esquiver son regard. Sa réaction la laissa perplexe. Craignait-il qu'elle lui en veuille ? Qu'elle s'énerve ? Quel genre d'image avait-elle pu lui renvoyer jusque là ? Elle avait certes eu tendance à se montrer possessive par le passé, et à vouloir le garder à ses côtés, a tout prix.

La vérité, c'était qu'il était son pilier. À chaque moment, il avait été là, pour autant qu'elle s'en souvienne. Il l'avait toujours soutenue. Le voir s'amouracher d'une autre personne signifiait le laisser s'échapper. Après un moment de silence, elle soupira, détournant le regard pour le poser sur la campagne environnante. Encore un. Ce n'était pas le premier, et ce ne serait sans doute pas le dernier. Devraient-ils tous la quitter pour embrasser pleinement leur destinée ?

L'irlandaise resserra son cardigan en laine autour d'elle.

« Tu es sincère avec elle ? »

De toutes les personnes dont il aurait pu tomber amoureux, il fallait que ce soit Méduna. L'épouse de Teutatès. Elle aurait pas fini d'en entendre parler. L'ironie était piquante, en y pensant.

Après un peu de temps, elle se tourna vers lui pour s'approcher. Elle posa une main sur son épaule, comme elle l'aurait fait à la suite d'une bataille gagnée à la sueur de leurs fronts et la force de leurs bras, et la pressa doucement. Un léger sourire, ni trop, ni trop peu.

« Je suis contente pour toi. Tu mérites d'être heureux. »

Cela voulait-il dire qu'ils se présenteraient comme un couple, à partir de maintenant ? Quelles seraient les réactions ? Avaient-ils été obligés de garder tout cela secret ? Et depuis quand ? Morrigan se demandait s'il prendrait plus de responsabilités au sein du panthéon, en tant que compagnon d'une de ses reines.

« Merci, de m'avoir prévenue. Mais tu aurais pu me le dire sans toute cette mise en scène, tu sais. »

Pour autant, la sorcière appréciait le geste. Bien plus qu'elle ne le dirait à haute voix.

KoalaVolant

An Unexpected Journey ~

Meduna & Morrigan

Après un bref instant de réflexion et de silence, le temps que la Déesse comprenne le véritable sens de ses paroles, Morrigan brisa les tensions qui trônaient sur ses épaules. Elle était calme, sereine et appréhendait l’information avec beaucoup de bienveillance. Il n’avait jamais vraiment douté de sa réaction, mais était malgré tout soulagé du calme qui les entouraient, surtout après leur discussion dans la forêt. La brunette souffrait. Elle souffrait de l’influence de Loki sur son esprit, mais elle souffrait aussi de la distance évidente qui s’était logée entre Teutatès et elle. Le moment était sans doute mal choisi pour étaler son bonheur et prendre de la distance sur ses sentiments profonds et sincères envers elle. Une part d’amour sans doute, mais surtout beaucoup de loyauté, de dévotion et de reconnaissance. Ce qu’il ressentait pour Meduna était quelque chose de très différent.

« Je le suis. Plus que je ne l’ai jamais été. Meduna et toi jouez un rôle important au sein du Panthéon, les tensions entre vous ne sont pas les bienvenues en cette période et je suis ravi de voir qu’il n’y en a pas eu depuis le début de ce voyage, j’espère que ça continuera ainsi. » Maintenant que les choses étaient officialisées. « Je sais que la distance que j’instaure avec elle lorsque tu es là ne doit pas être agréable pour elle, mais je devais t’en parler en tête à tête pour être certain que tu ne vois pas cette relation d’un mauvais oeil.» Pour une raison ou une autre.

Sa main se posa sur son épaule, comme s’il n’était d’un collègue de travail. Il sourit, réfrénant l’envie de l’enlacer, comme la véritable amie qu’elle était pour lui. Meduna avait accepté les termes de leur drôle de lien tout comme il avait accepté de s’impliquer davantage à ses côtés. « Je ne lui ai rien caché, pas même la profonde affection que j’ai pour toi. J’aspire à quelque chose de différent, j’ai erré trop longtemps seul de peur de souffrir à nouveau. Là.. c’est différent.. elle est différente.. » Il tira une nouvelle bouffée de sa cigarette.
« Cela ne change rien pour nous, jamais je ne te lâcherai. Garde ça à l’esprit.» C’était probablement difficile à accepter pour la jolie rousse, mais elle faisait preuve d’une certaine compréhension sur le sujet.
« Mais je compte bien veiller sur elle également, la protéger et lui offrir mon soutien y comprit dans des tâches qui ne m'ont jamais trop intéressées. Je ferai peut-être quelques maladresses dans un sens ou dans l’autre, mais j’espère que vous serez indulgentes. »

Ce n’était pas la qualité première de la brunette, toujours très vive dans ses réactions. Une guerrière.. encore et toujours.

« Tu sais que j’aime bien me donner en spectacle ! Je ne voulais pas parler de cela devant elle, pour ne pas la mettre mal à l’aise, ni même qu’elle interprète des mots de la mauvaise façon. J’ai toujours été très proche de toi, par les paroles et par les gestes, elle n’a pas à tout accepter non plus, je dois apprendre à faire différemment. » A ne pas traîner bras dessus, bras dessous avec Morrigan, par exemple. A ne pas lui envoyer des tas de messages, à ne plus s’inquiéter à outrance pour elle. Son attention devait prendre une direction différente à présent et il ne s’en sortait pas si mal depuis les derniers mois.

« Avant que l’on rentre la rejoindre, même si tu diras que j’en fais beaucoup trop pour pas grand chose.. c’est un pas immense pour moi, ce n’est pas juste une lubie passagère, mais n’imagine pas un instant que je fuis et que j’aspire à être heureux sans toi, loin de toi. Jamais, tu m’entends ? » Sa voix était ferme, intransigeante. Elle ne devait pas s’imaginer sur le banc de touche. Son amitié restait intacte, inconditionnelle. Ses sentiments, eux, allaient désormais à une autre. Il avait hâte de la retrouver…

Sa cigarette consumée, il entra en premier pour lui ouvrir la porte. Un clin d’oeil complice sur son passage, les deux compères retournèrent dans le salon avec l’espoir d’une nouvelle tournée de mojitos. Lorsqu’il arriva dans la pièce de vie, il s’approcha de sa compagne à peine sortie de la douche, l’attira furtivement à lui pour déposer un baiser sur son front afin de la rassurer et de s’excuser de l’avoir temporairement écarté. Un geste pudique qui ne dura qu’un bref instant, mais qui signifiait gros pour lui. Plus tard, en tête à tête, ils auraient le loisir de discuter et de se rapprocher car il n’était plus question de faire lits séparés pour maintenir le secret.

« Mesdames, trinquons à votre succès ! A la reine de la guerre qui joue les diplomates et s’en sort franchement pas si mal. A la Reine de l’unité qui joue la rebelle. Vous êtes pleines de surprises. La Reine Kohren se manifestera, c’est certain. Les Celtes ont beaucoup de chance de vous avoir ! » Il leva son verre avant d’y plonger à nouveau les lèvres.

Le voyage touchait à sa fin et il avait été intéressant sur bien des aspects. Un jour peut-être, prendrait-il goût à s'investir en première ligne au sein du Pantheon. Pour le moment, il analysait, tentait de trouver sa place un peu partout..

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