Didn't wait long enough [Intrigue II - Terminé]

Didn't wait long enough

J’observai les mariés échanger leurs présents avec un regard bienveillant. Seuls étaient réunis la famille et les amis proches. Petit rassemblement dans cette propriété de campagne qui se voulait le témoin d’un événement merveilleux en cette nouvelle alliance pleine de promesses. Le jeune couple se dévorait du regard, leur complicité était évidente et me réchauffait le coeur.


Et tout près, un petit chœur composé de trois demoiselles chantait un air de Celtic Woman que les mariés avaient choisi. La soeur du jeune homme et deux amies de la mariée… Bel hommage.




Je ne pouvais hélas pas m’attarder, mes devoirs m’appelaient ailleurs. Je leur offrit ma bénédiction et assez d’alcool pour festoyer pour les trois jours à venir, afin qu’ils puissent profiter des festivités jusqu’à tard dans la nuit, avant de m’éclipser. Teutatès nous avait rappelé à lui et je ne pouvais manquer ce rendez-vous.

Un an avait passé déjà… Qu’il était étrange de revoir son visage, bien que paré d’une nouvelle enveloppe, et de lui faire face… Je ne m’y faisais pas.
Deux mille ans de silence qu’il avait brisé uniquement car notre panthéon était menacé et que la guerre était à nos portes. Il avait fait son devoir… J’en avais fait autant. Nos retrouvailles n’avaient rien de personnelles ni de chaleureuses. Mieux valait taire nos rancunes pour le bien de notre peuple… Nous ne serions peut-être plus jamais proches, mais nous saurions faire l’impasse sur nos sentiments et travailler de concert pour rendre aux celtes leur gloire d’antan. C’était une nécessité, nous avions besoin l’un de l’autre.

La journée était déjà bien entamée lorsque j’arrivai enfin au domaine de Teutatès. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il se trouvait loin de tout. Trouvait-il une forme de paix dans cet isolement ? Mon regard parcourut les environs, les individus qui se pressaient pour tout installer… Non, il n’était pas seul… Et je n’étais pas la première arrivée, compris-je en apercevant au loin la silhouette de Morrigan, de Mama Quilla et de Masha. Je soupirai intérieurement. “Paix, Méduna…”. Pourquoi cela m’affectait-il ? Deux-mille ans… Le visage de Teutatès aurait dû me laisser de marbre, nous étions devenus des étrangers l’un pour l’autre.

Je posai la tablette qui m’avait suivi pendant le trajet et sur laquelle figurait quelques rapports sur la préparation des prochaines interceltiques de Lorient sur le siège du véhicule. L’heure n’était plus au travail de mon enveloppe humaine… Lorsque Teutatès avait convoqué notre peuple et ses alliés, j’avais exigé de participer à la préparation du banquet. Mes gens s’activaient depuis pour participer, décorer et aider à la mise en place. Le camion de livraison réfrigéré apportait de la nourriture, plats, desserts et verrines pour le lendemain.

-Bonsoir, répondis-je.

De la courtoisie, des souvenirs, et des regrets, c’était à peu près tout ce qu’il restait de notre relation de jadis. Quel gachi.

-La route est barrée à plusieurs endroits, ça n’a pas été aisé de circuler. Il vaudrait mieux prévenir tes invités, qu’ils n’aient pas de mauvaises surprises demain.

D’un geste, je repoussai une mèche de cheveux pour la dégager de mon visage. Je les avais laissé courir librement dans mon dos, leur couleur juraient avec mon [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien].

Je jetai un coup d’oeil alentour, repérait les visages connus de mes employés et fidèles venus apporter leur aide pour décharger le camion nouvellement arrivé, des autres en train de fixer des luminaires aux arbres, rendit d’un signe de tête les salutations que l’on m’adressait…

-C’est ton chez toi ? demandai-je, polie, en observant la propriété.

Mes yeux se fixèrent sur mon voisin, j’avais repéré un signe. La douleur. Il le cachait bien mais je savais la voir. Un millier d’années de mariage… Quelque soit son visage, je connaissais tous ses tocs, ses postures. Nous n’étions peut-être pas si étrangers, tout compte fait…

La fureur étreignit mon coeur avec la violence d’un orage. Non contents de nous attaquer, ils avaient osé lui faire du mal. D’autres de nos gens avaient-ils été aussi été meurtris dans leur chair ?

-Tu es blessé ?

