Le monde des Hommes avait changé en quelques millénaires. Je ne m'en étais pas bien rendu compte, à force de rester dans l'ombre de Lucifer, mais surtout aux Enfers. C'est peut-être pour cette raison qu'il m'avait poussé à partir, que je m'en rende compte par moi-même Ou bien plus probable, parce qu'il voulait faire un peu ce qu'il voulait en mon absence. De toute façon, cela ne changeait rien. Et une fois dans le monde des mortels, je me suis bien rendu compte que tout avait changé, sauf peut-être une chose. Les hommes sont toujours avides de ce qu'ils ne peuvent pas avoir. Un vrai régal. Un amusement sans bornes l'espace de plusieurs années. Et puis l'ennui avait quelque peu, commencer. Même si je me suis rendu compte que l'influence de l'Unique était de plus en plus répandue et qu'on se servait de Lucifer ou encore de moi-même comme d'un épouvantail pour faire peur aux fidèles. Je souriais toujours en coin quand j'entendais ces choses-là. Ce n'était pas forcément faux non plus, mais loin, très loin de la vérité. Et puis il y avait les conflits, les guerres, diverses et variées, mais cela ne m'amusait pas. Lucifer se régalerait du chaos, mais moi j'avais besoin d'autre chose.

Et puis tout d'un coup, les gens commençaient à tomber malades et à mourir. En masse. Ce n'était pas la première épidémie qui se déclenchait, mais pour celle-là, je n'étais en rien responsable. Pour les autres, ma foi... Peut Être un peu. Mais celle-ci était foudroyante. Partout où je passais, il y avait des morts qui s'entassaient dans des fosses communes de fortunes et si au départ certain y mettaient le feu, progressivement, il y avait de moins en moins de volontaires. Et de moins en moins de gens sains. Faire semblant de compatir était dur, mais il fallait absolument que je reste le plus discret possible. Et l'épidémie gagne du terrain, de plus en plus. Quelle époque merveilleuse ! Bien évidemment, j'en cherchais l'origine, je voulais comprendre, apprendre, parce que c'était bien plus virulent que les autres épidémies. La grippe, la variole, c'était bien sympa, mais ça, c'était quand même bien plus violent. Et je me délectais de tout cela. Je suis un démon, je suis ce qu'on a fait de moi après tout. Il m'arrivait de traverser des villages complètement déserts, où les cadavres étaient en train de pourrir. Des villes à moitié décimées. Bien sûr, il y avait les malades d'un côté et les gens qui ne l'étaient pas encore de l'autre, mais cela ne changeait pas grand-chose. Certains comprenaient avec plus ou moins de lucidité que leur tour allait venir. Pour d'autres, il me suffisait de leur murmurer à l'oreille l'agonie qu'ils allaient ressentir pour qu'ils deviennent complètement fous. Et puis il y avait les hommes de foi, qui eux, en rajoutaient une couche supplémentaire. La colère de Dieu ? Vraiment ? S'ils savaient qu'il n'avait rien à voir là-dedans... Et moi non plus, mais parfois, le hasard fait bien les choses. Plusieurs siècles qu'il n'y avait pas eu de telle épidémie et je suis sur terre depuis une poignée d'années et voilà le résultat.

Et depuis deux ans, la maladie décime et ravage le continent sans que rien ne semble la stopper. J'avais fini par comprendre que cela venait des rats, mais je me gardais bien de révéler cette information. De toute façon, qu'est-ce qu'ils en feraient ? Une chasse aux rats ? Ils tenaient même pas debout pour la plupart. Et après plusieurs années d'errance, d'observation, de survie et surtout de ruse, j'arrive vers le sud de l'Italie. Je ne savais pas vraiment où j'allais, mais ça n'avait pas vraiment d'importance. L'épidémie était présente partout de toute façon. J'arrive alors dans un petit village et il n'y avait plus grand monde de vivant, encore une fois. Je me fais passer pour un guérisseur ou quelque chose de ce genre-là. De toute façon, je n'allais rien guérir du tout. Mais une fois dans ce village, je sens que quelque chose est différent. Je ressens une présence, quelque chose qui n'est pas habituel. Et cela faisait plusieurs années que cela ne m'était pas arrivé. Alors j'observe les gens présents, un par un, attentivement, mais rien. Pourtant, cela ne me lâche pas. Je demande alors à voir leur fosse commune et les yeux hagards, il me montre un endroit hors du village. Je demande à y aller seul et de toute façon, aucun d'entre eux ne veux s'en approcher. L'odeur de mort est forte, mais cela ne me rebute pas vraiment. Je passe juste un tissu sur le bas de mon visage pour que je sois un minimum crédible et je commence à observer. Tout en restant attentif à ce que je ressentais. S'il y avait une autre divinité dans le coin ou n'importe quoi qui s'y rapprochait, j'aimerais bien le savoir. Cela était complètement étranger et pourtant, je croyais percevoir quelque chose que j'avais connu il y a longtemps. Je fronce légèrement les sourcils et j'attends, continuant de jouer mon petit jeu.

