Je regarde en silence les rues défilées sans même les voir, alors que le taxi nous ramène à l'abri. Il n'y a rien, pas un mot échangé, pas un regard, mais cela ne me gêne pas réellement pour le moment. Le silence n'est pas toujours une mauvaise chose après tout et je sens qu'il n'est pas à l'aise. A cause d'elle, sans doute. En même temps, elle n'avait pas fait une entrée discrète. Je repense à cette réunion, à ce que j'avais compris, à ce qui avait été dit et je ne sais pas comment me placer dans tout ce bordel. Pour moi c'est encore trop récent et il y a des choses que je ne comprends toujours pas. Tatiana avait bien essayé de m'expliquer, mais je n'en avais pas compris l'entièreté du sens. Mais si je savais une chose, c'est que je ne pouvais pas reprendre la même vie qu'avant. Ou alors, il allait falloir que je m'adapte. Et je suis assez douée pour cela en règle générale, il n'y a qu'à voir avec quelle vitesse je me suis faite à cette nouvelle vie, même si elle a quelques inconvénients, mais tout ne peut pas être parfait, n'est-ce pas ? Au moins je suis toujours là, même si je ne suis plus qu'une ombre qui rôde la nuit.

Le taxi s'arrête et je descends de mon côté, regardant autour de nous, malgré le brouillard et les faibles lumières. Il n'y a pas âme qui vive, rien à part nous, deux ombres parmi tant d'autres. Je le suis, toujours silencieuse, je sais qu'il me donnera des explications, ou au moins un début de réponse. Je vois bien que cette rencontre l'a quelque peu déstabilisée, mais je ne sais pas jusqu'à quel point. Notre relation a évolué, mais je reste toujours cette jeune vampire et je sais qu'il a quelques secrets, on en a tous après tout. Et tout n'est pas forcément bon à dire. Une fois à l'intérieur du bâtiment, il ne nous reste plus qu'à monter les marches jusqu'au palier le plus haut. Le vieil escalier ne grince pas sous nos pas et l'ascension me paraît plus longue que la normale. Et j'avais une appréhension qui commençait à s'insinuer dans mon esprit. Ce silence n'est peut-être pas si bon que ça en fait. Je ne laisse rien paraître et réagis seulement lorsque j'entends la serrure de la porte s'ouvrir. Une fois à l'intérieur de l'appartement, je me détends légèrement. Lorsqu'il se retourne vers moi, je me retrouve rapidement le dos contre la porte qu'on venait juste de refermer et je sens ses lèvres sur les miennes. Ce n'était pas un baiser à proprement parler, juste une pression de ses lèvres sur les miennes. Et pour l'instant, ça suffisait à m'apaiser.

Toujours contre moi, il s'excuse pour le comportement de sa génitrice et je souris légèrement. C'est vrai que des surprises comme celle-là, on s'en serait bien passé, lui surtout. Il se détourne et je l'observe alors qu'il présume que j'avais des questions. Oui, évidemment, mais dans quel ordre les poser ? Comment savoir s'il allait me répondre ou botter en touche ? Il y a des choses qui ne me regardent tout simplement pas, même si c'est vrai, j'étais curieuse de comprendre. Comprendre qui elle était et ce qui s'était passé entre eux pour qu'il soit dans cet état. " J'en ai oui." Je m'avance dans la pièce et enlève mon manteau, alors qu'il allumait les lumières et fermait les volets ensuite. Puis il revient vers moi, mais faisait les cent pas, signe qu'il n'était vraiment pas serein. Il m'invite cette fois à lui poser des questions et l'espace d'un instant, je regarde le sol, sans trop savoir par laquelle commencer." J'ai bien compris que c'était ta génitrice, mais vu l'état dans lequel tu es, elle n'est pas que ça, n'est-ce pas ?" Je soupire légèrement et relève les yeux vers lui." Est-ce qu'elle est un danger pour toi ?" Pour moi aussi très probablement. " Tu n'es pas obligé de tout me dire, on a tous nos secrets après tout et même si tu as toujours été franc avec moi, je peux comprendre qu'il y a des choses dont tu ne veux pas parler." Du moins, je voulais croire qu'il a été honnête jusqu'ici.

