J'avais eu une chance incroyable et même pas besoin de tricher. Le défi avait été assez simple, un jeu et le perdant fera ce que l'autre veut pendant un laps de temps donné. Si j'avais lancé cette idée, c'était aussi pour tromper le léger ennui qui était le mien. L'avoir suivi en France, à Paris plus exactement était à la fois la meilleure et la pire idée que j'ai pu avoir. Elle avait eu beau me questionner dans tous les sens, je n'ai jamais avoué avoir triché, je n'en avais même pas eu besoin, même si c'était plus ou moins ce que j'avais prévu au départ. Et assis dans mon fauteuil, je la regarde avec ce sourire narquois alors qu'elle commence à prendre la parole. Mais c'est qu'elle est mauvaise perdante en plus la petite. Intérieurement je jubile, bien entendu. Ce jeu oublié de la mémoire collective avait des règles certes assez complexes, mais pour un esprit aussi brillant que le sien, elle n'avait pas mis longtemps avant de comprendre et la partie ne fut pas simple pour moi. Elle avait bien joué, mais j'avais eu plus de chance. Et ça, elle avait visiblement du mal à l'accepter. Alors j'écoute ses mots, sans me départir de cet air amusé sur le visage.

Rien qui ne touche de près oui de loin à nos panthéons respectifs. Du moins le sien, vu que c'était elle la perdante. " Bien entendu. Il est question d'amusement Science, ce n'est pas des informations sur toi et les tiens que je cherche à obtenir là." Juste à m'amuser un peu à ses dépends. C'est mesquin, je sais, mais c'est terriblement tentant. J'éclate de rire lorsqu'elle ajoute une seconde clause. Comme si je ne le savais pas ça ! Romy avait été désespérée de son cas à ce sujet et ce n'était pas pour rien. Mais c'est le "mort ou vivant" qui m'achève et je pars en fou rire pendant plusieurs secondes, avant de me reprendre plus ou moins. " Navré de te vexer mais ça je le sais parfaitement ma chère. Même un mort ne voudrait certainement rien faire avec toi de cet ordre là." Les Nouveaux-Dieux sont tous comme ça ou je suis tombé sur la plus sérieuse d'entre eux ? Aucune idée et je m'en moque bien. Mais la simple idée qu'elle puisse avoir une activité sexuelle me faisait hurler de rire. Mais il y avait moyen de gruger, j'en étais sûr. " Dieu merci l'alcool est tolérer ! Trois verres devraient être suffisants pour que tu te déride un peu j'en suis certain." Voilà qui offrait un peu d'amusement au moins !

Je la laisse continuer de fixer les termes de son gage sans rechigner. A quoi bon ? Cela sera du temps perdu pour rien et comme elle venait de me le dire, je n'avais que douze heures. Douze heures pour lui faire faire des choses insensées. J'avais bien des idées oui, mais je me contente d'attendre qu'elle est finie de parler. " Ne t'en fais pas, j'ai une bonne mémoire, ça sera suffisant, tu peux me croire." C'était même pire je dirais. Je la regarde alors qu'elle tente au mieux de ravaler sa colère et ça m'amuse fortement. " Bien maintenant que tu as posée tes limites, est-ce qu'on peux commencer ?" Pourquoi attendre après tout, elle n'enlèvera certainement pas cet air énervé dans trois heures. " Souris un peu, c'est un jeu Science ! Je t'apprendrais à y jouer correctement si tu veux plus tard." On frappe alors à la porte et je souris. " Pile à l'heure." J'avais prévu le coup au cas-où. Je vais ouvrir et après avoir échanger quelques mots avec le réceptionniste, je referme la porte et tends un paquet envelopper à l'autre déesse. " Tiens commence par enfiler ça, je suis certain que ça t'ira à ravir..." Je souris amusé. J'avais vu cette tenue de lapin dans un magasin et je n'ai pas su résister, je savais que ça allait me servir un jour. Et ce jour est arrivé.

