La Serbie en temps de guerre, ce n'est clairement pas la destination que j'aurais choisie. Enfin, on ne décide pas toujours, il faut croire. J'aurais pu être là pour le tourisme, du moins, c'est ce que je fais croire à ces gens de l'hôtel, sauf que bien entendu, on ne visite pas grand-chose une fois la nuit tombée. Du moins, ce n'est pas tout à fait exact, mais ce n'est pas le sujet. Cela faisait plus d'une semaine que j'étais dans le coin et j'avais eu tout le loisir de pouvoir approcher Ludilla, la femme du chef de guerre du coin. Et accessoirement la raison de ma présence ici. Et celle de Johannes, mais lui, je ne savais même pas où il se trouvait. C'était mieux comme ça a vrai dire. Il fait son truc de son côté et moi je m'arrange du mien. Ludmilla était une jolie femme, intelligente, il était plaisant de discuter avec elle, mais elle avait épousé un enfoiré de la pire espèce. Elle était tout ce que j'aurais pu être, tout ce que j'avais été dans un sens, quand Adam était encore en vie. Femme d'un trafiquant d'armes, c'est à peu près le même genre de vie qu'elle, le luxe, l'indécence et en contrepartie, on doit fermer sa gueule. J'avais eu plus de chance.

Ce dernier avait décidé d'organiser une grande soirée. Officiellement, c'était pour fêter son anniversaire. Officieusement, c'était surtout un prétexte pour rassembler les gros bonnets et faire des affaires. J'avais été conviée, bien entendu. Ludmilla était mon billet d'entrée, mais elle n'en savait rien. D'un côté, ça m'emmerdait de devoir me servir d'elle comme ça, mais c'était plus simple. Je traverse le village quasiment en ruine, les gens crevaient la dalle par dizaines, c'était pire qu'une scène d'apocalypse. Je serre les dents, me disant que si on avait de la chance, le règne de ce tyran prendrait fin ce soir. On verra. La nuit venait de s'installer pour plusieurs heures et le vent faisait le reste. J'avais pris soin de me nourrir, il serait bien dommage que je dévoile ma nature et perde le contrôle devant tout le monde, cela compliquerait grandement les choses pour moi. Enfin un carnage poserait trop de questions de toute façon. Il fallait que je sois concentrée et en pleine possession de mes moyens.

Je rentre facilement et je souris aux gardes, faisant bonne figure. La blondeur de mes cheveux et mon air presque innocent me facilite la tâche. Je sens les regards sur moi, mais j'ai l'habitude, je n'y fais plus attention. Je trouve la jeune femme dans sa chambre, en compagnie de son fils. Je souris toujours, bien qu'intérieurement, j'ai l'impression d'avoir mal, alors que je ne sens plus rien. Un rappel douloureux de ce passé que j'avais dû laisser derrière moi. Nous échangeons des banalités et quand elle est prête, elle laisse son fils partir en premier et le regarde, alors qu'elle pose la main sur mon bras, comme pour me retenir parce qu'elle avait quelque chose à me dire. Je sens qu'elle a peur, mais de quoi ? Je ne sais pas vraiment. Elle hésite à me parler, puis finalement, elle laisse un sourire se dessiner sur les lèvres et avance dans ce couloir sans dire un mot. Coupe de champagne en main, bien que ce soit purement figuratif dans mon cas, elle se rapproche de son mari et nous présente. Et je vois à son regard quel genre de salopard c'est. Cela ne me fait pas peur, j'en ai vu d'autres et je sais que je peux le réduire en miettes en un rien de temps. Je ressens pourtant du dégoût quand il pose les doigts sur moi et je dois me retenir pour ne pas les lui briser. Il était bien trop tôt pour lui faire la peau. La soirée ne faisait que de commencer. Le plan se déroulait sans problème de mon côté et j'espérais qu'il en était autant du sien. En tout cas, il avait fait les choses en grand pour son anniversaire. Qui sera le dernier.