Teutatès m’avait protégé, à sa manière. Il avait flairé le piège, m’avait demandé de me tenir à l’écart des festivités à Paris. J’avais été assez lucide pour l’écouter. Taranis m’était revenu dans un état lamentable et s’était réfugié dans ma propriété le temps de panser ses plaies… Je m’étais inquiétée pour le reste de nos semblables… Mais au final, il semblait que la tempête de mon mari ait été la principale source de souffrance. Pour un peu, j’aurais été tentée d’en rire. Teutatès avait ce petit sens de la démesure, parfois. A l'époque, je trouvais ça charmant.

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J'acquiesçai. Oui il avait raison… Ces nouveaux dieux étaient un fléau. Nés des inventions modernes, ils s’en étaient appropriés le pouvoir, nous privant de précieux outils. Ils nous dépossédaient de l’évolution technologique, nous forçant à revenir en arrière pour nous tenir éloigné de leur regard et de leur influence.

Moi je pourrai prévenir nos frères et soeurs, s’il le fallait.

-La discussion n’est pas le fort de certains de nos pairs. J’espère qu’ils sauront garder patience.

Je craignais un peu la rencontre, avec son lot de décisions à prendre et de jeunes alliances. Après le nouvel an, tout le monde était à cran.

Mes yeux parcoururent l’environnement. Le temps n’était pas clair, le jour déclinait… Et je ne reconnaissais rien de ce qu’il me décrivait. Un autre fantôme du passé, sous mes yeux. Le vestige d’une époque lointaine…

-Une autre vie… soufflai-je pensive.

Le monde changeait. Il changeait si vite que ça en donnait le vertige.
Je n’avais pas le droit aux regrets, pas le temps pour ça. Pas alors que Taranis m’était revenu sérieusement blessé des festivités. Pas alors que Teutatès arborait cet air fier en peinant à me cacher sa propre douleur, plusieurs jours plus tard. Pas alors qu’on nous avait tendu ce piège grossier, que les humains se croyaient investis d’une mission et nous traquaient comme du gibier…

Nous étions en guerre, le sang allait couler.

-Nous ne parions plus nos enveloppes désormais. Avec ces déicides, la mise a largement augmenté…

Pour la première fois de notre longue existence, nous jouions nos vies… Cette perspective me terrifiait, autant pour moi que pour ceux que j’aimais. Les dieux n’étaient pas censés disparaître pour toujours… Pas ainsi, du moins.

-Quelles sont les nouvelles, à ce propos ? Avons-nous de nouvelles pistes pour les traquer ?

Il me tenait le même genre de discours que son frère, quelque jours plus tôt. Ces gros durs à cuirs, ces guerriers habitués à la douleur… On ne pouvait pas dire que j’étais douillette, mais je passais pour telle en comparaison. Je me demandais où ils puisaient leur force… C’était peut-être la même qui m’animait quand venait le temps de danser plusieurs jours d'affilée.

-Ne me remercie pas. Ce qui se passe nous profite à tous. C’est une opportunité en or de réaffirmer notre pouvoir et de repousser l’Unique.

Viendrait ensuite la guerre entre les panthéons restant, plus forte encore que celle qui avait lieu actuellement. Les alliances s’effriteraient, les tensions gagneraient en force. Pour le territoire, l’influence et les fidèles… Mais chaque problème en son temps. L’Unique et les nouveaux dieux d’abord, le reste serait à gérer en temps et en heure. J’avais néanmoins le sentiment que Morrigan serait plutôt du genre à vouloir amorcer tous les combats en une seule fois. Raisonner la reine sanguinaire n’était jamais chose aisée.

-Ne souffre pas en silence. Pas avec moi, soupirai-je.

Il était finit le temps où je me réjouissais de le voir en peine. Cette rancoeur malsaine avait disparu, j’avais fait du chemin depuis. Beaucoup de chemin. Ma main se posa sur son torse, non loin de son épaule que je devinais la zone la plus endoloris. Pouvais-je seulement y faire quelque chose ? Je fermai les yeux un instant, concentrée. Il était parfois compliqué d’agir dans la précipitation et le chaos des batailles, mais dans le calme les choses étaient plus aisées. L’infection et les organismes parasites, repoussées… Facile. Il avait raison, ça guérissait bien. Dans quelques jours il n’y paraitrait plus… Je pouvais accélérer un peu la cicatrisation des tissus. Ce n’était pas mon domaine de prédilection, j’étais bien meilleure quand il s’agissait de purifier un organisme de ses toxines, de sauver des organes qui se décomposaient tant ils avaient subi d’abus…

Ce n’était pas parfait, mais il aurait moins mal et c’était toujours ça de pris.