Je l'écoute chercher une raison à sa défaite et je souris comme un gamin. Déjà parce que je sais que je n'ai pas triché et que c'est une mauvaise joueuse, mais en plus, si elle avait gagné, le reste de la soirée aurait sans doute été ennuyeux vu qu'elle m'aurait très certainement demandé de me taire. Heureusement pour nous, je suis un peu plus imaginatif quand il s'agit de paris. Et on allait bien s'amuser, enfin moi oui, elle je n'en sais foutrement rien. Mais la connaissant, j'en doute fortement. " Au pire tu admets que tu as perdu et on en parle plus." Non mais c'est vrai quoi, je n'ai même pas essayer de tricher pour une fois, je suis quand même de bonne foi sur ce coup ! Je n'avais rien à gagner en trichant de toute façon. Je lève les yeux au ciel, ça m'amuse tellement de la voir aussi contrarié pour un jeu ! La contrariété c'est pas bon pour elle visiblement. " Tu veux quoi ? Que je jure sur la tête de Dieu que j'ai pas triché ? Allons, on est plus des enfants." Fin elle peut-être si on compare nos âges respectifs, mais c'est pas la question.

Lorsque le costume arrive, je sautille comme un enfant, parce que je sais qu'elle va détester, je sais qu'elle va me haïr pour le reste de notre collaboration et sans doute jusqu'à ce qu'on s'entre-tue, mais je n'avais pas pu m'en empêcher. Et sa tête, oh ! mon Dieu ça en vaut le détour ! Elle semble stupéfaite au point que pour la toute première fois elle ne trouve rien à redire. Eh beh, sacré exploit que voilà. Oh ! je sens que ça va être amusant. " Le chat à manger ta langue Science ?" Je m'attendais à ce qu'elle m'insulte mais toujours rien. Elle m'arrache le vêtement des mains et part s'enfermer dans la salle de bain. Maintenant... Il faut que je pense à la suite. Parce que j'en avais aucune foutue idée. Je ne m'attendais même pas à gagné ce foutu pari.

Elle prend son temps et cela me laisse au moins l'occasion de réfléchir à la suite du plan. Rien qui ne compromette nos panthéons respectifs, rien de sexuel, mais ça je m'en doutais et de toute façon ce n'est pas ce que j'ai en tête quand je pense à Science. A Romilly ouais, à Circé, certainement aussi, mais pas Science. Elle avait un physique agréable, mais dès qu'elle ouvrait la bouche, c'était plus possible. Mais elle avait un esprit remarquable et au-delà de mes frasques et des conneries que je lui lance à la gueule tous les jours ou presque, j'appréciais de travailler avec elle sur ce point. Elle ne s'embarrassait pas de la morale et moi non plus. Mais cela limite carrément le champ des possibles. Surtout si elle ne peut boire que trois verres d'alcool. Réfléchis Arthur avant qu'elle n'ouvre cette porte. Il me semble avoir vu un bar karaoké un peu plus haut dans la rue, ça pourrait être un bon point de départ. Au pire, j'improviserais.

Seulement quand la porte de la salle de bain s'ouvre et que je la vois, c'est moi qui reste surpris quelques secondes. Parce que sérieusement, elle était bien plus canon que ce à quoi je m'attendais. Même si elle faisait la gueule, mais ça encore, j'en avais aussi l'habitude. " Tu sais avec un sourire ça serait quand même mieux." Ouais, elle aurait presque l'air humaine... C'est très étrange. " Enfile ton manteau, on sort." Ouais c'était ma lapine... Ouais non je vais oublier cette phrase pour le reste de ma vie. Mais je sais qu'elle n'est pas à l'aise, alors si en plus les mecs se retournent dans la rue, autant avec quelqu'un d'ouvert d'esprit ça serait amusant, autant avec elle, on frôlerait la disparition d'un quartier. " On va commencer doucement. Dis moi tu sais chanter ?" Autant que je sache ce qu'il en est pou savoir si je vais encore être surpris ou si je vais bien rire.

Putain mais cette surprise, je ne m'y attendais tellement pas. Pas plus que son discours sur l'omniscience du Paternel. Et son discours était étrangement cohérent et pas complètement faux. Mais pour avoir vu Dieu de mes propres yeux à plusieurs reprises au cours des millénaires passés, je sais qu'il est bien plus ce qu'elle décrit. Elle serait atrocement déçue de le voir en personne, mais comme il est très méfiant, il ne se montre pas en personne et reste bien à l'abri, pendant que nous, on risque la mort si on ne fait pas attention. Encore qu'une réincarnation ne me gêne pas plus que ça, mais la simple idée de disparaître complètement ne me plaisait pas. " Tu serais déçue de la réponse, crois-moi." Il n'était pas comme tout le monde se l'imaginait, mais ça n'avait pas d'importance. Le lui expliquer prendrait du temps que je n'ai pas. Son esprit n'est pas conçu pour comprendre une telle chose, quand bien même elle est loin d'être stupide. Songer le contraire serait sous estimer et insulter la déesse. Et je la fréquentais depuis suffisamment longtemps pour ne pas faire cette bêtise. Mais elle avait le don de me surprendre et ce n'était pas rien non plus.