Ce monde de violence et de domination des hommes ne m'est pas inconnu. J'avais eu de la chance d'être parvenue à me hisser suffisamment haut pour ne pas être considérée comme un objet ou une possession. Mais cette vie, ce genre de fête, je la connaissais et je n'avais donc aucun mal à me fondre dans la masse. Je joue le jeu, supportant les mains posées sur mon corps réprimant chaque envie de casser des os, souriant à pleines dents et gloussant ici et là. On n'attendait pas de moi que je sois capable de tenir une conversation, juste d'être belle et de supporter la situation. Je restais le plus possible avec la femme de l'organisateur de la soirée, mais je voyais bien qu'elle n'était pas à l'aise. J'avais été à sa place et je pouvais comprendre, malheureusement, je ne pouvais rien faire pour elle, si ce n'est la débarrasser d'un mari qui n'était pas fait pour elle. Sans doute n'avait elle pas eu le choix. Je soupire et laisse mon regard se promener sur la salle et j'eus un léger sourire en voyant Johannes. Un regard, un demi-sourire, c'est tout ce que nous échangeons dans l'immédiat et c'est bien assez. Je suis une grande fille, je peux me débrouiller.

Je sais que j'attire les regards du Kaizer et de deux de ses plus proches hommes, ils me couvent du regard comme si je leur appartenais et je les voyais se tendre quand un autre homme avait le malheur de venir trop près de moi. Il ne s'inquiétait pas pour sa femme, mais s'il pensait qu'il allait pouvoir me sauter dans son bureau ou dans un coin sombre de son domaine, j'allais devoir briser ses illusions rapidement. Mais si ça marchait pour l'attirer à l'écart, ma foi, je pourrais me dévouer. Mais ce qui est amusant, c'est que je ne peux pas faire plus de dix mètres sans tomber presque nez à nez avec les deux plus proches lieutenants du maître des lieux. Ils s'amusent, disent que le hasard est parfois amusant et je joue le jeu. Ils me servent à boire, me complimente, me touche le bras, le creux des reins, l'épaule, le visage et je souris. Une fois rentrée, je prendrais une bonne douche. J'en avais croisé des hommes comme eux, tous plus insensibles les uns que les autres. Mais la pitié n'avait pas sa place dans ce monde, celui-ci régit par les marchands de mort, dont j'ai fait partie. La seule chose qui compte, c'est l'argent.

Et alors que la nuit s'avançait toujours un peu plus et que les premiers feux d'artifice se font entendre, je sens une présence derrière moi, mais je ne bouge pas, j'écoute et je souris. " En effet et pas qu'un peu..." Les hommes tous les mêmes après tout. Et ceux-ci appartiennent à la catégorie de mecs qui ne supportent pas qu'on leur dise non. " Si dans cinq minutes tu n'es pas là, je le brise les os." Et après ce bref échange, chacun repart de son côté. Je pars en quête des deux gugus et les trouve facilement. Je m'approche d'eux et passe la main sur le bras de l'un d'entre eux avec un air aguicheur. " J'ai envie de m'amuser... Avec vous deux, ça vous tente messieurs ?" Ils ne réfléchissent pas et je les vois échanger un regard comme s'ils avaient touchés le jackpot. Je pars devant et ils me suivent, ils parlent entre eux, mais j'entends clairement ce qu'ils comptent me faire. Je souris, passant ma langue sur mes lèvres et finalement ouvre la porte du bureau. J'ouvre la fenêtre et me tourne vers les deux imbéciles qui ont fermé la porte à clefs. Dans moins de cinq minutes, ils allaient probablement regretter de l'avoir fait. Il fallait que je gagne du temps, pas question que je les laisse me toucher. Je souris et entreprends déjà de les délester de leurs armes que je pose sur le bureau. Ils ne s'y opposent pas. On entendait la fête au loin, les feux d'artifice, le brouhaha des discussions, ce qui était parfait. Personne ne les entendra quand je les tuerais. Je trouve une bouteille de vodka avec des verres. " Un dernier shot pour la route messieurs ?" Je verse l'alcool et chacun boit son shot et j'en verse un autre et ainsi de suite. Ils doivent se dire que plus je bois, plus je suis ouverte à tout. Je souris en coin et continue mon manège en attendant l'autre vampire.

