Assise sur un baril, et faisant face au port, je restais songeuse et silencieuse, imperturbable, malgré le bruit qui régnait autour de moi. Reprendre les affaires était plus dangereux que je ne l'aurais cru, certes, je savais bien que ça n'allait pas me tomber tout cuit dans le bec, mais je n'étais pas la seule créature à errer sur les quais. Si j'étais resté en Pologne, tout aurait été plus simple, oui, mais comment continuer de passer pour morte là-bas ? Mes frères, ma fille ne devaient pas savoir ce que j'étais devenue, ça leur attirerait le malheur. Et je ne voulais que leur bien. Ils vivaient mieux sans moi après tout. Je retournerais en Pologne un jour, c'est une certitude, ça restera toujours mon pays, mon chez-moi, mais dans l'immédiat, j'avais des choses à faire sur Istanbul. Dans ma vie d'avant, j'avais eu une légitimité, j'étais quelqu'un et je faisais pas mal d'affaires. Là, il fallait que je reprenne tout à zéro et après la rencontre de Jana, je n'étais plus si sûre que ce soit une bonne idée. Mais que faire d'autre après tout ? J'avais bien l'éternité devant moi, mais je me savais douée pour le trafic d'armes et pas question d'y renoncer. Même si je savais que Johannes n'aimait pas vraiment cette idée. Pas question d'abandonner aussi facilement.

Alors cette invitation tombait plus ou moins à pic. Je savais bien que ce n'était pas sans danger non plus et j'hésitais sur la nécessité d'emmener des hommes ou non, sachant que ceux qui étaient venus avec moi la dernière fois, avaient eu confirmation d'une réalité bien surprenante. Les vampires existent bel et bien et leur boss en était une. Pourtant personne n'était parti, ils étaient restés, bien conscient du danger qui s'ajoutait. Mais ils me connaissaient, ils avaient connu mon mari et cette fidélité, elle était précieuse. Trop pour que je les perde tous un à un. Alors j'avais décidé de m'y rendre et seule. Confiante sur le fait que si ça tournait mal, j'aurais plus de chance de pouvoir m'échapper. Il y avait eu des protestations, évidemment, mais ma décision était prise. J'espérais seulement ne pas avoir à le regretter. Et cette fois-ci ça ne marche pas comme je le voulais, alors j'aviserais pour procéder autrement. Un retour en Pologne ne serait pas exclu, malgré les risques.

La nuit avançait et j'étais toujours assise sur mon baril, regardant les lumières de la ville avec un sourire. Puis je décide qu'il était temps que j'y aille. Je n'avais rien confirmé aux hommes qui étaient venus me voir, juste que j'aviserais, mais intérieurement, je savais que j'allais y aller. Je me mets donc en chemin, restant dans l'ombre la plupart du temps. Je réfléchissais à mes possibilités, j'essayais d'anticiper un peu ce qui pouvait se passer. Et très vite, je sens que je ne suis plus seule, mais ils restent à bonne distance pour le moment, alors je continue d'avancer. Je n'avais pas peur et j'étais sûre de moi, ce qui pouvait être assez déstabilisant, étant donné que je ne savais pas ce qui m'attendait. Je pouvais tout aussi bien mourir sur ces mêmes quais et les raisons étaient nombreuses... Le fait que je sois une créature, création de Johannes, règlement de comptes, victime collatérale, quoique non, la dernière option ne marche pas dans mon cas. Finalement, à la lumière d'un réverbère je m'arrête et tourne seulement la tête pour voir du coin de l'oeil une ombre qui s'agite. " Je suis attendue il me semble. Qu'on en finisse." On me fait alors signe et je me dirige vers un entrepôt. Bien, enfin, je vais savoir ce qui m'attend.