Mais dans tous les cas, la nature de Dieu et de la foi qu'on pouvait lui apporter, malgré notre nature démoniaque est un sujet que je ne voulais pas aborder ce soir. Je pourrais lui mentir, mais à quoi bon ? Mais je ne pouvais pas cacher que j'avais aussi réfléchit à la question il y a bien longtemps de cela. Désormais, tout cela me semble logique et normal, mais au départ, j'avais eu du mal à comprendre et a appliquer les règles imposées. Ilo avait bien fallu que je comprenne le fonctionnement pour trouver ma place. Même si j'avais longtemps convoîté la place de Lucifer et que j'avais tout fait pour l'avoir à l'époque, à la réflexion, je suis bien en tant que bras droit. Et ça me suffit amplement. Parce que sinon, je ne pourrais pas jouir de cette liberté d'action qui est la mienne actuellement. Bien sûr, je dois rendre des comptes à Lucifer, ais c'est un moindre mal.

Puis elle essaye de sourire et ça m'arrache un rictus amusé. Elle pourrait être jolie et une vrai bombe sexuelle, mais elle ignore le potentiel de son corps. Et ce n'est certainement pas à moi de l'aider à le comprendre. J'aime bien notre relation de travail et j'aime l'emmerder, je ne veux pas que ça change. Mais je devais bien admettre qu'elle était bien foutue et si je m'en rendais compte,, alors d'autres en feraient de même. Elle enfile son manteau et me suit tout en répondant à ma question. Elle savait donc chanter ? Oh ! Science, tu me caches tellement de choses je suis déçu. " Attends, tu as été médecin ? Eh beh tu m'en cache des choses." Je vais de surprise en surprise ce soir décidemment ! On arrive enfin dans un quartier un peu plus vivant que celui qu'on venait de quitter. Les bars s'enchaînaient, on entendait des rires, des éclats de voix de toutes sortes et je ne tarde pas à voir que la tenue singulière de Science attire les regards. Je reste près d'elle, les mains dans les poches. Pas spécialement protecteur, je sais qu'elle est parfaitement capable de se défendre toute seule.

Sa question me laisse quelque peu perplexe. Je n'ai pas le compte précis en tête, mais c'est arrivé à plusieurs reprises. " Plusieurs fois, je n'ai pas le compte en tête. Mais à chaque fois, j'ai dû changé à cause d'accidents en tout genre." Je suis un devin, mais je ne peux pas tout prévoir non plus. " La dernière fois, c'est parce que j'ai contrarié la mauvaise personne dans mon propre panthéon. Elle a pas aimé qu je lui rapelle que Dieu s'est foutue de sa gueule et que son âme nous appartient, à nous les démons." Sainte Olga. Sacrée connasse celle-là. Elle me tuerait encore si elle en avait la possibilité. " Et toi ? Tu as déjà changé de véhicule ou tu as toujours eu cette apparence ?" Je me rends compte que je ne me suis jamais posé la question. Je m'arrête devant un bar qui faisait karaoké. Je connaissais quelques adresses sur Paris et celle-ci en était l'une d'elle. " Viens, ici c'est sympa." Ce n'est pas un bordel, ni quelque chose du genre, juste un simple bar qui fait karaoké dans des salles privées. Je veux garder ces moments pour moi. Je paye pour l'accès et pour une bouteille de champagne, puis on se dirige vers la salle en question qui est décorée assez simplement. Je' prends place et je la regarde. " Mets-toi à l'aise." Tant qu'à faire.