J'avais une impression étrange concernant ce village. La mort était présente, comme partout, bien évidemment, mais il y avait aussi ce petit quelque chose en plus que je n'avais pas remarqué ailleurs. J'avais sans doute été loin de ce monde beaucoup trop longtemps, tout avait changé. Pourtant, la curiosité était la plus grande et je demande donc à être conduit près d'un charnier. Personne n'osera s'en approcher et je préfère demander l'autorisation afin d'éviter les ennuis. Il serait stupide que je finisse sur un bûcher pour une raison ou une autre. Les gens sont bien plus superstitieux maintenant qu'ils ne l'étaient à l'époque où je foulais cette terre. La sorcellerie était quelque chose de crainte par les gens du bas peuple, à tort ou à raison, ce n'était pas à moi d'en juger. Après tout, je suis un démon maintenant et lorsqu'on m'invoque, c'est rarement pour faire fleurir un jardin en friche.

Je soupire et j'observe ce que j'ai sous les yeux. C'est toujours la même chose, c'est moche, c'est virulent et foudroyant de ce que j'ai pu voir et ça ne laisse pas de chance de survie. Ou alors très peu. Et je n'en connais pas beaucoup qui ont survécu. Au vu de la taille du charnier, je dirais que la moitié du village y est passée et y'en aura sans doute encore d'autres. Cette épidémie ne semblait pas vouloir prendre fin. Deux ans déjà que ça durait. Moi ça me faisait sourire et c'est un fléau que je pourrais sans doute être amené à répandre de nouveau dans quelques siècles, quand la mémoire des hommes aura un tant soit peu oublié cette maladie. J'aime m'amuser et les humains sont de bons jouets. Et dire que ça se tourne vers Dieu dans l'espoir d'être sauvé, de sauver des proches ou carrément pour l'insulter. Pour une fois que nous les démons et moi en particulier, on n'avait rien à voir dans cette histoire, il ne pourrait pas se retourner contre nous. Il les aime ses misérables humains. Pathétique. Je fronce pourtant les sourcils quand je sens une présence derrière moi et qu'une voix s'élève.

Une femme se tenait là. Elle était belle et ne semblait pas affectée plus que ça de se tenir à quelques mètres à peine de cette fosse commune qui empestait comme pas possible. Je pose les yeux sur elle et l'observe, essayant de savoir qui elle était. Et je me rends compte que l'impression étrange que j'avais ressentie en arrivant était amplifiée en sa présence. Qui était cette femme ? Je détourne le regard et le pose de nouveau sur les corps, comme si elle ne m'intéressait pas. En vérité, je réfléchissais à ce que j'allais bien pouvoir lui répondre. " Je ne fais que constater ce que j'ai pu voir avant d'arriver ici. La mort frappe encore et encore." Je suis étranger sur ces terres, je le sais. Et je n'ai pas spécialement envie de finir dans les geôles du seigneur le plus proche ou être victime de villageois désespérés. " Je ne suis qu'un humble guérisseur qui cherche l'origine du problème afin d'y apporter une solution." Et pas forcément celle à laquelle on peut s'attendre. L'histoire du guérisseur me paraît être la meilleure option présentement. " Depuis quand votre village est touché ?" Non pas que cela est une importance, mais faire semblant de s'intéresser, c'est plus simple pour avoir des réponses rapidement.

La mort fait partie de la vie. Depuis toujours et ça sera toujours le cas. Mais quand il arrive des épidémies comme celle-ci, tout est remis en question. Y compris la Foi de certains et c'est précisément ce qui m'amusait. On a tous besoins de blâmer quelqu'un quand le malheur s'abat, mais Dieu s'en tire encore relativement bien dans cette histoire, même s'il a sans doute perdu quelques moutons au passage. Même si j'appartenais au panthéon monothéiste depuis que je l'avais rallié, il n'en reste pas moins que je vois les humains comme des jouets désormais. Et voir ce charnier, comme tant d'autres avant lui, ne m'affecte pas le moins du monde.

Cette femme était agréable à regarder, en plus de dégager une aura des plus intéressantes. Je ne savais pas à qui j'avais à faire, du moins pas encore, mais quelque chose me disait qu'elle n'était pas native d'ici. Elle ne ressemblait pas aux autres villageois que j'avais croisés, enfin les rares encore en vie et qui étaient venus voir ce que je venais foutre ici. Je comprends toutefois la méfiance de ces gens, mais ne m'en formalise pas. Pour moi, ils sont inoffensifs, si je sens la moindre trace de danger, il me serait aisé de tous les tuer et de repartir tranquillement sur mon chemin. Je n'en connais pas la destination, sans doute le jour où ce corps sera trop fatigué pour continuer. La mort est imprévisible et même si je suis un démon et que je suis capable de l'esquiver, cela n'est pas infini. Surtout pas en ces temps troublés. D'un ton calme et détaché, je lui demande quand est-ce que ça a commencé chez eux et elle m'informe que cela ne fait que sept mois. Ils ont donc été épargnés un certain moment. Sans doute que le fait que ce ne soit qu'un petit village assez isolé l'a préservé dans un premier temps. Malheureusement, ça a fini par les rattraper. Je soupire légèrement et hoche la tête. J'avais appris à jouer le jeu avec les années, je sais à peu près comment réagir aux situations données.

