J’apprécie les Etats-Unis pour son melting-pot, ses rêves de grandeur et ses gens ambitieux et combattants. Certes, leur histoire est bien abominable, jonché de cadavres, d’injustice et d’horreur. Or, qui suis-je pour leur jeter la pierre ? J’ai des millénaires d’existence et je n’ai pas été davantage tendre lors de mes conquêtes. Nos frères et moi avons pris des terres qui ne nous appartenaient pas et avons détruit bien des divinités, tantôt en mettant à feu et à flamme leur lieu de culte, tantôt en réduisant à néant leur peuple.
Pourtant, je ne me sens pas pleinement à l’aise. J’ai ouïe dire que de Nouveaux Dieux sont nés sur ces terres par-delà les océans ou, au moins, prennent toute leur puissance de l’Oncle Sam. Est-ce vérité ou une ribambelle de mensonges ? Mon avis pencherait sur un oui. La nouveauté emporte les hommes et les femmes dans une furie autre, dédaignant les vieilles pratiques et us et coutumes. Ceux ayant du sang celte dans leur veine et quelques récits de légende dans leur tête se sont fait avoir, majoritairement, par toutes les promesses d’argent, de modernité et de confort.
Mais, je suis là.
Ma peau picote à l’approche d’une essence divine. Un large sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je reconnais la signature. Meduna, déesse de l’Unité et feu-follet des nuits les plus folles, est là. Elle n’a pas perdu de sa fraîcheur ou de sa vivacité. Sa simple vue suffit à échauffer le sang et à avoir envie des plus grandes folies nocturnes. J’écarte mes bras, prêt à l’accueillir.
- Ca fait longtemps. Toujours aussi belle, toujours aussi énergique !
Jadis, nous ne nous voyons qu’une fois dans l’année – voire après plusieurs années. Il est assez difficile de se coordonner à coup de pigeons voyageurs et de voyages aussi longs que les cheveux de Raiponce pour quelques petits kilomètres. Les nouveaux modes de transport et moyens de communications ont changé la donne, enterrant une époque révolue et lançant une nouvelle. Dorénavant, nous pouvons nous appeler ou nous écrire à toute heure du jour et voyager assez librement avec tous ces engins à moteur.
- Tu m’as promis des nuits mémorables, Meduna. Je compte sur toi.
Mon regard s’égare sur les tours en brique, ces routes où grouillent des voitures, ces fumées noires et blanches s’échappant des pots ou des égouts. Le spectacle est aussi pittoresque que perturbant. Je ne saurais pas dire si cette ambiance me mime le moral ou exacerbe ma curiosité.
- S’il est vrai que c’est une terre pleine d’opportunités, je peux considérer le lancement d’une nouvelle entreprise ici même.
Si je suis une divinité guerrière parmi les miens, je suis avant tout le dieu du tonnerre et tout ce qui peut toucher un peu le ciel. Autant dire, lorsque je ne combats pas, j’aime étudier les phénomènes liés à mon pouvoir. En prime, cette nouvelle génération adore décortiquer chaque élément, tentant de transformer le mystique et spirituel en un amas d’atomes et de molécules. Si l’idée me chiffonnait de prime abord, je me suis pris au jeu, découvrant quelques qualités de scientifique et ingénieur. Il n’y a donc pas que du mal dans le progrès.
- Allons manger, d’abord. Tu me diras ce que tu penses des Etats-Unis, et ce que tu fais ici.
C’était les mots que j’avais employés pour piquer la curiosité de Taranis. Mon vieil ami et complice ratait rarement une opportunité de participer à une aventure épique et amusante. Si l’immortalité avait bien des charmes, elle avait aussi le désavantage de pousser à l'ennui et de devoir se renouveler sans cesse pour trouver de nouvelles occupations. Les miennes avaient longtemps été dirigées vers le sabotage des lieux de culte de l’Unique et le débauchage de ses fidèles, choses que j’avais toujours trouvé beaucoup plus stimulantes que de simples meurtres. Piquer les fidèles des autres, c’était tout un art qui demandait stratégie, patience et ingéniosité.