Elle n'a même pas besoin de répondre, je sais ce qu'elle pense. On en a eu quelques discussions sur les anciens panthéons, sur la manière de les faire disparaître et bien évidemment, ce que nous sommes en train d'entreprendre sera la finalité de tout cela. Qu'elle nous mette dans le même panier que les autres n'est pas réellement un souci, mais qu'elle n'oublie surtout pas que je serais le premier à venir frapper à sa porte à la seconde même où cette alliance ne tiendra plus. Et je sais qu'il en est de même pour elle. Dieu est inaccessible pour le moment et sans doute pour un sacré bout de temps encore. Il faudrait défier tous les anges du paradis et je sais qu'il y en a pléthore. Que son panthéon s'imagine que l'on va tomber aussi facilement est risible. Si on doit tomber, alors on va entraîner pas mal ,de monde dans notre sillage. Elle, et les siens y compris.

Et je sais aussi que je suis en train de lui taper sur les nerfs. Que j'éprouve encore et toujours sa patience et ça m'amuse. Ce soir n'est pas une exception. Elle a voulu jouer, elle a perdu, c'est tout, c'est comme ça. Il faudrait qu'elle y mette un peu du sien, sinon la soirée va être longue pour elle et surtout pour moi. Mais elle me surprend, je savais qu'elle avait des diplômes, mais pas celui-ci en particulier, mais c'est vrai qu'avec les sujets qu'on aborde régulièrement, ça tombe sous le sens. Enfin, moi je suis pas médecin et pourtant j'arrive à la suivre, signe que les diplômes au fond, c'est assez surfait. " Mon cerveau marche très bien, c'est pas de ma faute si l'Humanité est pervertie et fait appel à moi. Mais ouais, je préfère que tu garde tes doigts loin de mon cerveau, pour un peu je deviendrais comme toi et franchement... l'angoisse." Non vraiment, je ne la laisserais jamais me trifouiller le cerveau, pour rien au monde.

J'ignore royalement le fait qu'elle m'est demander de me taire et je la regarde avec un sourire dont j'avais le secret et qui la faisait soupirer à chaque fois. Je t'énerve hein ? Certainement, mais c'est ma soirée cocotte et je peux encore être bien plus casse-couille. Mais pour le moment, je réponds à sa question. Oui, je me suis incarné à quelques reprises, je n'ai pas le compte précis en tête, mais ça n'a pas d'importance. Elle non par contre. Toujours le même corps, qu'elle a apprit à discipliner pour en, obtenir exactement ce qu'elle voulait. Pas étonnant qu'elle soit complètement dépourvue du moindre sens de l'humour. " Ouais, ça explique pas mal de choses en effet." Pour avoir expérimenté pas mal de vies différentes, j'ai appris a ne pas m'attacher au véhicule que je possède. Si Arthur crève demain, certes, ça me fera chier, mais je survivrais. Je retournerais dans le Néant un certain temps, à moins que Dieu m'autorise une fois de plus à revenir rapidement sur terre. Je sais pas et je ne veux pas le savoir en réalité.

On arrive à destination et elle me suit, sans dire un mot mais je vois à son air qu'elle voudrait être ailleurs qu'ici. Je soupire légèrement t une fois dans la cabine, je lui dis de prendre ses aises et de choisir une chanson. Son répertoire est assez limité mais y a des trucs pas trop mauvais. Je fais un signe de la main. Peut m'importe ce qu'elle chante au final. Edith Piaf donc. Je ne l'écoute même pas, pas plus que je l'observe alors que je le pourrais. Non, je suis perdu dans mes pensées. Je perçois juste de la lassitude dans sa voix. Est-ce qu'elle sait au moins que ce que le mot s'amuser veut dire ? Je n'ai pas l'impression. Je réagis quand elle me lance le micro. " Tu pourrais au moins faire semblant parce que le temps risque d'être long pour toi comme pour moi." Personnellement ça ne changera pas grand chose. Je finis ma flute de champagne et m'en ressers une autre. " Si en plus je suis obligé de me bourrer la gueule pour supporter le pari que j'ai gagné, on est pas sortit de l'auberge. C'est dans ces moments-là, que je regrette l'absence de Romy ou de n'importe quelle autre personne qui sait s'amuser. " Tu chantes pas si mal que ça, mais tu es désespérante, Science." Et c'est peu de le dire.