Je ne me pose pas plus de questions que cela, je sais pourquoi je suis là, je sais ce que j'ai à faire. Et il me semble que ça sera plus facile que prévu. Mon joli visage, mon corps, je savais comment les mettre en valeur, sans que cela ne soit vulgaire pour autant, sauf si je décidais que ça serait le cas. Et ce soir, était l'un de ces moments. Après tout, qui irait pleurer la perte d'êtres aussi méprisants ? Certainement pas moi. Je suis toujours une trafiquante d'armes dans l'âme, je sais que je reprendrais mon business à la première occasion, je ne suis pas idiote au point de croire le contraire. Cependant, je suis bien différente sur le fond, je me suis contentée d'une belle maison, avec un jardin, une jeune nounou pour ma fille et quelques gardes, pas pour moi, mais bien pour la petite. Le reste de l'argent placé sur des comptes ou bien caché. Je n'ai jamais fait ce genre de démonstration et encore moins alors que des gens crevaient littéralement de faim, de froid juste à côté. Alors dans le fond, ce n'était que justice et j'allais m'amuser en leur ôtant la vie.

J'échange quelques mots avec Johannes, étant tout de même contente qu'il est pu entrer sans trop de difficulté. Mais il savait très bien comment faire après tout. J'étais sérieuse quand j'annonçais que je leur briserais les os à l'un comme à l'autre des deux pigeons qui allaient servir de sacrifice dans un premier temps. Je souris en coin à sa remarque. " J'ai été une bonne élève jusque là, je saurais me contrôler et les éliminer sans me faire remarquer." Parce que s'il y avait bien un aspect sur lequel j'avais encore du mal, c'était de me contrôler quand il y avait énormément de sang. Je n'étais alors plus stable et complètement hors de contrôle le temps que la crise se calme. Et ce n'était pas le moment d'en faire une. Il s'éloigne et j'en fais de même, avisant les deux lieutenants que j'avais envie de m'amuser avec eux, avant de les emmener à l'écart. Une fois dans le bureau, aucun des deux ne protesta lorsque j'ouvris la fenêtre. Ils avaient autre chose en tête et je pouvais le voir sur leur visage. S'ils pensaient que j'étais la proie, ils se trompaient lourdement. Je suis le chasseur, mais ils ne le savent pas encore. Je joue mon rôle à la perfection et quand ils s'approchent trop près, je me dérobe avec agilité ce qui les fait soupirer de frustration. Ils avaient envie de moi, sans doute de me contraindre, de me faire mal et je souris en coin à cette idée. Personne ne me force à quoi que ce soit. Je trouve une bouteille et les invite à boire. Ils acceptent, pensant que ça me rendrait sans doute plus docile. Je tourne la tête vers la fenêtre, le temps n'était pas écoulé et je ne me sentais absolument pas en danger.

Et lorsqu'ils posent leurs verres, je les laisse s'approcher, tout en veillant à ce qu'ils soient dos à la fenêtre. Je sens leurs mains sur ma peau, ma robe qui remonte le long de mes cuisses, les gestes plus appuyés, pas vraiment doux, pas encore violents. Je glousse quelque peu, jouant vraiment le jeu. Je me voyais déjà leur briser les os, leur arracher la carotide et les laisser là, sur le sol, baignant dans le sang en train de se vider comme les porcs qu'ils sont. Et soudainement, je ressens la présence de l'autre vampire et le vois brièvement avant que l'un des deux m'embrasse sans la moindre douceur. Encore quelques secondes. Instinctivement, mes muscles se tendent parce que je sais ce qui va fatalement arriver et je sais que ça va me plaire. Je suis la dernière chose qu'ils verront de leur vivant et cette idée me plait bien. Après, il y a bien pire comme dernière vision. Il s'approche et l'ordre claque, alors qu'il s'en prend à celui qui remontait ma robe avec empressement. Avant que l'autre n'ait le temps de faire quoi que ce soit, je pose ma main sur sa gorge et lui broie les cordes vocales pour qu'il ne puisse plus émettre le moindre son. L'espace d'un instant la surprise puis la peur ensuite passent dans son regard et sans le moindre remords, je plante mes canines dans sa gorge et lui sectionne la carotide. Je bois, malgré le sang de mauvaise qualité, quelques petites gorgées avec une mine dégoûtée. Johannes pousse le corps alors que je venais d'arrêter de le mordre et il tombe à terre sans que je ne lui accorde le moindre regard. Mon attention focalisée sur le blond en face de moi. L'excitation de l'attaque, de la chasse et de la mort me faisait sourire. "Suis moi."

