The weak ones are there to justify the strong | Jana & Johannes

The weak ones are there to justify the strong

Jana & Johannes

La réunion stratégique du conciliabule formé par les panthéons slave, nordique et grec s'achevait. Jana y était arrivée comme une fleur, comme à son habitude, rejoignant Chernobog qui l'avait invitée ainsi que les autres divinités présentes. Si elle ne connaissait pas tout le monde à cette petite sauterie, quelques-uns lui évoquaient des souvenirs, comme si leurs noms avaient été entendus dans des conversations qu'elle avait pu avoir avec certains de ses enfants, ou de ses espions. Les ordres étaient clairs à présent et chaque personne qui quittait cette salle devrait pouvoir entamer son travail. Jana avait pu y retrouver néanmoins une tête familière - deux en fait - qu'elle n'avait pas revu depuis un moment. Johannes Von Reiner. Son rejeton, amant d'antan, prodigieux vampire lorsqu'il y mettait le cœur à l'ouvrage et qu'il embrassait pleinement son rôle et sa destinée. Ils s'étaient accrochés un peu, pendant la réunion, mais Jana avait coupé court à tout déballage en public. Ce n'était ni l'heure, ni l'endroit. Maintenant que le plus important était décidé, peut-être pourrait-elle tirer les vers du nez au jeune strigoï.

Sortant de la pièce avec Keyra à ses côtés, elle lui glissa quelques mots en lui disant qu'elles pourraient rediscuter des décisions prises ce soir pour organiser les différentes traques. Elle s'appuya contre le mur, attendant que Johannes et la petite Alcina ne sortent de la salle, bras croisés. Lorsqu'elle les vit, elle sourit au premier, puis dit simplement à la seconde, en polonais, puisque visiblement c'était le seul langage qu'elle connaissait :

« Kochanie, zostaw nas w spokoju, dobrze? Dorośli muszą porozmawiać. » Ma puce, laisse-nous, tu veux ? Les adultes doivent discuter.

Fit-elle avec un petit geste de la main, comme si elle chassait une mouche. Sa désinvolture agacerait sans doute Johannes, elle comptait presque dessus. Il n'était pas le seul à avoir été déçu par l'autre membre du couple.

« Quelle bonne surprise que de tomber sur toi, mon amour ! Enfin, "surprise", tout est relatif. Je savais que tu viendrais. Et "bonne"... Peut-être pas pour tout le monde. »

En réalité, elle était bien ravie de le revoir.

« Ca fait quoi... cent ans, qu'on ne s'est pas vus ? Je suis désolée, j'ai tendance à perdre le compte. C'est fou comme les jours passent et se ressemblent, sans toi. »

Elle lui sourit, dévoilant de belles dents parfaitement rangées... desquelles les crocs n'étaient jamais bien loin. Un plateau de mignardises passa, et elle en piqua une, plus pour occuper ses mains que par réel plaisir. Son vrai repas l'attendait à la maison.

« J'y croyais pas, au début, quand j'ai su que tu avais transformé ton propre vampire. Les félicitations pourraient être de rigueur, si tu ne l'avais pas tenue éloignée de sa famille. C'est presque criminel d'ailleurs, de la priver de tout cet enseignement pourtant à sa portée. Que lui as-tu dit, pour qu'elle te rejoigne ? Je suis curieuse. »

Elle l'était, réellement. Un mélange de curiosité et de lassitude.

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We enjoy the night, the darkness, where we can do things that aren't acceptable in the light. Night is when we slake our thirst.
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Codage par Libella sur Graphiorum

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Johannes von Reiner & Jana Dracea de Manesti

« DANS PARIS, 05 JANVIER 2022 »

Je boue intérieurement sous l’effroyable densité de sentiments, souvent violés, que j’éprouve depuis que j’ai senti Sa présence. Jana est là. Et bien là. Presque un siècle… Et je me souviens très bien de notre dernière entrevue, rageuse et violente, nus et couverts de sang –le sien et le mien- alors que le reste de la cabale s’interpose et que je jure de mettre à profit notre éternité pour me venger. Nous ne nous étions plus jamais revus, ni même croisés, depuis ce soir. L’Ordre du Dragon avait fait sans moi, alors que notre histoire commune n’avait duré que 120 ans alors que l’organisation vivait depuis plus de dix fois, vingt fois cette durée-là. Qu’importe au fond. Je leur ai tous tourné le dos quand j’ai découvert la nature de sa duplicité, à elle, et que j’ai décidé dès lors de mener une vie d’errance, malédiction vivante pour l’Homme qui est ma proie. En sortant avec Alcina, je constate d’un regard noir que la Strigoï est déjà là et fatalement, m’attend…

Jana n’est pas suffisamment passée à autre chose pour m’ignorer. Pas plus qu’elle ne laisserait s’échapper l’opportunité de me faire du mal, d’une façon ou d’une autre. Elle commence par congédier Alcina, qui me consulte du regard et je hoche la tête, venimeux.

La brune joue déjà avec mes nerfs. Et ça ne fait que commencer.

| J’ai vu que le Dieu de la Malice et de la Ruse m’avait caché qu’il frayait avec d’autres Nocturnes Rouges… |

Et sans m’en sentir trahi puisque le type est roublard et ne m’a jamais rien promis, je le retiens, mais je me sens en tout cas en colère, pris sur le fait de la petite surprise réservée. Je corrige machinalement Jana qui a dû compter les jours de notre séparation.

| 81 ans. Trois mois, et six jours. |

Et je fais la grimace, impatient.

| Au fait, Jana, si tu avais voulu me retrouver cela ferait bien longtemps que je serais revenu pour me tenir à deux pas derrière toi, sur ta droite. Comme le chouette petit animal de compagnie à crocs que tu t’es toi-même créé. |

Etais-je brimé et malheureux, à son service ? Il y avait eu des compensations, jadis. Qui faisaient plus que redresser la balance… Et puis, moi aussi, j’avais reconnu ce manque. Que j’avais dû balancer au fond d’une fosse et ensevelir sous le poids de ma bonne vieille haine. Je regarde Jana prendre pour la forme un amuse-bouche, que je décline d’un regard sans même hocher la tête.

| Tu n’es pas sa famille. Ni l’Ordre. Sa famille doit apprendre à vivre sans elle, parce qu’elle est morte. |

Jana comprendra donc que je n’ai pas vraiment eu le choix, et ne l’ai pas transformée de sa volonté à elle.

| Je n’ai rien eu à dire. Elle m’a sauvé la vie. J’ai sauvé la sienne. J’avais besoin de te remplacer auprès de moi ; j’ai même eu la chance de trouver mieux. |

Hop, coup de casque frontal, cent pour cent gratis.

| Nous n’avons rien à voir avec la cabale, et seulement envers Loki. Si tu veux me convaincre de revenir et de retravailler avec toi, ou pour toi, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Ça te changera de te le fourrer ailleurs, en plus. |

Au loin, je vois l’autre ancêtre qui pue la puissance et la terreur et je frémis.

| J’ai toujours su que tu étais une chienne, mais j’aurais dû deviner qu’il y avait quelqu’un au bout de la laisse. |

Et pourtant, je suis content de voir qu’elle est toujours en vie. Pour mieux la tuer moi-même, sûrement.