Je ne sais pas à quoi m'attendre exactement, je ne sais pas ce que je veux entendre, ce que j'ai envie d'entendre ou au contraire, ce que je redoute. Alors oui, j'ai bien des questions, mais je ne sais pas si les réponses seront celles qui me satisferont ou au contraire ne feront qu'éveiller un doute. Elle semblait puissante la vampire et d'après ce que j'avais entendu, elle semblait bien le connaitre, logique, c'est sa créatrice, mais je me doutais qu'il y avait eu plus. Son interrogation, suite à mes dires me fait comprendre que je n'ai peut-être pas bien formulé ma phrase, mais il semble quand même comprendre où je veux en venir. Et sa réponse ne me surprend pas réellement en tant que tel, c'est juste la durée. Plus d'un siècle. Pour moi c'est quelque chose de tellement surréaliste encore, toutes ces échelles de temps qui sont improbables à l'échelle d'une vie humaine et qui prennent des dimensions différentes quand on est de l'autre côté du miroir. " Ah quand même..." Aucune trace de jalousie, juste une forme de surprise. Et beaucoup de questions qui me viennent alors à l'esprit sans savoir s'il était légitime que je les pose.

Notre relation avait évolué, mais je ne savais pas réellement dans quel sens. Mais il restait important pour moi et je voyais bien que ces retrouvailles l'avaient perturbé. Mais à quel point au juste ? Je prends place dans l'un des fauteuils alors qu'il confirme en me regardant droit dans les yeux qu'elle est un danger pour nous deux. Je n'en doute pas en réalité. Mais j'eus un léger sourire amusé sur les lèvres quand il ajoute qu'elle le considère comme son âme soeur au dépit de tout ce qui s'était pourtant passé. Et qu'elle pense que je fais partie de sa lignée. J'eus un froncement de sourcil alors qu'il continue sur sa lancée, ne me laissant pas le temps de répondre. Il s'approche et prends place en face de moi. Je reste silencieuse face à ses dires et j'essaye d'imaginer ce que tout cela représente. Ce n'est pas n'importe qui, si elle est à la tête d'une cabale. Mais tout cela est encore trop flou à mes yeux.

Je prends le temps de replacer une boucle blonde derrière mon oreille, tout en réfléchissant à ce qu'il venait de dire et à nos options données. " Est-ce qu'elle peut réellement nous forcer à la rejoindre ?" Je n'étais pas satisfaite de la tournure de ma phrase alors je reprends. " Tu viens de le dire toi-même, tu as été avec elle pendant longtemps, tu sais forcément comment ça se passe si on refuse, non ?" Si elle trouvait le moyen de nous faire plier et rejoindre sa cabale, autant que je sache dans quoi je mets les pieds. " Je ne tiens pas à la rejoindre et toi non plus visiblement, la question est donc réglée, mais il faudra sans doute à s'attendre à une réaction. Elle me semble être une femme qui aime qu'on lui dise non." Je me redresse légèrement dans mon fauteuil, passant une jambe par-dessus l'autre et reprends.  " Ma seule famille vampirique, c'est toi. Même si elle est ta créatrice, je n'ai rien à lui devoir." J'étais claire sur ce point. Mais cela n'écartait pas le danger que pouvait représenter la vampire qui était bien plus âgée que je ne le pensais. " Qu'est-ce que tu veux faire alors ?" Vis à vis de sa créatrice et du reste d'ailleurs.