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J’écoutai Teutatès alors qu’il me prévenait d’une chose que je savais déjà, mettant en lumière le fort tempérament de certains des nôtres. Je les connaissais tous bien assez pour savoir comment les choses risquaient de se passer demain, j’avais en revanche moins de visibilité sur la manière dont nos nouveaux alliés allaient se comporter Quant à Morrigan…

-Les iliens l’ont mise sur le trône, pourtant. Notre panthéon ne semble pas redouter sa folie.

J’étais perplexe depuis le jour du vote. Je peinais toujours à comprendre pourquoi ils l’avaient choisi elle plutôt qu’un autre. J’avais bien envisagé que son lien avec Teutatès lui avait ouvert cette porte. Le Père des dieux semblait tenir particulièrement à cette déité, assez pour s’unir à elle, assez pour la soutenir en tant que reine. Le Juge des âmes était resté très influent dans notre panthéon, les autres l’écoutaient.

-Pourquoi Loki l'a-t-elle prise pour cible ? Pour faire preuve de tolérance, j’ai besoin de comprendre.

Etais-ce à cause de cette faiblesse que Teutatès avait senti chez elle qu’il lui tournait autour comme une abeille qui aurait flairé du miel ? Le Père avait toujours été plus vulnérable en présence de demoiselles en détresse… Pendant une seconde, je me demandai si Nyx lui avait aussi présenté un tel visage.

Je chassai ces pensées de mon esprit. Elles étaient basses et sans intérêt.

Quant au passé de Masha, je savais. La belle avait été transparente à ce sujet, en revanche j’étais moins informée sur le reste… J’avais eu vent d’une sorte de prophétie, quant à en avoir le détail…

-Quel genre de malédiction ? Est-elle au courant ?

Certains fléaux divins se transmettaient depuis si longtemps de parents à enfant que les nouvelles générations finissaient par en porter le poids sans même le savoir.

Le savoir blessé m’agaçait. Teutatès était un allié de poids, en dépit de nos relations, je préfèrai le savoir apte à la guerre qu’affaibli. Si je ne possèdai pas le pouvoir de le soigner, je pouvais intervenir à mon échelle, et c’était toujours ça de pris… Quand bien même je sentis chez lui ce très léger retrait corporel qui me faisait hésiter entre une respiration ou le malaise que lui inspirait mon geste… Je fis comme si de rien était.

-C’est une phrase de dépressif, ça. Tu souffriras bien assez à l’avenir. Moi aussi, probablement. Alors à moins que tu ne sois devenu masochiste, accepte d’être aidé de temps en temps… Même si c’est par moi, soupirai-je.

Aurait-il sorti ce genre de réplique à quelqu’un d’autre ? La souffrance lui permettait de se rappeler qu’il était vivant ? Mais quel genre d’existence avait-il mené ces deux-mille dernières années ?! L’espace d’un instant, je regrettai de ne pas avoir les facultés de Teutatès. J’aurai aimé sonder son coeur.

Je me baissai tranquillement pour amasser une poignée de neige entre mes mains, lui donnant une forme.

-Ne t’en fais donc pas… Ils savent qui je suis, répondis-je d’une voix tranquille en reprenant mes distances physiques. Et ils entendront ma vision de l’avenir. Du reste… ajoutai-je avec un sourire sincère - le premier depuis mon arrivée - J’ai marié un couple, ce matin. Je me sens en pleine forme ! En dépit de la guerre et des déicides, il demeure des choses magnifiques en ce monde. Les mortels n’ont pas perdu la foi.

Mieux, ils la retrouvaient. Et quel soulagement de les voir se tourner de plus en plus nombreux vers nous !

La boule de neige que je tenais entre mes mains parti vers le haut pour atterrir sur la tête de mon voisin. J’eus un rapide sourire en coin, ressenti une vague de satisfaction à l’idée de lui avoir infligé cette petite vengeance d’enfant, et me détournai pour faire quelques pas vers le pont. J’embrassai la zone du regard.

-Je ne reconnais plus rien…

Nostalgie. Tristesse.

Bon sang… J’avais vécu ici. J’y avais élevé mes enfants.

Une autre vie.

Ils étaient tous morts. Ma propre chair, tuée par le temps, la maladie… Ou les romains.  C’était il y a une éternité…

Je ne pouvais me permettre le luxe de m'appesantir sur le passé. Seul l’avenir comptait… Et nous étions en train de le forger, en cet instant même. Demain serait la première pierre d’une longue série. Et un jour, le château qui se dresserait refléterait la grandeur des celtes.

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Un sourire qui m’étais destiné, tiens… C’était devenu une chose rare à observer sur le visage de Teutatès. Son nouveau vaisseau semblait moins sévère lorsqu’il se déridait ainsi, il s’illuminait et le transformait complètement.