(c) DΛNDELION

Johannes von Reiner - Red Thirst
Innocence proves nothing

6AM christmas morning. No shadows, no reflections here. Lie cheek to cheek in your cold embrace. So soft and so tragic as a slaughterhouse. She pressed the knife against your heart. And say that 'I love you' so much you must kill me now. I love you so much you must kill me now... If I was your vampire, slim as the moon. Instead of killing time, we'll have each other till the sun. If I was your vampire, death waits for no one. Put my hands across your face, because I think our time has come. Oupyr
(c)codage - Kanala - texte (c)If I Was Your Vampire - Marilyn Manson

Spoiler:

The weak ones are there to justify the strong

Jana & Johannes

Jana se délectait de l'effet qu'elle avait sur les hommes, et Johannes n'avait pas fait exception, en son ère d'humain. Subjugué par sa beauté dont elle jouait sans effort, il était tombé dans ses filets, à ses dépens, comme il l'avait compris bien plus tard. Bien trop tard, en fait, puisqu'au moment où il avait compris qui elle était, il était comme elle. Et au moment où il avait compris ce qu'elle avait fait pour le rallier à sa cause, il avait déjà commis tant de méfaits qu'elle était indissociable de lui, de ses souvenirs et de ses désirs. Ce soir ne faisait pas exception non plus, même si les sentiments qui semblaient l'animer étaient différents. La rancœur semblait toujours présente, couplée à un agacement qu'il ne cachait pas, et une certaine rage, de la voir, encore et toujours dans son sillage après tant d'années.

Son sourire s'étira lorsqu'il la corrigea sur le temps passé loin d'elle. C'était mignon, en fait, qu'il s'en souvienne avec autant de précisions. Un regret, peut-être ? Un traumatisme ? Pas d'inquiétude petit Johannes, maman est là. Ses repères étaient à portée, il n'avait pas à s'inquiéter et n'avait qu'à tendre la main pour les saisir. Et il avait de la chance, elle n'était pas rancunière (...). Pleine d'altruisme (...), elle était prête à reprendre son entraînement là où il l'avait lâchement abandonné, quatre-vingt-un ans plus tôt, du coup sans lui en tenir rigueur (...).

Son lien avec Loki ne la surprit pas vraiment. Elle avait beau ignorer la réelle nature de ce dernier, elle se doutait bien qu'il n'était pas arrivé là par hasard, et cela ne pouvait pas être Chernobog qui était son contact car cela, elle l'aurait su. Elle avait parié sur un des dieux de l'assemblée, sans pour autant miser plus fortement sur le seigneur de la malice. Cette pensée réchauffa ses entrailles de fierté. Il savait choisir ses alliés. Même s'il manquait de vision d'ensemble. La faute à la jeunesse, après tout.

« Ce n'est pas un mauvais choix, de s'acoquiner avec le dieu Loki lui-même. Fais attention tout de même à ne pas oublier ceux qui t'ont fait naître. »

A multiplier les loyautés, on n'en honorait vraiment aucune et cela aurait contrarié la comtesse, qu'il ne se plie pas aux règles élémentaires qu'elle lui avait instauré. Sa petite pique entra par une oreille et sortit par l'autre, et elle préféra plutôt se concentrer sur lui. Les années ne lui avaient rien enlevé de son charme. Il semblait plus dur, plus sûr de lui. Et ce petit air agacé réveillait en elle un désir qui lui brûla les reins.

Ainsi donc la petite vampirette à ses côtés avait été transformée en mourant. Curieuse sensation de déjà vu finalement, dont l'ironie la poussa à laisser échapper un petit rire, qu'elle contrôla bien vite :

« Hm. Pour quelqu'un qui déteste sa créatrice, tu répètes pourtant le même schéma avec ta propre progéniture. Intéressant, tu ne trouves pas ? »

Les psychologues auraient sans doute du boulot avec celui-là, à commencer par décortiquer pourquoi il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour l'éviter et la fuir, après tout ce qu'ils avaient traversé. Enfin, elle n'était pas psy, c'était d'un ennui ! Elle était strigoï, et c'était bien mieux. Elle ne releva même pas l'attaque gratuite - aouch, ça faisait un peu mal quand même... - et préféra l'ignorer car elle ne se basait sur rien, en fait. Cette pâle copie qui n'avait de similaire que le statut vampirique ne l'impressionnait pas, et Jana savait bien qu'elle ne lui arrivait pas à la cheville. Lui le savait, aussi. Mais le fait qu'il ait besoin de le dire, de le statuer, montrait qu'il essayait de faire passer un message... Comme un roi ayant besoin de répéter tout le temps qu'il est roi, vous voyez ?

Elle piqua un nouveau canapé qui passait par là, puis reposa son regard sombre sur lui :

« Jo, mon cher Jo... Je comprends ce besoin d'émancipation, crois-moi. Je l'ai vécu, avec mon propre créateur. Mais je ne suis pas lui, et tu n'es pas moi. Mais puisque tu as l'air d'avoir mûri, je suis prête à laisser notre passé de côté et te laisser venir retravailler avec moi. »

Par pour elle, mais avec elle. Et la nuance était importante. Elle l'avait couvé, elle lui avait enseigné ce qu'elle savait. Bon, avant qu'il ne la poignarde dans le dos en partant, mais bon.. Il fallait faire des compromis, surtout dans une relation centenaire, elle avait du lire ça quelque part... Bref, tout cela pour dire qu'elle était prête à faire un pas vers lui et le considérer comme un vrai vampire, et pas son rejeton à qui elle devait tout apprendre. Même s'il en avait, des choses à apprendre. Et que jamais elle ne se lasserait de le lui enseigner.

« Tu l'as vu, là-dedans. Les enjeux sont plus grands que simplement nous. On doit penser plus large, plus grand. Notre race a beaucoup à apporter dans le combat à venir. Et je pense que tu le sais, sinon tu ne serais pas venu. »

Il devait bien l'avoir senti, malgré son jeune âge.

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Johannes von Reiner & Jana Dracea de Manesti

« DANS PARIS, 05 JANVIER 2022 »

L'a-t-elle perçue, cette hésitation, cette ouverture ? J'ai pu faire abstraction d'elle pendant près d'un siècle, mais maintenant qu'elle est là, c'est comme une présence qui revient directement dans mon ombre. Quelque chose de pesant, d'incompressible. Je sais que je suis en danger, mais je sais aussi que je peux tenir bon, cette fois. La vampire est incontrolable. Et je ressens les mêmes élans de loyauté, d'une fidélité naturelle que je lui dois par son statut comme par son âge, et sa puissance. J'ai la haine, pour elle. Mais c'est comme si je ne peux pas m'empêcher de ressentir intérieurement le plus profond respect. Je pourrais la tancer indéfiniment, et pourtant si quelqu'un vient ensuite lui tirer dessus je serais fichu de m'interposer. Je me déteste pour ça, et je la hais plus encore. Cette garce manipulatrice a foutu ma vie en l'air, et en a fait de même avec ma mort. Chienne de non-vie qui se prolonge indéfiniment...

Jana semble heureuse de me revoir. Et je vois comme toujours, dans le fond de ses yeux noirs, le même brasier que jadis, le même qui me glace ou m'ébouillante les entrailles. Je la hais, je la hais, je la hais.

La condescendance dont elle fait toujours preuve rappelle sans cesse qu'elle est autant ma mère que mon ancienne compagne, et aussi, une radasse prétentieuse et impénitente.

| Je n'oublie jamais ; la haine est trop forte. |

Je suis venimeux, encore, et pour toujours. Mais ce n'est pas loin de la vérité, au contraire.et c'est pire encore quand elle se marre, et que je vois en plus que son regard dévoile un brasier que je ne connaissais que trop bien. Seigneur... En sortira-t-on jamais?

| Sauf que moi, je ne suis pour rien dans sa mort. Et je n'ai pas tué sa famille. Tu m'as transformé parce que tu avais besoin d'un animal de compagnie. Je l'ai fait pour Alcina car j'avais une dette envers elle. |

Et autre chose, quelque chose que je n'arrivais pas à identifier. Le besoin de combler une certaine solitude ? Un besoin « biologique », pour le peu que ça ai un sens chez les mort-vivants que nous sommes ? Allez savoir. Je me creuse le cerveau depuis que tout ça est arrivé, et je n'ai toujours pas la solution à ce problème.

