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 Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]

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MessageSujet: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyMar 26 Déc - 16:14




Une main tendue dans le froid de la nuit
Naya Flores et Lélia Moonlight
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C’est avec un soupir de soulagement que Lélia ferma la porte des vestiaires pour femmes du fast-food où elle travaillait après un samedi soir infernal tout en s’appuyant contre elle. Le service avait été horrible du début jusqu’à la fin et plus d’une fois elle avait manqué d’envoyer sur les roses des clients plus désagréables les uns que les autres qui, sous prétexte qu’ils déboursaient une certaine somme d’argent, se permettaient le luxe de leur manquer de respect car, après tout, il fallait être une minable, une ratée, pour travailler en un tel endroit. Alors qu’elle avait été une énième fois envoyée en salle pour débarrasser les tables des plateaux et déchets que les clients ne daignaient pas enlever d’eux-mêmes ; après tout le personnel n’était-il pas payé pour le faire ? ; un client, profitant qu’elle était penchée en train de passer le chiffon sur une table, lui mis la main aux fesses, la tapant si fort qu’elle manqua de s’étaler sur la table. Lélia respira profondément pour garder son calme et ne pas se retourner pour lui envoyer son poing en pleine figure ou mieux, en plein dans les bijoux de famille. Elle parvint à garder son calme, étrangement, et continua son travail sans mot dire ce qui, pourtant, ne découragea pas son agresseur qui revint à la charge, passant la main, cette fois, par devant. Elle lui attrapa la main et la lui tordit avec un plaisir presque sadique.

-Sachez, mon cher monsieur, que ce que vous venez de faire est qualifié d’agression sexuelle ce qui est puni par la loi. Et comme l’établissement dans lequel nous nous trouvons est filmé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ce ne sera pas votre parole contre la mienne mais j’aurais des preuves s’il me prenait l’envie de porter plainte. Je vous encourage vivement à partir sans plus mot dire.

Quand elle retourna à l’arrière de la cuisine pour se laver les mains et reprendre le service au comptoir, sa responsable vint la trouver pour, devant tous les clients, lui faire de vertes remontrances quant à son attitude. Parce qu’elle ne pouvait pas se permettre de perdre son emploi, elle n’avait rien dit. Heureusement vint une cliente pour demander à la responsable le livre de réclamations pour se plaindre officiellement de l’attitude de la manager en question qui réprimandait une employée qui avait eu le courage de se défendre d’une agression physique. Elle l’avait remercié silencieusement dans le dos de cette garce de « Claire » tandis que celle-ci apposait le tampon de l’entreprise sur la feuille et était retournée à son poste en se faisant toute petite.

Elle avait faim. Quand la cliente était partie Claire s’était vengée, lui faisant faire toutes les taches ingrates sans lui permettre de prendre sa pause réglementaire. Les collègues de Lélia lui avaient conseillé, une nouvelle fois, de recourir au syndic pour se plaindre mais elle avait simplement haussé les épaules et alors qu’elle était dans la chambre froide à finir son inventaire quotidien, ils en avaient profité pour mettre dans des sacs à emporter les restes d’accompagnements frits, de frites ainsi que trois gros hamburgers spécialement réservés à la clientèle qui n’avaient pas été vendus. Chose strictement interdite, bien sûr. Elle avait vite caché tout cela dans son sac à dos avant que Claire ne revienne. Les employés devaient manger la nourriture généreusement allouée par l’entreprise au sein même du « restaurant » sans avoir droit de l’emporter ailleurs. Sait-on jamais qu’ils aillent le vendre au marché noir…

Elle venait de finir de se changer quand Claire fit irruption pour se doucher, prenant son temps alors qu’il était déjà 3h du matin, sachant pertinemment que le reste de l’équipe attendait qu’elle ait terminé pour pouvoir partir. S’en aller sans son accord, et ce même alors qu’il était l’heure de sortie, était motif de blâme car ils mettaient en danger la sécurité d’un membre de l’équipe en agissant ainsi. C’est ainsi que lorsqu’ils sortirent, ENFIN, de l’établissement par la porte arrière réservée au personnel, il était près de 4h du matin. Tous étaient venus en voiture, sauf Lélia qui n’en avait plus depuis des mois, et la seule qui partait dans la même direction que Lélia se trouvait être Claire qui partie la première sur les chapeaux de roues.  Lélia enfonça les mains dans ses poches, rentra sa tête dans ses épaules et commença à s’éloigner en pestant intérieurement contre le froid qui la congelait.

Alors qu’elle s’éloignait de cet endroit digne du dixième cercle de l’Enfer, inexistant mais méritant amplement d’en créer un exprès à cet effet, elle vit une silhouette près des grands conteneurs où ils avaient jeté les poubelles du service. Elle s’approcha, intriguée, car la silhouette en question lui semblait familière et finalement elle reconnut une jeune fille à qui, souvent, elle avait donné à manger.

-Salut… dit-elle tout en ramenant son sac à dos vers elle pour l’ouvrir et se saisir de l’un des sacs rempli de nourriture qu’elle avait. -Tu cherches à manger, pas vrai ? questionna-t-elle tout en le lui tendant. Il contenait un grand nombre de nuggets, de sauces qu’elle avait chipé en douce, des frites et deux des trois hamburgers.

-Tiens. Prends ça. Qu’est-ce que tu fais ici à une heure aussi tardive ?




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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyMar 26 Déc - 20:33

Une main tendue dansle froid de la nuit



Il faisait un froid de canard cette nuit, toutes mes extrémités étaient gelées…

J’avais joué un moment dans l’après midi et en début de soirée, récupéré quelques pièces. Le violon que m’avait offert Raff il y a deux mois m’aidait à gagner un peu d’argent. Mais c’était surtout le seul véritable loisir que j’avais, tout ce qu’il me restait de mon ancienne existence. La musique, ma passion, ma vie. J’avais un jour nourri l’espoir d’intégrer l’orchestre national, de faire carrière en tant que violoniste. Avec les résultats de mon bac, toutes les portes s’étaient ouvertes à moi… Quelques jours après avoir obtenu les résultats, j’avais appris le décès de ma mère, mon appartement avait été perquisitionné, l’Ombre s’était manifestée… J’avais fini par tout abandonner et fuir.

C’était loin derrière moi désormais.

Aujourd’hui, je jouais pour quelques piécettes et j’étais heureuse quand cela m’évitait d’avoir à mendier. Je détestais ça par-dessus tout, pourtant il n’y avait pas à dire, la mendicité rapportait cent fois plus que la musique de rue. Malheureusement, je ne pouvais pas me permettre de me produire trop souvent en public, encore moins de m’exposer aux caméras des smartphones… Je ne perdais pas de vue que j’étais recherchée, ce qui signifiait que je devais la jouer discrète. Ne jamais rester trop souvent au même endroit, ne jamais adopter de routines, rester en mouvement… Par chance, l'île de France était vaste. Jusqu’à présent j’avais réussi à me fondre dans la masse et à courir plus vite que l’Ombre qui me pourchassait.

Impossible de m’allonger sans risquer de m’endormir pour ne plus jamais me réveiller. C’était ma hantise à chacune de ces nuits où les températures tombaient largement en négatif. Alors j’essayais de rester en mouvement, de traîner du côté des coins qui dégageaient un peu de chaleur. Le métro était un piège redoutable… Si les températures y étaient douces, le lieu regorgeait de tarés en tout genre.

3h du matin. Je marchais pour déraidir mes membres. J’avais décidé de consacrer ma nuit à l’exploration. Je faisais le tour des poubelles des magasins dans l’espoir de grappiller quelques bricoles utiles : on trouvait toutes sortes de choses dans les conteneurs de certains magasins, parfois même - bien que rarement - des vêtements, probablement des fins de séries dont ils se débarassaient. Mais c’était surtout la nourriture que je cherchais. Je mangeais rarement à ma faim, j’étais dans l’impossibilité de cuisiner des vrais repas, faute d’accès à une cuisine… Certaines denrées étaient particulièrement précieuses - les fruits et légumes par exemple, ou la viande. Cela dit, je m’estimais chanceuse quand je pouvais simplement faire passer la sensation de faim persistante. J’avais appris à manger tout et n’importe quoi, pourvu que cela me nourrisse. Voilà longtemps que manger avait cessé d’être un plaisir pour devenir un acte de survie.