Je reste silencieux quelques secondes, comme si j'assimilais cette information. " Vous avez eu de la chance dans un sens. Vous avez été relativement épargné jusqu'ici." Sept petits mois alors que l'épidémie court depuis deux ans partout en Europe, c'est une façon de voir les choses, bien évidemment. Pas sûr qu'elle partage le même point de vue et au fond, qu'importe. Elle se présente ensuite, m'annonçant qu'elle était la femme du guérisseur local et me donne son prénom. Joli nom pour une belle femme. Je me tourne vers elle. " Je suis ravi de vous rencontrez, malgré les circonstances. Je me nomme Perceval Pelletier." J'avais mis quelques années à construire mon background pour que ce soit plausible. Je suis un français, venu en Italie pour apprendre la médecine auprès des plus grands, mais pas seulement. Les mathématiques, l'art dans son ensemble. " Votre mari a t'il fait des constatations intéressantes au sujet de cette épidémie ?" Sait on jamais, il aurait pu penser à quelque chose qui m'aurait échapper. Et puis j'étais curieux de nature, avoir un autre avis sur la question pouvait toujours être intéressant.

Ce qui est étonnant, c'est que la Mort effraie toujours les gens. Ils en ont peur et certains sont prêts à tout pour y échapper. Même à vendre leur âme, celle de leur enfant, de leur proche dans de rares occasions pour contourner la Mort. Ce qui les attend en retour est bien pire en comparaison. Mais il est vrai que cette maladie est incontrôlable pour le moment et c'est bien ça qui est à la fois inquiétant et excitant. Après je suis un marchand de mort en quelque sorte. Je répands des épidémies si je le souhaite. Si j'en ai compris l'origine, du moins en partis, je suis bien loin de savoir comment la stopper et je n'en voyais pas l'intérêt non plus. A en croire les bouffons qui hurlent sur la place de certains villages que j'ai traversés, c'est un test de Dieu. Mais l'Ancêtre n'y est pour rien là-dedans, c'était naturel, du moins pour cette fois-ci. Peut-être qu'il y avait eu d'autres épidémies avant celle-ci, il faudrait que je pense à me renseigner à mon retour en Enfer, ça pourrait toujours être utile, mais pour le moment, je suis là, dans ce village perdu au fin fond de l'Italie et j'observe.

Je me retiens toutefois de réagir, lorsqu'elle se signe et remercie Dieu de les avoir épargnés jusque-là. Je serre légèrement les dents, mais ne laisse rien paraître du dégoût que cela m'inspire, malgré mon allégeance. Si j'avais été un Ange, les choses seraient différentes, mais j'avais préféré les ténèbres à la lumière, parce que je n'étais pas une divinité bonne de base. Certes, je pouvais bénir mais en de rares occasions. Parce que les divinités païennes sont comme ça, ni bonnes, ni mauvaises. Mais j'avais choisi mon camp. Je réalise qu'il faut que je dise quelque chose. " Amen" Et ce simple mot m'arrache la bouche, mais passons. Je me présente ensuite. et elle s'incline en disant que c'est un honneur. Pelletier était un homme qui aimait le savoir, mais qui avait aussi de gros vices et c'est pour cette raison que j'ai été attiré par lui quand il a été question de me réincarner dans un corps. Il était intelligent, passait bien et avait beaucoup de savoir pour l'époque, mais venir en Italie pour en apprendre plus était une aubaine finalement. Elle parle d'un cas particulier et je hausse un sourcil, intrigué et je hoche la tête positivement. " J'en serais ravi. Je vous suis !" Je souris légèrement et fais un geste du bras pour lui dire de passer devant.

Je la suis donc et mon regard se pose sur sa silhouette absolument délicieuse. Si elle n'avait été qu'une simple humaine, je lui aurais sans doute fait du charme et aurait passé la nuit avec elle, malgré le fait qu'elle soit mariée. Mais ce que je ressentais d'elle m'incitait à la prudence et donc, je me contentais de la regarder. Elle était désirable à n'en point douter. Quel gâchis d'être la femme d'un simple guérisseur de village ! Mais on arrive devant la maison et je sors de mes pensées pour regarder l'habitation qui tombe presque en ruine. Il faut dire que l'argent ne coule pas à flots dans ce genre de coin reculé. Un jeune homme garde la maison et je la laisse interagir avec lui en silence, observant juste l'échange. Elle imbibe un bout de tissu avant de me le tendre et par curiosité, je renifle et sens les huiles. Je sais que l'odeur est loin d'être agréable, alors ce morceau de tissu est le bienvenu. Elle m'explique qu'il s'agit d'une famille et que la plupart vont trépasser dans les jours à venir, mais la femme elle, semblait plus résistante. " Quelle horreur de voir sa famille souffrir ainsi..." Faire semblant de compatir, j'avais appris à le faire. Une fois prêt je lui fais signe. " Entrons."

J'entre le premier. C'est assez sombre, mais je distingue bien assez vite des formes allongées sur ce qui ressemble à des paillasses. L'odeur est insupportable. La maison ne semble avoir qu'une seule pièce et je soupire légèrement. La femme qui était debout se tourna vers nous, elle semblait surprise de me voir, mais elle se détendit quand la femme me rejoignit. Cinq jours et elle était toujours vivante et semblait en forme globalement. Je reste silencieux, attendant les explications promises par mon guide du jour.