La voilà qui me redonne du « Jo » comme jadis, quand elle le susurrait au creux de mon oreille après l'amour, ou qu'elle m'appelait sous les rafales des armes à feu, ou le cliquetis des armes blanches. Du murmure sensuel au claquement sec d'une voix habituée à commander... Et qui toujours me chamboule l'estomac, depuis deux siècles. Son aplomb me laisse toujours pantois, et je sais aussi que je dois continuer de lui tenir tête, même quand c'est le plus difficile. Sinon, Jana ne comprendra jamais que j'ai changé.

Le suis-je seulement, changé?

| Je ne suis pas prêt à enterrer le passé, tant que je ne t'aurais pas enterrée toi. |

Autant rester frontal. Je me revois encore préparer le coup fatal, et le revirement d'allégeance qui aurait enfin sa peau.

| Tu n'es pas mon employeuse. Tu n'es pas non plus mon alliée, sauf si Loki fait la bêtise de nous mettre sur la même mission. |

Je ne crois pas du tout qu'elle soit capable de travailler AVEC qui que ce soit. A côté, éventuellement. Au même moment, aussi. Mais avec ? J'en doute fortement. Et je continue de la rejeter. Qu'elle comprenne que jamais je ne redeviendrais sa chose, et que je lui en veux toujours à mort.

| Je suis simplement venu parce que je suis son employé. Tu comprends ? Je me fiche de ma race, de toi, de notre créateur. Je ne fais pas tout ça par loyauté, ou par devoir. Mais j'éprouve mon immortalité pour un beau combat, pour une mission qui en vaut la peine. Et qui rapporte. Je vis bien. Je vis pour moi. Et c'est tout ce qui m'importe ; désormais, je vis aussi pour Alcina, parce que j'ai une responsabilité envers elle. C'est ça que tu m'as appris, pas vrai ? Alors, elle prime sur tout le reste. Parce qu'elle n'a pas choisi. J'ai tué gratuitement trop de gens, j'ai brûlé, j'ai massacré et j'ai forcé pour votre compte trop longtemps. J'ai mérité ma liberté, parce que j'ai eu la force de la prendre malgré toi. |

Est-ce que j'ai l'air aussi sûr que je le souhaite, aussi indifférent qu'il le faudrait, alors que je ne peux plus me détacher de son foutu regard?

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Jana & Johannes

Johannes n'avait en tout cas pas perdu de sa verve pendant toutes ces années. De quoi presque rendre Jana fière, si elle ne l'était pas déjà. Il avait beau lui avoir échappé, elle ne pouvait pas nier qu'il avait été un bébé vampire dont elle se souviendrait pour toujours. Il avait fait preuve de volonté, une fois sa transformation acceptée, et il avait mis du cœur à l'ouvrage, que l'ouvrage soit une partie de jambes en l'air dans une mare de sang, ou bien le démembrement de plusieurs dizaines d'humains. Jana ne pouvait qu'être admirative des élans de noirceur et de destruction qu'il lui avait montré, pendant les années où ils étaient ensemble, longues car éternelles, mais trop courtes en même temps car révolues.

Malgré tout, Jana ne pouvait pas s'empêcher de rectifier à son tour des faits qu'il lui envoyait au visage, mais qui selon elle étaient erronés. Elle soupira, en entendant sa défense - sérieusement, il était encore bloqué au meurtre de famille ? Il s'agirait de passer à autre chose quand même maintenant - puis lui répondit, le toisant de toute sa hauteur en talons :

« Je ne t'ai pas transformé pour avoir un animal de compagnie, je l'ai fait parce que je t'aimais bien. »

Etait-ce mieux, ou pire, comme raison ? Elle avait sa petite idée quant à la réponse, et sans doute que lui aussi.

« Oh, et tu peux m'enterrer si ça t'amuse. Mais je reviendrai, car je reviens toujours. Si tu veux te débarrasser de moi, il faudra faire mieux que ça, chéri. »

Il savait très bien comment tuer un strigoï. Le fait qu'il n'ait pas mentionné cette mort par l'argent ou la décapitation suscitait son intérêt. S'il la haïssait tant, pourquoi voulait-il "simplement" l'enterrer et non pas la tuer ? Il semblait pourtant bien vouloir ne pas se laisser faire, et elle admirait également sa force d'esprit, de ne pas faiblir face à elle, après toutes ces années, tout en sachant bien qu'elle pourrait le tuer en une fraction de seconde, si elle le voulait. Mais elle ne le voulait pas, et il devait sans doute le savoir. Sinon pourquoi tolérer cette discussion peu cordiale ?

Elle l'écouta détailler la raison de sa venue, sans pour autant vraiment y trouver son compte. De qui se foutait-il ? Il voulait s'émanciper, d'accord, mais raconter autant de salades n'était pas vraiment nécessaire. Jana n'y croyait pas trop, pas quand elle croisait son regard, enflammé et dur certes, mais un peu curieux, et intense. Avec un air insolent et un doute feint - mais pas tant que ça en définitive, elle reprit, léchant ses doigts pour y récupérer la sauce du petit four qu'elle venait d'engloutir :

« Alors, c'est quoi du coup, j'ai pas tout compris : tu es libre, ou bien tu travailles pour Loki ? Tu as une dette envers Alcina, ou bien tu l'as remboursée en lui "sauvant" la vie ? Tu veux me tuer, mais tu me dévores des yeux ? »

Tout cela lui paraissait bien compliqué. Surtout quand l'alternative était simple et claire, aussi claire que le nez au milieu de la figure. Mais son comportement lui rappelait le sien, des centaines d'années auparavant, quand l'attrait de la nouveauté avait cessé, et que son désir de vivre pour elle-même avait été plus fort que son besoin de son créateur. Mais ce désir, elle l'avait assouvi en prenant la tête de l'Ordre, et en en assurant le développement. Pourquoi ne pouvait-il pas faire la même chose ?

« Un "beau" combat ? Mouais, garde-ça pour tes coups d'un soir s'il te plaît, je ne suis pas née de la dernière pluie. Des combats, j'en ai vu des centaines, et ça finit toujours de la même façon : les vainqueurs s'enrichissent, les perdants tombent dans l'oubli. Si tu veux vraiment gagner ta vie et travailler pour une cause qui rapporte, alors il te faut comprendre comment le monde fonctionne. Mon réseau peut t'y aider. »

Elle s'approcha de lui. Il ne lui ferait rien de toute façon, pas ici, avec tout ce monde. Et pas avec ce brasier au fond des yeux qui appelait en écho le sien.

« Tu as besoin d'appui, Johannes. Même toi. Que peuvent faire deux strigoï contre le reste du monde ? Ils seront vite limités, même si leurs gènes sont excellents. » finit-elle en dévoilant un sourire carnassier.

S'autocomplimenter n'avait jamais fait de mal. Et puis si elle voulait un compliment, elle devrait se l'offrir à elle-même, puisque c'était pas cet ingrat de Johannes qui lui en donnerait un ! Jana désigna d'un signe de tête rapide la jeune Alcina, de dos par rapport à eux.

« Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour elle. Construis avec moi quelque chose auquel elle pourra se raccrocher, quand tu ne seras plus de ce monde. »

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« DANS PARIS, 05 JANVIER 2022 »

Je ne comprends pas. Où sont sa colère et sa haine, elle qui est tant capable des pires excès par colère ou par rage ? Je suis surpris. Presque déçu, somme toute, qu’elle adopte cette attitude plutôt qu’une sainte colère qui serait bien plus susceptible de trouver de l’écho dans mes propres mots… Plus facile d’haïr quelqu’un qui vous hait aussi, en fin de compte. Mais de la même façon, j’aurais été bien stupide de penser qu’elle me simplifierait la vie. Mais la voir avec ce petit sourire enjôleur, ce regard pétillant… Comment peut-elle me considérer avec cette fierté perverse, au regard de la situation ? De ce qu’on a vécu il y a quelques décennies ? Du poids des mensonges, et d’une séparation haineuse ?