4h. J’arrivais parfois à dénicher quelques bricoles dans les poubelles des fastfood. Avec leur politique qualité, les restaurants jetaient souvent leurs invendus qui expiraient bien trop rapidement après fabrication. J’avais également avisé quelques palettes un peu plus loin. Elles me serviraient à faire un bon feu pour me réchauffer.

Je détournai les yeux de ma recherche de butin en entendant des pas se rapprocher. Quelqu’un à une heure pareille ? Méfiance…
Je relachai aussitôt la tension en reconnaissant la personne.

-Salut Lélia, dis-je en la gratifiant d’un sourire. Tu travailles tard dis donc…

Elle était sympa cette fille, toujours le petit mot gentil, le sourire ou un peu de nourriture… Il y avait des gens comme ça, avec eux j’avais l’impression d’être plus qu’un vulgaire déchet. Je venais ici de temps en temps quand je savais qu’elle était de service, elle me dégotait toujours un petit quelque chose. Cette fois c’était le hasard… Je ne m’attendais pas à rencontrer qui que ce soit à une heure pareille.

-Oh waw, m’étonnai-je en voyant le contenu de son sac.

C’était un beau butin.

-C’est ton petit déjeuner ? Garde en un peu pour toi…

J’appréciais l’attention. J’étais certe une crève-la-faim, mais j’avais conscience que les gens qui bossaient dans ce genre de fast-food terminaient généralement le mois dans le rouge et n'avaient que les yeux pour pleurer. Ce sac renfermait peut-être de quoi nourrir cette pauvre fille pour toute la journée de demain… Si la vie m’avait appris quelque chose depuis six mois, c’est que les gens les plus pauvres étaient souvent les plus généreux.
L’odeur était appétissante, cela dit.

-Il fait trop froid pour dormir. Je m’active pour ne pas geler. Et toi, ça t’arrive souvent de finir aussi tard ?


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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyMar 26 Déc - 22:58




Une main tendue dans le froid de la nuit
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Lélia fut touchée que cette toute jeune femme, une inconnue qui ne l’était plus d’une certaine façon, se préoccupe qu’elle ait de quoi manger, et ce même alors qu’elle semblait ne pas avoir eu de quoi se mettre sous la dent depuis des jours, alors qu’elle faisait partie des « privilégiés ». Elle ne se plaignait pas car, même si son métier n’était pas ce dont elle avait rêvé petite, ; elle s’était vue éditrice, écrivain ou professeur de littérature, pourquoi pas ? ; au moins elle avait un endroit où dormir qui ne fut pas un taudis, un frigo et des placards qui n’étaient vides que lorsqu’elle oubliait de faire des courses. Ou qu’elle avait la flemme. Certaines fins de mois étaient plus compliquées que d’autres mais dans l’ensemble elle ne se débrouillait pas trop mal et ne manquait de rien… Si ce n’était de l’amour. Mais tel n’était pas le sujet.

-C’est gentil à toi de t’inquiéter pour moi mais j’ai encore de quoi manger mon sac. Lui répondit-elle en s’apprêtant à refermer son sac, reportant son regard sur la fermeture éclair. Alors qu’elle allait tirer dessus elle remarqua, au fond, sortant de sous son hideux polo faisant partie de son uniforme, le cadeau qu’elle avait reçu lors du « secret Santa » et qu’elle avait oublié là, tout simplement. Quand bien même il faisait un froid de canard elle avait une sacro-sainte horreur de porter des gants, une écharpe ou un bonnet et… justement c’était ce qu’on lui avait offert. Un cadeau décevant pour elle qui avait passé des heures à chercher un livre diffciler à retrouver et qui était ce dont rêvait le collègue à qui elle devait offrir un cadeau. Collègue avec qui, heureusement, elle s’entendait bien. Un ancien « crush » comme disent les gens de nos jours alors que la langue française est déjà fournie du magnifique mot « béguin ».

-Il fait un froid polaire cette nuit… Tiens mets ça. C’est pas grand-chose mais ça t’apportera un peu de chaleur. Et ne proteste pas ! Je n’en porte jamais, je les déteste. Au moins ça te sera utile et ça ne sera pas perdu.

Elle lui fit un sourire avant de refermer son sac et de le remettre correctement en place. C’est-à-dire accroché à une seule épaule, comme une adolescente rebelle qui refuse de le porter comme une gentille petite écolière.

-Tu… Excuse-moi si ma question est stupide mais je préfère encore enfoncer une porte ouverte et énoncer une évidence pour être sûre de bien comprendre donc…Tu… Enfin tu es à la rue ? Je veux dire complètement ? Tu n’as pas de squat ou quelque chose dans ce genre ? La questionna-t-elle tout en remettant ses mains dans ses poches et en bougeant un peu sur place dans une illusoire tentative de temporairement chasser le froid qui mordait ses jambes.

Puis ses mains elle les ressortit de ses poches pour se frotter les bras car même si sa veste était chaude, elle sentait le froid envahir tout son corps. Cette torture elle ne devait la subir que le temps de parler avec la jeune fille et de rentrer chez elle. Dans son cocon l’isolant du monde extérieur.

-Heureusement il est assez rare que l’on termine aussi tardivement… On a dû attendre que la manager sorte de sa très longue douche chaude… Enfin tu sais comment elle est, tu l’as déjà vu… Une vraie connasse.

C’est moche de dire du mal de quelqu’un dans son dos, surtout, paraît-il, de ses collègues mais Lélia n’avait rien dit qui soit mensonger. Elle se caillait, voulait rentrer chez elle, se servir une tasse de chocolat chaud et…la proposition sortie de sa bouche sans qu’elle ne réfléchisse vraiment à ses propos mais peu importait.

-Je me disais Kara, tu veux venir manger ton repas chez moi ? On pourrait le réchauffer dans mon four, tu pourrais prendre une douche et… Enfin si tu veux tu peux même rester dormir. Une nuit, quelques jours…

Elle lui laissa le temps de réfléchir à sa proposition et tenta de faire un peu d’humour pour détendre un peu son interlocutrice.

-Ça te met en confiance si je te dis que je suis pas une folle furieuse qui va te découper en tranches ? Ou une tordue qui va te demander quelque chose en échange. Elle tenta de rire de la bêtise qu’elle venait de sortir mais elle la trouvait bien trop stupide et maladroite. C’était à Kara de décider… Si elle refusait…elle…En fait si elle insisterait un peu parce qu’elle ne s’imaginait pas de tout simplement rentrer chez elle, seule, et de profiter de son petit luxe. Car oui, avoir un endroit où vivre et de quoi manger, face à la détresse de certains, c’était un vrai luxe. Un putain de luxe, même.





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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyJeu 28 Déc - 15:51

Une main tendue dansle froid de la nuit


-Oh !

Cool !”, pensai-je en comprenant que je pouvais garder tout le contenu de ce sac. il y avait de quoi manger pour un moment si je rationnais un peu, en plus des quelques bricoles que j’avais pu récupérer dans les poubelles du dernier supermarché croisé. Je piochai un nuggets et le fourrai dans ma bouche avec appétit. Même froid, j’appréciais le plaisir de pouvoir mastiquer quelque chose de consistant et d’un peu goûteux.

Je lançai un regard surpris à la jeune femme.

-Tu ne porte jamais de protections mais tu te promènes avec un bonnet, une écharpe et des gants dans ton sac ? lui demandai-je un peu surprise mais touchée par le cadeau.

Un acte de charité très bienvenu même si je la soupçonnais de m’offrir ses affaires et de mentir pour ne pas me mettre mal à l’aise.  

Mais c’était tout neuf en plus ! pensai-je les yeux légèrement écarquillés en découvrant les étiquettes encore accrochées. Et de bonne facture, de surcroît. Le bonnet était bien plus épais que celui tout abîmé que j’avais négocié à un marché aux puces au début de la saison froide et que je portais. L’écharpe en laine était toute douce et bien chaude, les gants un peu grands pour mes petites mains, auraient le mérite de bien couvrir ma peau.

-Merci Lélia ! Tu es sûre que ça ne te manquera pas ?

Moi, je rentabiliserai ces objets, c’était certain.
Une fois sûre que j’étais bien devenue l’heureuse propriétaire du bonnet, j’arrachai l’étiquette que je jetais à la poubelle et glissai le bonnet sur ma tête à la place de l’autre. C’était agréable de porter quelque chose de propre… Et de neuf, de surcroît. L’écharpe suivit le même chemin enroulée autour de mon cou. La chaleur que ce nouvel équipement m’apporta fut plus que bienvenue.