Les iliens se manifesteraient peut-être si Morrigan gagnait du terrain sur son territoire… Mais ce ne serait pas si aisé, avec la Grande Bretagne qui avait engagé publiquement son soutien à l’Unique et déclaré la guerre aux anciens dieux.

Et je l’écoutai déblater pour m’expliquer les raisons qui avaient pu pousser les nôtres à la choisir comme souveraine. Je n’avais rien à redire sur tout cela. Les choses étaient actées et j’étais parfaitement au courant de l’engagement de Morrigan. Elle s’était donnée, c’était une chose que je respectais et que je ne remettrai jamais en question. Pourtant, il fallait plus que du dévouement pour régner. La sagesse et la mesure étaient à mes yeux des qualités essentielles qu’un monarque devait posséder là où je sentais Morrigan un peu trop sur le fil du rasoir et encline à dégainer en première option systématique.

Je levai les yeux vers Teutatès alors qu’il évoquait la perception que notre peuple avait de moi. Cherchait-il à me rassurer ou au contraire à m’alarmer ? Mes gens mesureraient moins bien mon engagement que celui de ma compatriote car je n’étais pas une bourrine ? L’ombre d’un sourire mitigé apparut brièvement sur mes lèvres. Je ne m’étais jamais comparée à Morrigan, je ne nourrissais pas de complexe vis à vis d’elle et ne nous imaginais pas en compétition. Nous ne l’étions pas. Nous avions nos défauts et nos qualités, et si je trouvais la déesse trop extrême là où elle me voyait probablement trop mesurée, notre dévouement à notre peuple était connue de tous.

-Moi aussi, j’attends une dévotion totale des autres à ma cause, dis-je avec humour. Preuve en est, je gage que je ferai boire et danser la Morrigan avant la fin de la soirée.

Mon sourire se fit un peu plus franc, mais je repris sérieusement :

-Nous n’avons pas besoin de nous aimer pour afficher notre unité. Je sens que le débat va être houleux, les festivités sauveront les apparences.

C’était là ce que je faisais de mieux après tout… Réunir les gens, détendre l’atmosphère et apaiser les tensions. J’offrais des opportunités aux individus, par l’ivresse et la fête, par mon aura d’apaisement et d'allégresse… C’était ma nature même : rassembler et unir.

-Tu ne sais donc rien sur la nature de sa malédiction ? voulu-je confirmer.

Je le regardai, les yeux légèrement arrondi de surprise pendant qu’il évoquait le suicide possible des dieux… avant de m’amuser de sa réaction alors que ma boule de neige prouvait les lois de la gravité en retombant sur sa tête.

-Il va falloir qu’elle soit un peu plus grosse, pour t’ensevelir. Tu as toujours aimé les vaisseaux de grande taille, le charriai-je.

Bien que le concept de “grand” soit variable d’une ère à une autre. Aujourd’hui, les jeunes générations battaient des records de volume, en largeur comme en hauteur. L’alimentation jouait certainement un rôle pour les deux cas.

Je sentis soudain sa main dans la mienne et ressenti de la surprise face à cette soudaine promiscuité, inédite. A quand remontait nos derniers échanges complices, tactiles ? Beaucoup trop longtemps sûrement, pour un maris et une femme. Je me concentrai sur la direction qu’il me pointait du doigt et tentai comme je pouvais de greffer mes souvenirs à ce que j’étais d’observer, superposant le décors de mes jeunes années à celui ci qui avait tant changé.

-Le lit de la rivière était plus haut, me remémorai-je. Et bien… dis-je en observant ce qu’avait été notre masure. Notre maison a dû prendre l’eau quelque fois depuis, avec les crues, blaguai-je avec une petite moue.

Je tournai doucement la tête pour le regarder avec un air de canaille. Il était évident que notre maisonnée n’existait plus depuis une éternité et qu’elle avait disparu bien avant le détournement de la rivière. Si l’époque et les souvenirs qu’il me restait me rendaient nostalgique, je n’aurais échangé pour rien au monde le confort des maisons modernes avec celui des bâtisses humides et inconfortables de jadis. Non, notre masure ne me manquait pas, contrairement à tous les instants de bonheur que nous avions partagé là-bas, lui et moi, nos amis et nos enfants… Une époque lointaine, révolue.