Je ne sais pas. Ca me perturbe.

Je me sens pris au contrepied.

C’eut été tellement plus simple qu’elle me déteste pour avoir essayé de la buter, pour lui avoir tourné le dos, et pour avoir évité la cabale et refusé sa proposition d’embauche… Je pensais devoir subir bien plus que ça, surtout au regard de notre séparation, et désormais aux conditions de nos retrouvailles. Je fronce les sourcils.

| Parce que tu m’aimais. De la plus odieuse et perverse des façons. Mais ce que tu aimes, tu le brises d’abord, et tu l’utilises ensuite. |

Le ton est acide, venimeux. J’ai presque envie de me frapper le front quand elle prend littéralement ma menace. Sérieusement… Je parlais de l’enterrer certes, mais de la buter d’abord, elle ne l’a pas compris, elle s’en fout, elle cherche à me faire tourner en bourrique ? Ca marche. La colère pourrait me faire trembler si j’étais encore humain, ce qui n’est plus le cas depuis plus de deux siècles maintenant.

Seigneur, que je déteste son propre froncement de sourcils de maîtresse d’école, qui préviennent toujours ces moments où elle va donner une leçon à quelqu’un… Et j’ouvre grand la bouche, avant de la fermer et de la dévisager d’un regard noir, avec la plus extrême fureur.

| Depuis quand confonds-tu le désir avec la haine ? |

Je n’ai pas pu troubler les signaux à ce point, si ? Seigneur, elle recommence déjà ses sales petits jeux et je retombe dedans aussi sec.

| Je suis un prestataire de sécurité, comme on dit aujourd’hui. Ca veut dire que Loki est mon client, mais je reste libre ; je n’ai plus dieux, ni maîtres. Ils se sont tous avérés décevants en fin de compte. |

Dieu, le Roi, l’Empereur, Jana, d’autres depuis. Je les rejette tous, et Loki n’a certainement pas sur moi l’ascendant qu’ont eu d’autres –dont elle- dans le passé sur ma vie.

| Tu sais comme moi quels sont les devoirs que l’on a envers nos rejetons. C’est toi qui me les as appris. Je lui suis autant redevable que débiteur de cette malédiction que je lui ai transmise. |

Quant au reste, elle revient à la charge. Et je me crispe, me recule un brin, quand la beauté brune se rapproche et abolit toute distance entre nous. Jana me propose un accord, un arrangement, et se jette des fleurs au passage.

C’est incroyable comme je la hais et comme je l’aime. Mais je la hais, surtout.

| Mais je ne suis pas en guerre contre le reste du monde, Jana. Et je ne cherche pas à accomplir un quelconque potentiel ou une destinée manifeste, ou que sais-je… J’aime bien ma vie. Je fais ce que je veux, quand je le veux, avec qui je veux, et j’en retire du pognon en quantité qui me permet de recommencer ce cycle là. Dans mon coin. Au dessus des considérations des autres. |

Je la toise, colère redescendue.

| Tu ne m’as jamais appris à me sacrifier pour une cause, si ce n’est le simulacre de familles que tu as formée autour de toi, entre tes jouets sexuels, tes objets guerriers et tes putes comploteuses, tous te servent d’une façon ou d’une autre. C’est fini, ça, pour moi. |

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Quelques personnes passaient à côté d'eux, sans vraiment leur prêter attention. Ou alors en les ignorant royalement. Cela convenait parfaitement à la vampire qui avait tout ce dont elle avait besoin en face d'elle, ou presque. Son jeune rejeton était tout ce qu'elle aurait pu espérer de lui : indépendant, résilient. Presque un peu trop, puisqu'il continuait à vouloir lui résister, malgré tout ce qu'elle pouvait mettre en place. Il avait de la chance, car pour l'instant, cela l'amusait. Pour l'instant.

Elle fronça les sourcils cependant, lorsqu'il critiqua la façon qu'elle avait eu de l'aimer. De l'élever. De le transformer. Loin d'être sensible face aux critiques, il lui semblait pourtant là qu'il se fourvoyait sur les raisons qui l'avaient poussée à le transformer. Ce n'était pas tellement un ennui, pas comme cela avait été le cas pour certains. Pas de la peur ou rien. Mais un sentiment puissant, une sorte de certitude, de conviction qu'il pouvait être à la hauteur. Un désir, et une envie de fouler ce sol avec lui et avec personne d'autre. Un voeu silencieux à la violence, le sang et la mort. Mais ensemble, sinon pas. Ce qu'il avait trahi, d'abord en s'éloignant, puis en tentant de la tuer. Enfin, Jana n'était pas née de la dernière pluie et elle n'allait pas jouer la vierge effarouchée non plus. Quel couple n'a pas de dispute, après tout ?

« Tu n'es pas brisé. Tu ne l'as jamais été. Tout ce que j'ai fait, ça t'a rendu comme tu l'es aujourd'hui. Ca t'a rendu plus fort, et prêt à embrasser qui tu devais être. J'avais vu ce potentiel en toi, je te l'avais dit. »

Elle ne lui avait pas menti, le soir de sa transformation. Et elle savait qu'il s'en souvenait.

« Il me semblait pas que t'étais un lâche, non plus. Pourquoi te dédouaner de ce que nous avons fait ? De ce que tu as fait ? Je t'ai appris à assumer tes actes et à en être fier, pas à te cacher derrière quelqu'un pour justifier ta fuite. »

Elle ne l'avait pas utilisé. Pas vraiment, du moins. Donner les moyens et l'impulsion nécessaire à quelqu'un pour embrasser sa destinée, était-ce l'utiliser ? Jana lui répondait sur le même ton, rebelle, acerbe. Pas question de se laisser malmener par son jeune vampire. Enfin, sauf quand elle était consentante, bien sûr.

« J'ai beau être vieille, j'ai bonne mémoire. Je connais ton regard. J'en connais toutes les nuances, et toutes les subtilités que tu veux pas t'avouer à toi-même. Il y a de la haine, oh oui. Mais il y a du désir, aussi. »

Un savoureux mélange qui la faisait sourire. Pas de condescendance cette fois, mais de réelle satisfaction. Comme si elle avait gagné une guerre silencieuse. Alors que non. Mais la haine n'était-elle pas qu'une autre facette de l'amour ? Rien n'était gagné. Mais Jana appréciait le défi qu'il lui portait, dans sa posture, dans son regard, dans ses paroles. Il savait qu'elle ne se débinerait pas, tout comme elle savait qu'il tirait un quelconque avantage à leur discussion. Sinon, il aurait déjà tourné les talons.

La vampire pouvait presque sentir sa colère transpirer à travers les pores de sa peau. Pas besoin d'être une fine observatrice pour le voir tant elle pouvait le lire dans ses yeux. A présent proche de lui, elle le vit faire un léger pas en arrière, ce qui aurait pu lui faire mal au cœur. Elle secoua la tête à sa réponse, qu'elle trouvait insuffisante.

« Et pourtant, t'es là. Au sommet des dieux. Pour quelqu'un qui veut pas se mêler des conflits des autres, tu sembles déjà bien t'impliquer. »

Elle leva la main, pour l'empêcher de la contrarier et reprit de suite :

« Je sais ce que tu vas me dire. Que tu as flairé l'opportunité de te faire encore plus d'argent. Et je te répondrais que Loki aurait très bien pu te fournir les cibles après, sans que ta présence ne soit nécessaire. »

A moins qu'il ne soit venu dans l'espoir de la voir elle. Si la pensée la séduisait, elle n'y croyait pas une seule seconde. Sauf si c'était pour la tuer, ce qui, étonnement - ou pas- était beaucoup plus crédible.