-J’ai un sac de couchage, répondis-je honnêtement.

Les squats étaient réservés à ceux qui pouvaient se permettre le luxe de se lier d’amitié et de partager leur intimité avec autrui… J’avais envisagé un temps de rejoindre une petite communauté marginale, pour pourvoir à mes besoins sociaux et améliorer mes conditions de vie… Mais j’avais fini par me convaincre que c’était trop risqué. Quelqu’un me traquait, là, dehors. Chaque lien intime que je créais était une personne qui pouvait mener l’Ombre à moi. C’était un déchirement pour moi de vivre ainsi et de m’exclure de la société, j’avais un tempérament social et je ressentais un énorme manque…

Je la vis se frotter les bras et me demandai une nouvelle fois pourquoi elle m’avait donné ses gants. Peut-être estimait-elle que j’en avais plus besoin qu’elle… C’était une chic fille.

-Et vous êtes obligés de l’attendre pour partir ?

Le comportement me paraissait bien irrespectueux… Pourquoi ne pas les laisser rentrer chez eux si elle voulait s’attarder ? Etais-ce sa manière de montrer qu’elle avait le pouvoir sur ses subordonnés ? La logique du monde du travail m’échappait parfois. De fait, je n’avais jamais eu l’occasion de travailler dans de vraies conditions salariales et de me confronter à ce genre de situations.

Je regardais Lélia sans cacher ma surprise. Il arrivait parfois que des gens me prennent en pitié et me donne un sandwich, une part de pizza ou qu’une association distribue des produits de premières nécessité mais c’était nettement plus rare qu’on me propose un toit. Ca arrivait parfois, plus souvent avec les étrangers qu’avec les français d’ailleurs, ces derniers étaient méfiants et accueillaient moins volontiers des inconnus chez eux (surtout des miséreux, à qui l’on collait bien volontiers une étiquette de voleurs ou d’alcooliques).

J’hésitais. J’étais toujours prudente avec autrui en sachant ce que je fuyais et les dangers qui rythmaient ma vie. Mais la perspective de pouvoir manger chaud et de prendre une douche brûlante était terriblement séduisante. Celle de pouvoir me reposer quelques heures dans un environnement sécurisé qui fermait à clé également… Je m’étais habituée à peu dormir et à être constamment en état de vigilance, mais mon organisme s’affaiblissait à cause du manque de sommeil.

Un rire m’échappa.

-Je sais que tu es quelqu’un de bien.

Je le sentais. Déjà parce qu’elle se comportait de manière réellement bienveillante avec moi et ce depuis longtemps déjà, sans rien chercher à obtenir de moi. Ce n’était pas la première fois qu’elle m’offrait de la nourriture. Ensuite parce que mon instinct me trompait rarement avec les gens et j’avais l’intuition qu’elle se souciait de mon bien-être.

-C’est vrai qu’une douche chaude me ferait du bien…

Ce serait l’opportunité aussi de laver mes habits, dans une machine si elle en avait une ou dans le lavabo autrement. Qu’importe, ils en avaient vraiment besoin. Je crois que j’avais fini par m’habituer à tout avec le temps : le froid, le manque de sommeil et même de nourriture… mais je ne me faisais pas à cette impression d’être crasseuse. A défaut de pouvoir renouveler ma garde robe et de pouvoir me laver aux fontaines publiques à cause du froid, je devais faire avec. Le manque d’hygiène n’était ni agréable pour moi, ni pour les personnes que je rencontrais.

-C’est gentil à toi. Tu habites loin d’ici ? demandai-je en piochant un autre nugget dans le sac.

J’avais bien envie de manger chaud, mais c’était difficile de résister à l’odeur de la nourriture quand on avait faim…

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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyJeu 28 Déc - 22:58




Une main tendue dans le froid de la nuit
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Garder dans son sac, pendant longtemps, des accessoires neufs contre la féroce morsure des températures hivernales sans les utiliser, était un comportement que l’on pouvait qualifier d’incohérent et d’illogique mais, à connaître un peu mieux Lélia c’était là quelque chose qui entrait dans sa propre normalité qui, souvent, différait de celles des autres personnes. Elle avait conscience d’être parfois en décalé avec le reste du monde mais elle avait depuis longtemps cessé de chercher à entrer dans un moule qui n’était pas fait pour elle. Ainsi donc, la réaction de Kara la fit, brièvement, rire. Kara ne la connaissait qu’en tant que travailleuse et non pas comme personne. Et encore une fois elle se préoccupa du bien-être de Lélia ce qui toucha la trentenaire.

-Ça traîne dans mon sac depuis…le mois de décembre, alors non ça me manquera pas. C’était un cadeau de « secret Santa » fait par un collègue qui s’est pas des masses foulé… J’attendais pas grand-chose comme cadeau mais j’ai quand-même été déçue…Du coup j’avais fourré ça dans mon sac et j’avais zappé que ça y était… Ça semble bizarre mais en vrai pour moi c’est tout à fait normal. Expliqua-t-elle en sortant une main de ses poches pour se gratter l’arrière du crâne. Heureusement, la jeune fille, qui semblait à peine sortie de l’adolescence, ne fit pas plus de manières avant de passer le bonnet sur la tête. Il lui allait bien. Et Lélia était heureuse de lui apporter son aide, aussi minime soit-elle. Puis se fut l’écharpe. Bien. Elle serait un peu plus protégée contre le froid.

Si Lélia avait eu la chance et le privilège de ne jamais se retrouver à la rue elle avait néanmoins une vague idée des dangers qui pouvaient guetter dans l’ombre pour une personne appartenant au sexe fragile. Mentalement, Lélia se corrigea. Non. Pas besoin d’être une jolie jeune fille pour attirer les convoitises. Ni même d’être une femme. Il suffit d’être vulnérable dans un milieu hostile où rôdent les prédateurs. Elle n’avait pas l’attitude que l’on pouvait attendre d’une jeune femme ayant déjà subi des attouchements ou pire mais combien de temps encore pourrait-elle échapper aux pervers ? Lélia aurait pu finir à la rue si elle n’avait pas eu son père, si elle n’avait pas trouvé ensuite ce petit boulot. Minable certes mais alimentaire… Elle s’imagina à la place de Kara et la trouva bien courageuse et c’est aussi bien par admiration que par une simple envie désintéressée qu’elle lui fit la proposition de venir chez elle. Elle n’était pas riche, elle n’avait pas des millions à proposer, elle n’avait pas une grande maison où l’héberger mais si ce n’était pas par le bas de l’échelle que l’entraide, le soutien et la générosité se manifestaient, comment espérer que les plus grands le fassent ?

La jeune fille piocha à deux reprises dans la nourriture que Lélia lui avait donnée et elle imagina la torture que cela devait représenter de sentir son estomac crier famine durant des jours, peut-être. L’aurait-elle supporté sans devenir folle ? Rien n’était moins sûr. Et entre deux nuggets lui posa quelques questions mais ce fut à la dernière que Lélia répondit en premier lieu.

-J’habite Place du Général Catroux, c’est à une vingtaine de minutes à pied en remontant l’avenue de Wagram. Il faut traverser la place des Ternes, puis Boulevard de Courcelles avant de prendre rue de Chazelles, prendre rue de Prony et remonter la rue Henri Rochefort. C’est un peu loin quand on se caille et qu’il pleut mais quand il fait beau, ou juste gris, c’est un bon moyen de garder la forme. Et j’ai la chance d’avoir vu sur la statue d’Alexandre Dumas qui est un de mes auteurs préférés. Expliqua Lélia tout en faisant signe à Kara de la suivre. Elle n’avait pas répondu à son compliment. Parce que ça la mettait mal à l’aise. Quelle attitude adopter ? Juste un « merci » qui pourrait sembler être de la fausse modestie ? Répondre qu’elle savait au risque de passer pour une prétentieuse ? Non. Le silence. Et passer à autre chose.

Et tandis qu’elles marchaient pour aller jusqu’à l’appartement de Lélia, cette dernière répondit enfin à la question de Kara.

-Et pour répondre à ta question…C’est la politique de l’entreprise le soir quand on part…On doit partir tous ensemble parce que l’union fait la force en cas d’agression… Et Claire… Hé bien… Claire aime en jouer pour nous faire chier. Elle adore prendre de très longues douches, se sécher ses très longs cheveux teints en jaune qui mériteraient un bon traitement parce qu’on dirait de la paille pour nous faire perdre patience et nous pousser à la faute. Il suffit qu’une fois on parte avant elle, et ce même si techniquement on est plus du tout dans nos horaires de travail, pour être licencié pour faute grave. Alors que veux-tu…Quand on a que ce job de merde hé bien on serre les dents et on encaisse.