Je sais intérieurement que Johannes va sans doute me maudire de prendre ce genre de risque, mais avais-je d'autres choix ? Ne pas me rendre à ce rendez-vous n'était pas une bonne idée, pas plus que d'y aller accompagné et que ça se termine mal. Seule, j'aurais plus de chance de réussir à m'extirper de ce merdier, si jamais les choses ne se passent pas bien. Mais ça allait aller, j'étais assez confiante à ce sujet. J'avais des idées, j'avais un plan, mais il commençait par Istanbul avant de reprendre le chemin de ma Pologne natale. Je suis l'homme, observant les lieux autour de moi avant d'emprunter un couloir qui me conduisait vers son bureau. Je sentais pas mal d'odeurs, mais j'essayais de rester concentrée. Je suis encore une jeune vampire, j'ai du mal à occulter ce que je sens et ce que je ressens. Mais je ne sentais pas la peur. Je souris légèrement et passe devant l'homme qui m'accompagnait quand l'ordre d'entrer se fait entendre. Je suis confiante, un sourire sur les lèvres, l'allure avenante. Je joue la carte de la décontraction, tout comme elle visiblement. Mais une part de moi reste sur ses gardes, juste au cas où.

A l'instant où la porte se ferme, je sais que je suis bel et bien seule dans cet endroit. Mais je ne laisse pas démonter pour autant et garde cet air d'assurance, comme un défi, un bouclier en quelque sorte. Je m'installe alors dans l'un des fauteuils, nous étions là pour discuter si je pouvais croire ce qu'il y avait d'écrit sur ce bout de papier. Sinon, elle ne se serait pas embêtée à me faire venir ici, alors discutons. Je souris de nouveau, mais avec un peu plus d'espièglerie, comme une enfant que l'on teste. " J'aime beaucoup les ballades la nuit, en particulier sur le port." Je reprends néanmoins. " La même chose que toi, visiblement, sinon nous ne serions pas là ce soir." Je sais que je ne dois pas provoquer ma chance, ni la provoqué elle. Mais je suis comme ça en réalité.

Je la regarde déambuler dans son bureau. Tout sent le luxe, que ce soit le canapé ou le fauteuil dans lequel j'étais assis. Cette cheminée également était superbe. Moi qui avais grandi dans les quartiers les plus malfamés de Varsovie, j'avais appris à vivre avec rien ou du moins pas grand-chose. Je connaissais la faim, la violence, mais malgré tout je n'avais manqué de rien ou du moins, j'avais toujours eu ce qu'il me fallait, mes frères veillaient au grain. Désormais, c'est moi qui les protège en restant loin d'eux. Mais je sors de mes pensées, il faut que je reste concentrée pour me prémunir d'un danger quelconque. Malgré son joli minois et sa douce voix, je sentais qu'elle n'était pas si inoffensive que cela. Et qu'elle était bien plus âgée également. Elle reprends la parole et je hoche légèrement la tête. " En effet, il se raconte pas mal de choses à ton sujet. Les rumeurs ne sont que des rumeurs, mais il arrive qu'il y est quand même une part de vérité parfois. " Cela dit, je ne suis pas venue sur ce qui semble être ton... Territoire, pour te causer du tord." Le port d'Istanbul est très grand pourtant.

J'eus un léger moment de silence, avant d'ajouter. " Istanbul n'est qu'un arrêt, ce n'est pas mon but final." Je suis ici, comme je pourrais être à Paris ou à l'autre bout du monde. Mon accent n'est pas discret, bien que je maîtrise très bien l'anglais. Je connais quelques mots en turc, mais ça reste très basique et je parle assez mal le français. Je prends le verre proposé et en boit une gorgée. " Je ne suis pas une menace pour ton business, du coup pourquoi avoir pris la peine de me faire venir jusqu'à toi ?" La question pouvait réellement se posée. Nous étions différentes, cela était visible, mais j'étais curieuse de la réponse et de la suite.