Ceci étant, ces derniers temps, mon regard se portait plutôt sur la montée du chauvinisme en Bretagne et sur la recherche de l’identité des régionalistes qui établissaient des parallèles (douteuses, mais on s’en fichait) entre leurs terres et la culture celte. C’était mon nouveau terrain de jeu. Je me demandais si, avec le temps et un petit coup de main, ces militants pouvaient rallier le plus grand nombre. S’il était possible d’ancrer de manière si profonde le celtisme dans la culture bretonne que les habitants de la région finiraient par croire qu’ils étaient profondément liés à nos traditions. L’Unique était en perte de vitesse en France, c’était le moment idéal pour œuvrer. Et j’y travaillais depuis quelque temps déjà…
Une nouvelle m’avait cependant poussé à braquer les yeux à des milliers de kilomètres de la France.
La prohibition.
Le terme m’avait fait frémir d’horreur.
Moi l’Ivresse, moi l’Unité… J’avais perçu tout le désespoir des mortels que l’on privait d’une chose si fondamentale à leur existence… Comme si le plaisir et la désinhibition étaient devenus des tabous !
“Nous devons libérer ces enfants”.
Et j’étais partie en croisade contre la folie de ceux qui avaient osé pondre des lois si absurdes.
Interdire l’alcool… Le mal n’avait donc aucune limite ?!
La Nouvelle-Orléan… Grande ville pittoresque, pollution… A l’image de cette révolution industrielle dont les mortels étaient si fiers. Le continent nord-américain avait connu de nombreux changements en quelques siècles. Il était bien loin, le temps de la ruée vers l’or…
Je sentis avant même de voir, l’essence de mon ami de toujours. Il était là, brillant comme un phare. Je lui tendis les bras pour le serrer contre moi. Il m’avait manqué.
-Toujours aussi généreux en compliments ! Tu auras ce que tu veux et plus encore, dis-je le regard brillant d’ambition et de cette douce folie caractéristique qui promettait mille et une aventures.
Ca faisait quelque temps déjà que j’étais ici et que j’oeuvrais. Mais le temps me paraissait long loin de mes terres de naissance et des miens. Alors je l’avais appelé, je lui avais promis des folies et de l’amusement. Nous avions l’habitude lui et moi de nous voir parfois et d'échafauder les quatre-cents coups.
-Viens, je connais un restaurant italien extra. La ville brasse son lot de cultures, il y a vraiment de tout ici. Je te ferai découvrir le jazz ce soir ! Il y a tellement à voir !
Nous nous dirigeâmes vers le tramway et nous mîmes en route.
-C’est fascinant, tu ne trouves pas ? Toutes ces évolutions technologiques, les choses changent si vite ! J’ignore si c’est une bonne ou une mauvaise chose pour nous… La religion recule, mais l’Unique aussi.
Une opportunité à saisir. J’étais quelqu’un d’optimisme, je voyais toujours le verre à moitié plein.
-Regarde bien autour de toi, Taranis. Tout cela n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il y a tout un monde caché, là-dessous.
Nous quittâmes le tramway et reprîmes notre route. Je lançai un regard autour de moi pour m’assurer de ne pas me faire surprendre par un agent de police et baissai la voix.
-Des trafics d’alcool, des bars, des jeux clandestins… Si c’est l’argent qui t’intéresse alors il y en a à se faire en pagaille au marché noir. En outre, les américains aiment les entrepreneurs et les investisseurs. Tu peux aussi jouer dans la légalité en t’engageant avec des gentilhommes sur quelques affaires de ton choix. Et si c’est l’amusement que tu recherches avant tout…
Un grand sourire vint éclairer mon visage.
-Je te promets des nuits de folie et du plaisir à en perdre la tête.
Le restaurant était là, devant nous. Pittoresque, moyennement fréquenté. J’y entrai sans l’ombre d’une hésitation.
-Je te recommande leurs pâtes, elles sont délicieuses !