Encaisser, oui, mais jusqu’à quand ? Souvent elle s’imaginait l’attrapant par les cheveux et lui plongeant la tête dans une friteuse d’huile bouillante. Sans jamais le faire. Elle se faisait des dizaines de discours mentaux où elle démissionnait. Elle se voyait écrire un blog. Un site internet. Quelque chose dénonçant toutes les fraudes et mauvais traitements infligés par cette entreprise pesant des milliards d’euros. David contre Goliath. Une utopie. Qui se souciait des voix, des vies, insignifiantes de personnes n’ayant pas assez brillé dans la vie pour devenir quelqu’un ? Personne, justement.

Elle marchait rapidement, ayant hâte de rentrer chez elle, de retrouver la chaleur d’un foyer chauffé au minimum pendant son absence. Elle allait augmenter la température, montrer la chambre à Kara et pendant que la jeune fille serait sous la douche aller directement dans sa propre chambre pour enlever son putain de soutif et le balancer sur son lit. Sur le fauteuil. Un meuble quelconque ou tout simplement par terre.

Enfin elles arrivèrent à destination. Les rues, chose surprenante en ces temps mouvementées, avaient été désertes et calmes. Tant mieux.

-Bienvenue dans mon petit chez-moi. dit-elle après avoir ouvert la porte, s’écartant un peu pour laisser entrer Kara. Puis de refermer et reverrouiller la porte derrière elle. Une bonne porte blindée. Son père était parano de son vivant, à croire qu’il avait su que les temps allaient devenir obscures. Lélia guida Kara jusqu’à la chambre que son père occupait avant de mourir. La plus petite de l’appartement mais elle était confortable et chaleureuse et ne semblait pas du tout être celle d’un mort. Juste une chambre d’amis normale… Puis ce fut la salle de bains. Elle ouvrit un placard pour en sortir serviettes, gant de toilettes et brosse à dents …Au cas où. Elle en faisait peut-être un peu trop mais elle voulait que Kara se sente bien ici. Pour ce qui était du gel douche, du shampooing et du dentifrice bah… ils étaient à disposition hein…

-Voilà… Tu peux prendre le temps qu’il te faut. Pendant que tu te douches je vais préparer ton lit et… Elle la jaugea du regard. Un peu plus petite qu’elle. Parfait.

-Je vais te prêter des vêtements…Enfin si t’as pas de quoi te changer je veux dire… Et si t’as une lessive à faire tu pourras t’en occuper dès demain. Le sèche-cheveux est accroché près du lavabo, face au miroir. Et euh… Rejoins-moi dans la cuisine… La porte à droite quand on entre dans l’appartement. Je te ferais chauffer la bouffe au four pendant ce temps… Elle lui fit un sourire, attendit une confirmation de sa part, des questions… Et alla dans sa chambre. Pour retirer son soutif et l’envoyer au diable. Elle le ramasserait avant de dormir. Elle fit le lit pour Kara et alla dans la cuisine pour faire réchauffer toute la nourriture ramenée du fast-food et sortit deux canettes du frigo d’un célèbre soda à l’étiquette rouge.





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Mon bel amour mon cher amour ma déchirure, je te porte dans moi comme un oiseau blessé, et ceux-là sans savoir nous regardent passer. Répétant après moi les mots que j'ai tressés, et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent.
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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyMer 3 Jan - 18:38

Une main tendue dans le froid de la nuit


-C’est un beau cadeau, pourtant.

Enfin, j’aurais peut-être été déçue aussi il y a quelques mois de ça quand ma garde-robe était pleine à craquer. Comme quoi, rien de tel qu’une petite leçon d‘humilité pour réapprendre la vraie valeur des choses…

-Est-ce que c’est un sac sans fond ? plaisantai-je en me penchant pour admirer l’objet qui avait abrité un tel attirail aussi longtemps sans que sa propriétaire ne se décide à le sortir.

J’eus un petit rire lorsqu’elle m’expliqua l’itinéraire ultra précis pour arriver à son appartement. Je ne lui en demandais pas tant.

-Vingt minutes à pied, c’est tout près. Je marche beaucoup, moi, c’est un bon moyen pour rester au chaud et se donner l’illusion de faire du sport.

Et accessoirement, pour esquiver le métro et les risques de rencontrer des contrôleurs en cas de fraude.
On était loin de mes performances de l’époque, mais je ne me voyais pas enchaîner les footing et le cardio sans pouvoir me changer ou me doucher. Sans compter que je mangeais mal et pas suffisamment pour que mon corps encaisse des activités sportives intensives.

Nous nous mimes en route et je la suivis d’un pas rapide en grignotant de temps en temps un nuggets. Aussi attirante soit l’idée d’un repas chaud, réfréner sa faim n’était pas évidente quand la nourriture était à portée de main.

-Tu n’as pas la possibilité de postuler ailleurs ? Ça pourrait difficilement être pire qu’ici d’après ce que tu me racontes. Sinon… Il n’y a pas des représentants syndicaux ou des institutions qui pourraient vous soutenir ?

Il me semblait pourtant que le droit du travail était assez encadré en France. Ce pays comptait un grand nombre de textes et d'institutions pour protéger les salariés… Mais j’imaginais qu’il y avait un gouffre entre la théorie et la pratique.

Nous arrivâmes rapidement à l’appartement et la chaleur nous accueillit. Quel bonheur d’être au chaud ! Avec du recul et mon expérience passée, je devais admettre que vivre à la rue n’était pas si terrible pendant la saison chaude, mais en hiver c’était un vrai enfer.

-J’ai une chambre pour moi ? C’est super, dis-je en déposant mon sac dans la pièce.

Je m’étais attendue à un bout de canapé et je m’en serai parfaitement accommodée. C’était le grand luxe que Lélia m’offrait avec sa chambre d’amie.

-J’accepte volontiers les vêtements propres pour dormir. Merci beaucoup !


Elle était mignonne, très prévenante comme si j’étais une invitée de marque. Pour un peu, j’en aurais presque oublié qu’elle m’avait ramassée sur le trottoir par pitié. Il était bon de voir que certaines personnes étaient altruistes dans cette ville où les gens étaient habituellement si individualistes.

Je disparu sous la douche et savourais de longues minutes le bonheur de l’eau chaude contre ma peau et celui de me sentir propre. Je ne m’éternisais pas cependant, m’arrachant à regret à ce petit moment de bien-être. Il était quatre heures et demie du matin passé, Lélia devait se désespérer de dormir et m’attendait probablement.

Je quittai les lieux après m’être brièvement séché les cheveux pour les détremper un peu. Quand je quittais la pièce, je me sentais propre et fraîche dans les habits de mon hôtesse, un vrai bonheur !

-J’ai essayé de faire vite, pour ne pas imiter ton démon de manager aux cheveux de paille, plaisantai-je en rejoignant la jeune femme. Ça fait du bien de se sentir propre.

J’avais les traits tirés par la fatigue mais j’étais souriante et de bonne humeur. Comment aurait-il pu en être autrement alors que je profitais d’un tel confort ?

L’odeur de nourriture chaude fit gargouiller mon ventre.

-Est-ce que tu travailles demain ? demandai-je en m'asseyant à table pour attaquer un des burger avec appétit.

Le plaisir se résumait somme toute à peu de chose pour moi désormais : manger un plat chaud en bonne compagnie, tout en sachant que je n’allais pas tarder à m’effondrer sur un lit moelleux dans un appartement qui fermait à clé, à l’abri des intrus…

-C’est gentil de m’accueillir chez toi cette nuit.

Dehors, j’avais appris à dormir quand je peux et toujours sur une seule oreille… Cette nuit, je pourrai me reposer pour de vrai.

-Je ne sais pas grand chose de toi, quel âge tu as ? lui demandai-je pour amorcer la conversation et faire connaissance.