« Tu trompes, sur le reste du monde. Ce conflit nous concerne, même si on est pas des dieux. Ce n'est qu'une question de temps avant que les strigoï ne soient identifiés et ne deviennent des cibles. »

Elle soupira, s'approchant encore un peu de lui.

« Sans compter que si tu ne t'impliques pas et que Loki crève, tu peux dire adieu à ta thune. »

Jana fit quelques pas en le contournant, laissant ses doigts courir sur les coutures de son costume, en détaillant les reliefs. Les sens en alerte, comme à chaque fois qu'il était à proximité, la faim réveillée, elle contemplait sa stature, se remémorant d'agréables moments passés en sa compagnie. Quand rien d'autre qu'eux ne comptait. Enfin, ça, et le nombre de cadavres qu'ils laissaient derrière eux.

Ah, le bon vieux temps.

La comtesse aurait bien donné beaucoup pour pouvoir se retrouver de nouveau dans ses bras, à lutter pour le contrôle fiévreux d'une étreinte passionnelle, subissant ses coups de reins tout autant qu'il sombrait sous ses mordantes attentions. Elle passa dans son dos, un léger sourire sur les lèvres, époussetant doucement son costume. Puis revint devant lui, appréciant le ton un peu plus posé de leur échange à présent.

« Tu parles de devoir envers ta fillette. Et ton devoir envers ta génitrice, hein ? Ton devoir envers ton Maître, ou ton Dieu créateur. Ce sont tous les mêmes, finalement : la loyauté, et la lutte pour perpétrer notre espèce dont tu fais partie. Et ta chère Alcina, également. »

Jana se détourna un peu, jetant un œil à la jeune blonde qui était un peu plus loin, seule, avant de ramener son attention sur lui. Elle déplaça ses doigts agiles jusqu'à arriver près de son cou, glissant le long du nœud de la cravate pour faire mine de la réajuster.

« Ca m'attriste, que tu ne me l'aies pas présentée, elle est de mon sang, elle aussi. J'ai du prendre les devants, pour la rencontrer. Pas d'inquiétude, elle est encore en un seul morceau, comme tu peux voir. Je sais me tenir. » lui dit-elle, affichant un grand sourire.

Les choses auraient pu être bien différentes, s'il était resté. Jana n'oubliait rien, ni sa colère, sa rancœur ou son désir de vengeance. Une vengeance qu'elle jugeait caduque néanmoins, maintenant que tant de temps avait passé. Concernant la petite vampire, Jana avait agit sans attendre son feu vert, et elle l'avait rencontrée, interrompant une transaction menée sans doute avec brio.

« Comment tu comptes la protéger, si tu ne connais pas l'ampleur de la menace ? Les petits pions sont les premiers à tomber, tu le sais, tu me l'as suffisamment reproché. Tu penses que Loki te défendra, le moment venu ? Ma méthode est perfectible, oui, mais elle fonctionne. »

Plutôt se placer au sommet de la vague plutôt que dans son ventre, pour anticiper les changements, les dangers. Elle tira un peu sur sa cravate pour le faire se pencher vers elle, juste un peu. Son odeur embauma ses narines, et elle frémit, pupilles dilatées.

« Chernobog nous a créé. Il veillera à notre salut, à tous. Et s'il ne le fait pas, je le ferai. Tu peux être du bon, ou du mauvais côté de la barrière, au moment où cela se décidera. Je t'ai déjà fait cet ultimatum, si tu t'en souviens bien. Maintenant il est temps de choisir. Es-tu vraiment prêt à te passer de la force de frappe de l'Ordre ? Ou de sa protection ? Et ta vampire, qu'est-ce qu'elle dirait si on lui demandait ? »

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We enjoy the night, the darkness, where we can do things that aren't acceptable in the light. Night is when we slake our thirst.
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Codage par Libella sur Graphiorum

The weak ones are there to justify the strong

Johannes von Reiner & Jana Dracea de Manesti

« DANS PARIS, 05 JANVIER 2022 »

A quel moment me suis-je dit que cet échange était une bonne idée ? En vérité, ce moment est nécessaire. Voire, indispensable. Parce que nous avons beaucoup de choses à régler, à commencer par la façon que nous aurons de placer le curseur de nos conversations à l'avenir, et de notre relation. Puisque nous sommes alliés ou contractuels de Loki, Dieu de la Discorde, il paraît de bon aloi de se dire que l'on va rapidement revenir en contact l'un de l'autre. Je ne sais pas encore ce que tout ça me fait ressentir. Du dégoût, déjà, et une frustration assez énorme qui ne me quitte pas. Comme si j'avais enfin trouvé un point d'équilibre dans ma vie, une façon d'être qui me permette et de me retrouver en position de vivre pleinement mon existence, et d'envisager une forme de futur qui rompt avec le passé. Et de me retrouver brutalement confronté aux éléments de mon passé qui m'ont amené à liquider le reliquat d'un siècle de mauvaises actions.

J'ai envie de la provoquer. Plus encore, j'en ai besoin. Pour montrer avec elle la rupture fondamentale que j'exerce entre nos buts désormais. Bien sûr que les outils qu'elle m'a donnés sont toujours utiles pour certains. Mais la fausseté des arguments derrière mon ralliement et mon changement de nature, ma transformation, a fait s'écrouler tout le poids de nos accomplissements communs. Je lui jette un regard noir, moi aussi.

| Apprendre la vérité sur ma transformation ça m'a détruit, et ça a pulvérisé tout ce que nous avions. Parce que tu as menti, Jana. Sur quelque chose d'aussi fondamental que la fin de ma vie, et celle de ma famille humaine. Tu les as assassinés pour me manipuler. Cette manœuvre n'appelle qu'une réponse ; la vengeance. Et certes, cela tu n'as pas eu besoin de me l'apprendre. Mais ce qui compte, c'est que tu le comprennes. |

La voix élevée désormais, nous attirons les regards sur nous. Pour le reste, je ne fais que hausser les épaules.

| J'ai fait des choses horribles, avant de te connaître, et après. Et oui, je suis toujours un prédateur pour mes anciens semblables. Ce qui change, « Maman », c'est le sens que je mets derrière ce que je fais désormais. Et la liberté que j'ai regagnée. |

Pour le reste, je gronde, bats de la main pour rejeter son assertion. Du désir, vraiment ?

Est-ce qu'elle a raison ?

Nom de dieu. Elle reste -et sera toujours- une femme magnifique. Mais j'ai évidemment vu son vrai visage il y a longtemps. Et est-ce qu'une meurtrière félone, qui vous a utilisé et menti, est encore capable d'éveiller du désir, de quelque ordre soit-il ? Non. Et son sourire, là... Je m'y refuse, c'est un non tout net. Elle est contente d'elle, Jana. De se dire que mon attirance pour elle est intacte, et qu'elle peut toujours en jouer. Je change de sujet, inutile de s'attarder sur un de ceux sur lesquels je n'aurais jamais l'avantage, car la Nocturne Rouge a fait de la conquête et de la séduction le B-A-BA de sa réussite. Personne ne peut la battre dans l'un ou l'autre de ces domaines. Il faut se concentrer sur le factuel, un point c'est tout. Je lui ris finalement au nez.

| Quoi, Loki a montré qu'il avait de l'intérêt pour mon avis ou celui de ma fille ? |

Je ris pour de bon, alors qu'il était clair que nous n'avions été conviés que pour jouer les porte-flingues, compte tenu du fait que personne n'avait jamais vraiment rebondi sur nos mots. Et pour la santé de Loki et la perspective de profits...

| Mais je suis impliqué, comme contractuel. Libre d'accepter ou de refuser mon implication sur des missions spécifiques. Et c'est ce qui me convient le mieux, vois-tu. |

Plutôt que d'oeuvrer aux ramifications terribles de sa propre organisation à elle, de courir, des siècles durant, après la plus petite once de pouvoir que l'on est capable d'aller quémander auprès des autres.