Adam avait coutume de dire que j'étais un atout dans ses affaires, que j'étais une de ces pièces maitresses et j'adorais cela. Aider cet homme que j'aimais, qui m'avait donné une fille en tout point parfaite, malgré les risques que comportaient notre vie, était ma manière à moi de lui prouver aussi que je l'aimais. Il était mort, malheureusement ou plutôt heureusement. Je crois qu'il n'aurait jamais accepté ma nouvelle condition, ma nouvelle nature, celle qui m'entraînait loin de ma fille, loin de tout ce que j'ai connu. Cette vie n'était plus, désormais, je ne suis plus qu'une ombre de la nuit. Une ombre avec des ambitions, des envies et je n'allais pas m'en priver. J'observe cette vampire en face de moi, elle était belle, pas la même beauté qui était la mienne, mais belle. Ses cheveux bruns, son visage, oui, elle était belle. Inutile de le nier. Et elle semblait avoir du caractère, on ne domine pas dans un monde d'hommes sans avoir ce qu'il faut, du cran, de l'ambition. J'étais aussi passé par là durant ma vie d'humaine, j'avais repris le business de mon défunt époux, jusqu'à ma propre mort. Je souris pourtant quand elle reprend la parole. L'ironie est palpable dans ce sourire. " Tu m'excusera d'avoir ce corps que la nature a bien voulu me donner. Nature ou Dieu peut importe, mais tu n'as pas à être jalouse, tu es belle toi aussi. Je suis sûre que tu en joue au moins autant que moi quand il s'agit de se nourrir." Pourquoi se priver ? Cela rends les choses plus faciles.

Sa menace me fait comprendre qu'elle dit vrai. Elle pourrait me tuer, évidemment, mais si elle voulait le faire, ça serait déjà fait. " Pourtant, je suis là, assise devant toi." Je jette un regard vers la porte durant quelques secondes et alors que je repôrte le regard sur elle, je hausse un sourcil, surprise, intriguée, une lueur de peur passe dans mon regard, parce que c'était presque comme si je me voyais dans un miroir. Je savais que les vampires les plus vieux avaient parfois des pouvoirs incroyables, mais celui-là, je ne m'y attendais absolument pas. " Putain...." Je me redresse sur ma chaise, les sens plus en alertes. Elle faisait peur à ses hommes et les payait bien, mais moi, j'accentuais sur le côté fidélité, avec un sourire, il est vrai que j'obtiens plus facilement les choses. Elle n'allait tout de même pas me le reprocher ? Elle reprend son apparence et naturellement, je soupire, alors que c'est complètement inutile. " Je retire ce que j'ai dis plus tôt, tu es vraiment flippante. Belle, mais vraiment flippante." Surtout si elle faisait ce tour de passe-passe régulièrement.

Puis je hausse un sourcil, mon regard s'assombrit quelque peu. " Pardon ? Mais qu'est-ce que Johannes..." Eh merde ! Je ne lui en avais pas spécialement parlé c'est vrai, mais plus parce que j'attendais quelques résultats avant de le faire, histoire de lui dire que j'étais capable de le faire, mais visiblement, il m'avait devancé. Merde merde merde ! Mais la suite de ses propos m'arrache un léger rire. Son ton ne me laissais pas de place pour le refus, je le sentais bien. Pourtant... " Si je refuse de bosser avec toi, il se passe quoi au juste ?" La mort blablabla....Mais que je lui explique ce que j'avais en tête ? Comme ça, sérieusement ? Elle pousse un verre vers moi et je m'en saisis pour en boire une gorgée. Puis viens la seconde question. Je la regarde sans rien répondre dans un premier temps. " Tu n'auras qu'à lui demander lors de votre prochaine discussion." J'eus un sourire assez hypocrite sur les lèvres avant de boire une autre gorgée de vin. " La Pologne. Mon plan, c'est la Pologne." Je ne rentre pas plus dans les détails pour le moment. J'attends déjà de voir ce qu'elle va me dire de tout cela.

Alors qu'elle me faisait cette petite démonstration qui m'avait fait changer d'avis à son sujet, passant de jolie à flippante, je me demandais dans quel merdier je venais de foutre les pieds. Je n'aimais pas ça, j'avais la sensation d'être prise au piège et de ne pas avoir de choix. Je n'aimais pas ça du tout. Mais elle, elle semble satisfaite de ce tour de passe-passe qui n'en avait que le nom, parce que c'était un pouvoir réel. Là ou je n'avais que l'inexpérience, la fougue de la jeunesse vampirique, elle en imposait. Le fait qu'elle s'en amusait ne passait pas inaperçu non plus. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de douter de tout ce qu'elle me disait. Si effectivement Johannes était venu la voir, alors il allait y avoir un problème à un moment donné, ma loyauté lui était acquise, si ses intérêts devaient passer avant celle de la brune qui me faisait face, alors les choses n'iront pas dans le bon sens. Mais elle devait le savoir du coup ? Je réfléchissais rapidement, en silence essayant de trouver une échappatoire, mais n'en trouvait aucune pour l'instant.