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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyVen 5 Jan - 23:32




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Un sentiment accompagna Lélia tout le long du chemin jusqu’à son appartement qu’elle fit en compagnie de Kara qui ne pouvait résister, et c’était bien normal, à la tentation de manger quelques nuggets, et ce fut la honte. Elle se sentait honteuse et minable de s’être plainte d’avoir reçu ce que la jeune SDF avait accepté comme un trésor. À trop se renfermer sur soi et ses problèmes on en oublie que d’autres vivent des situations bien pires et souvent en se plaignant moins… La question que lui posa Kara la mit mal à l’aise car à son âge elle ne savait rien faire, elle n’était bonne qu’à préparer ou servir des hamburgers trop gras à des clients souvent mal élevés. Et encore… À en croire les remontrances de certains même pour cela elle était complètement nulle…

-C’est…compliqué… Répondit-elle vaguement pour ne pas avouer à la jeune femme que le courage lui manquait pour contacter qui de droit, de peur de perdre cet emploi merdique dont elle dépendait financièrement, de se mettre tout le monde à dos…Un vrai nid de vipères où il valait mieux faire profil bas pour ne pas se faire mordre. Oui… Elle était passive, faible et trouillarde de ne pas se rebeller contre l’oppresseur… Pour le dire d’une certaine façon.

Lorsqu’elles furent arrivées et que Kara découvrit qu’elle dormait dans un lit, seule, dans une chambre où elle aurait son intimité elle en sembla si ravie que cela chassa quelque peu le sentiment de malaise qui accompagnait Lélia depuis près d’une demi-heure.

Quand Kara vint la rejoindre dans la cuisine Lélia avait déjà entamé son soda et le sirotait tout en regardant une de ses sempiternelles applications de rencontres, assise à la table de cuisine, ne s’attendant pas à ce que l’adolescente fut aussi rapide pour prendre sa douche. Elle sursauta en entendant la voix de la jeune femme qui lui expliqua n’avoir pas voulu faire comme Claire, ce qui fit sourire Lélia.

-Ah ouais…Je confirme t’as été rapide. Une vraie Valentino Rossi de la douche. Plaisanta-t-elle. -Je t’avoue que je t’attendais pas aussi vite ! Je me disais que tu savourerais l’eau chaude… Avec le froid qui fait dehors ça aurait été normale.

Mais comment une jeune personne aussi bien élevée et compatissante pouvait être livrée à elle-même dans les rues de Paris ? Lélia se mordait la langue pour ne pas lui demander où étaient ses parents. Elle n’aimait pas juger sans savoir mais elle se disait quand même que s’ils étaient en vie, bien installés dans un petit pavillon de banlieue sans se soucier d’elle ils mériteraient une bonne claque dans la figure !  Et pendant qu’elle pensait à cela elle s’était levée pour aller dans le four récupérer les burgers, nuggets et autres fritures pour les poser sur la table. Une assiette pour Kara, une autre pour elle. Le plus gros burger pour Kara. C’était curieux quand même, tout le temps où elle attendait presque désespérément de rentrer chez elle l’estomac de Lélia avait crié famine et maintenant qu’elle avait de la nourriture devant elle c’était limite si elle n’avait plus faim. Elle aurait préféré se laver plutôt que manger, en fait. Mais elle n’allait pas laisser Kara toute seule. Non pas qu’elle se méfia d’elle, si tel avait été le cas jamais elle ne l’aurait ramenée ici et lui aurait proposé un lit, mais tout simplement pour qu’elle ne se sente pas seule et mal à l’aise. Peut-être.

-Hé oui ! Plus que demain de fermeture et j’aurais lundi et mardi de repos. Beaucoup de mes collègues se plaignent de ne pas avoir souvent de week-end pour se reposer, d’autant plus que le vendredi soir, le samedi et le dimanche sont les pires jours de travail au niveau de l’affluence mais, même si je savoure parfois de ne pas travailler ces jours-là, je préfère le lundi et le mardi. Comme ça je peux faire tranquillement mes courses et j’échappe à la pire corvée pour moi : le camion de livraison de marchandises. Mais chut, ne le dis pas à Claire, elle s’arrangerait pour qu’on m’y mette. Elle croit que je préfère les ouvertures, comme elle, du coup elle me fait mettre en service d’après-midi ou de soir… Ce qui m’arrange bien. Confia-t-elle à Kara avec un petit rire.

Elle la regarda croquer dans son burger, la dévisageant, peut-être un peu trop fixement, avec un sourire tout simplement parce qu’elle était heureuse d’avoir fait une bonne action. Non pas qu’elle l’eut faite pour le plaisir que cela procure… Mais c’était un petit plus agréable.  Constatant qu’elle risquait de gêner Kara, Lélia se décida à manger un bout de son burger, une des nouveautés qu’elle n’avait pas encore goûtées et aima tout particulièrement la sauce à base de whisky. Pour une fois ils avaient fait quelque chose de bon… Et l’appétit lui revint. Elle prit une deuxième bouchée un peu trop vite et du boire, à même la canette, pour faire passer le tout, les sentant descendre avec une douleur dans le dos. Oups.

-Tu peux rester ici aussi longtemps que nécessaire, Kara. Je bosse 40h par semaine, je dors beaucoup, je sors un peu, je t’embêterais pas des masses. « Mi casa es tu casa » comme ils disent en Espagne.   Peut-être le lui avouerait-elle par la suite mais c’était aussi un peu pour elle qu’elle lui proposait de rester plus longtemps : la solitude lui pesait. Énormément.

Était-ce bon signe ? Kara lui demanda quel âge elle avait. Lélia faillit répliquer que ce n’était pas là une question que l’on posait à une dame mais… vu l’heure elle allait pas chipoter 106 ans pour de toutes façons lui dire, ce qu’elle dit, qu’elle avait, déjà, 32 ans.

-32 ans, pas de mari, pas d’enfants… Ajouta-t-elle, peut-être sur un ton légèrement trop amer. Mais se ressaisit de suite.

-Et toi ? Tu ne me sembles pas bien âgée… La première fois que je t’ai vu j’ai cru que tu avais à peine 15 ou 16 ans mais on m’a dit, je ne sais plus qui, que tu es au moins majeure. Ce que je veux bien croire à ta façon d’être, de parler…

Encore un morceau. Qu’elle mâchât correctement, cette fois, et avala avant d’en reprendre, puis de piocher un beignet d’oignons.

-Je vais peut-être très indiscrète et je m’en excuse d’avance mais…Comment ça se fait que tu sois à la rue ? T’es toute jeune, tu n’as pas de famille pour t’aider ? Je me mêle peut-être de ce qui ne me regarde pas, désolée. S’empressa-t-elle d’ajouter tout en se disant que si elle avait eu la chance d’avoir un enfant, elle remuerait ciel et terre pour lui… Qu’il vive une existence différente à la sienne. Mais non, elle n’aurait pas d’enfant, ni de mari… Rien qu’une vie gâchée… Une lueur triste dans son regard qu’elle chasse très vite en souriant à la jeune fille en face d’elle tout en terminant son burger. Finalement elle avait les crocs.





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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptySam 6 Jan - 1:33

Une main tendue dans le froid de la nuit


J'acquiesçai. Oui, je voulais bien croire que ce n’était pas si simple de changer d’emploi. Qui sait le genre de frein qu’on devait rencontrer ? Peut-être qu’elle manquait de temps pour chercher, ou d’énergie.

Une fois sortie de la douche, l’humour de Lélia m’arracha un rire.

-Je la savourerai un peu plus demain, je me suis dit que tu avais sûrement envie de dormir vite. Tu dois être fatiguée, non ?

Moi je le serai à sa place. Et je l’étais. Non pas parce que j’avais travaillé dur aujourd’hui, mais simplement parce que je dormais peu et que je n’avais pas les moyens de compenser ce manque par une nourriture riche et abondante. J’avais l’habitude d’être crevée, c’était devenu un état routinier.

Je lui souris, amusée.

-Tu manipules ta vilaine patronne ?

Je fronçai les sourcils, pensive.

-Ca n’a pas l’air d’être quelqu’un de bien… Elle est comme ça avec tout le monde ou tu as droit à un traitement de faveur ?

J’avais connu ça, le harcèlement. Je savais à quel point ça pouvait aller loin et les ravages que cela pouvait causer. J’avais failli me tuer à cause de mes camarades de classe au collège de Mexico… Des souvenirs pénibles et douloureux qui n’avaient jamais guéris. C’était encore trop frais dans ma tête.

Le burger avait un petit goût de plaisir à cet instant et je l’avalai peut-être un peu trop vite pour véritablement prendre le temps de l’apprécier. Le goût était bon. Ca faisait du bien de manger chaud et consistant.

Mon regard se leva brusquement et je dardais des yeux surpris sur la belle.