Du revers de la main, j'essuie le sang sur les lèvres, remets ensuite ma robe à peu près comme il faut et l'entraîne à ma suite. De ce que j'avais réussi à tirer des deux cadavres qui sont à présent dans le bureau, c'est qu'il devait négocier une vente avec une personne au moment des feux d'artifice dans la bibliothèque un peu plus loin. Comme il était chez lui, il n'y aurait pas de sécurité. Juste encore une victime collatérale, mais du même acabit que celui qu'il venait tuer. Ce n'était pas une grande perte. " Il sera possiblement accompagné d'un acheteur. Tu te charge des deux seuls ou je viens avec toi ?" L'un dans l'autre ça m'allait parfaitement.

Tuer les deux lieutenants de la cible de Johannes n'était qu'une formalité. Bien trop concentré sur ma personne, ils n'avaient pas vu la mort venir dans leur dos. Et celui dont j'avais broyé les cordes vocales, n'avait pas pu exprimer le moindre son avant que je plante mes canines dans sa chaire et commence à boire son sang de piètre qualité. Mais la situation dans son ensemble me plaisait et cela se traduisait par une certaine excitation, mais ce n'était pas le moment de perdre pied. Son ton presque paternaliste me fit légèrement ricaner, alors que je remets ma robe en place et m'essuie les lèvres du revers de la main. Je sais que nous n'en avons pas fini ici, mais c'est en bonne voie. Ma robe est tachée de sang, de même que ma peau et sans doute mes cheveux, mais ça n'a pas trop d'importance dans l'immédiat, nous n'avons pas fait dans la dentelle. Mais personne ne venait, signe que personne ne s'intéressait à ce qui pouvait bien se passer. Les regards étaient visiblement tous rivés sur le feu d'artifice dehors. Et l'alcool devait bien aider. Mais nous devions passer à la suite rapidement, afin de ne pas être dérangé, ni même pris sur le fait. Je le conduis alors jusqu'à la bibliothèque où je savais que son homme se trouvait, mais avant de rentrer, je lui demande s'il a besoin de moi. Après avoir remis une mèche de cheveux derrière mon oreille, il m'indique la marche à suivre. Mon sourire se fige quelques secondes et je hoche la tête, je savais que c'était nécessaire. Je serre brièvement sa main dans la mienne et reprends. " Je reviens rapidement." Je n'avais pas envie de la tuer, mais si c'était le seul moyen...

Je le laisse dans le couloir et rebrousse chemin, tout en faisant attention et à rester discrète. Je suis couverte de sang après tout et en passant devant un miroir, je m'en rends pleinement compte et enlève le sang sur mon visage avec l'eau que je trouve dans un vase à fleurs. Je remets mes cheveux en place, ma robe et si je reste dans l'ombre, ça passera normalement. Il fallait que je retrouve la jeune femme désormais. Je ne me rends pas dans la salle principale, mais dans les étages ou je sais qu'il y a la chambre de l'enfant et celle du couple. A cette heure, le petit doit très certainement être en train de dormir. Voyant de la lumière dans la chambre du gamin, je pousse la porte doucement et vois qu'elle se trouve bien là, à regarder son enfant dormir. Combien de fois l'avais je moi-même fait avec Halyna ? Trop souvent, plus que je n'aurais dû le faire. Je décide de lui laisser ce moment et l'attends dans le couloir. Sa survie ne dépendra que d'elle, je ne veux pas lui faire de mal, mais si elle ne me laisse pas le choix, je la saignerais jusqu'à la dernière goutte. Elle sort et je l'attrape par le bras et l'empêche d'émettre le moindre son en lui planquant ma main sur la bouche et la pousse dans l'autre chambre. " Si tu hurles, je tue ton fils, compris ?" Sans doute habitué aux menaces, elle reste prostrée dans son coin, sans dire ou faire quoi que ce soit. Alors j'avance jusqu'à elle et lui explique la situation. Lui expliquant que ce qui se passait ne pouvait être que bénéfique pour elle, que son mari ne lui fera plus jamais de mal, ni à elle, ni à son fils. Lui conseillant dans le même temps de faire ses valises dès le lendemain et de partir le plus loin possible. Mais cela avait un prix, celui de son silence. Si elle parlait à qui que ce soit, je viendrais la tuer elle et son fils. Et elle semble parfaitement d'accord avec ça et j'en déduisais que c'était bon, que la question était réglée. Je me relève, m'éloigne de quelques pas et lui jette un dernier coup d'oeil pour voir qu'elle avait son téléphone en main. Oh ! ça non. Je retourne vers elle et sans la moindre douceur je l'attrape par le cou et la plaque contre le mur. Je ma main libre, je prends son appareil et vois qu'elle avait composé le numéro de la police. Je jette l'appareil sur le sol et la regarde. " Tu ne me laisse pas le choix." D'un geste, je lui brise la nuque et le corps tombe comme une poupée de chiffon sur le sol. Cela ne m'enchantait pas, bien au contraire. Et je quitte la pièce, il fallait que je retourne auprès de Johannes rapidement.