Et pourtant, elle est toujours là, la tentation. Et ses doigts qui dansent sur mon costume, mon souffle inutile et pourtant qui se brise, et que je maudis avant de fermer la bouche. Les muscles qui se tendent sous son toucher, sous sa caresse. Réminiscences d'une époque révolue que je ne veux jamais retrouver, et qui pourtant toujours existera. J'ai envie de lui balancer l'ordre, l'injonction de ne pas me toucher mais non, je n'en fais rien. Je déglutis avec difficulté.Sans besoin non plus, mais par pur réflexe. Jamais on ne se débarrasse vraiment de son humanité, semble-t-il. Je la toise, d'un regard moins acerbe, moins incisif, alors que je continue de me faire tancer.

| Je ne dois rien à celui qui a décidé jadis notre existence ; il ne sait pas que j'existe. Quant à Alcina, elle a ma loyauté. Certains de mes congénères peuvent l'avoir, aussi. Provisoirement, ou de façon distendue. Mais toi, Jana... |

Le regard redevient noir, et me souviens de la meilleure de ses leçons, caresse la haine que je ressens, l'embrase et la modèle pour l'utiliser comme une ressource, comme un carburant pour toute mon existence. Son contact me tend tout entier, quand elle m'attire à elle.

Putain de merde elle a raison ; je veux à peu près autant l'embrasser que la déchiqueter de mes crocs. A peu près autant. Moins, quand même.

Oui, c'est sûr, maintenant. Moins.

| Pourquoi tiens-tu tellement à me voir revenir, Jana ? Et ne parle pas d'amour ou de loyauté. J'ai vécu un siècle ou presque, loin de toi. Et tu ne savais pas pour Alcina. Elle n'es trien, à tes yeux. Et je ne le suis plus non plus ; me réintégrer après ce que j'ai fait, ça te vaudrait la défiance de tous tes autres mignons. Et tout ton pouvoir repose sur leur propre consentement à t'obéir. |

Je détache chacun de mes mots.

| Ne me force pas à choisir un camp, Jana, tu n'aimerais pas me voir cocarde à salamandre au revers... |

L'ultime défi. Rejoindre la concurrence, l'ennemi, aux valeurs diamétralement opposées aux miennes. Ma voix, basse et néanmoins puissante, vibrant de conviction, se fait sourde menace aux mots clairement détachés.

| Si je dois travailler avec toi, je le ferais. Mais ça coûtera cher à l'inconscient qui me demanderait ça. Et je n'ai pas oublié, mère, la promesse que je t'ai faite avant que tes jouets ne nous aient séparés, jadis. Je t'ai juré ta mort. J'aurais mon dû. Pour ma femme et mes enfants innocents, que tu as tués en mon nom. Je découperais ton corps, et le donnerais à manger à tes propres chiens. Alors, je pourrais mourir à mon tour, et léguer un tout autre héritage que le tiens à ce monde. |

(c) DΛNDELION

Johannes von Reiner - Red Thirst
Innocence proves nothing

6AM christmas morning. No shadows, no reflections here. Lie cheek to cheek in your cold embrace. So soft and so tragic as a slaughterhouse. She pressed the knife against your heart. And say that 'I love you' so much you must kill me now. I love you so much you must kill me now... If I was your vampire, slim as the moon. Instead of killing time, we'll have each other till the sun. If I was your vampire, death waits for no one. Put my hands across your face, because I think our time has come. Oupyr
(c)codage - Kanala - texte (c)If I Was Your Vampire - Marilyn Manson

Spoiler:

The weak ones are there to justify the strong

Jana & Johannes

Jana l'observa de ses sombres pupilles, lui laissant l'opportunité d'expliquer ce qu'il avait ressenti, lors de ce moment fatidique où il avait essayé de la tuer. Elle avait pourtant la sensation qu'il ne lui en voulait pas tant du fait, mais plutôt du mensonge. La vampire aurait très bien lui dire, directement au moment où cela s'était produit. Ce n'était pas vraiment un mensonge, au début. Plutôt un raccourci face à une vérité à laquelle elle ne voyait pas l'intérêt de consacrer du temps et de l'énergie. Lui dire au moment de sa transformation aurait été fort malavisé, mais qu'aurait-il bien pu faire ? Mettre fin à sa propre vie ? Même sans cette information il aurait pu le choisir. Elle se souvenait de cette nuit pendant laquelle elle avait du le convaincre qu'il devait explorer sa nouvelle nature et non pas y mettre brutalement fin. Lui dire directement aurait desservi son plan, en vérité. Il n'aurait jamais du le savoir, en fait. Et elle avait sévèrement puni celui qui avait craché le morceau. Cela aussi, il devait le savoir. Pourtant, il n'en parlait pas. Lorsqu'il l'avait appris... Cela avait été terrible. Et l'éternité qu'elle avait prévu de passer à ses côtés s'était transformée en une poignée d'années.

Elle en avait marre, pourtant, de l'entendre parler de liberté. Il n'était pas libre, personne ne l'était vraiment. Assujetti à la loi de l'argent, esclave des missions de Loki... Et il appelait ça la liberté ? Il était simplement jeune, et en quête de nouveautés. Viendrait inéluctablement un moment où il se rendrait compte de cette imposture, et du faux sens de liberté que cela lui donnait. Ce n'était pas au vieux vampire que l'on apprenait à mordre un cou, et Jana était passée par toutes sortes de phases, elle aussi, en grandissant. Toujours dans le but de faire prospérer l'ordre, ceci dit. Mais il lui fallait des fonds, et parfois, se faire payer pour des traques ou des meurtres était judicieux pour gagner suffisamment d'argent. Mais c'était temporaire. Elle le savait. Et il s'en rendrait compte, lui aussi.

Jana sentait quelques regards sur eux, mais elle n'en avait cure. Toute cette conversation commençait à l'agacer. Le toisant sévèrement, en réponse à ses souhaites de liberté, et de sens, elle lui répondit sans détour :

« Non, tu as raison, Loki s'en fout pas mal de ton avis. Mais tu sais quoi, le contraire m'aurait étonnée. Tu n'es qu'un pion à ses yeux, au mieux, et un outil, au pire. Je ne t'ai jamais considéré comme ça. A mes côtés, tu étais écouté, considéré, aimé. T'ai-je un jour forcé à faire quoi que ce soit, Johannes, hein ? »

Alors oui, ce qu'ils avaient fait était terrible, selon les codes moraux des humains. Et elle n'avait pas laissé le même choix aux autres rejetons qu'elle estimait beaucoup moins que lui. Dès le soir même de sa transformation, elle lui avait laissé le choix : se tuer ou vivre. Jana prenait ses ordres de plus haut, et elle les faisait descendre ensuite. Après avoir jaugé la pertinence et la déclinaison qu'elle voulait adopter. Pas une fois elle n'avait imposé à Johannes de faire quelque chose qu'il n'avait pas envie de faire. Ils avaient œuvré ensemble, main dans la main. Elle avait pris ses idées, ses conseils, quand il voulait aborder une mission d'une façon plutôt qu'une autre. Mais elle l'avait toujours protégé des ordres directs du Maître, ou des autres chefs de cabales, justement pour le préserver, d'une certaine façon. Il ne l'avait jamais vu, visiblement. Quelle candeur, finalement. Ce qui rendait son éloignement et sa trahison encore plus difficile à avaler.