-Eres de una rara generosidad, Lelia, lui répondis-je en castillan, ma langue natale. Je ne veux pas abuser de ta gentillesse, ajoutai-je en français.

Je ne pouvais pas… Pas avec ce monstre qui me collait aux basques et que je n’avais pas identifié. William ne m’avait-il pas prévenu ? Me lier avec autrui, prendre des routines, c’était donné des chances supplémentaires à mon adversaire de me retrouver. Je n’étais pas prête à quitter Paris mais la ville était petite, un bon enquêteur finirait par remonter jusqu’à moi tôt ou tard…

Je devais brouiller les pistes.
Tout cela, je ne pouvais pas le lui expliquer. Je ne pouvais pas lui raconter que m’héberger la mettait peut-être en danger, que ma mère avait frayé avec des forces qui dépassaient l’entendement humain et que j’en subissais aujourd’hui les conséquences…

-Je pourrai rester quelques jours, pour récupérer un peu… lui dis-je avec un sourire doux.

Si j’évitais de sortir la journée, personne ne saurait que j’étais là et je ne compromettrai pas cet endroit. Peut-être même que je pourrai revenir de temps en temps, si Lélia était toujours d’accord pour me recevoir. Ce serait génial d’avoir un pied à terre aussi confortable. J’étais toujours aussi surprise de voir la spontaneité avec laquelle la jeune femme m’offrait son hospitalité, nous nous connaissions à peine. Ca faisait du bien de voir que de telles âmes existaient à Paris, elles étaient rares.

Trente-quatre ans. Presque deux fois mon âge. Je me demandai où je serai à trente ans… Survivrai-je seulement assez longtemps pour voir ce jour arriver ?

-Tu aimerais en avoir ?

Ça avait l’air de lui peser, songeai-je en trempant un nugget dans la sauce.

-Plutôt un mari, ou plutôt des enfants ? lui demandai-je taquine.

Le nugget atterrit dans ma bouche. Miam !

-J’ai dix-huit ans, répondis-je honnêtement.

Pas de raison de mentir sur mon âge, je savais que je ne faisais de toute façon pas plus vieille… Surtout sans maquillage.

“Ce que je veux bien croire à ta façon d’être, de parler…”

Avais-je changé depuis juillet ? Je me demandais parfois à quel point les claques que j’avais prises m'avaient transformées. Je ne me rendais pas bien compte… Quelques mois à peine me séparaient de ma vie d’avant. J’avais affronté plus de cauchemars en six mois que tout le reste de ma vie durant… Le genre d’expérience qui forçait la maturité, j’imagine.

Une hésitation.

Évidemment, je m’étonnais que la question ne soit pas tombée avant… Elle revenait sans cesse quand je prenais le temps d’échanger avec autrui. On s’étonnait qu’une gosse aussi jeune traine dehors. Mon jeune âge avait l’avantage d’émouvoir, je grappillais plus facilement de la nourriture ou des pièces en faisant pitié, ce n’était pas un mal.

Mon nugget trempa dans la sauce. Encore. Et encore. Jusqu’à ce que je réalise que j’étais en train de m’en mettre sur les doigts. Je le lâchai pour les lécher.
J’avais des tas de versions pour justifier ma situation. Toute vraie et toute fausse car parcellaires. Je ne pouvais pas dire la vérité et cette nécessité de cacher mon passé m’isolait des autres et me faisait terriblement souffrir.

-Ma mère a disparu au début de l'été dernier. La police… n’est pas optimiste, après tout ce temps les choses de la retrouver sont infimes. Elle est probablement morte, dis-je les yeux dans le vague.

J’avais vécu le deuil. Et puis j’avais appris qu’elle n’était pas vraiment mortelle… Aujourd’hui, je vivais avec l’espoir fou qu’elle puisse un jour revenir vers moi et mettre un terme à ce cauchemar. Je l’espérais de tout mon être.

-Après ça, tout est devenu compliqué. Je suis étrangère, pas vraiment en règle, mentis-je. Je ne peux pas chercher un travail déclaré dans ma situation au risque d’attirer l’oeil de l’administration… Mais je ne peux pas quitter le pays sans continuer à chercher. Alors je me fais discrète, et je continue à retourner la ville à la recherche d’indices… Et si je ne trouve  rien à Paris, j’irai ailleurs et je continuerai jusqu’à fouiller tout le pays s’il le faut. Je dois savoir ce qui lui est arrivé.



Si maman était là, quelque part, je la trouverai.


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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptySam 13 Jan - 13:35




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Décidemment elle était attachante cette petite à penser au bien-être de Lélia avant le sien propre alors que sa situation était plus précaire que celui de la trentenaire. La situation dans laquelle Kara se trouvait avait éveillé son instinct maternel contrarié et comme une mère aurait voulu prendre soin de son enfant Lélia éprouvait le profond désir d’offrir à la jeune femme, pourtant adulte, ce que seule une mère peut donner.

Après avoir englouti son burger, Lélia avait jeté son dévolu sur des bouchée aux fromages et à la sauce tomates avec des herbes rappelant le goût de la pizza aux 4 fromages. Intérieurement, elle nota de remercier le préposé aux fritures pour lui avoir fait une double portion de ces bouchées dont elle raffolait.

-Plus lassée physiquement que véritablement fatiguée, à vrai dire. Une fois douchée je vais me coucher et rester sur mon téléphone à regarder quelques bêtises, une heure ou deux, avant de mettre une playlist de vidéos sur youtube et m’endormir en regardant une vieille sitcom ringarde. Répondit-elle avec un petit rire. Elle ne racontait pas à tout le monde, voir personne, qu’elle regardait de vieilles sitcoms pour s’endormir car, généralement, elles avaient mal vieilli. Pour la génération actuelle, les anciennes sitcoms et série véhiculaient des messages sexistes, homophobes etc parce qu’elle était pas foutu de faire preuve d’intelligence et de remettre cela dans le contexte de l’époque… Enfin bref.

Les cannettes avaient cette fâcheuse tendance de se finir trop vite et Lélia avait une bonne descente, heureusement que c’était un soda et non pas de l’alcool, aussi se leva-t-elle pour aller se chercher une nouvelle boisson, tout en proposant à Kara si elle en voulait une autre. Et lui fit savoir, aussi, que quoi qu’elle veuille qu’elle se sente comme chez elle, qu’elle se serve. Juste si elle finissait quelque chose qu’elle l’écrive sur le tableau aimanté sur le frigo… Histoire que Lélia pense à en racheter.

-Les deux… J’ai beaucoup d’amour à donner…et j’ai toujours rêvé d’avoir ma propre famille… Ouais…le cliché dans toute sa splendeur. Je devrais être heureuse d’être une femme célibataire, libre du joug masculin, travailleuse et… toutes ces conneries qu’on nous sert sous couvert de féminisme… répondit-elle totalement désabusée. -Mais faut croire que certains rêves ne sont pas fait pour être réalisés. Ajouta-t-elle tout en reprenant place à table face à Kara. Elle ouvrit un des pots de sauces, miel moutarde, qu’elle avait honteusement (non pas du tout de honte en fait) volé dans le dos de Claire pour y plonger un nugget qu’elle porta à sa bouche avant de boire. Encore un soda. Mais goût limonade cette fois-ci. Elle aurait intérêt à faire du sport pour éliminer toute cette mauvaise graisse.

Quand la jeune femme, après lui avoir appris son âge, expliqua à Lélia que sa mère avait disparue, qu’elle était peut-être morte, et que ce fut le déclencheur de sa descente aux enfers, Lélia sentit son cœur se briser dans sa poitrine et des larmes lui monter aux yeux. À travers la table elle tendit la main pour la poser sur celle de Kara, lui serrant brièvement les doigts entre les siens.

-Si ton cœur te dit que ta maman est toujours en vie, quelque part, alors je suis sûre qu’elle l’est et que tu la retrouveras, tôt ou tard. Si tu as besoin d’aide pour régulariser ta situation, comme avoir une adresse fixe, un référent ou je ne sais pas, je peux t’aider. Pour le boulot… J’ai une amie…enfin la sœur d’un ami plus précisément, enfin quand je dis un amant…disons un ancien petit-ami…enfin est-ce qu’on peut vraiment le définir comme tel ? Enfin bref. C’est quelqu’un de bien, ça n’a juste pas collé… Tout ça pour dire que sa sœur est la propriétaire d’un bar de standing…De haut standing on peut dire, même si…Enfin c’est un bar qui offre des spectacles assez… olé-olé mais ce sont des femmes pour des femmes. Elle est très à cheval sur le respect et la sécurité de ses employées…Bon normalement elle est aussi très réglo sur la paperasse mais… Je suis sûre qu’elle pourrait te prendre au black pour que tu puisses te faire des sous. Attention en tant que serveuse. Tenue un peu sexy mais rien d’indécent… S’embrouilla-t-elle un peu, de peur qu’elle s’imagine qu’elle voulait la pousser dans les griffes d’un souteneur ou une dame maquerelle.