J'eus un sourire quand elle reprend la parole. Je ne la diabolise pas, au contraire, cela serait sans doute la mettre au même rang que moi et on sait tous les deux que nous sommes différents. Nous sommes certes, nés de l'imaginaire des hommes, mais elle, elle a été créée pour faire avancer les choses, moi j'ai été créé pour punir, pervertir et faire des choses atroces aux hommes et surtout aux âmes. De nous deux, c'est elle qui est une bonne personne en comparaison de ce que je suis, mais là n'est pas le sujet. Elle chante sa chanson et elle a une jolie voix, mais je sens qu'elle ne s'amuse pas et que la soirée va être super longue. Et je ne sais pas comment faire avec elle. Malgré les mois passés en sa compagnie, je n'arrive pas à savoir qui elle est, ni ce qu'elle est. Je suis d'ordinaire assez doué pour cerner les gens, vu que je me sers de cette capacité pour pervertir les hommes, mais avec elle rien n'est simple. La seule fois où j'ai réussi a la faire sourire c'est quand je lui avais montré les containers de matériels amenés à Istanbul à ma demande expresse. Avant ou après je n'en garde pas souvenir et c'est suffisamment rare pour que ce soit marquant. Alors je me plains légèrement, arguant qu'il va falloir que je boive plus que de raison pour supporter la soirée. Sa réponse me laisse pantois de longues secondes. " Je dois l'admettre tu es un vrai mystère." Aucune trace de mensonge, juste une vérité pure. Et je suis sincère, ce qui m'arrive aussi, je ne suis pas aussi mauvais qu'on le dit, bien que ma nature démoniaque ne fait aucun doute, la vérité et la réalité est toute autre. Tout comme elle visiblement, je ne montre que ce que je veux qu'elle voit. Et autant dire que ce n'est pas reluisant, mais qu'importe.

Elle reprend son manteau et me fait signe de faire de même avant de me dire de la suivre. Je le fais sans hésiter, laissant tout en plan derrière nous. Elle me montre brièvement son téléphone et je vois une liste de choses écrites et elle m'explique ce qui va se passer. Curieux, je hoche la tête donnant mon accord. De toute façon, cette soirée est déjà bien étrange, alors un peu plus ou un peu moins. Les archives donc. " Après toi." Une fois de nouveau dehors, je la regarde quelques secondes, me demandant ce que je vais découvrir sur elle. Tout en sachant que c'est quelque chose qui s'apparente de loin à de la confiance, ou c'est juste un moyen pour que la soirée se passe. Moi ça me va. Je la suis quasiment en silence jusqu'à la bibliothèque nationale. " Comment tu..." Evidemment, elle avait une clef. S'en suis un dédale de couloirs dans lesquels je pourrais aisément me perdre, mais elle semble connaître l'endroit comme sa poche.

Elle me montre alors une table et j'enlève ma veste afin d'être plus à l'aise et prends place en l'attendant. Je me rends bien compte que sa tenue est ridicule, sa queue de lapin bouge à chacun de ses mouvements et il en est de même de ses oreilles de lapin. Bien qu'elle soit bien foutue, je n'ai toujours pas le moindre désir pour elle et dans un sens, c'est une bonne chose pour notre collaboration qui est déjà assez chaotique sans y mêler du sexe. J'en viens même à me demander si elle sait ce que c'est. Elle revient avec un carton et m'explique brièvement ce que je vais trouver. Je pose alors un regard sur elle, sérieux. " Tu es sérieusement en train de me proposer de fouiller dans ton passé... sans contrepartie ?" D'ordinaire j'aurais sauté sur l'occasion, mais là, je ne sais pas. Oui, j'avais bien envie de savoir qui elle était, mais pas aussi gratuitement. Je me penche alors et prends quelques vieilles photos.

Elle est en tenue d'infirmière et la légende de la photo indique que c'était durant la première guerre mondiale. Elle n'avait pas menti. De toute façon, je suis presque convaincu qu'elle ne sait pas mentir. Je pose le cliché de côté et en prends un autre. Je reste silencieux jusqu'à voir une photo avec un rassemblement de scientifiques et j'eus un léger rictus. j'en reconnais un ou deux sur cette photo." Parce qu'ils sont en Enfer. C'est marrant que Dieu ne considère pas leurs actions comme des choses positives. Après certains ont contribués à la mort de pas mal de gens indirectement. Puis la troisième, elle est avec son mari visiblement. " Il était comment ton mari ?" Je relève les yeux vers elle. J'étais réellement intéressé par la question et pas pour m'en servir contre elle par la suite.