« Tu devrais t'estimer chanceux qu'il ne sache pas que tu existes, sinon cette discussion aurait pris une toute autre tournure, crois-moi. »

Et je n'aurais peut-être rien pu faire. Avec lui à ses côtés, elle pouvait le protéger. Mais s'il restait loin et que le Maître venait à apprendre sa félonie... Est-ce qu'il faisait exprès d'être aussi naïf ? S'imaginait-il qu'il courait librement les rues parce que Jana était impuissante face à lui ? Rien à voir. Si le Maître savait qu'il existait, jamais il ne lui aurait laissé cette latitude et il aurait ramené de force son beau petit derrière dans les rangs. Sans parler de Chernobog, qui tolérait aussi bien la déloyauté que la lumière du soleil. D'une certaine façon, il était libre de tenir ce genre de discours face à sa créatrice grâce à ce qu'elle avait mis en place des dizaines d'années auparavant. Elle avait ses défauts, oui. Mais elle protégeait ses petits. Ceux qu'elle jugeait dignes, a minima.

En vérité, ce que Johannes lui disait faisait sens. Plus que ce que Jana était prête à entendre. Elle était loin d'être stupide, ou naïve - même si elle avait eu des moments discutables, comme tout le monde - mais pourtant elle semblait perdre toute raison quand il était à proximité. Prête à tout pour le garder à ses côtés, possessivement, profitant de lui comme personne d'autre ne pouvait le faire... Elle n'aurait laissé personne le faire, de toute façon. Pourquoi partait-elle du principe qu'il devait revenir ? Parce qu'il lui appartenait. Pourquoi ? Parce qu'elle l'avait transformé ? Si c'était le cas, pourquoi ne se sentait-elle pas pareil avec les autres rejetons qu'elle avait pu faire naître ? Non, c'était autre chose que de la pure impulsivité, de la jalousie ou de l'égoïsme. Pourquoi, alors ?

Parce que tu me manques. Voulut-elle lui répondre, sans regard noir, sans jeu de mots ni supercherie. Le reste n'était qu'accessoire. Elle était suffisamment crainte au sein de son ordre et ailleurs pour que ceux qui aient un problème avec sa façon de faire se taisent. Et s'ils ne le faisaient pas, elle saurait les débusquer, et les dissuader, ou les éliminer. Mais il enchaîna, évoquant une alliance avec un autre Ordre vampirique. Jana s'esclaffa, préférant nettement une réponse cinglante à sa pensée précédente :

« La Salamandre, sérieusement ? Ne me fais pas croire que pour t'éloigner de moi, tu serais prêt à travailler pour ces faibles aux faux principes. Donne-moi une épée d'argent et qu'on en finisse, si c'est le cas. »

Et sa promesse, aussi sombre que l'était son regard à présent, qu'il remettait sur le devant de la table, sans qu'il y ait véritablement besoin. Comme si elle avait pu l'oublier !

Jana soupira. Elle l'avait clairement sentit se tendre, à son contact. Mais il ne s'était pas débiné. Elle sentait sa colère et sa haine, dans son ton, dans ses paroles. Mais il était toujours là. Elle voyait dans sa posture tout le dégoût qu'elle lui inspirait, et toute la rancœur qu'il avait appris à maîtriser au fil du temps, refaire surface. Pourtant, il n'avait pas bougé. Devait-elle conclure, dans cet océan de signaux contradictoires, qu'il était sincère ? Ou qu'il mentait ? Si ce n'était à elle, alors à lui-même ?

Les sourcils froncés, mais la posture beaucoup moins agressive qu'avant, Jana plongea son regard dans le sien, l'air presque serein, mais le ton sec :

« Je n'ai pas oublié ta promesse non plus. Une émotion particulièrement humaine la vengeance, tu ne trouves pas ? Il serait temps pourtant que tu arrêtes de regarder notre passé au travers d'un prisme purement humain. Tu es strigoï à présent et tu dois pleinement l'accepter. Ton monde est plus vaste, plus exigeant. Les règles ont changé. Ce n'est pas ton pardon que je cherche, mais ta sauvegarde. »

Celle de sa famille, aussi. S'il ne pouvait pas passer outre son mensonge, qu'il ne le fasse pas. Mais il devait être plus prudent dans ses actions, ses contacts et ses missions, s'il voulait survivre. Jana était sincère, et elle pensait aussi à Alcina, dans l'histoire. Elle n'avait rien demandé de tout cela, alors la mettre en danger paraissait à la fois injuste - mais ce n'était pas tellement ça qui la perturbait - mais surtout inutile : tant de temps consacré à son éducation.. à quoi bon ne pas veiller à sa sécurité maintenant ? La menace qu'il venait de lui renouveler aurait pu lui glacer la colonne vertébrale. Elle était habituée, pourtant. Mais elle sentait tout de même une pointe de tristesse faire irruption, face à la conviction dont il faisait preuve.

« C'est le devoir premier du créateur, la protection. Au-delà même de l'apprentissage ou de l'amour. Tu penses que tu le fais correctement ? T'as pas le droit à l'erreur, si tu te gourres, elle y passe. »

Et ce devoir là était plus fort que tout le reste. Il était vrai qu'elle n'avait pas eu l'occasion de lui apprendre à protéger ses petits, puisqu'il était parti avant même qu'elle n'ait pu terminer sa formation ! Quel ingrat. Qu'il ait essayé de la tuer lui restait en travers de la gorge, oui. Aussi parce qu'elle avait bien failli y passer, ce soir-là. Encore une soirée qui avait si bien commencé et si mal terminé... Une fierté mal placée combinée à un amour dévorant insatisfait. Mais jamais elle ne cesserait de vouloir le protéger, même s'il pensait qu'il n'en avait pas besoin. Surtout s'il pensait qu'il n'en avait pas besoin. Et si ce besoin correspondait comme par hasard à une alliance ou à une nouvelle union... Bon, qui était-elle pour lutter contre, après tout ?

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Johannes von Reiner & Jana Dracea de Manesti

« DANS PARIS, 05 JANVIER 2022 »

Le statu quo est respecté mais tout juste. Imposé, à la dure. Parce que je la tiens à distance, presque violemment. Parce que je la repousse sans vergogne, et qu’elle-même n’est pas prête à faire amende honorable, ni même à simplement recommencer par reconnaître son erreur. Dans tous les cas, nous sommes à égalité en quelque sorte, et c’est difficile par là-même de pouvoir dégager un avantage clair à sortir de cette conversation. Mon seul objectif à cet instant précis est alors ni plus ni moins que de pouvoir lancer Jana sur une autre piste, dans une autre direction qu’Al qui n’a rien fait et qui n’a rien demandé à personne, mais qui va immanquablement se retrouver mêlée à tout ceci. Je sais aussi que je ne peux pas imposer quoi que ce soit à Jana. Ce genre de garce ne comprend que la force et je n’ai ici aucune à prouver ni à payer ; il convient d’abord de fixer des limites et un cadre qui peuvent lui être acceptables. Ca veut dire, lui faire comprendre très concrètement où se situe son intérêt à cet instant précis et au moins jusque le moyen terme.