Elle n’en pouvait plus. Elle avait trop mangé de cochonneries, trop bu de soda et cela commençait à lui peser sur l’estomac.

-Tu peux terminer si tu veux…Perso je ne peux plus rien avaler. lui fit-elle savoir. -Enfin rien de salé en tout cas… Ajouta-t-elle, gourmande. Elle se releva pour aller dans son frigo d’où elle sortie une galette des rois, à la frangipane, maison, faite la veille et dont il ne manquait qu’une part.

-Si tu as envie d’une petite douceur voilà le dessert. dit-elle avec un sourire en posant le plat sur la table avant d’aller chercher deux assiettes à dessert. -Faite maison par mes petites mimines…Mais sans fève…J’en voyais pas l’intérêt pour une personne toute seule…



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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyJeu 18 Jan - 11:46

Une main tendue dans le froid de la nuit


-Tu regardes quoi comme sitcom ? J’aime bien big bang théorie !

Comme c’était bizarre d’avoir ce genre de conversation. C’était si… normal. Parler série, téléphone, glandage, c’est le genre de truc que j’aurais fait avec mes amis au lycée… Ces souvenirs me semblaient remonter à une éternité.

-Pourquoi ? Tu t’en fiche des autres, ce qui compte c’est ce dont tu as envie toi, non ? Moi aussi ça me plairait bien d’avoir une grande famille. J'aime être entourée.

Il n’y avait jamais eu que maman et moi du plus loin que je me souvienne. J’étais bien avec maman, mais j’aurais aimé avoir des frères et soeurs avec qui jouer et partager des choses.

-En plus, je ne vois pas ce qui t’empêcherait de travailler tout en ayant des gamins, si c’est ce dont tu as envie. Y a plein de femmes qui le font.

Le sujet vira doucement vers quelque chose de plus sensible pour moi et je fus contrainte de maquiller la vérité, comme toujours. C’était difficile de mentir encore et encore, surtout quand je faisais face à des personnes réellement soucieuses de m’aider et qui l'auraient probablement fait avec joie si je leur en avait donné les moyens…

Je souris en la voyant tenter de se dépêtrer maladroitement dans son explication à propos de la soeur d’un ex-mais pas trop, qui tenait un genre de cabaret et avec qui elle pourrait peut-être me brancher.

-D’accord, merci, je vais y réfléchir.

Et j’enchainai aussitôt, en partie pour noyer le poisson, en partie par curiosité :

-Et toi, pourquoi tu ne lui demande pas pour toi ? Si c’est une connaissance à toi, elle te traitera sûrement mieux que ta vilaine manager. Tu es jolie et tu as de l’expérience dans le service, tu coches toutes les cases non ?

Mais je me mêlais peut-être de ce qui ne me regardait pas.

-Je n’ai plus faim non plus, je te remercie.

A force de sauter des repas, je m’étais habituée à manger peu et je venais littéralement de me gaver. Je lançai un regard curieux à la frangipane, un dessert traditionnel que les français aimaient manger en janvier.

-Oh… Si tu me prends par les sentiments. Pas besoin de fève, on sait déjà qu’on est les reines ! m’exclamai-je avec un sourire narquois.

C’est un peu comme ça que je me sentais quand j’avais droit à un repas chaud et un lit dans un endroit sécurisé.

-On peut se regarder une série ensemble quand tu te seras douchée si tu veux ? Proposai-je.


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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyVen 19 Jan - 22:38




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-Je suis amoureuse de Léonard ! S’exclama Lélia. -Enfin amoureuse… Comme on peut aimer un personnage, hein ? Tout le monde préfère Sheldon… Alors que si on y regarde bien Sheldon est immature, égoïste, toxique… Ce n’est pas un bon ami ni un bon collègue, ni un bon petit-ami… Alors oui, il s’est montré gentil lorsque la mère de Howard est décédée et lorsqu’il a gagné le Prix Nobel avec Amy il a fait un discours émouvant mais… est-ce que ça rattrape toutes ces années ? Je ne sais pas… Je ne sais même pas comment il a fait pour se faire aimer de ses amis ou de Amy…Quoi que Amy était plutôt comme lui niveau caractère… En moins toxique, peut-être… Et après ils en ont fait… une assoiffée de sexe ce qui est déplorable… Car la beauté de son personnage je trouve c’était une femme intelligente et pouvant conquérir le cœur d’un homme sans que ça passe par son aspect physique ou son appétit au lit… Elle se rendit compte qu’elle s’était enflammée durant son petit laïus ce qui la fit rire alors qu’elle prenait une gorgée de son soda et qu’elle se rendit compte qu’elle n’avait pas répondu à la question posée par Kara.

-Et pour répondre à ta question j’aime bien regarder des sitcoms dites ringardes de AB production, Le miel et les abeilles, premiers baisers, les filles d’à côté etc… Déjà je trouve ça drôle, il y a un petit sentiment de nostalgie aussi à les revoir, revoir certaines choses typiques des années 90, des choses révolues qui ne reviendront jamais et au moins le but était clair : faire rire le public sans prise de tête. Et faire du fric facilement, évidemment. C’était une époque…plus libre pour l’humour… Mais en fait je te parle de ça… Je suis même pas sûre que tu connaisses c’est pas vraiment de ton âge… Mais voilà je m’endors en les écoutant ça me détend.

Lélia se leva et pendant qu’elle remettait un peu d’ordre dans la cuisine, elle ne pouvait pas aller se coucher en laissant du bordel et encore moins avec quelqu’un chez elle, une phrase prononcée par Kara l’attrista quelque peu parce que ce n’était pas son travail le problème… C’était… Elle. Heureusement, pour nettoyer les verres dans l’évier elle devait être à Kara, ce qui lui permit de dissimuler la tristesse qui s’était affichée sur son visage.

-C’est compliqué de trouver la bonne personne… Certains ont la chance insolente de rencontrer l’amour de leur vie dès l’adolescence ou même l’enfance, d’autres galèrent mais finissent par rencontrer la bonne personne et… il y a une catégorie qui n’ont malheureusement pas la chance de connaître la personne idéale avant qu’il soit trop tard pour fonder une famille…Pour finir il y a les pires cas : ceux qui ne rencontrent jamais l’amour… Ceux-là sont destinés à finir leur vie seuls, tristes… Entourés de chats. Tiens, d’ailleurs je devrais peut-être en adopter un… Répondit-elle toujours de dos à la jeune femme, nettoyant un évier pourtant impeccable.

Lorsqu’elle se retourna pour finir de débarrasser la table elle affichait à nouveau un sourire sur le visage afin de tenter de dissimuler le sentiment de tristesse et d’échec qui la submergeait car elle était certaine de finir sa vie toute seule.


-Je… Je suis beaucoup trop maladroite pour être embauchée comme serveuse… Déjà que dans mon travail je fais souvent tomber des papiers d’emballage, des sachets de ketchup, les pinces… Imagine un plateau avec pleins de verres ? Le bar ferait faillite en deux jours avec moi… plaisanta-t-elle à moitié. La vérité était que Lélia manquait cruellement de confiance en elle et se voyait bloquée à vie dans un fast-food parce qu’elle ne considérait pas avoir assez d’intelligence, de compétences etc. pour aller travailler ailleurs.

Quand la cuisine fut en ordre Lélia abandonna Kara dans le salon, avec la télé si elle voulait faire du zapping pendant qu’elle allait prendre sa douche. Une bonne douche longue et chaude durant laquelle elle lava, encore, ses cheveux. Une mauvaise habitude pour chasser l’odeur de la friture qui les imprégnait. Mais le plus compliqué, aussi étrange que cela pouvait paraître, c’était de se défaire de l’odeur de la moutarde et du ketchup qui se trouvait sur ses doigts. Elle devait passer du savon deux fois et trois fois du gel douche avant que ses mains ne sentent bon à nouveau. Quel enfer ! Elle se sécha les cheveux et enfin retourna auprès de Kara pour prendre place sur le canapé, sous un plaid. Et bien évidemment en pyjama, elle ne s’était pas rendue au salon toute nue !