Je décide pour le moment de passer outre mon ressenti sur la situation et cette sensation étrange qui ne me quittait pas à propos de cette femme. Je devais toutefois faire attention, si je suis immortel, mon corps, lui ne l'était pas et Perceval Pelletier est une bonne couverture pour passer de ville en ville et de pays en pays. Je mets le linge sur mon visage et je sens des odeurs habituelles pour masquer les odeurs de mort. ambiant qui règne auprès des malades et des fosses communes. Personne ne venait aussi loin des grandes villes par les temps qui courent, ce qui me facilite parfois la tâche et bien souvent me la complique. La méfiance est une chose contre laquelle je ne peux rien et qui me fait perdre du temps. Après m'être préparé, j'entre dans cette pièce qui empeste la mort, mais c'est quelque chose qui ne m'est pas étranger. Les maladies qui ravagent la population étaient déjà bien nombreuses par le passé, mais le commun des mortels à tendance à oublier au bout d'un moment, le bouche à oreille, ne relate plus les histoires de ces épidémies qui tuent de la pire des manières.

L'intérieur de cette maisonnette était sombre, sale, l'air vicié pouvait prendre à la gorge si je n'avais pas eu ce linge plus que salvateur. Et le silence plane quelques secondes, la femme ne semblait pas comprendre ce que je venais faire ici et elle lança des regards à la maitresse des lieux, dans lesquels je pouvais lire la peur, la douleur et une certaine forme de lassitude. Elle allait perdre les membres de sa famille, elle le savait parfaitement. Je pouvais parier qu'elle trouverait un moyen d'abréger sa piteuse vie si le cas échéant se présentait. Je la retrouverais en enfer dans ce cas-là. Un ordre fuse, que je comprends sans mal et il ne fallut que quelques secondes avant que ce ne soit fait. Elle était maigre, sale, mais ces taches noires sur sa peau me firent hausser un sourcil. Il était donc possible de se remettre de cette maladie ? Si c'était le cas, elle devait bien être un des rares cas. Alors que je regardais le corps de cette femme, la maitresse du village s'avance à son niveau et lève son bras pour que je puisse voir cela de plus près. Elle m'explique qu'il y en a quatre autres sur son corps et qu'elle avait commencé à se rétablir après avoir suppuré. Mon regard passe d'une femme à l'autre et la villageoise n'osa souffler un mot. Elle avait le regard fixé sur le sol, comme éteint.

Cela m'apportait un élément en plus pour comprendre ce qui se passait. " Vous avez essayer de faire la même chose sur d'autres malades ?" Si le liquide contenu dans les bubons étaient extrait, peut-être que ça irait mieux ? Mais je doute que ce soit aussi simple. Je fais signe à la villageoise d'avancer un peu vers moi et je l'observe. Elle semble assez jeune malgré tout, peut-être que c'est ça qui lui a permis presque miraculeusement de survivre et de se remettre. Même si je doute qu'elle vive longtemps après la mort des siens. J'examine les autres bubons. L'autre était sur le haut de sa poitrine, un autre dans le dos et le dernier sur sa cuisse. Elle ne bouge pas, se laisse manipuler sans rien dire, sans rien montrer. Je soupire légèrement à la question de l'autre femme. " Je ne sais pas." Je mentais en partie. " Je crois que ça vient de l'est, par bateau principalement, mais je n'en sais pas plus." Je m'éloigne et sot de la maison afin de respirer plus facilement. " Elle se laissera mourir vous savez, ça se lit sur ses traits." Non pas que ça change quelque chose pour moi, mais faire semblant d'avoir un minimum d'humanité ne pouvait que me servir.

Je me sentais quelque peu à l'étroit dans cette petite maison qui sentait la mort. Encore l'odeur, je m'en accommodais, c'est quelque chose que je connaissais bien. Mais il y avait cette présence que je n'arrivais pas à interpréter et cette femme qui était sans doute une sacrée chanceuse. Enfin, je suppose que ça dépend du point de vue, parce que si effectivement elle semblait se remettre de cette épidémie, je ne voyais rien dans son regard, comme si elle était morte à l'intérieur. Mets fin à ta vie ma jolie et on sera ravi de t'accueillir en enfer, je te le promets. Tu n'y retrouveras sans doute pas les tiens, mais une éternité de tourments te sera réservée. Je la lâche, sors de cette contemplation et me tourne vers la maîtresse des lieux, qui m'expliquait ce qu'elle avait observée. " Oui il me semblait qu'au delà de sept jours, il n'y avait plus rien à faire." J'avais déjà remarqué ce fait aussi. Sept jours. C'est à la fois si long et en même temps très court. Surtout pour les humains. Et après cet échange, mon regard se pose sur les autres membres de la famille. Ils ne bougeaient presque plus, étant pour la plupart à l'article de la mort. Une bonne chose au vu de la souffrance subite.