Le fait que je m'intéresse à la Pologne semble la surprendre, mais est-ce vraiment le cas ? La Pologne c'est chez moi après tout, mais je sais que je ne peux pas m'y montrer pour les années à venir. Trop de risques. Et si je n'y suis pas, alors ma fille et mes frères ainsi que leur famille seront éloignés de toutes ces réalités, de ces dangers qui sont désormais ma vie. Elle reprend la parole et je reste surprise quelques secondes par la teneur de ses mots. Comment ça pas dans sa meilleure forme ? Merde... Ce n'était pas ce que je voulais moi. Je savais que ça n'allait pas être simple, mais je ne pensais pas qu'il s'impliquerait lui aussi. Je serre les dents et la regarde assez froidement alors qu'elle essaye de savoir ce qui nous lie lui et moi. " Peut-être qu'il veille simplement sur sa descendance comme un bon père." J'allais très certainement avoir un retour de bâton à ce sujet. Je verrais.  De toute façon, la relation que nous avons ne regarde personne d'autre que nous. Et possiblement une sorcière aussi. Franchement, même moi j'en sais trop rien.  Mais la question n'a pas sa place ici.

Elle reprend la parole et elle m'annonce que refusé serait une grave erreur et j'en étais arrivé à la même conclusion. Elle était dangereuse, je le sentais bien, même si elle paraissait assez tranquille de prime abords. Je hoche légèrement la tête quand elle me demande mon avis, même si elle devait bien se foutre que je sois ok ou pas avec ses propos. Je soupire, ce qui est un réflexe, purement humain et continue de la regarder quand elle ajoute que mes plans ne sont pas inutiles non plus. En effet, vu le bordel actuel en Europe de l'Est et( en Pologne particulièrement, il y avait de quoi faire. Et ce marché, je le connaissais quasiment sur le bout des doigts. " Je pense aussi que c'est préférable." De faire équipe, de travailler avec elle dans un premier temps. Elle me complimente, me flatte et j'eus un léger sourire sur le coin des lèvres. " La confiance va dans les deux sens, comment être sûre que tu ne me planteras pas un couteau dans le dos à la première occasion également ?" Un brin audacieux, assurément, mais j'ai besoin de cette réponse.

Le fait que j'ignore ses questions semble l'agacer et elle me somme de répondre. J'inspire légèrement et décide de lui répondre, sans lui donner toutes les clefs non plus. Je n'ai pas confiance. " Depuis octobre." Mais cela me semblait plus long. " J'ai toujours été apte a m'adapter rapidement aux situations qui se présentaient. Le fait de devenir un vampire n'est qu'un fait de plus." Parce que je sais que ça étonne. Je suis jeune et je prends bien les choses, mais ce n'est pas facile pour autant. J'ai encore du mal à me maîtrisée complètement quand il y a trop sa sang par exemple. " J'étais une trafiquante d'armes avant de mourir. Je suis morte durant un deal qui a mal tourné." Ma transformation, je ne lui en parle pas, elle sait comment ça marche après tout. Je bois une gorgée de mon verre. Je veux simplement reprendre mon activité, l'immortalité semble longue quand on a pas de quoi s'occuper. Istanbul me semblait être un bon point de départ pour me faire quelques contacts avant un retour d'ici quelques mois en Pologne." Et pour le coup, j'étais sincère.

Elle ne me croit pas, ou du moins pas totalement, mais qu'importe cela suffira dans un premier temps. Déjà parce que je ne saurais pas décrire exactement la relation que nous avons et ensuite parce que cela ne la regardait absolument pas. Elle n'était pas mon amie, pas mon alliée et je sais qu'il faut en dire le moins possible sur soi pour ne pas s'exposer. Mais cette technique ne semble pas être la bonne avec elle. Si elle n'est pas satisfaite, elle pourrait tout aussi bien me tuer, mais comme elle l'avait dit plus tôt, elle ne le pouvait pas et j'imaginais bien que cela devait être frustrant pour elle et salutaire du mien. Ne joue pas avec le feu Alcina. Ma question semble quelque peu la surprendre, et je m'en réjouis. La confiance est quelque chose qui se mérite et qui va dans les deux sens si on veut l'une comme l'autre que les choses se passent le mieux possible pour le bien de tous. Mais c'est impossible. Et elle me le confirme à demi-mot et un sourire vint orner mes lèvres. Pas victorieuse, ni même confiante, mais quelque peu amusée de voir que l'une comme l'autre nous étions coincées. " En effet, nous n'avons visiblement pas le choix." Ils sembleraient que les enjeux de tout ce cirque nous dépassait l'une comme l'autre. Ce n'était pas ce que j'avais prévue, mais qu'importe, chaque chose en son temps.

