Assise sur la banquette arrière de la voiture, je regardais distraitement par la fenêtre, n'écoutant ma mère que d'une oreille. Nous venions d'entrer dans une forêt et la lumière passait à peine entre les feuilles. Il était encore tôt. J'étouffe un bâillement qui n'échappe cependant pas à l'oeil attentif de ma mère. " Je t'avais pourtant dis de venir plus tôt à la maison, regarde, tu peine à garder les yeux ouverts !" Je soupire légèrement et hausse les épaules. Lui expliquer ce qui se passait serait bien trop long. Il y a quelques jours à peine j'étais à l'autre bout du monde, en quête de plusieurs ouvrages utiles et précieux pour la cellule des déicides de Paris. Cela m'empêchait de penser à la mort de mon père et je prenais doucement mes repères dans cette nouvelle vie qui était désormais la mienne. Je devais faire honneur au nom des Lancaster, c'était ma tâche, de même qu'éradiquer les dieux de notre monde. " Je sais maman, je dormirais mieux la nuit prochaine !" Je souris amusée alors qu'elle me regarde d'un air assez critique. " Il faudra aussi que nous discutions de nouveau de ton absence de fiancé. Je tiens à être grand-mère un jour." Je soupire, plus profondément cette fois, alors que je vois le regard amusé de notre chauffeur dans le rétroviseur. Je ne réponds rien et mon regard se reporte sur l'extérieur. Faire partie de la noblesse anglaise est parfois plus un fardeau qu'une bénédiction. Heureusement, malgré l'insistance de ma mère, j'étais quand même libre de choisir celui avec qui j'allais passé le reste de ma vie. Mais dans mon cas, ce n'était franchement pas gagné.

Et finalement on sort de la forêt et on arrive au domaine de la famille Zurer. Nos deux familles se connaissaient bien et j'étais contente d'être là, malgré la fatigue qui était la mienne. Cette partie de chasse tombait à pic et ça me donnerait l'occasion de revoir une amie.  Cela faisait un moment que je n'étais pas venue ici, mais je sais que ma mère passait pas mal de temps dans notre domaine de campagne situé à une trentaine de kilomètres depuis la mort de mon père. L'appartement de Londres lui est insupportable ces derniers temps et cela nous donnait à toutes les deux l'occasion de se changer les idées. Une fois sur place, je laisse ma mère m'entraîner à sa suite et entrer dans le hall afin d'y retrouver les membres de la famille qui nous accueillait. J'étais contente de les revoir, ayant passé pas mal de temps entre ces murs étant plus jeune. Shiobàn était là, toujours aussi belle que dans mes souvenirs. Malgré l'écart d'âge qui nous séparait, j'étais proche d'elle et je l'enlace aussi quand elle vient me saluer. Et puis rapidement, tout le monde s'organise et se met en route. Le chemin qui mène au coeur de la forêt était toujours là, comme si au final, rien ne changeait. Ma mère était en train de parler avec le chef de famille et je ralentis le pas, me retrouvant derrière tout le monde, profitant de l'air de la nature et de ce calme apparent. Mon amie fit de même pour se retrouver à mon niveau et je lui souris, écoutant ce qu'elle me disait.

" Toi aussi tu m'a manqué !" Ce qui était vrai. Je sais que mon départ pour Paris l'avait quelque peu surprise, il y a plusieurs mois de cela déjà, mais j'étais heureuse là-bas, même si avec la mort de mon père, cet avenir en tant que deicide avait été le chemin à suivre. " Je vais bien, je suis juste un peu fatiguée, je reviens d'un voyage il y a deux jours à peine." Je lui souris de nouveau et reprends. " Paris est une jolie ville, je m'y plaît bien. Tu devrais passé me voir à l'occasion, je suis dans un beau quartier et assez tranquille." J'habitais et je travaillais à Montmartre, il y avait pire comme endroit je suppose ! " Et toi dis moi, comment ça se passe ? " Elle était une déicide, tout comme moi après tout, il n'y avait donc pas de réels tabous à ce sujet dans nos conversations respectives.

Cette tranquillité était étrange comparée à ce que je vivais à Paris ou que je connaissais de Londres. C'était presque silencieux, seuls les bruits propres à la forêt se faisaient entendre. Et cela me fit du bien. J'aimais beaucoup le silence, c'était plus simple pour lire et analyser des textes anciens et parfois difficile a déchiffrer, ce qui demandait toute ma concentration. Depuis toujours j'aimais les endroits calmes. Mon père voulait faire de moi une combattante, tout comme lui, mais j'avais choisi un autre chemin, tout aussi important que le bras armé qu'il était à l'époque. Le savoir est une arme après tout, utilisé à bon escient, elle peut faire des dégâts importants. Parfois plus que celui qui brandit une arme. Je reviens à la réalité lorsque j'entends un coup de feu et les aboiements des chiens. Ma mère se retourne pour voir où je me trouvais et je lui fais un léger signe de la main pour qu'elle ne s'inquiète pas. Après tout, j'étais en bonne compagnie. Et le fait que Shioban était avec moi nous permettait aussi de bavarder sans être espionné par ma mère.