Mais pour le reste, je reste évasif. Signifiant simplement que je pensais que l'épidémie venait de l'Est. Mais ça reste un territoire assez vaste mine de rien et l'origine précise m'est inconnue. Mais cette maladie m'intéresse grandement dans tous les cas. Une fois à l'extérieur, je respire un air moins vicié. Je me moque de savoir si mon véhicule peut tomber malade, mais dans les faits, je préfère éviter, il m'est bien utile après tout. Pourtant, le la prévient quand même d'une possibilité pour que cette femme se laisse mourir. Choix des plus logiques quand on voit la totalité des siens mourir et qu'on survit sans savoir pourquoi ni comment. Son propos sur la nature humaine, me fait légèrement sourire. Elle avait raison, les humains sont parfois imprévisibles, mais dans l'ensemble, il est facile d'en faire ce que l'on veut. " Je sais bien ma dame, mais pas toujours dans le bon sens." Moi je me délecte de la violence, du chaos, du sang, de la mort. Mais je ne pouvais pas le dire ouvertement, bien entendu. Elle donne un ordre avec une certaine douceur dans la voix, mais qui est pourtant ferme, à un jeune homme. Inutile de lui dire que ça ne servira probablement à rien. Si elle veut mourir, peu importe ce qu'elle fera, la jeune femme rejoindra les enfers pour avoir péché.

Elle se tourne de nouveau vers moi et me propose le gite et le couvert. Je hoche légèrement la tête. " J'accepte avec plaisir. Il commence à se faire tard et je ne sais jamais où me porterons mes pas." Ce qui est vrai, mais je trouve toujours un moyen de dormir quelque part, je dors rarement dehors. Et puis par les temps qui courent, il n'est pas bon de dormir dehors. Et je tenais à en apprendre le plus possible sur cette épidémie. " Je dois avouer que je commence à avoir mal aux jambes à force d'errer sur les chemins." Non, mais qu'importe. Je la suis jusqu'à une bâtisse un peu plus grande que les autres, ce qui me semble évidant vu l'autorité qu'elle semble avoir sur ces villageois. Intéressant en tout cas. J'observe, j'analyse, sait-on jamais. " Ils semblent vous obéir sans poser la moindre question. C'est rare pour une femme de ne pas être contestée en permanence dès qu'elle ouvre la bouche." Mis à part quand on a un titre et même avec cela, ce n'est pas garenti.

Elle était bien sympathique l'hôtesse des lieux, mais je sentais que quelque chose clochait. Rien de bien précis, juste une intuition et par les temps qui courent, il vaut mieux s'y fier. Mais elle était loin d'être idiote et converser avec elle avait quelque chose de plaisant, même si je jouais un rôle. Et j'étais devenu bon dans le rôle de Percival Pelletier. Une chance, sinon le pauvre bougre aurait été mis à mort depuis un moment. Et je serais retourner en enfer m'occuper de la gestion, à moins que Lucifer ait décidé de rester un peu dans son royaume et de faire son travail. L'un dans l'autre, je serais bien occupé, mais marcher sur terre avait quelque chose d'agréable. Et j'avais même le luxe de découvrir de nouvelles maladies. Ou tout du moins en partit. Mais elle avait fait des observations intéressantes, enfin elle ou son époux, peu importe au fond. Et je souris quand elle avance le fait que je n'avais rien à faire dans une auberge. Je suis bien d'accord, mais c'est quand même amusant d'observer les gens dans un tel environnement, surtout avec ce climat de peur, de suspicion. Le moindre symptôme est parfois mal perçu. " Très bien, je vous suis." Je pourrais peut-être savoir qui elle est comme ça. Cette sensation ne veut pas disparaître.

Je lui fais tout de même part de mon étonnement quant au fait que personne ne cherche à la remettre en place. J'avais pas mal voyagé et je sais que les femmes n'ont que peu voix au chapitre. Même celles qui ont du pouvoir se retrouvent vite limitées. C'est peut-être l'époque qui veut ça. Peut-être. J'écoute sa réponse avec un léger sourire aux lèvres. " Vous avez assurément des qualités que peu de femmes possèdent. J'ai voyagé un peu partout, mais c'est rare de voir une femme avoir un brin de pouvoir." En tout cas, elle n'avait pas menti, l'endroit était plus agréable qu'une auberge. Il n'était pas compliqué de voir qu'elle avait fait un bon mariage. Je pourrais assurément y mettre la pagaille avant de partir, mais au vu de ce que je venais d'apercevoir, ce village n'existerait plus dans très peu de temps. Beaucoup trop de morts et les vivants risques de partir ailleurs. Comme bien d'autres endroits.

Mais elle savait recevoir et rapidement, on me met une coupe de vin entre les mains. C'est plus que bienvenue et je lève la mienne vers elle également avant de tremper mes lèvres dans le breuvage. Et je la suis quand elle me fait signe. Une fois dans l'atrium, je regarde la petite mare et ses feuilles de nénuphars. Je reste silencieux et pensif de longues secondes avant d'entendre le son de sa voix de nouveau. " La vie est longue quand on a de la chance, ma dame." Ou quand on est une divinité au choix. Elle me demande alors comment j'ai réussi à voyager seul, aussi loin, aussi longtemps et sans encombres. Je souris légèrement avant de reprendre. " Je ne saurais vous dire. En réalité, je ne pensais pas partir aussi loin de mon foyer, mais les choses en entrainant une autre, me voilà chez vous." Je reprends une gorgée de vin et m'installe sur une banquette en face d'elle. " Je ne serais pas aller aussi loin si des gens aussi généreux que vous ne m'avais pas accueilli de temps à autre." Une fois installé confortablement, je reprends." Et vous, quelle est votre histoire ma dame ?" Et j'attends, tout en l'observant attentivement.