On en vient à ma transformation et à mon adaptation qui était jugée par beaucoup comme impressionnante. Je ne suis pas sûre que ce soit le mot adapté à cette situation. Johannes avait cru bien faire en quelque sorte et je ne lui en veux pas pour ça. Pour le reste j'apprends chaque jour un peu plus et je cache le reste, les doutes, les peurs, les angoisses pour les nuits ou je suis absolument seule. Je ne suis pas si forte que ça, mais si je me morfonds, alors il ne me restera rien. Elle aborde le thème de la soif et je relève les yeux vers elle. J'ai du mal à me maîtriser en présence d'une quantité impressionnante de sang et il est vrai que j'ai tout le temps soif, mais je m'impose des limites, ce qui est préférable pour moi et la race humaine des environs. " Je pourrais dire que ce n'est qu'une question de volonté, mais c'est faux. J'essaie de me restreindre pour pas attiré l'attention sur moi et mon créateur. Quand je ne peux plus me retenir, je soulage cette envie de sang en prenant bien soin de faire disparaître toute trace." L'une des premières leçons de Johannes après mon début de vie. Si je tue, je dois me protéger et faire disparaître les corps le plus possible. Je ne sais pas si ça réponds à sa question, mais qu'importe.

Si je visais un retour en Pologne ce n'était pas pour rien après tout et le fait que je connaisse le marché était un plus non négligeable pour elle dans un premier temps. Parce que j'étais quelqu'un d'assez indépendant, je n'aimais pas forcément travailler pour quelqu'un d'autre, même si c'était parfois nécessaire. Mais lorsqu'elle me demanda si je n'avais que l'autre vampire comme famille, je hoche la tête. " En effet." Il valait mieux mentir sur ce point et j'arrive à le faire avec un aplomb remarquable. Déjà parce que je le faisais quand j'étais encore humaine, pour préserver ma fille et mes frères de mon travail et de mes fréquentations. Là c'était le même jeu, mais à une plus grande échelle et bien plus dangereux. Le seul a connaître la vérité, c'était Johannes. Je souris légèrement et reprends. " Très bien nous ferons comme tu veux." Je sais déjà que je ne l'emmènerais pas à Varsovie, mais ce n'était pas les endroits qui manquaient ailleurs dans le pays ou proches des autres frontières. Et puis d'ici là, j'aurais le temps de voir si je peux à minima me fier à elle ou pas. Elle ajoute que c'est un voyage que nous ferons seules. Elle et moi simplement et personne d'autre. Je hoche la tête, sachant par avance que ça ne fera plaisir à personne ce genre de décision et encore moins à l'autre vampire,; mais il fallait que je prenne ce risque dans un premier temps. Je connaissais la Pologne, en cas de problème, je savais très bien où trouver un abri. "J'ai hâte d'y être." Non pas vraiment, mais qu'importe.

Je fronce légèrement les sourcils quand elle reprend la parole. Je hoche légèrement la tête à ses dires avant que j'apprenne qu'elle était avec l'Ordre du Dragon. Eh merde.  Alliée, amie, bras droit de Jana. Eh bah voilà qui avait au moins le mérite d'être clair et cela me donnait une raison supplémentaire de faire attention. " J'en ai entendu parler oui. Mais si tu cherche à recruter pour ton groupe d'amis, cela ne m'intéresse pas." Mais cela avait plus de valeur à me faire peur ou me mettre en garde qu'autre chose. " Que cela me gêne ou pas, ne change rien pour toi. Je vais donc te répondre que non, ça ne me pose pas de problème, dans le mesure ou je ne suis forcée de rien et que je reste libre de mes mouvements et de mes actions." Mais pour combien de temps ? C'était ça le vrai question.