Codage par Libella sur Graphiorum
Louis Tessier
Dieu de la Roue
Groupe : Divin - Dieu du Tonnerre, Taranis, Panthéon Celte Métier : Ingénieur & chef d’entreprise dans le domaine des énergies renouvelables Pouvoirs / atouts : Vision du Ciel - Volonté d'Acier - Paratonnerre - Rapidité foudroyante - Maitre des orages Warning : langage cru &/ou Violence physique (ok) &/ou Sexe (ok) &/ou violences sexuelles (à discuter) Messages : 1873 Célébrité : Nikolaj Coster-Waldau
Sujet: Re: A little party never killed [Intrigue III - Terminé] Mer 8 Nov - 15:58
Désir, interdit, retenu et extravagance se disputent constamment, lorsque je suis avec l’Unité. Par respect, tant pour elle que pour un frère perdu, je m’efforce à maintenir un semblant de distance entre nous. Cette noble volonté s’effrite au fur et à mesure que le contact se prolonge. Les souvenirs refont surface, me rappelant la douceur de ses lèvres ou l’exquis parfum de sa peau. Les tentations se bousculent à ma porte, me poussant à goûter à ce fruit encore et encore. L’ivresse floue ma moralité, le cœur même de la puissance de la reine.
Son entrain est contagieux. Si les millénaires n’ont pas d’emprise sur nous, nos caractères, nos habitudes, nos passions et nos plaisirs, cette déesse exacerbe certains de mes défauts et, surtout, mon amour des festivités. Mon pouls s’accélère, l’adrénaline monte petit à petit. Mes sens s’aiguisent. Les oreilles se tendent à toutes notes, mon regard accroche aux néons lumineux, mon nez plisse aux odeurs de rue mêlant gaz, nourriture, pisse et alcool.
- Est-ce que ce nouveau monde a une cuisine propre et, surtout, un alcool spécifique à leur région ? , demandais-je.
Je sais que je peux faire confiance à Meduna comme critique alcoolique. Elle a le palais nécessaire pour juger de la qualité d’une liqueur et, par conséquent, de sa valeur. Je dois avouer qu’elle m’a appris à apprécier les vins, à choisir mes boissons selon mes humeurs, mes besoins et les occasions et, surtout, à oser de nouvelles expériences à travers le monde.
- La religion ne recule pas, ma reine. Elle change, elle se renouvelle. Si la Foi des Hommes ne nourrit plus les vieilles religions, cela signifie qu’elle engendre de nouvelles religions. Peut-être que ces nouvelles divinités sont encore dans l’Ether, peut-être qu’elles sont déjà nées. Mais elles concerneront ces nouveautés et ces chemins de fer, car l’Humanité y dépense temps, énergie et argent et, surtout, y confie tous ses espoirs.
Aucune amertume dans ma voix, au contraire ! J’admire ces nouveautés, appréciant toute la facilité qu’elles procurent. Il n’est plus question d’attendre de très longs mois pour une hypothétique lettre, il n’y a plus à craindre de rater des rendez-vous et, surtout, il ne faut plus de longs mois pour un trajet quelconque. La vie est plus facile, et ce n’est pas désagréable.
- Tout ce que tu dis m’intéresses, Meduna. Mais ce soir, amusons-nous. Et après, sauvons la Nouvelle Orléan. Après, je me pencherai à mes affaires.
Je suis un dieu guerrier, avant tout. Le commerce, les affaires … toutes ces notions ne sont qu’accessoires à mes yeux. Je m’y adonne uniquement lorsque je ne trouve aucune guerre à laquelle participer, aucun conflit à résoudre ou aucune cause à défendre. Certes, je doute que la Reine va me trainer dans une guerre civile dans les sous-sols de la Nouvelle Orléans, mais il y a des enjeux et des parties adverses. C’est largement suffisant pour nourrir ma soif de victoire et de compétition.
Et puis, il y a l’ivresse et les nuits de folie à la clé. Que demander de plus ?
- La compétition, la victoire … voilà ce que je désire, l’amie. Voilà ce que je recherche, de temps en temps, dans les guerres, les affaires. Je me fiche de l’argent ou du pouvoir. Ils ne sont qu’un moyen, jamais une finalité ou un but.
Nous arrivons au restaurant et sommes placés à une petite table. Les menus tombent entre nos mains. Je le parcours des yeux. Mon choix s’arrête assez vite sur les pates carbonara. Je continue à éplucher la carte, arquant des sourcils.
- Hmm … j’ai vaguement eu vent de cette histoire de prohibition, mais j’y ai moyennement cru. Quels sont les arguments pour justifier une telle idiotie ?
Je me contente d’ordonner un jus de pomme, en accompagnement.