Nous sommes au moins d’accord sur un point ; le fait que ma vie ne compte pour personne, pas plus pour Loki qu’elle-même. Ou si je compte à ses yeux, c’est pour ce que je suis à ses côtés, et non ce que je suis par moi-même. Je n’ai jamais compris qu’elle imbriquait littéralement les deux ni même comment elle pouvait l’envisager. La brune me rappelle la position que j’occupais avec elle, à ses côtés… Mon visage se ferme totalement.

| A tes côtés ? Je me souviens surtout d’avoir passé plus d’un siècle à attendre tes ordres –déguisés en demandes-, à deux pas derrière toi. Quant au fait de forcer l’autre… |

J’ai un regard négligeant pour sa robe, et ce qu’elle cache tout en le mettant en valeur.

| Ne me fais pas l’affront de penser qu’on doit forcer quelqu’un en le contraignant par la force, quand tu n’as eu besoin que de tes mensonges, de tes beaux yeux, et de ton cul. |

Je piétine allégrement tout ce que l’on a vécu, et sans vergogne qui plus est. Sans regrets aucun. Parce qu’elle le mérite, et parce que j’ai bien envie de lui faire un peu mal. Parce que c’est comme ça que je vois les choses, et que je les vis, aussi. Parce que même près d’un siècle après, le compte-rendu de sa trahison, abominable, m’a laissé meurtri, et que tout ce que j’avais cimenté derrière une bonne vieille haine, bien froide et bien rugueuse, est toujours bel et bien là, et bien vivant aussi ! Pour le reste, j’affiche un suprême dédain ; le genre que l’on affichait jadis quand on recevait un parlementaire du Tsar ou de l’Archiduc, et qu’il fallait paraître bien plus fort qu’on ne l’était réellement avant que la tuerie ne reprenne.

| Oh, je m’en doute. On m’aurait quoi, arraché les crocs ? Cassé les membres ? C’est ce qu’on faisait à l’époque, non ? Ah, non, attends, je me rappelle. C’est ce que tu me faisais faire, pour punir ceux qui ne voulaient pas obéir à la cabale. |

J’étais son homme de main, à elle. Son amant et son compagnon de toujours et pour toujours, certes, mais j’étais aussi son homme de main et de confiance. Celui qui la suivait dans toutes ses rencontres et ses rendez-vous, à jouer les aristos main dans la main, à briller par mon éducation et ma culture, par ma connaissance et mon expérience du monde. Mais quand ils lui déplaisaient, à aller chez eux, le lendemain ou les jours d’après, pour les mettre en pièces au nom de la Cabale ; en son nom à Elle, en définitive.

Elle pour qui j’aurais tout donné. Elle pour qui j’avais tout donné, littéralement. Ma vertu d’abord, ma conscience ensuite, et jusqu’à mon âme. Tout ça en pure perte, puisque je ne suis pas seulement devenu un prédateur mais aussi littéralement un tueur. Alors je joue. De mes vices et de mes propres mensonges, contre elle, surtout pour la piquer et si possible, la blesser. J’ai déjàç trahi ma famille, puis ma cabale et ma créatrice. Alors pourquoi pas tout le reste, hein ?

| Prends ta propre épée, chérie, et finissons en tout de suite ? |

Je la défie d’un air sauvage, évidemment mesquin. Avant de rebondir.

| Et toi tu considères que je suis ta pure créature ; à chercher ma sauvegarde envers et contre tout. Mais tu as choisi pour compagnon un âne qui porte son honneur comme une armure, et même s’il est devenu tout dégueulasse avec le temps, n’oublie pas que je trouverais toujours plus de gloire à crever avec ton cœur à la pointe de ma lame plus qu’à assurer ma propre sécurité. |

Je me rapproche, une dernière fois. Nous nous frôlons presque ; nous n’avons plus été si proches depuis plus de quatre-vingt ans quand nous venions de nous séparer après une dernière étreinte, à coups d’épée. Je la jauge, alors que je vois l’océan de noirceur de son regard, mer calme et dangereuse dans laquelle j’aimais jadis me plonger tout entier pour ne pas en reparaître.

| Ne t’approche pas d’Al, Maman, sinon je passerais outre Loki, les contrats et le reste, et c’est ta peau que je viendrais chercher. |

La menace est claire, évidente, et je me détourne d’elle, non sans un dernier regard, lui tourne le dos. Je sais qu’elle a peu de chances d’aboutir, ma menace. Mais elle doit exister. Elle doit compter. Etre suffisamment crédible pour que Jana ai le doute réel que je la mette en œuvre, et qu’elle doive un jour me tuer pour de bon. La seule chose qui peut encore la retenir…

Seigneur Dieu, même maintenant, elle tient toujours à moi.
DΛNDELION

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Jana & Johannes

Jana ne put retenir le soupir désabusé qui s'échappa entre ses lèvres. La vision qu'il avait à présent de leur collaboration lui paraissait tellement réductrice ! Elle n'avait pas du tout vécu la même chose. Que cherchait-il à lui faire comprendre, exactement ? Si c'était que les choses ne seraient plus comme avant, elle l'avait compris. Si c'était qu'il avait changé, elle en doutait sincèrement, car elle avait vu son âme, elle s'y était plongée et n'en était pas ressortie indemne. Tout comme lui, dans la sienne. Que ce soit de la noirceur ou de l'amour n'avait aucune importance. Ils étaient liés, ils l'avaient toujours été et le seraient toujours, et il ne pouvait plus le nier. Jana passa outre les petites piques tout droit sorties d'un mauvais règlement de compte dans un nanar quelconque, simplement pour l'observer la vilipender, s'énerver contre le destin et ce qu'il leur avait offert sur un plateau. Cette indécision permanente entre leur passé et leur futur commençait à tester les limites de sa propre patience, comme en témoignaient les envies d'abord discrètes mais plus présentes maintenant d'en finir et de simplement lui arracher la tête.

Jana inspira un bon coup.

Non, elle ne le ferait pas. Parce que dans tout son malheur qu'il se plaignait à rappeler à qui voulait l'entendre, il avait trouvé une protectrice. Mh, le terme était peut-être un peu fort. Elle ne pouvait pourtant pas vraiment se résoudre à lui faire du mal, même l'envie de lui fermer le clapet une bonne fois pour toutes ne manquait pas. Sa minimisation des efforts qu'elle avait fait pour lui et de sa protection à laquelle elle avait toujours veillé acheva sa résolution d'en terminer en bons termes.

« Comme d'habitude, tu entends, tu entends, mais tu n'écoutes pas ! » cracha-t-elle, agacée par le mur de froideur qu'il présentait et devant lequel elle ne pouvait rien.

Mais elle ne baissait pas les armes pour autant. Il avait fait un pas vers elle à nouveau, et Jana laissa ses yeux se promener sur son visage, son cou dans lequel elle aurait bien mordu une nouvelle fois, juste une fois, pour se rappeler de son goût si particulier...

Ce temps était révolu, et si son armure était son honneur comme il semblait le dire, la sienne était faite des centaines de nécessiteux sur lesquels elle avait forgé sa réputation. Elle reprit, concédant quelques points avec parcimonie pour qu'il ne retienne que l'essence du message qu'elle voulait qu'il imprime. Il était bien plus que ce qu'il disait, par économie. Il le savait et elle le savait aussi.

« Tu me hais, j'ai compris. Mais ta croisade n'a aucun sens, et tu t'en rendras compte bien vite. Tu te fiches de ce qui m'arrive à moi, et tu te fous bien de ce qui pourrait t'arriver à toi, mais c'est pas le cas pour Alcina. Elle paiera le prix de tes errances, d'une façon ou d'une autre. Et ce sera peut-être même pas de ma main. »

Et ça, il pouvait le prendre comme une promesse. Sincère et brutale. Celle de son fiston préféré ne tarda pas, et souffla un vent aussi glacial que brûlant sur l'esprit de la strigoï qui ne savait pas si elle devait se sentir fière, amusée, ou menacée. Un mélange des trois sans doute, même si l'un était moins crédible que les deux autres. Elle décida cependant de lui laisser le bénéfice du doute et lui lança avec froideur, tandis qu'il s'éloignait après avoir tourné les talons :

« Je n'en attendais pas moins de toi, mein liebling. »

Est-ce que ça comptait, si elle avait déjà approché Alcina ? Oh et puis merde, il fallait qu'il apprenne à être plus clair dans la formalisation des menaces.

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Codage par Libella sur Graphiorum