Plus je la regarde et plus je me demande si je finirais comme elle au bout du compte. Est-ce que je finirais par oublier le souvenir de cette humanité que j'essayais quand même d'entretenir malgré ma condition de vampire ? Très certainement. Elle est à l'aise, dans son petit royaume et pourtant je sens que Johannes et moi-même, on est le grain de sable qui empêche la machine de fonctionner correctement. Elle ne me fait pas confiance et inversement, mais il semblerait que nous soyons obligées de composer l'une avec l'autre. Le challenge était de taille, mais comme je ne voulais pas nous apporter plus d'ennuis que nécessaire, je juge qu'il est plus sage d'accepter. On verra ce qui se passe ensuite, si cette collaboration est faite pour durer ou pas. Mais une chose était certaine, c'est que je ne pouvais pas m'en prendre à elle et inversement. Trop de complications d'un côté comme de l'autre. Et c'est confirmé quand elle me parle de l'Ordre et je ne sais pas comment je dois prendre cette mention, comme une menace je suppose. Elle ne prend pas mal le fait que je refuse d'avoir quelque chose à voir avec eux. Surtout si c'est pour avoir la présence de Jana dans ma vie. Elle l'est déjà bien assez pour le moment.

" J'me débrouillerais, pas d'inquiétude." Des hommes, je pouvais toujours en trouver, l'appât du gain fait toujours son petit effet. Et puis pour gérer tout ce petit monde, je peux toujours faire appel aux hommes qui bossaient pour moi de mon vivant, c'était un risque, mais je savais que je pouvais leur faire confiance. " Le soleil me manque parfois. Sentir sa chaleur sur ma peau, ce genre de chose." C'est l'un des inconvénients qui va de paire avec notre nature. Nous sommes toutes les deux des enfants de la nuit désormais. Enfin, elle, elle l'était depuis plus longtemps que moi, ce manque, elle a du s'y habituer, mais pas moi. Même si je sais que ça me serait fatal, des fois je repense à ces journées ou le soleil réchauffait ma peau et je me souvenais de la sensation de bien-être. Mais c'était fini maintenant, le soleil me brûlerait et me tuerait à coup sûr. Elle mentionne son bras-droit et j'eus un léger sourire sur les lèvres, qu'il n'est crainte, je ne cherche pas l'amour de sa maîtresse, je veux juste travailler en paix. Un susceptible en plus ? Doublement amusant.

Viens ensuite l'annonce que j'ai un passe-droit, que je pourrais aller et venir à ma guise et que je devrais m'adresser à elle uniquement, en échange de certaines choses, ça allait de soit." De qui ou de quoi je dois me méfier le plus sur les docks ?" Je savais faire mon boulot, je connais les bails, les choses à faire ou pas, mais aujourd'hui, avec la Grande Révélation, tout devient plus compliqué. Notre survie est plus difficile et les humains prêts a nous tuer sont assez nombreux de ce que j'ai cru comprendre. Tout ça, c'est encore nouveau pour moi, ce monde je l'apprivoise petit à petit et il a ses propres règles. J'eus un léger rictus sur les lèvres. " Et si j'apprends que tu complotes contre moi, qu'est-ce qu'on fait dans ce cas ?" Qu'elle soit assurée que je ne me laisserais pas tuée aussi facilement. Je ne suis pas une idiote, bien au contraire. " Mais ces règles me conviennent, c'est ton territoire, tes règles du jeu." Autant le reconnaître.

Je reste silencieuse quelques secondes, le temps d'assimile ce qui venait de se passer. J'avais envisager pas mal de choses, mais certainement pas quelque chose qui irait jusque là, mais qu'importe. J'ai accès aux docks, je peux donc reprendre mon traffic, même si je dois la tenir au courant. C'est comme ça pour le moment. " C'est un beau petit empire que tu t'es créer Keyra. Depuis quand es tu là au juste ?" Si elle prenait ses renseignements sur moi, autant que je fasse de même, cela m'aidera à comprendre ce qui se passe et surtout qui elle est.