- Je compte sur toi pour avoir une boisson convenable à mes pâtes.
Je souffle cette dernière phrase, m’assurant qu’elle soit la seule à l’entendre.
-Leur cuisine se fait beaucoup à base de mélanges de fruits de mer et de viandes. Je te ferai goûter le gumbo et le jambalaya. Mais tu verras que la Nouvelle-Orléans est un lieu hétéroclite. Les influences sont assez variées.
J’ajoutai dans notre langue natale afin d’éviter les risques qu’une oreille indiscrète n’écoute notre conversation.
-C’est la prohibition, chouchou. L’alcool passe par la contrebande, en produire, en consommer ou en vendre est un crime. Cela dit… Il existe bien quelques bars clandestins, et comme tu peux t’en douter…
Je le gratifiai d’un grand sourire.
-Je participe à fournir ces pauvres gens. Ceci étant… Pour répondre à ta question, les locaux ont un cocktail à base de Rye whiskey, sirop de sucre, Peychaud’s bitters et d’absinthe. Ils appellent ça le Sazerac. C’est fort, ça te fait voir des étoiles, j’adore !
Mon regard s’obscurcit soudain.
-Et ces nouveaux dieux nous suplanteront dans le coeur des mortels, prédis-je. Regarde ces gens, ils n’ont même pas conscience de leur rendre un culte.
Et ce serait probablement tout le danger de ces êtres qui émergeront tôt ou tard, si ce n’était déjà le cas. La science et l’alchimie, la technologie, l’argent que les américains adoraient tant…
C’était marrant, cette manière qu’avait Taranis de continuer à m’appeler “ma reine”. Les millénaires passaient, le panthéon avait explosé et l’ordre établi avait volé en éclat. Assujetti et vassale des romains, j’avais pu conserver mon statut mais le pouvoir avait filé entre mes doigts sans Teutatès pour siéger à mes côtés et contrainte par l’autorité des envahisseurs… La reine consort avait fini oubliée et sans la moindre influence lorsque l’Unique avait finalement écrasé les cultes polythéistes. Aujourd’hui, je n’étais plus rien ; le fantôme d’une époque révolue. Entre les nôtres qui avaient filé dans les îles du nord pour poursuivre le combat et ceux qui s’étaient dispersés…
-Je te ferai découvrir le jazz, ce soir. Et si tu es sage, nous irons poursuivre la soirée dans l’un de ces bars clandestins que j’affectionne.
La compétition ?
-Les Etats-Unis offrent de belles opportunités. Les défis ne manquent pas, à toi de voir dans quel domaine tu veux te lancer. Pourquoi pas le sport, tiens ? Tu feras craquer les donzelles avec ce visage.
Il n’était pas mal, le blondinet. Charmant, vraiment charmant.
-C’est pourtant vrai, répondis-je à propos de la prohibition. Des fidèles de l’Unique, pasteurs, femmes, convaincues que l’alcool était à l’origine des violences conjugales, ont milité pour son interdiction. Ça a duré des décennies, jusqu’à ce que le mouvement ne porte et que l'amendement soit voté. Résultat… Les autorités empochent discrètement les billets, des gangs se disputent violemment le marché de la contrebande… Ça met de l’ambiance.
Je grimaçai. Pas le genre d’ambiance que j’appréciais.
Je commandai à mon tour. Les boissons ne tardèrent pas à arriver et je glissai un clin d’oeil à Taranis avant de glisser délicatement un doigt sur le dessus du verre, traçant un cercle sensuel. La couleur du verre s’assombrit légèrement mais conserva sa teinte ambrée.
Un petit carthagène, sucré, idéal pour un apéritif. Le genre trompeur qui se buvait comme du petit lait et qui retournait la tête des mortels en quelques verres. Il n’affecterait en rien les pensées de Taranis, les dieux jouaient à un tout autre niveau.
- Je veux ouvrir mon propre bar. J’ai un local, il est parfait, je peux produire l’alcool… J’ai besoin d’un homme fort pour me protéger de la concurrence et des gros bras, pour attirer les clients et aider au service. Je te veux en associé, chouchou. Tu auras de la compétition, on sera dans la plus pure illégalité et tu auras à distribuer des baffes et des billets pour calmer les ardeurs des emmerdeurs et des policiers. On va gagner de l’argent, mais surtout… Surtout… On va s’amuser et aider cette ville à se rappeler ce qu’est la véritable Ivresse !