Parce qu'il s'en était passé des choses depuis la dernière conversation que nous avons pu avoir toutes les deux. On s'était recroisé lors de l'enterrement de mon père, mais nous n'avons pas eu le temps de converser et ce n'était pas le lieu non plus. Et puis après j'avais pris mes affectations à Paris et commencer à voyager aux quatre coins du monde pour des ouvrages et des missions diverses. La conversation s'engage naturellement et je l'invite même à venir me voir à Paris lorsqu'elle en aura l'occasion. Je serais ravie de lui faire découvrir des endroits sympathiques. Il y avait les plus connus, mais la ville regorgeait de merveilles parfois sous-côtés. Je ne regrettais pas d'avoir quitté Londres en tout cas. Mais être auprès de Shioban fait remonter à la surface pas mal de souvenirs que j'avais avec elle, malgré les sept ans qui nous séparaient. Il faut dire qu'elle avait toujours été présente, que ce soit durant mon enfance ou mon adolescence. Je m'étais beaucoup confié à elle également.

Puis je prends des nouvelles, lui demandant comment ça se passait pour elle et à ses dires, je pose les yeux sur elle pendant quelques secondes. Je reste silencieuse pendant de longues secondes avant de répondre. " Je vois, tu n'as pas choisi le chemin de plus facile." Mais je ne suis pas vraiment étonnée au final. J'eus un sourire en coin avant de reprendre. " Je suis sûre que tu trouveras quelque chose qui soit relativement efficace, ne serait-ce que pour les affaiblir." Ce qui serait déjà pas si mal, quand on voit de quoi sont capables les dieux. Mais je fronce de nouveau les sourcils. Qui c'est ce "il" dont fait référence ? Et sous le coup de la surprise quant à ses propos je m'arrête et la regarde avec un air incrédule. " Un dieu à fait une démonstration de ses pouvoirs devant toi ?" Incroyable. Je me reprends et franchis la distance qui nous sépare tout en réfléchissant aux conseils que je pourrais lui donner qu'elle ne sache pas déjà. " C'est quelle divinité ?" Elle n'est pas sans savoir que j'ai le rôle de libraire chez les déicides à Paris et que de ce fait, j'ai pas mal d'ouvrages sur les différents panthéons. Je pourrais peut-être l'aider sur la marche à suivre. " Sois prudente quand même..." Mais elle l'était, j'en étais sûre.

Je sais qu'elle est passionnée par ses recherches et qu'elle pourrait en parler durant des heures.. Je suis certaine que je ne comprendrais pas la moitié de ce qu'elle me dirait, mais ça ne ferait pas de différence. Elle semble tenir une piste et je sais qu'elle ne lâchera rien et je ne pouvais que l'encourager à persévérer dans cette voie. Je sais ce que c'est d'être passionnée par quelque chose. Mon père voulait faire de moi une combattante, il m'a tout appris ou presque, mais c'est dans le savoir que j'excellais réellement. J'aimais le savoir, qui est une arme tout aussi puissante que l'art du combat, si ce n'est même plus essentiel ! Mais ça, jusqu'à sa mort, il n'avait jamais réellement voulu l'admettre. Mais ça n'avait plus d'importance non plus, maintenant, je traçais ma propre route qui était différente de la sienne, bien que le but soit le même. Passer des heures la tête dans des bouquins vieux et poussiéreux ne m'avait jamais dérangée. Bien que nous poursuivions le même but, nous avons deux approches totalement différentes. Elle était scientifique, j'étais plus littéraire, mais au final tant qu'il y avait du résultat, le chemin importe peu. " C'est vrai, j'espère que tu trouveras quelque chose en tout cas !" Je ne pouvais que l'encourager sur cette voie.