Je ne m'attendais absolument pas à ce que la discussion prenne un tel tournant. Bien que je n'aie pas vraiment le choix, à bien y réfléchir, Keyra était sans doute la meilleure option que j'avais sous le coude afin de reprendre les affaires. Et je doute que cela plaise à Johannes, mais tant pis. De toute façon, c'était trop tard. J'avais toujours été prudente pourtant, mais il faut croire que ma nature vampirique et mon empressement m'avaient mené à cette situation. Et pourtant, malgré cette obligation de composer l'une avec l'autre, j'avais l'impression que l'on pouvait assez aisément se comprendre. Ce qui pourrait s'avérer pratique si cette collaboration se passait bien. Puis elle reprend sa parole et je hausse un sourcil, assez surprise. Bien sûr, ce monde avait encore sa part de mystère, je savais qu'il ne se limitait pas seulement à ce que je pensais savoir lorsque j'étais encore humaine. C'est juste... Que tout ça a encore l'air tellement démentiel à mes yeux que ça en est presque improbable. Et pourtant, je ne peux que comprendre ce qu'elle est en train de dire. Je n'en veux pas à Johannes pour m'avoir offert cette vie, mais le soleil, ma famille, voilà deux choses que je ne pourrais plus jamais approché. " Est-ce que tu as déjà rencontrer un dieu ? J'ai encore du mal a me dire qu'ils sont... Réels. Fais de chair et de sang." Tout comme je ne pensais pas que les vampires existaient réellement. Et j'en suis devenue un.

" Oui c'est ce que j'ai cru comprendre, en voyant les dernières actualités." Comme quoi, les créatures et les dieux auraient sans doute dû rester dans l'ombre. " Mon défunt époux disait tout le temps que sans la confiance, on ne peut pas se bâtir un empire. C'était vrai à une époque, mais maintenant..." Je ne risquais rien à parler d'Adam, vu qu'il était mort il y a six ans maintenant. Mais jamais je ne lui parlerais de ma fille, ni même de mes frères. Plutôt me faire rôtir au soleil que d'avouer leur existence a des gens aussi dangereux qu'elle. Et puis le danger pouvait provenir de n'importe où de ce que j'avais compris, les humains inclus. C'est dingue de se dire que si je laisse un humain en vie après m'être nourrie, il pourrait chercher à me tuer. Le mieux est donc de les saigner à mort et de faire disparaître le corps. Cela prends du temps, mais c'est mieux que rien pour brouiller les pistes. " C'est a se demander si la révélation que les dieux et nous autres créatures existont, soit réellement une bonne chose." Mais personne n'a réellement la réponse à cette question, j'imagine.

Sa question suivant me fait serrer les dents légèrement. C'était légitime, mais je ne savais pas si je devais lui donner toutes les clefs pour me causer du tort le moment venu. Je reste silencieuse de longues secondes. " J'ai parfois du mal a me maîtriser. C'est le cas lorsque l'odeur de sang est puissante, je... Je perds le contrôle de ma soif et c'est un véritable carnage." Mais je suis jeune, il paraît que ça vient avec le temps. " Quant à ma faiblesse, je dirais que tu l'a déjà rencontrer."  Pour le reste, ça reste assez classique aux vampires. Je ne sais pas, en réalité, je n'en connaissais pas beaucoup. J'eus un large sourire et penche légèrement la tête sur le côté quand à sa menace se fait entendre. " Je prends note, mais je suis suffisamment maligne pour ne pas l'impliquer dans cette histoire plus qu'il ne l'est déjà, j'imagine." Je ne savais pas à quel point j'avais raison.

J'écoute son récit et je me rends compte que sa transformation n'a pas été vue comme un cadeau. Alors certes, un cadeau empoisonné, mais c'était mieux que de perdre la vie, fauchée par des balles dans un village de Pologne. Je ne me pose pas plus de questions que cela sur ma condition, j'apprends, je progresse et je fais des erreurs chaque jour qui passe depuis cette nuit fatidique. " Je crois surtout dans mon cas que je fais avec, même si j'ai dû renoncer au soleil et à d'autres menus plaisirs. J'accepte parce que je n'ai pas le choix et aussi parce que je sais qu'il a fait au mieux. Pour le reste, j'apprends." Et il me reste tant à apprivoiser. " Tu es chez toi ici, je suis chez moi en Pologne. Le côté positif, de cette nouvelle vie, c'est que le voyage pas mal. Je n'avais jamais quitté mon pays avant de mourir. Il y a tant à découvrir en réalité, c'est fou." Et j'ai quasiment l'éternité pour faire d'autres découvertes.