Je ne sais pas quoi penser de tout cela, mais je voyais bien que lui ça lui faisait tout drôle, comme s'il ne s'était absolument pas attendu à la revoir. Peut-être bien, mais s'il est resté avec elle ou auprès d'elle autant de temps, si ce n'est plus encore, j'imagine qu'il doit y avoir pas mal de souvenirs peu agréables vu le ton de la conversation, qui doivent lui revenir en mémoire. Est-ce que moi aussi, un jour j'aurais autant de rancoeur envers lui qu'il semble l'être vis-à-vis de sa créatrice ? Je ne l'espère pas, mais qui sait ce qui peut se passer en ces temps troublés. Il faudrait peut-être que je lui parle aussi, de ce que j'ai envie d'entreprendre, de faire, ce que j'ai fait à Istanbul, mais ce n'est pas le moment encore. Le problème-là était tout autre et ô combien plus dangereux et épineux si j'en crois ce qu'il venait de me dire. Mais ce n'était pas fini. Elle peut nous contraindre, d'une manière ou d'une autre. Je me mords légèrement la lèvre et soupire. Cette situation, même si elle ne me fait pas réellement peur, ne m'inspire rien de bon. Elle est plus vieille que nous, plus maligne aussi vraisemblablement et elle a plein de mignons pour faire le sale boulot à sa place, là où nous ne sommes que deux et que je suis transformée depuis quelques mois à peine.  " En fait, tu es en train de me dire que cette situation est..." Je cherche mes mots. " Problématique ? Désastreuse ? Si elle peut nous contraindre, je ne vois pas comment..." On peut s'en sortir.

Je sens pourtant une certaine gêne, non c'était autre chose, quad il reprend la parole et m'explique qui avait été particulièrement actif sous ses ordres. Le "on" ne laissait pas de place au doute quant à son implication. Mais la suite, je n'étais pas prête à l'entendre. Pour moi elle n'était rien de plus que sa créatrice, une vampire de plus dans ce monde, mais je hausse un sourcil à ses mots. Ma grand-mère voire ma mère ? Pourquoi ? Parce qu'elle avait été sa créatrice et son amante ? C'est presque ridicule. Mais je comprends qu'il ne plaisante pas quand il enchaîne avec le reste. Ma main dans la sienne, j'écoute attentivement, mais mon regard change quand il mentionne sa famille. Une femme, des enfants, morts. Je sais ce que c'est de perdre l'être qu'on aime, mais son ton et surtout la suite de ses propos ajoutent que s'ils étaient morts, c'était à cause d'elle. "Pourquoi ? Les tuer n'avait pas de sens, si ?" J'ai du mal à comprendre. Où alors je suis encore trop humaine, malgré le fait que j'ai accepté ma nouvelle condition trop rapidement. Il n'a plus de famille, mais moi j'ai encore la mienne. Je me fige instantanément. Ma fille, mes frères, leurs enfants... Et si jamais elle leur réserve le même sort qu'à la famille de Johannes ? Je ne pouvais même pas les prévenir du danger qui pesait possiblement au dessus de leur tête. Si jamais ils devaient mourir, je devrais rester impuissante et je m'y refuse. " Je dois les prévenir, d'une manière ou d'une autre. Il y a forcément une solution ? N'est-ce pas ?" Sur la fin de ma phrase, ma voix est bien moins assurée, si jamais elle apprend leur existence et qu'elle les retrouve...

L'espace d'une seconde j'imagine cette scène terrible et je ferme les yeux de longues secondes. Puis, lorsque je les réouvre, je réalise que cette peur est là, bien présente, mais la suite de ses propos achève de me sortir de ce silence. " Tu ne peux pas me protéger et je sais que tu veux bien faire, mais si cette quête doit se terminer par sa mort la tienne et possiblement la mienne, alors il n'est pas question que tu le fasse seul." J'eus un sourire sur les lèvres et pose ma seconde main sur sa joue.  " Tu n'es plus seul. Et tu l'a dis toi même, je ne suis déjà plus en sécurité. Laisse moi t'aider." Je ne sous-estimais pas le danger qu'elle pouvait représenter, mais de toute manière, il était un peu trop tard désormais. " De toute façon, je ne te laisse pas le choix." On doit veiller l'un sur l'autre après tout.