Si je reconnais certains de ces scientifiques, c'est bien pour diverses raisons. Dieu et surtout ses anges ne sont pas aussi miséricordieux que ce que l'on croit. Et si j'en ai croisé certains en enfer, ce n'est pas de mon fait. Corrompre les scientifiques ne m'apporte rien généralement. Il doit bien y en avoir un ou deux à qui ça arrive, mais ce ne sont généralement pas des scientifiques de renom. Enfin, on a bien les pseudos scientifiques nazis par exemple, pour eux, on a fait les choses en grand. Mais eux n'avaient pas eu besoin de nous pour être corrompus. Au final, ça reste une minorité des scientifiques du monde et de l'histoire. Je vois sa mine changer quand j'énonce ce fait, mais je ne prends pas la peine de lui expliquer que je n'y suis pour rien, déjà parce que ça serait trop long à expliquer... Et ensuite, pas sûr qu'elle me croit. Donc autant gagné du temps. Je continue de regarder la photo encore plusieurs secondes avant de la poser sur le côté de reposer les yeux sur elle alors qu'elle reprenait la parole. " Que tu es la meilleure et que tu t'entoure des meilleurs." Et je ne parle pas de moi, mais de ces gens sur la photo. J'ignore ce que je crois percevoir dans sa voix. Je ne suis pas là pour trouver des informations afin de la détruire, je suis là parce que je voudrais bien comprendre. La nuance est là. Quand je voudrais la détruire le moment venu, je sais parfaitement comment m'y prendre et pas besoin des fantômes du passé pour ça.

La question sur son mariage m'échappe. Je suis à la fois surpris et étonné. Surpris que quelqu'un veuille d'une femme aussi imbuvable 95% du temps - à moins que ce ne soit qu'avec moi, ce qui expliquerait pas mal de choses - et étonné qu'elle est été mariée. Cela semble si peu compatible. Et alors qu'elle semble perdue dans ses pensées, je me rends compte que cette situation est quand même des plus surprenantes. La plupart des dieux et créatures que j'ai été amené à croiser au fils des nombreuses vies que j'ai eues, n'ont été qu'éphémères. Certains m'ont marqué plus que d'autres cela dit. Quant à l'Enfer, c'est vaste et il ne faut pas croire qu'on est tout le temps les uns sur les autres. Parce que pour la plupart, on ne se supporte pas. J'en tuerais volontiers plus de la moitié si on me laissait faire, mais l'enfer à besoin de ses démons. Et les hommes aussi. Du moins, jusqu'à peu. Elle reprend la parole, mais sa voix est différente. Et je l'écoute sans la couper, en silence. Je me surprends à être plus attentif que la normal, moins mordant, moins démoniaque que d'ordinaire. Il n'y a que peu de gens qui connaissent cette facette de ma personnalité. Et si je n'en suis pas à ce point avec Science, je peux au moins lui accorder mon attention étant donné qu'elle me laisse satisfaire ma curiosité sans rien demander en change. Sauf mon silence j'imagine.

J'eus pourtant un léger rictus, visiblement ça ne datait pas d'hier qu'elle n'arrivait pas à se faire des amis. Il faut dire que parfois elle est exaspérante. Au moins autant que je le suis, je suppose. Mais en lisant entre les lignes, je comprends que cet homme l'avait marqué. Ce n'était peut-être pas de l'amour, mais une forme d'affection certaine. Elle ajoute assez brutalement qu'il est mort de démence et je grimace légèrement. C'est bien dommage, mais c'était un humain, tôt ou tard, il aurait succombé. Mais la démence pour un être visiblement intelligent, c'est d'une ironie... " Tu as de la chance d'avoir vécut quelque chose comme ça." Parce que je crois que j'en suis incapable. Ou du moins, pas dans une relation qui saurait être réellement saine. Mes conquêtes ne sont là que pour tromper ma solitude et l'ennui. La seule qui revient dans ma vie, c'est Romilly, mais même avec elle je ne peux pas dire ce que j'ai. Une relation particulière, évidemment. Je tuerais pour elle, mais ce n'est pas de l'amour. Ce n'est en rien comparable à ce que Science avait visiblement vécu. S'attacher à quelqu'un, est un concept qui me dépasse. Pourtant, une part de moi aimerait bien connaître cela. Je suis attaché à Lucifer, à Lilith ou même à Romilly, mais ce n'est pas la même chose. " Oui je l'ai vu." L'effet qu'elle a sur les humains. " On fait tous des erreurs, tu n'es pas la seule et tu ne seras pas la dernière." Nous ne sommes pas infaillibles contrairement à ce que l'on pense. Elle est émue et je décide de ne pas insister sur ce fait. Je reprends une autre photo, accompagné d'un article de journal, datant des années trente. " Tu as eus des vies intéressantes." Mais moins amusantes que les miennes dans l'ensemble.