Une fois de retour devant la bibliothèque, je pousse la porte et la referme derrière moi. Je vois un premier corps sur le sol, le sang coulait et les livres étaient éparpillés tout autour de lui. Mais je ne m'arrête pas et continue d'avancer jusqu'aux deux hommes. La scène me fit sourire, bien que je sois d'une humeur massacrante pour le coup. " Oui, elle ne parlera plus à qui que ce soit désormais." J'avance jusqu'au bureau alors que mon créateur reprend la parole et je regarde cet homme si pathétique désormais, alors qu'il se pavanait comme un roi il y a encore une heure. " Oh mais il va payer cher cette erreur de jugement." Je ne suis pas une chose qu'on peut utiliser contre son gré. Je contourne le bureau, alors que l'autre vampire s'empare d'un coupe-papier et lui enfonce dans le cou. Le sang ne tarde pas à couler à flots. Je ne me fais pas prier pour planter mes canines et boire plusieurs gorgées. Cela me fait du bien et apaise quelque peu ce que je ressens. Mais ce qui est fait est fait et je n'avais pas d'autres choix. J'enlève mes crocs de la chaire et recule d'un pas." A ton tour, bois en aussi, tu en auras aussi besoin." Ce porc n'a que ce qu'il mérite, bien que sa mort soit trop douce encore pour toutes les atrocités commises. Je récupère le coupe-papier et m'asseois sur le bureau et lacère la chaire doucement, mais surement. J'aurais adoré l'entendre hurler de douleur, mais pour aujourd'hui je saurais me contenter de cette situation.

Je ne pouvais pas aller contre cet instinct qui régissait ma vie désormais. Je devais survivre et pour ce faire, je devais tuer la plupart du temps. Ou alors c'est moi qui serai amené à mourir une seconde fois. Et il en est hors de question. Pourtant, j'aurais été prête à épargner cette femme si seulement elle avait joué le jeu. Si son instinct de survie ainsi que celui de son fils avait compté un tant soit peu pour elle, elle aurait compris que je lui offrais une porte de sortie. Mais non. Elle avait laissé la peur dictée ses actes et je ne pouvais pas prendre le risque de voir la police débarquer avant que nous soyons sortis d'ici avec Johannes. Tant pis pour elle, je laissais néanmoins son garçon vivre, peut-être que c'était plus clément de lui ôter la vie, mais je ne pouvais pas m'y résoudre. Sanguinaire sans doute, mais dans mon esprit, les enfants restent sacrés. Je regarde une dernière fois ce corps inerte sur le sol, la nuque brisée, soupire et quitte la pièce. Il était temps d'achever ce que nous étions venus faire en ce lieu.