La vérité n'est pas belle, peut-être même bien plus cruelle que je ne l'aurais pensé. Je sens cette colère qui est la sienne, il n'a même pas besoin d'ouvrir la bouche pour que je le comprenne. Sa simple posture, son silence, tout cela était bien plus éloquant que les mots. Mais cette situation, la sienne qui est désormais un peu la mienne n'était pas viable sur le long terme. Il m'avait bien prévenu que la vie de vampire ne serait pas simple et je me doutais bien que cela cachait son lot de surprises plus ou moins bonnes. Celle-là ne l'état pas du tout. Mais il est direct, honnête sur la situation, sur ce que nous risquons. Jana ne nous laissera sans doute pas le choix, quoi qu'il se passe. Et si elle avait des moyens de pression, elle n'allait certainement pas se gêner pour le faire. Elle le connaissait bien après tout. Après plus d'un siècle passé ensemble, c'est assez logique. Mais si lui n'a plus rien à perdre ce n'est pas mon cas et il le sait. Que je suis encore attachée à eux, à mes frères, à ma fille, même si je ne les ai pas revus depuis ce soir-là. Depuis le soir de ma transformation. Pour leur sécurité et pour la mienne, je reste loin d'eux, mais avec un danger tel que Jana qui plane au-dessus de leur tête...Cette réalité me fait l'effet d'une baffe. Elle est un danger pour nous, mais aussi pour ceux qui constituaient ma famille il y a peu de temps encore.

Il me raconte alors moment ils se sont rencontrés, sans doute pour que je comprenne un peu mieux ce qui risque de m'attendre. Parce que je ne peux m'empêcher d'y voir un avertissement, une répétition des choses et ça me conforte dans l'idée qu'il faut que je les mette à l'abri, peu importe la manière, peu importe l'endroit, mais le plus loin possible d'elle et de ses sbires. " Mais quelle garce..." Tout ça dans le but de l'avoir ? Il était quoi pour elle ? Un caprice ? Un animal de compagnie ? Un compagnon ? Tout en même temps ? Aucune idée, mais ça m'inquiète quand même sur la suite des choses. Surtout que ses propos reflètent une rage et une colère perceptible. Je n'ose pas imaginé ma réaction si je me retrouve devant un tel massacre. Ils ne méritent pas de mourir parce que je veux rester libre de mes choix. Je me le refuse. Et il doit bien y avoir une solution pour les prévenir du danger, j'en suis convaincue. Il me faut juste trouver comment et le faire rapidement. Je panique intérieurement, imaginant tout et n'importe quoi. Elle serait sans pitié. Puis je sens les lèvres de Johannes frôler les miennes et je me reprends. "Merci, je te revaudrais ça, promis." Je sais qu'il y a déja des faux papiers , des passeports, des cartes d'identités de prêtes. Adam avait penser a tout a une époque. Et tant mieux en fin de compte. Et je sais où c'est rangé.

Le Baiser est doux et tranche avec les violence des propos tenus juste avant. Puis, j'eus un léger sourire sur les lèvres. " On est une équipe, on s'aide mutuellement." Surtout vu ce qui nous attends, on ne sera pas trop de deux pour essayer d'y faire face. Si on s'en sort tant mieux, mais au vu de ce que je venais d'entendre, ce n'était pas gagner. Mais sa vengeance est légitime, je sais que je serais la première a traquer et a vouloir tuer si on s'en prends aux miens. Je me laisse aller contre lui et soupire longuement. Il fallait que j'assimile toutes ces informations au plus vite. " Il existe forcément un juste milieu entre les deux. Tu n'es pas comme elle, sinon tu serais dejà aller tué cette famille humaine qui est la mienne. " Il faudra sans doute du temps, mais on trouvera, j'en étais certaine. " Tu auras ta vengeance, d'une manière ou d'une autre."" Oui et ça fera un danger de moins pour nous.

Je n'ai pas assez de recul par rapport à mon propre passé, ayant encore parfois des raisonnements bien que trop humains, même si mes réflexes sont plus d'ordre vampirique désormais. J'ai encore peur pour eux et j'y pense souvent, malgré l'interdiction de les voir et ce, pour une bonne raison. Je ne sais pas si le fait que j'ai encore une famille soit réellement une bonne chose au vu des évènements qui se dessinent. Les avoir a été une force mais aussi une faiblesse que j'avais fait au mieux pour dissimuler aux yeux des autres trafiquants, mais là, on ne joue plus sur la même échelle de danger. Que ce soit pour eux, pour moi ou même pour Johannes. Cette vampire peut nous faire mal, de plusieurs façons et ça m'inquiète quand même. Il me raconte alors son histoire, pour que je comprenne un peu mieux de quoi elle est réellement capable Jana. Je sens la rage au travers de ses mots, du ton employé et ce, malgré les décennies qui sont passées. Il ne lui pardonnera jamais, que ce soit à cause de ça ou d'autre chose, mais c'est clair comme de l'eau de source. Soudainement, je me pose la question, et si je devais choisir entre lui et ma famille ? Quel choix sera le mien ? La vérité, c'est que je n'en sais rien. C'est assez confus. Mais il va bien falloir que je trouve la réponse à cette question à un moment ou à un autre avant d'être mise devant le fait accompli. Je ne veux perdre personne, ma famille doit vivre, elle le mérite, malgré les frasques de mes frères, malgré mes erreurs, ils ne méritent pas de mourir. Et Johannes, c'est mon créateur, je lui dois plus que je ne peux l'exprimer et il est mon point de repère, celui envers qui je suis loyale dans cette nouvelle vie.