Le cadre était tout de suite plus agréable que ce piteux village en contrebas qui sentait la mort. Et le vin était bon en plus. Comme quoi les hommes bien que manipulables, savent faire de bonnes choses quand on leur en donne les moyens. Je ne sais pas si en les créant Dieu s'attendait à ce que sa précieuse humanité soit mise autant à mal, mais ça ne semble pas le déranger plus que ça, vu son inaction alors qu'ils sont nombreux à implorer sa miséricorde et sa protection. A croire qu'il veut tellement rester à l'écart, qu'il ne sait même plus comment gérer les choses. Heureusement pour lui, ou malheureusement suivant le point de vue, nous sommes là, nous les enfants maudits de Dieu. Les démons et autres engeances du mal. Au moins il y a quelqu'un pour répondre aux suppliques, même si c'est pas la réponse souhaiter. Mais je sais qu'elle m'observe, qu'elle essaye de savoir qui je suis, ce que je suis, au moins autant que j'essaye de le faire avec elle. Et ce jeu est quelque peu stimulant. Elle a un esprit peu commun, une dose de malice et d'intelligence qui me rende curieux.

Le jeu des questions commence alors. L'erreur n'est pas permise et je ne doute pas une seconde qu'elle va bien s'y prendre. Elle hausse des épaules quant à ma réelle surprise de voir une femme avoir du pouvoir. Généralement, elles sont justes là pour être jolie et se taire, à la manière d'un trophée que l'on sort de temps à autre pour le montrer aux autres. Et si elles sont fécondes, alors c'est tout bénéfique. Mais elle, je ne sais pas, j'avais l'impression qu'en ce qui la concerne, le schéma était tout autre. En soit, la manière dont les hommes traitaient leurs femmes, m'indifférait totalement, mais ce n'était pas le sujet. " Ma mère avait coutume de dire que je suis né sous la bonne étoile. Je suis quelqu'un de chanceux et c'est peut-être grâce à cela que je suis tombé su des gens généreux et que je suis resté loin du danger." Surtout que c'est moi le danger pour les brigands de grands chemins. A l'image de mon hôtesse du jour, je reprends une gorgée de vin et le savoure. Cela change de la piquette infâme servie dans certaines tavernes que j'ai fréquentées au fil de mes aventures terrestres.

Mais elle me narre son histoire à sa façon. Je souris légèrement, l'écoutant attentivement, sans la couper. Son histoire à l'air d'être des plus intéressantes assurément. " Que de mystères dans cette histoire ma dame." Je bois une nouvelle gorgée de vin et reprends. " Mon histoire est un peu différente, on y trouve de la trahison d'un côté, de l'acceptation et de l'assimilation de l'autre. Et beaucoup de noirceur, de souffrance également. Certaines histoires ne sont pas bonnes à être racontées, vous en conviendrez." Les anciens dieux païens qui régnaient alors avec moi avant que je ne rallie les monothéistes, ont tous disparus ou presque, victimes de l'oubli des hommes et de leur vanité. Je n'ai pas fait cette erreur. Mais je ne regrette absolument pas mon choix. " Dommage que nous n'ayons pas un peu plus de temps, j'aurais aimé écouter votre histoire qui me semble être passionnante, bien que triste." Ou pas, après tout, le temps n'est limité pour moi que par la durée de ce corps humain.

Le mystère, c'est une façon de se protéger, de se retrancher derrière ce fait pour ne pas avoir à trop en dire, à ne pas avoir à se dévoiler. Il est certain que je ne peux pas lui dire qui je suis réellement, ce que je suis, ce que je représente. Et puis, elle est tout à fait charmante, cela m'embêterait de devoir la tuer. Mais si je restais évasif, il en était de même pour elle et soudainement je me pose la question. Elle ne fait pas partie de mon panthéon, que ce soit en divinité ou en créature, alors qui est-elle ? Plus qu'une simple humaine assurément, je sens quelque chose chez elle que je n'avais pas vu chez les autres. Quelque chose que je ne ressentais que lorsque j'étais à proximité de Romy. Je souris légèrement, reprenant une gorgée de vin, gardant mes constatations pour moi dans l'immédiat.

Et puis il faut dire que la vue que j'avais d'elle en cet instant précis était tout à fait appréciable. Je laisse néanmoins quelques informations sur mon passé, sans rien préciser de plus. Mais tout est résumé en quelques mots, c'est assez triste, mais c'est comme ça. Vivre depuis des millénaires et avoir un résumé de soi-même en deux phrases, c'est étrange. Mais j'avais depuis longtemps accepté mon sort, même si ça n'a pas toujours été évident et désormais, je suis plus craint que je ne l'ai jamais été. Mon ancien culte fait pâle figure à côté désormais. Ce temps me manque parfois, les divinités que j'ai côtoyées, et qui ont préféré sombrer dans l'Oubli plutôt que de rallier un autre panthéon pour survivre, également. Elle se lève et je la suis du regard, jusqu'au moment où elle passe dans mon dos.