Cette discussion est dangereuse, mais intéressante. Et au final, je crois que j'ai plus gagné qu'autre chose. Même si je reste prudente, c'est bien une leçon que j'avais apprise au côté d'Adam, lorsqu'il était encore vivant. Il faut savoir se contenter de ce qu'on a sur le moment et le simple fait que je ne sois pas encore morte une seconde fois, est en soi, une certaine victoire. De même que l'autorisation de faire mes affaires en lien avec les siennes, sur le port. Un atout considérable et une place de choix. Est-ce que ça aurait pu être pire ? Oh que oui. Mieux ? Je ne saurais dire, mais je m'y retrouve au bout du compte. Maintenant, il allait falloir que je l'annonce à Johannes et ça risque d'être un peu moins marrant. Je ne sais pas, je verrais. Il n'allait probablement pas sauté de joie, mais il fallait bien que je m'occupe et c'est ce que je savais le mieux faire. Et au pire, tant pis de ce qu'il peut penser à ce sujet, c'est acté de toute façon. " Malgré mon métier et ce qu'on peut penser des trafiquants d'armes, je n'ai qu'une parole et j'essaye de l'honorer au mieux. Si l'une de nous trahie l'autre, ça ne viendra certainement pas de moi, sauf revirement de situation vraiment exceptionnel." Autant que ce soit clair. Je suis quelqu'un de loyal dans la mesure du possible et cette alliance ou quelque soit son nom, je vais faire au mieux pour la rendre viable et facile à vivre pour l'une comme pour l'autre. Le reste ne dépendra que d'elle et des forces extérieurs. Mais elle passera après Johannes sur la liste de mes priorités.

Je me confie alors sur le fait que le sang me fait parfois perdre les pédales. Quand il est en quantités importantes et que l'odeur en devient obsédante, oppressante et que plus rien ne compte. J'i peur de ce que je suis capable de faire dans cet état. Mais je sais que tout jeune vampire doit en passer par là, avant d'être capable de se contenir, de réfréner sa soif et ne pas se jeter sur le premier venu. J'ai encore du chemin à faire, mais je trouve que je ne m'en sors pas trop mal déjà. Je l'écoute me parler et je suis presque surprise du conseil qu'elle m'offre et pourtant, dans un sens, cela découle d'une certaine logique. Quand j'ai faim, je me nourris, du moins si c'est possible sur le moment présent, mais je ne tarde pas trop, parce que je sais ce qui peut arriver. Mais dans un sens, peut-être que je peux toujours essayer de faire ce qu'elle vient de m'expliquer. Après tout, elle est bien plus vieille que moi et avait du vécut. " Je note le conseil, merci." Mais je hausse un sourcil à la fin de sa phrase. Johannes a promis quoi ? Putain de merde. Je me mords légèrement la lèvre, un peu confuse, mais ne relève pas, noyant ce moment de confusion en buvant une gorgée de mon verre.

La discussion semble presque touchée à sa fin, je le sentais bien. Surtout quand elle parla d'un vernissage et d'une déesse. Voilà une expérience qui serait fort enrichissante à n'en point douter. " Compte sur moi pour y être." Jouer les potiches, je sais faire et ça sera un réel plaisir que de recommencer ce petit jeu fort amusant. " Je dois me trouver une robe pour l'occasion, mais ça ne posera pas de soucis." Quand on sait où chercher on trouve toujours. Je termine mon verre d'une gorgée et le pose sur le guéridon à côté de moi avant de me lever. " Bien, je pense qu'on en a terminer pour le moment." Que dire de plus de toute façon ? " Merci pour le verre et pour... Le deal. On se voit demain soir à 21h." J'attends de voir si elle a autre chose à ajouter avant de la saluer d'un signe de la tête et prendre congé. Au final, je m'en sortais bien.