Sa question m'interpelle. Je suis proche des gens que j'ai choisis. Lucifer, Lilith, Romilly. Ils ne sont qu'une poignée au final et ça me va très bien et pourtant, je sais que j'ai été sincère quant à ce que j'avais exprimé. Elle avait eu de la chance oui, mais cela ne voulait pas dire pour autant que je l'enviais. Parce que je n'avais rien à lui envier, du moins je crois. L'espace d'une seconde je doute. Est-ce que j'aimerais ressentir ce qu'elle a vécu ? Je ne sais pas. Aimer est un concept étrange, une sensation que je connais sans pour autant l'expérimenter. Du moins pas dans le sens ou les hommes aiment. Je secoue la tête légèrement. " Non. Je disais juste que..." Que quoi au juste ? Cet élan de sincérité ne me réussissait réellement pas. D'ailleurs tout ce moment est étrange et me fiche la chaire de poule. Parce que Science et moi ne seront jamais proches, nous ne serons jamais amis, ni quoi que ce soit d ce genre. Parce que je suis fidèle a mon panthéon et que dans une certaine mesure elle aussi, surtout en ce qui concerne l'éradication des anciens cultes dont je fais partit. Et pourtant on se comprend, parfois sans avoir à parler et quand ça arrive, c'est un mélange de satisfaction et de malaise. Je grimace légèrement quand elle reprend la parole. D'une parce qu'elle raison et de deux que compassion et démon, dans la même phrase, ça ne va pas ensemble. " Je crois aussi que ce moment à assez duré." Même si c'était fort instructif sur elle et possiblement sur moi également.

Elle me tapote les épaules et ce geste est aussi maladroit qu'étrange et le regard que je lui lance souligne cela. Elle propose ensuite de quitter cet endroit et je suis d'accord. Un pub irlandais, voilà qui m'allait bien mieux ! Au milieu de gens, j'ai moins de risque de me montrer compatissant quant à elle. Même moi je suis quelque peu surpris de ce qui vient de se passer. Je me lève et la suis après qu'elle a rangé sa petite boîte. Je me suis promis de ne pas utiliser ses informations contre elle et je m'y tiendrais. Je suis parfois capable de tenir mes promesses. Si je trahis les hommes, si je passe pour une divinité menteuse et traîtresse, c'est parce que je m'adapte aux hommes que j'ai en face de moi. Mais il est vrai que les rares fois où j'ai tenu parole, se comptent sur les doigts d'une main. Le pub n'étant pas loin, on y arrive rapidement. Il y a de monde et si certains la regardent avec des yeux ronds tout en me lançant des regards interrogateurs, je me contente de sourire et de hausser légèrement les épaules avec un air supérieur. D'autres sont trop ivres pour la remarquer. Quant aux autres, ils ont les yeux rivés sur la télé. On s'installe à une table et elle passe commande. J'eus un léger rictus sur les lèvres. " Oui je sais et je n'allais rien dire." Pas de blague vaseuse pour le moment, je voulais voir ce qui m'attendait, ce qu'elle allait proposer.

Et je ne suis pas déçu alors qu'elle annonce les règles. Je ne réponds rien alors qu'on nous sert et je prends mon verre pour trinquer avec elle. " D'accord." Je réfléchis à ce que je pourrais bien lui dire. Mentir n'est pas un problème, c'est dans ma nature. Et je pouvais bien lui livrer une information réelle sur moi après ce que j'avais vu, c'était de bonne guerre. " Je commence donc." Je reste silencieux quelques secondes, le temps de boire une gorgée de ma bière. " Je rêve parfois de prendre le pouvoir en Enfer." Je reprends une gorgée. " Il m'est arrivé de regretter d'avoir rejoins le panthéon monothéiste." Encore une gorgée. " Je n'ai jamais été aussi heureux que dans cette vie là." Alors ma chère, quels sont les mensonges et quel fait est réel ?