-Oh ! Mais ! Tu es jeune…Avec un peu de chance…Dis-moi que tu n’as jamais regardé « Une nounou d’enfer », par pitié ! Cette sitcom est mythique ! Bien plus pour moi que « Friends » et bien plus drôle, je trouve. Entre Niles, Grand-mère Yetta, C.C… Franchement c’est une pépite ! Ça te dit on regarde ça ? S’enthousiasma-t-elle tout en prenant la télécommande pour aller sur le service de vidéo à la demande où elle trouverait cette sitcom.




“Il n'y a pas d'amour heureux”
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure, je te porte dans moi comme un oiseau blessé, et ceux-là sans savoir nous regardent passer. Répétant après moi les mots que j'ai tressés, et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent.
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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyJeu 25 Jan - 12:49

Une main tendue dans le froid de la nuit


Je regardai un moment Lélia avec des yeux ronds avant d’éclater de rire. C’est fou comme la série avait l’air de la passionner, je n’aurais pas imaginé qu’on puisse autant s’enflammer pour Big Bang Theory. Mais après tout, quand on était fan…

-Tu as l’air d’adorer cette série.

J’avais un avis plus nuancé sur tous ces personnages que je trouvais tous très amusants chacun dans leur genre

-Sheldon, c’est un personnage qu’on adore détester. Objectivement, personne ne voudrait de lui comme voisin de palier, il est affreux. Mais les personnages de Big Bang Théorie ont tous un grain, chacun dans leur genre.

C’était des clichés sur patte et c’est ce qui les rendait si drôles.

Je me mordis la lèvre avec un sourire gêné. Les années 90 ? Mais c’était l’antiquité ça, j’appartenais à la génération du XXIème siècle moi ! Et évidemment, aucun des noms cités ne me parlaient. J’avais un double malus : d’abord, j’étais trop jeune et en plus je n'avais pas grandis en me nourrissant de ce qui passait à la télévision française.

-Désolé non, ça ne me dit rien.

Je plantai ma fourchette dans ma part de galette des rois, me concentrant pour essayer de couper délicatement un morceau sans dégager toute la frangipane à l’intérieur.

-Tu regardes trop la télé, Lélia, lui dis-je en relevant les yeux vers elle. C’est pas ça la vie, y a pas de schéma. Je connais un couple de SDF qui s’est trouvé à soixante ans et ils ont l’air heureux ensemble. Au lycée, j’étais très amie avec un garçon qui avait deux papas. Moi j’ai jamais eu de père… Maman m’a élevée seule. T’as le droit d’avoir un chat, tu peux même en adopter cinquante, ça fait de toi quelqu’un qui aime les animaux, pas une vieille fille.

Je la regardai, l’air contrit.

-Tu te rends malheureuse en essayant de te tordre pour te forcer à rentrer dans un moule. Mais tu es unique, on est tous uniques. Et on mène tous une vie différente, on évolue pas à la même vitesse sur les mêmes choses… Ça ne sert à rien de se comparer aux autres.

Je recrachais ce que m’avait dit le psychiatre après ma tentative de suicide, quelques années plus tôt. C’était assez ironique…

-Tu trouveras peut-être chaussure à ton pied. Et si c’est pas le cas, tu peux avoir des enfants sans être mariée, tu peux adopter, ou passer par une insémination... Moi j’étais heureuse avec maman…

Je baissai soudain les yeux en sentant l’émotion me gagner. Je parlais rarement d’elle… Ça faisait mal de repenser aux jours heureux avec elle, je préférais me concentrer sur l’avenir et sur ma survie. M’ancrer dans le présent avait le mérite de m'empêcher de penser à ce que j’avais perdu et au vide que cela laissait en moi.

-Ben c’est pas grave, tu casseras quelques verres et tu apprendras à faire plus attention, dis-je en haussant les épaules. Tu as le droit de te planter. On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs, il faut que le métier rentre.



J’en avais fait des conneries aussi quand j’avais donné des coups de main à la plage ou au service dans des bars et des restaurants qui m’embauchaient sur le pouce que je les suppliais de me faire travailler quelques heures en échange d’un repas ou de quelques pièces. Le doute n’était pas permis quand on crevait de faim, c’était une question de survie. On ne savait pas faire ? Et ben on apprenait, et vite.

Je m’installais en sifflotant sur le canapé pendant que Lélia partait se doucher, me lovai devant la télévision et ne tarda pas à somnoler. Le retour de mon hôtesse me tira de ma léthargie, je levai les yeux vers elle.

-Nan, je ne connais pas. Vas-y, met un épisode, dis-je, peu contrariante.

A tous les coups, j’allais m’endormir rapidement devant fatiguée comme je l'étais.

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MessageSujet: Re: Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé]   Une main tendue dans le froid de la nuit [Intrigue III - Terminé] EmptyMer 31 Jan - 14:30




Une main tendue dans le noir de la nuit
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Ce n’était pas que la série dont elles parlaient la passionnait, souvent elle la trouvait dénuée de tout humour, mais après l’avoir visionnée une première fois, en entier parce qu’elle s’était attachée au personnage de Léonard, elle l’avait à nouveau regardée pour prêter plus attention aux détails et notamment le personnage de Sheldon que tout le monde semblait adorer sur internet. Et force était de constater qu’il était toxique, intelligent certes mais égoïste et immature…

-J’aime bien parce que même si elle parle de personnes extrêmement intelligentes ça ne demande pas un effort intellectuel et en même temps ça véhicule un message d’espoir pour les gens qui se sentent…différents… Leonard finit avec Penny alors qu’il se trouvait trop moche pour elle, pas à la hauteur… Et elle se sentait trop stupide et pourtant… Sheldon le cas perdu épouse Amy qui elle-même pensait que cela ne lui arriverait jamais… Enfin bref je vais pas te refaire la série en long en large et en travers.

Malgré elle, alors qu’elle prélassait son corps sous le jet d’eau un peu trop chaud pour sa peau pour tellement agréable pour ses muscles, elle repensa au petit laïus que lui avait tenu Kara dans la cuisine alors qu’elle terminait de dévorer sa part de galette des rois. Elle avait été mal à l’aise lorsque cette dernière lui avait parlé comme… ben comme une femme plus mâture qu’elle….C’était…frustrant, d’une certaine façon, et elle se sentait honteuse d’être elle… Incapable de changer, incapable de se lancer dans le vide et pourtant elle en avait envie… Quel pied ce serait déjà professionnellement que d’envoyer chier Claire…

Elle chassa ces pensées comme elle l’avait fait 1000 fois auparavant pour passer un moment de détente auprès de cette gamine qui ne faisait pas son âge, mentalement, et qu’elle appréciait déjà. De savoir que Kara n’avait encore jamais vu « Une nounou d’enfer » LA sitcom mythique bien avant Friends la mit en joie. Elle la connaissait par cœur, l’avait déjà vue des centaines et des centaines de fois mais jamais elle ne s’en lassait. Que ce soit pour Fran qui respirait la gentillesse, Niles qui était l’humour à l’état pur ou Maxwell, souvent agaçant mais séduisant pour un homme qui…était près des 40 ans au début de la série… Et là, LÀ Lélia se prit une claque. Il était à peine plus âgé qu’elle bon sang de bonsoir !  

-Obligé tu vas adorer! Si tu n’aimes pas c’est que t’es pas humaine ! Plaisanta-t-elle avant de s’absenter à nouveau, faisant signe à Kara qu’elle reviendrait. Un petit tour dans la cuisine, et dans un placard et elle revint au bout de quelques minutes avec deux tasses de chocolat chaud fumant et une couverture longue, chaude, douce, dite polaire.

-Dis-toi que la série date de 1993… Pour la qualité de l’image, les vêtements et tout… Mais c’est une pépite ! Et puis c’était filmé en public donc les rires sont vrais et pas enregistrés et ça c’est cool.

Confortablement installée dans le canapé à côté de Kara, sous la couverture bien chaude, elle mit en route le premier épisode de la saison 1 .

-Oh ! Tu verras que l’agencement de la maison diffère un peu entre le pilote et le reste des épisodes… T’as même une pièce qui disparait du jour au lendemain au bout de quelques épisodes… Bon et maintenant je me tais. Dit-elle très vite avant que Miss Fine ne fasse son apparition à l’écran.






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