A nouveau, mon regard suivit le doigt tendu de Teutatès. Ces souvenirs enfouis que nous faisions soudain ressurgir me propulsait vers une autre époque. C’était comme revivre le passé en direct… La nostalgie me frappait de plein fouet, à la fois douce, belle, et triste…

-Tu te souviens du jour où Elantia avait ramassé un plein panier d’amanites ? Elle voulait les préparer en ragoût avec les écureuils, pouffai-je. Elle s’était vexée comme un poul quand je l’avais empêché in extremis de verser sa préparation dans la marmite.

Et à nouveau, je levai les yeux vers lui, sourire en coin taquin. Je n'avais pas lâché sa main.

-Elle avait hérité de ton caractère patient et calme, le charriai-je.

De l’ironie. Ni Teutatès ni moi-même n’avions jamais été connue pour notre douceur d'âme. Nous avions des personnalités ombrageuses et de forts tempéraments. Les étincelles étaient fréquentes jadis, mais nous avions trouvé notre équilibre ainsi.

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Faire danser Morrigan oui. Et pourquoi pas ? La tâche s’annonçait ardue, mais si j’arrivais à atteindre cet objectif je considérerais que l’événement aurait été un franc succès car la guerrière aurait réussi à suffisamment se détendre en ma présence.

Ce n’était pas gagné. Nous ne brillions pour ainsi dire pas par nos affinités jusqu’à présent.

-Il y a déjà des doutes, Teutatès. On ne s’assoit pas sur des millénaires d’histoire en quelques mois. Le travail ne consiste pas à détourner le regard et à espérer que tout aille bien… Il faut accepter les relations de chacun en l’état avec les hauts et les bas, les comprendre et mener un travail de fond à ce sujet pour rapprocher nos frères et sœurs et recréer le lien de confiance de jadis. Ça prendra du temps, ça demandera des efforts - à certains plus qu’à d’autres. Mais je suis sûr que nous pouvons y arriver.

Autrement je n’aurais jamais accepté d’assumer la lourde tâche de les guider. Je savais ce qu’ils attendaient de moi et la responsabilité qui m’incombait.

-Ne t’angoisse pas si nous ne nous exprimons pas d’une seule voix, demain. Au vu de la situation, c’est le contraire qui m’inquiéterait. C’est d’autant plus vrai que ce sommet ne réunit pas que les celtes… Les nouvelles alliances vont soulever des inquiétudes, probablement des protestations…

J’haussai les épaules. Si Teutatès ne tenait pas bon de m’impliquer dans cette histoire de prophétie, j'en déduisais que cette dernière n’était pas dangereuse pour nous et qu’il voulait encourager son accomplissement. Du reste, cela ne me regardait pas. Tant que mon peuple n’était pas menacé…

Je taquinai un peu Teutatès avec une boule de neige qui lui atterrit sur la tête et il s’ébroua pour se débarrasser des flocons sans contre attaquer.

Son ricanement complice sonna doux à mes oreilles et me fit sourire à mon tour.

-Vrai… On se sent plus en sécurité dans des bras grands et forts, admis-je honnêtement.

Et je n’avais jamais eu peur lorsqu’il était à mes côtés… Même dans les moments de crise, malgré nos différents inhérents à la vie de couple de deux immortels et à la parentalité, malgré les difficultés rencontrées… Teutatès m’avait toujours inspiré la sécurité. Pour lui et notre foyer, j’aurais pu déplacer des montagnes. En dépit du passage du temps et des transgressions que nous nous accordions de temps à autre, nous étions un couple soudé… Du moins je l’avais cru.

Lointaine époque.

Je ris de bon coeur alors qu’il me renvoyait la balle avec Elantia.

-Tu as raison, elle avait hérité de nous deux.

Je n’allais pas nier ma personnalité. Teutatès et moi ne nous étions pas choisis par hasard jadis, nous avions des points communs.  
Le changement de sujet me sortit d’un rêve lointain et agréable et me ramena brusquement au présent.

-Oui… J’y ai déposé mes affaires. Merci d’avoir prévu cela, dis-je en lâchant la main de mon voisin.

Les chambres étaient bien plus proches d’ici que le plus proche des hôtels. Je n’aurais pas à prendre la route dans la neige au milieu de la nuit après une soirée de festivité, ce qui était extrêmement bienvenu.

-Tu as pu loger tout le monde ?

Je réfléchi un instant, puis :

-Certains risquent de finir ivre morts et de s’endormir quelque part à mi-chemin entre la tente et le gîte, dis-je en pensant aux grands gaillards comme Esus et Taranis.

Mes yeux se tournèrent vers la vie qui s’activaient pendant que nous flânions. Les travailleurs terminaient les préparatifs et il y avait encore du travail… Peut-être devrais-je aller faire le tour des installations, repérer les lieux, m’assurer que tout se passait sans encombre...

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