J'étais toujours sur mes gardes ne sachant pas à qui j'avais à faire, mais je ne peux empêcher un léger soupir s'échapper de mes lèvres quand elle pose ses mains sur mes épaules. Elle commence alors à bouger ses doigts sur le tissu pour détendre des muscles trop tendus. Qu'elle fasse attention, ça peut se terminer d'une tout autre manière. Je souris légèrement et profite de l'instant, quand elle vient murmurer à mon oreille un indice supplémentaire sur sa nature. " Mon temps à moi n'est limité que par la durée de vie de ce corps." J'inspire légèrement et me contrôle quand elle s'amuse à mes dépants. Elle sait s'y prendre en plus. Mais je garde encore le contrôle et reprends. " Je vous raconte mon histoire qu'à une seule condition." Ses mains descendent le long de mon dos et je ris légèrement. " Racontez moi la vôtre. nous ne sommes pas ce que nous prétendons être, c'est plus qu'évidant." Je pose mon verre et la laisse jouer encore plusieurs secondes avec moi. Elle était douée, vraiment, elle savait s'y prendre avec les hommes. Mais j'avais un avantage de taille, je connaissais bien les succubes et elles agissaient presque de la même manière, avec moins de retenue peut-être.

Je soupire et me lève pour lui faire face, me rapprochant d'elle jusqu'à passer une main autour de sa taille pour l'attirer à moi. " Vous êtes bien trop belle pour vivre dans un coin aussi perdu que celui-là." Ce qui était vrai d'ailleurs, elle était sublime, peu de femmes peuvent le prétendre avec assurance. Mais les goûts et les couleurs, ça ne se discutent pas. Je préfère les rouquines, mais je ne fais pas la fine bouche, généralement, je prends ce qui me plaît. Ma main remonte le long de sa colonne vertébrale, sur le tissu et je reprends. " Vous n'êtes pas rebutée par la mort, vous avez du pouvoir sur ces gens, alors forcément, je me pose des questions. Je suis curieux et je sens que la réponse va me plaire." Je me demande aussi quel goût ont ses lèvres, mais ça on pourra toujours voir plus tard dans la soirée.

Assis, je la laisse me masser les épaules. Bien que je sois un dieu, je n'étais pas insensible à son charme, mais cela n'avait rien à voir avec ses pouvoirs. Elle était d'une beauté peu commune, presque irréelle. Mais au-delà de tout cela, je voulais savoir à qui j'avais à faire, mais je ne sentais pas de danger pour autant. Ce n'était pas quelqu'un de mon panthéon et il faut dire que depuis que le christianisme existe, nous avons très largement écrasé les anciennes religions et les anciens cultes, mais certains ont la peau dure. Et puis, il faut dire que la pression de ses doigts sur mes muscles était des plus agréables. Je lui fais part du fait que tous les deux, cachions bien notre jeu et elle semble d'accord avec cette constatation, ce qui me fait légèrement sourire. Et elle ne trouve rien à redire sur le fait que je raconterais mon histoire si elle me livrait la sienne. Je pourrais mentir, mais à quoi bon ? Il serait assez facile de découvrir la vérité et elle m'intriguait trop pour que je songe à inventer quoi que ce soit.

Toutefois, je me défais de son emprise et l'emprisonne en passant un bras autour de sa taille et l'attirant à moi. Ce jeu était intéressant, mais je doute que son époux accepte que je prenne sa place dans le lit de sa femme. Quoique, c'est peut-être discutable, mais on n'en était pas encore là. Elle joue le jeu, nullement effarouchée, ni offensée d'un tel geste et je la garde donc contre moi un instant. " En effet, je sais être charmant et vous avez raison, vous m'intriguez énormément. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressentit cela d'ailleurs." Je souris amusé, la regardant alors qu'elle claque des doigts et que des serviteurs font leur apparition. Je relâche mon étreinte alors qu'elle ajoute qu'elle est une mauvaise hôte de ne pas me nourrir. Effectivement, je commençais à avoir faim. Elle m'invite à reprendre place et j'obtempère, alors que le ballet des serviteurs continuait. A boire, à manger une charmante compagnie, que demander de plus ? Oh ! je pourrais bien avoir quelques idées, mais pour le moment, je me concentre sur elle, alors qu'elle prend place à mes côtés et commence son récit.

Elle m'indique qu'elle contrôle les esprits de ceux qui l'entourent et j'avais vu assez juste concernant les gens du village. J'eus un rictus avant de prendre une gorgée de vin. Elle continue et me parle de ses origines et j'en déduis qu'elle est grecque, le Minotaure étant une indication assez importante du lore de la mythologie grecque, puis romaine. Je pense alors rapidement à Perséphone, que j'ai connu il y a très longtemps alors que j'étais encore un dieu païen et que nos chemins s'étaient croisés à plusieurs reprises. Je ne savais pas ce qu'elle devenait, sans doute errait elle quelque part sr terre à la recherche de son époux et de ses enfants. Je secoue légèrement la tête et me reprends, me concentrant sur le reste du récit passionnant de mon hôtesse. Elle mange un bout et reprend. Elle ajoute qu'elle a été exilée par son propre créateur sur une île perdue en mer. Et je me dis qu'il y avait certainement pire comme sanction, mais je n'avais pas l'histoire dans sa globalité. Je comprends alors que c'est à mon tour. Je prends un bout de cochon et le mange avant de me lancer à raconter mon histoire.