C’était mon devoir de déesse, mon coeur saignait pour ces pauvres gens privés d’un besoin élémentaire et contraint à la sobriété. L’alcool ouvrait les coeurs, participait aux rencontres et à la sociabilisation, c’était, avec la nourriture, un b-a-ba pour unir les gens.
Je levai mon verre, lui-même rempli d’un mystérieux liquide qui n’avait rien à envier à celui de Taranis et trinquai.
-Aux affaires !
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Louis Tessier
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Sujet: Re: A little party never killed [Intrigue III - Terminé] Dim 7 Jan - 15:46
Gumbo. Jambalaya. Des noms hétéroclites et délicieuses annonciatrices de plaisirs nouveaux, que je peux apprécier ou détester. Naturellement, je m’interroge sur les femmes de ces contrées, celles qui sont nées ici ou encore celles qui se sont acclimatées. Est-ce qu’elles ont la folie des anglaises, la passion des espagnoles ou les caprices des françaises ? Est-ce qu’elles sont des amazones audacieuses, des succubes tentatrices ou de douces nymphes ?
- Belle amie, je sais que tu fais au mieux pour alléger les peines de ces pauvres gens. Si la nuit est clémente, si nous trouvons une joyeuse compagnie, il peut être bon ton de trouver un petit cours d’eau ou une piscine et en faire un bain vivifiant et revigorant pour nos gosiers. Les plaisirs les plus bruts, les plus simples rappellent aux hommes à leur origine, à leur ancêtre, à leur passé.
Je lui fais un clin d’œil. Quoique les nouvelles divinités inspirent aux hommes et aux femmes, j’ai assez d’années dans ma bouteille pour les connaître jusqu’à la moelle. Ils sont des chasseurs. Ils sont des survivants. Les temps cléments et glorieux les rendent fat et dociles, les temps rudes et difficiles les rendent tantôt cruels, tantôt décisifs. Quoi qu’il en soit, ce goût du sang, cet instinct de survie, ce besoin d’être au-dessus de la chaine alimentaire resteront.
- Sage ? Définis la notion de sage en ces terres. Il semble que notre définition de sagesse fait de nous des criminels, dans ces environs. Par contre, il faut m’expliquer comment les pasteurs et prêtres de l’Unique mènent leurs messes, notamment ce rituel où il faut boire un peu de vin. Ils ont remplacé par du jus de raisin ?
Je me moque. Evidemment, je ne suis pas stupide. Il doit y avoir une exception pour l’Unique. Il y en a toujours. Ce panthéon est massif. Plus massif que tous les panthéons passés. Je m’interroge sur les futurs divins. Seront-ils plus importants ? Si oui, comment est-ce possible ?
Elle me parle de sport. Un large sourire s’étire sur mes lèvres.
- Je ne considère pas le sport comme un challenge, au vue de ma condition divine. Les dés sont jetés bien à l’avance, sauf si j’ai affaire avec un autre divin ou avec un humain génial ou déjà béni par un autre divin. L’esprit, voilà un domaine où je peux être à armes égales avec autrui. Ainsi que la guerre, mais je ne suis pas toujours convaincu des arguments d’une partie ou d’une autre.
L’Europe ne s’investit plus directement. Les Etat-Unis ne font plus que des calculs économiques sanglants. Qu’en est-il de ses glorieuses batailles pour étendre un Empire, pour défendre les siens de l’ennemi ? Il y a, mais dans un contexte trop complexe auquel je n’adhère que très peu. Et si je n’adhère pas, je ne participe pas. L’Homme se bat en tout temps, je tomberai bien sur un conflit qui me fait vibrer un beau jour. Jusque-là, laissons-nous porté par les vibrations et les passions de la déesse de l’Unité. Et j’entends sa proposition de business. Une lueur d’intérêt et d’amusement brillent au fond de mes prunelles.
- Mes boissons favorites à portée de main. Gueuler plus fort qu’un autre. Taper plus fort qu’un autre. Négocier avec les diplomates et des flics. Faire dévier des fidèles de l’Unique. Et passer du temps avec ma déesse chérie. Que demandez de plus ? A notre affaire !