Pourtant, je suis troublée, tant par ses confidences que par le retour de Jana dans sa vie. Je ne l'avais jamais vu dans cet état et ça me laisse perplexe tout de même. Il ajoute qu'elle est déterminée et je hoche la tête. " Oui, je veux bien te croire." Pour autant, je sais que l'un comme l'autre ne sommes pas non plus blancs comme neige. Je l'ai vu à l'oeuvre et inversement. Nos instincts vampiriques, la violence, ça on connait, mais la cruauté gratuite, c'est toujours quelque chose que j'avais réprouvé. Si je tue, c'est pour me nourrir ou me protéger, pas parce que ça m'amuse. Je réfléchis de longues secondes à ces propos et eux un léger sourire, mi amusé, mi ironique. " Mes frères vivent de divers trafics, enfin c'était le cas avant ma disparition. Mais ils se tiendront a carreaux si on leur fait comprendre que c'est dans leur intérêt d'être discrets. Ils tiennent à ma fille l'un comme l'autre et je sais qu'ils le feront pour elle, pour sa sécurité. Le mieux c'est de les envoyer loin de la Pologne, le plus loin sera le mieux pour tout le monde." C'est la seule chose qu'il leur reste de moi après tout. Les choses ne seront pas plus faciles, mais au moins, les savoir en sécurité serait déjà une bonne chose. " Bien sûr que si je le suis. Ils restent importants pour moi, tout comme tu l'es. Sauf que toi tu sais comment te défendre comparé à eux. Mais je ne te demande pas l'impossible on plus, si c'est trop compliqué, alors je... On fera autrement." Je le fais autant pour eux que pour nous, ma famille hors de portée de Jana et de ses sbires, je n'aurais pas a nous mettre en danger d'une manière ou d'une autre.


J'esquisse un sourire, on est une équipe désormais, alors autant faire les choses ensemble. " Si un jour je deviens comme elle, fais moi plaisir et tue moi." Mais il n'y a pas de raison pour que ça arrive et je ne le laisserais pas non plus être à l'image de sa créatrice. Il vaut mieux que cela, quand bien même ça ne fait pas si longtemps que ça qu'on se connait. Mais je suis surprise quand il reprend la parole. La nuit passée avec la sorcière grecque avait été surprenante, mais agréable et ça avait surement changé pas mal de choses aussi, sans que je ne sache exactement jusqu'à quel point. Il était mon créateur, ça ne change pas, mais pour le reste ? Je ne me posais pas réellement la question à dire vrai. " C'était chouette oui." Le nier ne servait à rien. Je fronce légèrement les sourcils quand après un long silence, il reprend la parole. " Je ne l'ai jamais penser non plus." Je cherche mes mots quelques secondes. " Cette nuit passée avec la sorcière a changé quelque chose, j'en ai conscience, je ne sais pas trop ce qu'on est maintenant." Je hausse un peu les épaules. " Mais je trouve qu'on fait aussi une bonne équipe et je t'aime beaucoup également. Je suis contente d'être à tes côtés." Cela aurait pu être pire après tout.