Cette soirée n'est pas du tout comme je l'avais imaginé. Mais c'était sans doute mieux ainsi. Bien évidemment, il est certain que ni l'un ni l'autre n'allont reparlé de tout cela une fois le timeur arrivé à zéro, mais ça restait riche de nouvelles choses apprises. Notamment sur elle, mais pas seulement. Notre collaboration est une énigme pour ceux qui nous connaissent, de même que l'entente apparente qui est la nôtre. Je peux être vulgaire avec elle, je sais que si je respecte ma part du marché, ça passera toujours plus ou moins. Bien évidemment, je m'arrange pour être le plus courtois possible. Nous avons l'un et l'autre trop à perdre si notre plan n'arrive pas à son terme. Pour autant, je découvre que je ne sais rien d'elle, pas plus qu'elle ne sait des choses sur moi. Nous prenons bien garde malgré tout à nous protéger, même si au fond, je sais que je n'ai plus grand-chose à craindre. Que ce soit d'elle ou de qui que ce soit d'autre. J'ai trop vécu pour avoir peur de la mort en tant que telle. Mais elle me surprend Science, je devais bien l'admettre, c'était une sensation assez agréable au final. A en croire les photos que je venais de voir, elle avait eu une vie bien remplie. Mais pas seulement, elle me surprenait en m'emmenant dans ce pub désormais.

Le jeu est lancé et j'énonce trois faits qui pourraient tous être une vérité au final. Mais un seul l'était réellement. Je ne sais pas si elle allait le deviner et au fond, ça n'avait pas réellement d'importance. J'ai rêvé d'avoir ce pouvoir fut un temps, de régner sur les Enfers à la place de Lucifer. J'ai essayé maintes et maintes fois et à chaque fois ce fut un échec. Plus ou moins cuisant, plus ou moins douloureux. Et puis j'ai compris alors, que ma place n'était pas d'être sur le trône, mais dans l'ombre en quelque sorte de celui qui y était. J'ai tout fait pour gagner sa confiance et au fil du temps, j'ai été convaincu du fait qu'il n'y avait que lui pour assurer un tel poste. Alors ma loyauté lui fut acquise. Il existe des ouvrages nébuleux traitant du sujet d'ailleurs. Le second fait est sans doute le plus vrai des trois. Elle était là ma vérité. Bien des fois, j'ai regretté ce choix, surtout après avoir rejoins le culte monothéiste. Moi, la divinité païenne, relégué au rang de démon. Et surtout de voir ceux avec qui j'ai partagé tout un pan de ma vie disparaître les uns après les autres. Mais une fois fait à ma place, à mes responsabilités, tout cela, toute la culpabilité, le regret avait disparu. Et si j'y pense encore aujourd'hui, je n'éprouve plus rien. J'ai fais le bon choix. Quand à cette vie, elle n'était pas si mal comparée à d'autres, tout est une question de point de vue. Certes, j'ai a supporté Science, mais j'ai vu bien pire encore une fois.

Finalement après un temps de réflection, elle répond et tombe assez juste. J'eus un sourire à sa question, sentant qu'elle était réellement curieuse par la réponse. Je bois une gorgée de bière avant toute chose. " Je ne sais pas réellement. Aucun aurait pu être un choix judicieux et j'aurais tout simplement sombrer dans l'oubli comme bon nombre de mes pairs de l'époque. Or c'était quelque chose qui me faisait peur à ce moment-là et quand j'ai eu cette possibilité, j'ai accepté sans réellement réfléchir à ce que cela entraînerait." Mais il y a pire au final, je suis l'un des démons les plus crains et respecter de l'enfer après tout. " Cela dit, les autres faits avaient aussi un fond de vérité." Mais je n'en ajoute pas plus, c'est à son tour d'énoncer ses faits.

Je l'écoute donc et ricane légèrement au dernier. Les trois pourraient aussi être vrais. Mais je prends le temps de réfléchir, de repenser à ce que je crois savoir d'elle jusqu'à présent. Outre le fait qu'elle ne me porte pas dans son coeur et que les vieux panthéons lui hérissent le poil, j'ai bien compris que la seule chose qui l'intéresse c'est la Science, la seule et unique dans sa forme la plus pure. Et j'en déduis donc que le premier fait est le plus probable. " Que ferais-tu avec une renommée qui dépasse les frontières de notre univers ?" Je souris légèrement et hausse les épaules. " Je sais que tu veux la mort des anciens panthéons, mais franchement, ta vie serait moins amusante sans moi." Oui, je me lance des fleurs.