Pour affaiblir un dieu, il fallait vraiment trouver son point faible et ce n'était pas gagné. Il existait bien des histoires, des mythes ou des légendes qui contaient ce fait, mais entre la réalité et l'imaginaire, la frontière était mince. Mais dans les vieux écrits, il y avait toujours une part de vérité. Mais lorsqu'elle reprend la parole, je reste surprise, à tel point que j'arrête de marcher alors qu'elle se tournait vers moi et que je la rattrape pour continuer cette conversation intéressante mais étrange. Les dieux ne se montraient pas imprudents la plupart du temps, donc c'était une réelle surprise que l'un d'entre eux fasse démonstration de ses pouvoirs devant elle. Mais elle m'explique ensuite et mon regard se pose sur  sa cicatrice et j'eus une légère moue. " Une chance pour toi qu'il était là remarque." Surtout si comme elle le disait, l'accident n'était pas joli.

Je réfléchis rapidement à ce qu'elle disait et procède par élimination. " Il reste donc les principaux panthéons européens. Donc les Nordiques, les Grecs, les Slaves, les Celtes et les Monothéistes..." Je reste silencieuse quelques secondes. " Si on proccède par élimination, ne gardant que le plus logique, je dirais qu'il y a de grandes chances pour que ce soit un Monothéiste. Je ne vois pas les autres assez altruiste pour venir en aide à une parfaite inconnue. Pas sans avoir une bonne raison. Puis je ris quand elle s'indigne du fait de servir de guide ! " Allons c'est pour la bonne cause, puis qui c'est, tu pourras toujours apprendre quelque chose d'intéressant !" Il fallait l'espérer, sinon je sais très bien comment elle va réagir. Elle n'aimait pas perdre son temps. Et quelque part, je l'enviais un peu, de pouvoir avoir la chance de discuter avec un dieu. Ma curiosité intellectuelle prendrait assurément le pas sur ma mission si une telle chance devait se présenter !

Les débuts de l'Organisation remontent à une paire d'années maintenant, mais avec les nouvelles technologies, les avancées multiples dans divers domaines, la traque devient un peu moins fastidieuse, mais l'essentiel de ce que nous savons sur les divins, provient des livres, de ce qui se raconte depuis des millénaires maintenant, même si la vérité est bien déformée par le temps. Mais l'un et l'autre vont sans doute de paire. Je préfère avoir le nez dans un vieux bouquin que d'être sur le terrain et elle préfère certainement être dans son laboratoire que n'importe ou ailleurs. C'est compréhensible au fond. Même si je participais à tout ça, plus le temps passait, plus le doute s'installait dans mon esprit et c'est pire encore après la mort de mon père. Et si je faisais fausse route depuis le début ? Et si ma place était ailleurs ? Ce sentiment étrange de ne pas être là où je devrais être, s'infiltre lentement dans mon esprit depuis des semaines maintenant. Mais je n'avais personne avec qui en parler, je doute que les autres comprendraient et ma mère... Cela ne la concernait pas réellement. Et puis je savais aussi que ça ne cadrait pas avec ce devoir qui était le mien désormais, donc autant éviter de m'attirer des ennuis.

La discussion se poursuit et je me rends soudainement compte que je ne suis plus trop au fait de ce qui fait sa vie. Je n'étais pas au courant pour son accident, je ne sais même pas comment elle occupe ses soirées, son temps libre. C'est mon amie pourtant, mais la distance n'a vraiment pas aidé à garder contact régulièrement. Mais je suis sincèrement surprise par ce qu'elle me raconte, sauvée par un dieu ! Il y avait de quoi être étonné. Mais je sentais l'amertume dans le ton de sa voix, quelque chose la contrariait. Je sais que contrairement à moi, elle n'est pas réellement intéressée par le but qu'ils ont, le sens de leur existence. Elle ne les voit que comme une nuisance, un danger qu'il faut à tout prix éliminer. Moi-même parfois je suis prise entre ces deux-feux. Mais au vu de ce qu'elle me dit, le raisonnement fait son chemin dans ma tête et je livre mes conclusions. Bien évidemment, je me doute bien qu'il est possible que j'aie tort, mais c'était une possibilité qui me paraissait être la bonne. Mais je ris en l'imaginant coincée une après-midi entière dans un musée. " Je sais bien, mais fait un effort ! C'est une chance unique que tu as là ! Tout le monde ne peux pas en dire autant !" Moi j'aimerais beaucoup être à sa place par exemple !