Il y a tellement de choses que j'ignore, sur lui, sur moi, sur ma nature vampirique. Des choses qui seront simples a assimilé et pour d'autres, bien plus compliquées. Tout ça, c'est encore nouveau pour moi et je tente encore d'apprivoiser la bête que je suis, mais ça reste compliqué. L'appel du sang était bien trop fort pour le moment. Je n'ai pas les armes, ni les automatismes pour y faire face, mais il va me l'apprendre, du moins je l'espère. Trouver des réponses par moi-même ne m'a jamais posé de problèmes, mais tout ça, c'est beaucoup trop, j'ai besoin de l'avis de quelqu'un qui est déjà passé par là. Pour me dire ce que je dois faire ou non, chose qu'il fait depuis la nuit de ma transformation. Et l'apprentissage est une chose qui doit être pris au sérieux, sans quoi, je vais au devant de graves problèmes, que ce soit pour moi ou même pour lui. Et c'est bien la dernière chose que je souhaite. Mais j'ai comme l'impression que c'est plus facile à dire qu'à faire.  J'ai aussi besoin de mon indépendance et d'appréhender le monde à ma façon, ce qui peut entrer en conflit avec l'idée que je ne veux pas lui attirer d'ennuis. C'est comme le serpent qui se mords la queue.

J'eus comme l'impression que mon coeur se serrait à ses dires, alors que je savais que c'était impossible désormais. Envoyer ma famille si loin, à l'autre bout du monde était le meilleur moyen de les protéger de ce que je suis devenu et des gens comme Jana par exemple. Mais, c'était à la fois si loin pour la mère et la soeur que je restais malgré tout. Je ferme les yeux une seconde et hoche doucement la tête, comme pour donner mon accord. " Va pour l'Amérique du Sud. Sans doute que ça m'aidera à faire le deuil." Je soupire légèrement comme si j'avais moi même conscience de l'absurdité de la situation, mais ne plus pouvoir les voir alors qu'on est sur le même continent et que je sais exactement où ils sont ne facilite pas les choses. " Je te fais confiance, j'espère juste que... ça ira pour eux ensuite." Qui sait avec le monde d'aujourd'hui, rien n'est moins sûr. Je grimace par contre quand il me fait comprendre qu'il est au courant de ce que j'ai commencé à entreprendre. Je me mords légèrement la lèvre inférieure, gênée. " Je voulais t'en parler, mais... Il s'est passé pas mal de choses dernièrement et je n'ai pas trouvé le bon moment..." J'eus un léger sourire. " Mais d'accord, ça me va." Autant que cet- argent serve à quelque chose dans un sens.

La discussion prend un tour plus sérieux, pas qu'elle ne l'était pas avant, mais c'était définitivement quelque chose qu'il fallait qu'on aborde. Depuis cette nuit-là, je le voyais d'une autre manière, c'était indéniable et ça me plaisait autant que ça me perturbait. La nuit passée en compagnie de la sorcière avait été délicieuse, inutile de le nier. Elle aussi je ne la verrais pas de la même manière la prochaine fois que nos routes se croiseront. Ou pas, je n'en sais rien, je ne vis pas avec elle en réalité. Et sa question me prend au dépourvu. Qu'est-ce que j'attends de lui ? Ou de toute cette nouvelle situation ? Je n'en sais rien. Depuis ma transformation, je n'ai pas pris un seul instant pour me pencher sur ce que je voulais, sur ce que j'aimerais. " Je..." Je le regarde et l'écoute." Faire comme si ça n'avait pas changé quoi que ce soit serait une erreur, tout comme faire comme si il ne s'était rien passé." Je réfléchis presque en même temps que je parle. " On peut raisonnablement se dire que ça peut se reproduire encore et voir où ça nous mènera." Je ne sais déjà pas ce que je vais devenir dans les jours à venir, mais pourtant une part de moi trouve que c'est très réconfortant de trouver du plaisir dans les bras de celui qui m'a offert l'immortalité, sans me dire que c'est extrêmement étrange en même temps. Et pour ne rien gâché, il était beau garçon et comme il venait de le dire, je savais à quoi m'en tenir. Il se rapproche encore et je sens comme une envie qui monte. J'eus un léger sourire amusé sur les lèvres. " Pourquoi s'arrêter en si bon chemin, mh ?" J'ai envie de lui maintenant. Je pose mes lèvres sur les siennes sans attendre réellement de réponse à ma question qui était purement réthorique.