La violence a toujours fait et fera toujours partie de ce monde et je n'en suis que l'instrument désormais. Je referme la porte derrière moi et avance dans le couloir pour retourner vers la bibliothèque. Je m'arrête devant une fenêtre et vois que tout le monde semble s'amuser à l'extérieur, sans se douter une seule seconde de tout ce qui se jouait à l'intérieur de la demeure. La diversion n'en était que plus belle. Je me détache de ce spectacle, consciente que je perdais un temps précieux et que je lui avais promis de ne pas traîner en chemin. Cela serait suspect et je ne voulais pas attirer l'attention sur moi. Et je rentre à mon tour dans la pièce, prenant bien soin de la refermer derrière moi. Et je m'avance, sans faire grand cas du cadavre qui gît sur un lit de livres. Et j'eus un sourire en arrivant près du bureau. Je vois que l'autre Oupyr s'est amusé en mon absence, mais je n'en souffle pas un mot et pose les yeux sur lui quand il me pose une question. " Je vais bien." Et c'est le cas, j'allais bien, j'ai fait ce qu'il fallait c'est tout.

Je contourne le bureau pour me mettre à sa hauteur quand il plante le coupe-papier dans le cou et au lieu de simplement boire, je plante les crocs. Boire du sang me fait du bien, tout est désormais sous contrôle et si mon regard brille d'une certaine satisfaction des évènements, je sais que ce n'est pas terminé. Je recule et avale la dernière gorgée de sang pour lui laisser la place. Il estime ne pas en avoir besoin et j'eus un sourire aux lèvres avant de prendre place sur le bureau, face au mortel qui se vidait de son sang. Et l'envie de lui faire mal, me prends, cette pulsion sadique, me fait sourire d'une manière qui serait inhabituelle pour ceux qui me connaissaient d'avant. Mais je ne suis plus la même désormais. Et pendant que je le torture, je sens le regard de Johannes sur moi et je souris de plus belle en le regardant à mon tour. Cela avait un goût de malsain et d'assez excitant en même temps. Et finalement, il s'écarte assez pour déchirer la chemise du malheureux, me laissant une plus grande surface de peau et de chaire à taillader.

Je ne sais pas ce qu'on gagnera avec cette mission, j'imagine que cela avait été vu entre le commanditaire et Johannes. Mais au final, cela ne changeait rien du tout. Et pour le moment, tout avait l'air de bien se passer, même si j'avais dû écourter la vie de la mère de famille. Mais elle aurait donné l'alerte et on ne pouvait pas se le permettre maintenant. Je sais qu'il est crucial que cette mission soit exécutée et qu'on s'en sorte bien. Je ne m'en veux pas pour ce fait, elle n'avait qu'à écouter ce que je lui avais dit, mais elle n'en avait rien fait. Une chance que j'aie laissé son fils en vie. Et une fois de nouveau dans la pièce il me demande si tout va bien. Je le rassure sur ce fait et pose les yeux sur lui quand il reprend la parole. " Je me doute. Mais ça ne sera jamais un problème." S'il faut que j'étouffe ce qui me reste d'humanité pendant les missions, alors je le ferai. Je sens qu'il en va de notre réussite et en plus notre survie quelque part. Je ne peux pas faire dans les sentiments et je venais de le comprendre.

Je passe un peu ma frustration qui n'en est pas une, sur cet homme qui est presque à l'article de la mort avec ce qu'il venait de subir. Il ne représentait rien pour moi, à peine plus qu'un travail que je fais pour le compte d'un tiers. Je le regarde quelques secondes après qu'il m'explique qu'il avait eu du mal à comprendre ce qu'il était. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres après cela. " J'ai eu un bon maître il faut croire." J'ai bien appris mes leçons, même si par moments, je doute et qu'il y a des choses que je ne peux pas faire alors que j'en meurs d'envie. Mais tout cela passera avec un peu de temps. Je m'adapte bien, c'est dans ma nature de m'adapter au changement, même quand il est radical. Pour l'instant je le vis assez bien, sans doute parce que je n'ai pas le temps d'y réfléchir. J'ai fait le deuil d'une grosse part d'humanité que j'avais, même si j'avais cette violence latente dans de rares cas. Violence, que je peux exprimer pleinement désormais.

Je reporte mon attention sur cet homme lorsque l'allemand rectifie ce que je venais de dire. Effectivement, il vivait encore, j'entendais les faibles battements de son coeur. J'eus un léger froncement de sourcils à ses dires voyant que le sang coulait de moins en moins des multiples plaies qu'il avait sur le corps. Infligées par Johannes ou par moi-même avec le coupe-papier. " Ce qui serait dommage en effet." Nous avions encore du temps devant nous, personne ne semblait s'inquiéter pour le moment, alors autant en profiter pour le saigner complètement.