Je me concentre alors sur la suite de ces propos. Et reprends la marche à ses côtés. " Ange, néphilim, démon, tu as l'embarras du choix. Mais dans le dernier cas, c'est peu probable au vu de ce que tu me raconte. Je pencherais pour un ange, mais il y en a tellement que je ne saurais te dire lequel est-ce." La religion chrétienne en a à revendre après tout. Il existe des anges pour tout de nos jours, même si certains sont bien plus importants que d'autres. " S'il se confie à toi, ça sera une grande première et une avancée magistrale oui." Pourtant, je suis un peu plus hésitante et reprends. " Mais fais quand même attention. Même si les anges ont de bonnes intentions pour la plupart, reste prudente. Je ne voulais pas qu'elle perde la vie pour ça. " Je pourrais te faire un récapitulatif de ce que je sais plus tard si tu veux." Je lève la tête et vois ma mère et son père qui semblaient nous attendre avant de reprendre leur marche. " Ma mère a décidée de restée vivre à Londres. Elle voulait que je revienne avec elle, mais ma vie est à Paris désormais." Et je n'étais pas sereine de cette décision, j'aurais préférée qu'elle reste près de moi.

Je ne sais pas ce que je ferais à sa place, mais je sais que pour elle, il n'est pas question de passer à côté de cette chance. Mais en lisant entre les lignes, je comprends qu'il ne s'agit pas seulement de servir de guide, mais bien de plus. Je sais que tous les moyens sont bons pour parvenir à nos fins, mais cette extrémité, j'aurais du mal à l'envisager. Cela dit, elle savait ce qu'elle voulait et savait aussi ce qu'elle était susceptible d'obtenir. Et en tant qu'amie, je ne pouvais qu'espérer qu'elle découvre quelque chose, sans trop se compromettre au passage. Mais bon, je la connaissais bien et je me doutais qu'elle ne le faisait pas de gaîté de coeur non plus. Mais sur le nombre de gens chanceux qui ont pu avoir un dieu dans leur entourage, bien peu avaient réussi au final à obtenir une information importante. Ils étaient prudents, pas tous, mais la plupart l'étaient et il fallait redoubler d'efforts et d'ingéniosité pour découvrir quelque chose. Si je devais décrire notre duo, je dirais qu'elle est la scientifique et moi la petite intello de servir, toujours le nez dans ses bouquins. Et à ce titre, j'avais plusieurs pistes à lui fournir, des noms qui seraient possiblement celui de son dieu. Mais pour moi, il était plus que probable que ce soit un ange. Un vrai. Comme ceux qui sont décrits dans plusieurs textes sacrés et dans la Bible. Et quelque part, si ça avait quelque chose de rassurant, ça avait aussi un côté terrifiant quand on sait de quoi ils sont réellement capables. Et malgré mon inquiétude, je sais qu'il faut bien commencer quelque part si on veut un début de réponse. La place des dieux est discutable. Pour elle, elle n'est pas parmi les hommes. Pour moi, intérieurement, je suis persuadée qu'on a beaucoup à apprendre d'eux et inversement. Mais l'incompréhension et la haine on prit le dessus sur tout le reste malheureusement. " Certainement, mais cela ne restera pas sans conséquences. Dieu n'aime pas trop qu'on touche à ses bons petits soldats." Mais je souris légèrement quand elle évoque le fait que si la manière douce ne marche pas, il restait toujours la manière forte. Oui, c'est vrai.

On en vient alors à parler de ma mère et du fait qu'elle a décidé de rester à Londres. Je ne pourrais pas être auprès d'elle dans ce cas. D'un côté, ça m'arrange quelque peu, je l'aime, mais elle est parfois étouffante. Il faut que je me trouve un mari et que j'ai des enfants. Je le sais bien, mais les prétendants ne se bousculent pas au portillon. Et avec ce que je fais, il faut que ce soit quelqu'un qui soit dans le secret et ce n'ait pas gagné non plus. Je pose les yeux sur elle quand elle me rassure et je hoche la tête. " C'est gentil à vous de veiller sur elle en tous cas."Je ne pouvais pas le faire après tout et malgré ses défauts, elle restait ma mère et je l'aimais plus que tout. Je presse le pas pour la suivre pour rejoindre les autres. Simon nous taquine et je lève les yeux au ciel alors qu'il ne fait reprendre de concert par les deux autres. J'observe mon amie se préparer à tirer et je prends la seconde arme que me tendait son cousin. Je l'arme et me poste à ses côtés, mais quand elle tire, je fais de même mais loupe le second animal qui s'enfuit sans demander son reste. Elle a eut sa cible. " Tu manques de pratique ma chérie." " Je sais mère, mais chasser à Paris est compliqué tu vois." Elle sourit et je baisse mon arme. " Tu devrais revenir par ici plus souvent dans ce cas. Tu ne perdrais pas la main. Et ca fera toujours un visage plus amical que ma chère cousine !" Je me tourne vers le jeune homme et souris légèrement. " Je t'arrêtes tout de suite, tu n'es pas mon genre." Le patriarche éclate de rire et je tends de nouveau le fusil à Simon. " Si tu penses faire mieux que moi je t'en prie !" Le pauvre quand même !