Je ne sais pas ce qui va se passer désormais, je ne peux que présumer des choses. Mais il allait falloir qu'on fasse avec sa créatrice dans le paysage et ça ne semble pas lui faire extrêmement plaisir. Cela m'inquiète un peu, elle a l'air dangereuse, et si moi je pouvais le sentir, c'est que c'était vrai. Et intérieurement, j'avais peur de ce que cela pouvait impliquer pour nous. Parce que ça allait forcément compter à un moment ou à un autre dans notre relation. De même que le sujet de ma famille, que je ne pouvais pas oublier. Quand bien même je suis devenue une créature assoiffée de sang, je ne pourrais pas être complètement sereine jusqu'à ce qu'ils soient à l'abri des menaces qui pourraient peser sur nous, sur moi. Parce que je sais que le plus grand danger pour eux, c'est moi et mes fréquentations. Moi et ma soif encore incontrôlable et je ne veux pas prendre de risques. Les envoyer à l'autre bout du monde me semble être une bonne alternative et Johannes semble être d'accord. Faire le deuil d'une famille encore vivante est un concept très étrange, mais nécessaire. J'eus un regard pour lui à ses propos. " Faire le deuil d'une famille vivante c'est... Original au moins." J'eus un léger rire que je voulais amusant, mais qui sonnait étrangement à mes oreilles. Son baiser tendre sur mes tempes avait quelque chose d'étrangement rassurant. " Restons vigilants, ça me va très bien." Même de loin, ça aura toujours le don de me rassurer et il le comprends très bien.

Donc il est au courant pour la reprise de mon activité. Je me mords légèrement la lèvre inférieure, quelque peu gêner de ne pas avoir pris le temps de venir en parler avec lui. Parce que c'est la jungle à Istanbul, même si au final, je ne m'en sors pas si mal en ayant trouvé en Keyra une alliée potentielle, même si je ne m'avance pas réellement sur ce terrain. Je peux faire mes affaires tranquillement et c'est le plus important à mes yeux. Je sais que ça risque de me coûter cher, c'est un monde que je connais, que je maîtrise et qui m'avait réellement manqué. Sans que je ne m'en rende spécialement compte. J'étais faite pour ce boulot, quand bien même ça paraît étrange de voir une blondinette avec un physique comme le mien à la tête de quelques hommes à faire mes affaires tranquillement. On me voit plus comme une potiche et parfois, je m'amuse de cette image. Mais je suis bien plus que ça et je devais faire mes preuves. " J'en ai conscience, mais j'ai aussi besoin de reprendre mon boulot." Sinon l'éternité me semblera bien longue et de toute façon, j'ai besoin de m'occuper. Au moins il ne m'en empêche pas et je sais de toute façon que je n'aurais pas changer d'avios à ce sujet.

Je réponds donc à son baiser et les choses agréables sont sur le point de commencer. Je sens l'une de ses canines égratigner ma lèvre et j'eus un sourire sur le coin des lèvres. J'avais encore beaucoup de choses à apprendre et il avait décidé qu'il était temps de m'enseigner quelque chose en y mêlant le plaisir. Je l'écoute et hoche légèrement la tête. Cette leçon va être grandiose. Ses mains s'affairent a défaire mon pantalon et je me laisse faire, non sans un certain plaisir naissant. Ses lèvres contre les miennes, j'ai comme un goût de sang en bouche qui éveille beaucoup trop de choses, je frissonne et je ressens ses doigts sur ma peau plus nettement que jamais. Je prends conscience que ma nature vampirique me permet de ressentir les choses beaucoup plus intensément. Je l'avais expérimenté avec Anastasia et lui-même, il y a peu de temps, mais là, c'était autre chose. Une leçon, certes, mais particulièrement agréable pour le moment.