Je trinque. J’avale le liquide ambré. J’en apprécie chaque seconde. Alors, je trempe un doigt dans le verre, me saisis de la main de la divinité, dépose la goutte d’alcool sur la poignée – en équilibre précaire –, traine encore le contact jusqu’à la base de la base de l’index. Alors, je dépose mes lèvres sur la goutte en question, je maintiens le contact visuel autant que possible.
- Le meilleur carthagène que je n’ai gouté jusqu’à ce jour.
Je relève le torse, mais garde le contact. La suite de ce repas se passe sans anicroche. Je profite de chaque occasion pour l’effleurer, pour la couvrir d’un regard tantôt taquin, tantôt chaleureux, tantôt envieux ou encore pour la faire rire jusqu’à ce qu’elle en a mal au ventre. Les verres s’enchainent, mais les quantités d’alcool raisonnables sont insuffisantes pour qu’on soit ivre et perdu. La fin du repas sonne.
- Du jazz, hein ? Qu’est-ce que tu aimes particulièrement ?
J’en profite pour la saisir à la taille et ainsi maintenir ce contact. Je la connais suffisamment pour savoir quand la lâcher, quand l’approcher et ainsi de suite.
-Mais quelle merveilleuse idée ! Un bain de bière !
Taranis avait toujours eu les bons mots pour me faire vibrer.
Je plissai les yeux en l’écoutant. Mais qu’est-ce qu’il racontait ? Ma définition de la sagesse, il la connaissait parfaitement !
-Parce que tu te soucie réellement de respecter la loi ?
La loi, c’était nous. Rien d’autre ne comptait que notre volonté et la résistance farouche que nous opposerions à ce régime oppressif de prohibition !
-Il y a une tolérance pour les petites consommations dans les foyers et pour certains cas de figure. Ce serait trop beau que l’Unique en pâtisse… La consommation d’alcool est interdite en dehors des ménages : les bars, les restaurants, la voie publique… Il est interdit d’en produire et d’en vendre, en résumé.
N’importe quoi…
-Oh tiens donc. Et à quels genre de défis d’esprit tu aimerais te mesurer ? demandai-je curieuse.
Je haussai les épaules.
-Bah ! Va donc incendier quelques églises si tu veux faire la guerre. Pas besoin d’une armée quand on a déjà un ennemi.
Cela revenait à se pointer une cible sur la tête, mais Taranis n’avait jamais été quelqu’un de très prudent. Le genre à cogner d’abord et à se soucier ensuite des conséquences, me semblait-il. J’allais le tenir occupé ces prochains mois cela dit, il y avait de quoi faire et s’amuser aux Etats-Unis.
Je lui souris, charmée par ses propos. Mon programme semblait lui plaire, j’appréciais son engouement… Et je suivis des yeux le tracé de la goutte d’hydromel, frissonnai…
-Tu m'a manqué aussi, lui dis-je en le fixant du regard…
Intense.
Le repas fut chaleureux. Deux vieux amis qui se retrouvaient après une longue séparation, des tas de choses à se raconter… Nous finissâmes par payer et nous retirer. Et alors que Taranis posaient ses bras autour de ma taille, je glissai délicatement ma main dans la sienne et me hissai sur la pointe des pieds pour venir chercher ses lèvres.
-La sensualité… lui soufflai-je au creux de l’oreille après un instant.
Une délicieuse soirée en perspective, et plus encore. A ses côtés je me sentais pousser des ailes. Taranis partageait ce petit grain de folie avec moi et se laissait volontiers entraîner dans mes projets. Le bar naquit et nous donnâmes tout ce que nous avions sans penser au lendemain. Et lorsque nous nous retrouvâmes inquiétés par les forces de l’ordre, nous quittâmes la Nouvelle Orléans pour poursuivre notre œuvre dans une autre ville. Je me nourris de la cohésion et du bien-être que nous offrions aux autres, de cette unité que faisaient naître les fêtes et les boissons que nous distribuions sans compter.
Aujourd’hui encore, je repensais à cette folle période avec nostalgie. Quelques années fort amusantes que je n’oublierai pas de sitôt !
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A little party never killed [Intrigue III - Terminé]
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