Je ne recule pas devant toute cette violence dont nous faisons preuve sur cet homme. Mieux, je crois même que ça me plaît, c'est difficile à expliquer et je n'ai de toute façon pas le temps de m'appesantir sur ce que je ressens. Je sais que c'est un test, mais aussi une leçon, un apprentissage. Je ne suis qu'une jeune créature et même s'il semble que je réagisse mieux que d'autres, je reste malgré tout assez naïve, inconsciente du danger qui rôde dans ce nouveau monde. Mais je pense que ce soir, je me suis montrée à la hauteur, je n'en sais rien et je ne lui demande pas. A quoi bon ? Pour le moment, nous sommes encore discrets, personne n'est encore venu nous déranger, malgré l'absence qui ne va pas tarder à se faire ressentir de l'hôte des lieux. Je continue de boire le sang, comme un besoin. Peut-être qu'il a raison et que j'en ferais meilleur usage que lui, après tout, c'est lui le plus âgé de nous deux. Je finis toutefois par me relever alors qu'il meurt définitivement, rendant son dernier souffle dans la douleur.

Je repense soudainement à ce qu'il avait dit plus tôt, que nous restons faillibles à notre manière. Tuer une mère, en sachant qu'il n'y a pas si longtemps j'en étais une, est un peu compliqué, mais l'instinct de préservation, de survie prend le pas. Je ne sais pas si cela va s'estomper avec le temps. Je crois que je reste encore un peu trop humaine malgré cette nouvelle condition, peut-être que ce n'est que temporaire. Mais je chasse ces pensées pour me concentrer sur le présent et dans le cas présent, sur notre fuite. Je dois passer devant et je souris légèrement, la faim étant maîtrisée, mes canines ne sont plus apparentes. " D'accord." Je vois des traces de sang sur ma peau, sur mes vêtements et je me dis que je pourrais en profiter pour me nettoyer un peu. Je verrais bien ce qui se passe en dehors des murs de la bibliothèque. " Ne tarde pas trop." Puis je me dirige vers la porte et sors. Le couloir à l'air encore désert et calme. Je pousse la porte sur la droite et remarque des toilettes. Bien. Je me faufile à l'intérieur et reste malgré tout attentive à tout ce que je peux entendre, alors que je me rince le visage, les mains, les bras et le haut du corps. Pour le sang sur ma robe, je n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit. Et je ressors de là quelques secondes plus tard, pour sentir une odeur de fumée qui commence à se répandre et immédiatement après les cris.

Si l'on arrive à rejoindre la foule, on peut s'y mêler et sortir. Il reste cependant les options des fenêtres ou alors le combat, mais ce n'était pas ce qu'il y avait de plus pratique pour sortir sans encombres. Mais je commence à avancer, prudente, mais je sais que j'aurais plus de force que le plus gros des gorilles de la garde de notre hôte. Je n'ai pas peur, je suis même assez confiante, mais je ne tiens pas tant que ça à mourir. J'arrive au bout du couloir et aperçois les premières ombres qui se dessinent sur les murs et les ordres claquent, dans une langue que je ne connais pas, mais les intonations ne laissent pas de place au doute. Les alarmes se déclenchent les unes après les autres tandis que je sens la présence de Johannes dans mon dos. On prend alors le couloir qui part dans l'autre sens et on n'y croise pas grand monde. Finalement, je vois une fenêtre qui donne sur le jardin où sont encore beaucoup d'invités qui ne comprennent pas ce qui se passe après les jolis feux d'artifice auxquels ils venaient d'assister. Se mêler à la foule, voilà l'option la plus sûre. Notre porte de sortie passait par là.  La panique aidant, personne ne remarquera les traces de sang sur ma robe. Je vois une veste qui traîne sur une chaise et m'en empare pour couvrir mes épaules et le haut de ma robe. Et en un rien de temps, on se retrouve hors de l'enceinte du domaine. C'était terminé. Nous avions réussis.