Lorsque ses canines égratignent la peau de mon ventre, j'eus un léger sursaut et je le regarde alors qu'il est entre mes cuisses et je soupire légèrement avant de laisser un sourire amusé se dessiner sur mes lèvres. Je sais que toute notre existence tourne autour du sang, le nôtre ou pas d'ailleurs, mais ça occupe une grande part de notre vie, de nos préoccupations.  Et j'avais toujours le goût de sang en bouche, mes pupilles se dilatent. Pas parce que j'avais faim, mais sous le coup de l'excitation que je ressentais. Puis il se redresse et du bout de sa canine, égratigne le bout de son doigt et son sang goutte sur ma dent dans un premier temps, puis mes gencives et cette odeur envahit mes sens. Le goût, l'odorat, je ne sentais et ressentait que son sang . Mes dents, ma langue, mes gencives et putain que c'était bon. Je n'avais goûté qu'une fois à son sang, c'était le tout premier soir et c'était différent de ce que nous partagions maintenant. Je laisse échapper un grognement quand il enlève son doigt de ma bouche et qu'il trace sur mes cuisses des longues traces de sang, tout en guettant mes réactions. Il me titille, me cherche, me teste. Et quand son doigt ensanglanter touche la partie de mon être la plus sensible, mon grognement se transforme en légers soupirs. Mais le sang allait me faire perdre la tête s'il continuait comme ça. Il fallait que je me contrôle, mais ce plaisir intense décupler par ma nouvelle nature n'allait pas m'y aider. ruelle leçon, mais je ne m'y soustraie pas et endure avec un plaisir assez pervers, mais bien présent.

Je pensais savoir ce que c'était d'être aimée, désirée, je pensais savoir ce que c'était d'aimer, de désirer aussi, mais je me rends compte que ce n'était pas exactement le cas. Oh bien sûr, j'avais aimé intensément mon mari quand je n'étais encore qu'une mortelle, mais rien n'est comparable et ce que je commence à ressentir, qui balaye tout ce que je pensais savoir à ce sujet. C'est très étrange et en même temps intriguant, fascinant. J'avais encore tant de choses à apprendre, finalement, j'étais encore si ignorante, même sur des choses aussi simples. Ce plaisir que je ressens, jamais je n'avais eu ça avant, sans doute aussi parce que mes sens étaient décuplés et que nous avons une relation malsaine avec le sang qui représente absolument tout pour nous. Cette leçon qu'il me donne tout en ayant ce sourire, je l'accepte, je la prends, je l'intègre et j'essayerais de la comprendre pleinement plus tard. L'importance du sang dans notre vie et les méthodes d'absorptions sont d'importantes leçons et celle-ci était particulièrement agréable, je devais bien l'admettre.

Mon corps entier se tord, se cambre pour finalement se tendre alors que j'exprimais ce plaisir que j'éprouvais. C'était intense, comme toutes les choses que je découvrais de ma nouvelle vie depuis octobre. Tout prenait une autre dimension et ça me plaisait au final, alors je ne m'en plaignais pas. Loin d'être le genre de femme qui prends tout sans rien donner en échange, c'est à mon tour de prendre soin de lui et je m'applique à rendre cela agréable, ce qui est le cas, si j'en crois ses réactions. Le désir va dans les deux sens et j'ai toujours été du genre généreuse dans ce domaine, prenant du plaisir certes, mais le rendant assez bien également. Il y a du sans partout sur nous, mais ça ne gâche rien. Alors finalement je bascule sur le lit et les étreintes se succèdent les unes aux autres Une fois, deux fois, trois fois, comme un besoin, mais aussi une envie toujours plus forte à chaque étreinte.

Lorsque enfin on est repu, j'ai l'impression que le jour ne va pas tarder à se lever. Pourtant, je ne bouge pas, je suis bien et lorsque j'entends ses morts, je tourne légèrement la tête vers lui, léchant les traces de sang sur mes lèvres. " Je sais et je ferais mon possible pour couvrir tes arrières aussi." Je le sais sincère et je le suis tout autant. Malgré les non dits de ces derniers temps. J'ai besoin de cette indépendance, de reprendre une activité, mais il aurait été plus claire que je lui en parle avant, même si ça n'aurait sans doute rien changer. Je suppose. " Ensemble." Je souris légèrement le gardant tout près de moi alors que le jour se levait dehors pour le monde humain auquel je n'appartenais plus. Je suis une créature, un monstre de légende et cette nouvelle vie me convient tout à fait. Tant qu'on reste ensemble.