" Jadis, j'étais ce qu'on appelle un dieu païen. J'étais respecté et craint, j'accordais quelques bénédictions, mais on venait surtout me demander des malédictions." Je soupire légèrement, rassemblant le plus de souvenirs possible de cette époque qui est fort lointaine désormais. " J'étais adoré des Phéniciens et des Philistins, c'était une chouette époque ou j'avais énormément de pouvoir et des sacrifices en pagaille pour tout et n'importe quoi." Mais toutes les bonnes choses ont une fin. " Et puis au fil du temps, les anciens cultes ont été oubliés, remplacer par de nouvelles religions. Il a alors été question de faire un choix. Être oublier ou assimiler à un nouveau panthéon dans l'espoir de survivre ? J'ai choisis la seconde option, bien évidemment. Ceux qui ont refusés sont tombés dans l'Oubli." Et l'oublie est pire que la mort, n'est-ce pas ? Je reprends une gorgée de vin et pose les yeux sur elle. " Comment s'est passé votre exil du coup ?" Toujours aussi curieux.

Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas pensé à cette époque. Je suis plus vraiment le même que celui que j'ai été et rejoindre le panthéon monothéiste avait été la meilleure chose à faire à l'époque. Désormais, je suis sans doute l'une des meilleures versions de moi-même. J'ai toujours du pouvoir, si ce n'est plus, j'ai les légions infernales sous mon commandement, j'ai des fidèles et je suis craint et respecté. Que demander de plus au juste ? Toutefois, j'ai un seul regret, ne pas avoir réussi à convaincre mon amie, la seule que je respectais vraiment, à me rejoindre. Aujourd'hui, elle est oubliée de tous, alors que moi je vis. Mais j'écarte ses pensées bien rapidement et me reprends. Ce n'était pas mon genre de m'apesentir sur ce qui n'était plus. Elle avait fait un choix et moi le mien. Mais je n'ai aucun mal à lui dire ce que j'ai été, tout comme elle l'avait fait avant moi et je soupçonnais que son histoire était des plus croustillantes. Il y avait une certaine aura qui se dégageait de tout cela. Je suis un divin, mais elle je n'en étais pas certain, sans doute une créature, comme nous en avions tant également. Mais elle était bien plus intéressante que certaines de chez nous, Romy mise à part. Ma chère Romy que je n'ai pas vu depuis un bout de temps d'ailleurs.

Je sors de mes pensées en reprenant une gorgée de vin et mon regard se pose sur elle et sur sa silhouette tout à fait désirable. Elle en jouait, mais elle avait raison après tout. Elle ajoute qu'elle comprend la décision que j'ai eu à prendre. Je me contente de hausser des épaules, cela date désormais, c'était une page de ma vie que j'avais tourné depuis longtemps, même si mon adaptation en Enfer fut plus complexe." Je ne voulais pas disparaître, j'avais encore tant de chose à offrir au monde." Je ricane légèrement et reprends. " Mais vous même forcé l'admiration." Je tends la main et attrape un morceau de porc que je porte à mes lèvres. " Mmh on oublie si facilement ce que c'est de bien manger." Cela me change des bouillies infectes et sans goût que j'ai eu l'honneur de manger à plusieurs reprises. Mais je n'oublie pas le sujet principal de cette conversation et je l'invite donc à poursuivre, ce qu'elle fait sans grande difficulté.

Là encore à ces mots, je peux comprendre ce qu'elle a vécu, dans une moindre mesure. S'adapter à un environnement que l'on ne connait pas, peut parfois être compliqué. Avec Lucifer on plaisantait souvent sur le fait que l'enfer était comparable à un panier de crabes. Si on ne fait pas attention, on peut se faire pincer. J'eus un léger sourire à cette pensée et reprends une gorgée de vin alors qu'elle continuait son récit. Des marins égarés, transformé en animaux pour cause de mauvaise conduite, voilà qui était original. Circé donc. Intéressant. Elle émet une hypothèse intéressante, mais je souris, gardant cet air d'arrogance sur mon visage. Eux aussi on finit par perdre en puissance au fil des siècles qui se sont écoulés. Mais elle devine juste par la suite et je me garde bien de répondre pour le moment. Elle se rapproche et je sens de nouveau son parfum. Elle est attirante à bien des égards, mais c'est plus ce qu'elle est qui m'attire présentement. Mais je me contrôle pour le moment.

Je termine le morceau de porc puis reprends. " Je suis de ceux qu'ils craignent. Je suis le monstre dont ils ont si peur et dont ils n'osent pas prononcer le nom. Ceux qui ont besoin de mes services savent comment m'invoquer et obtenir des faveurs, mais pas sans me servir en retour." Je me tourne vers elle avec un sourire satisfait sur les lèvres. " Je suis de ceux qui gouvernent les Enfers et qui torturent les âmes damnées. Je n'ai que faire des règles et de la morale, c'est bon pour les pigeons que l'on nomme des Anges." Je soupire légèrement. " Je me nomme Belzébuth, second de l'Enfer au sein du panthéon Monothéiste. Et je suis ravi d'être tombé sur quelqu'un comme vous. Circé si j'ai bien suivis." J'occulte beaucoup de choses dont mes pouvoirs, il y a des choses qu'elle n'a pas besoin de savoir dans l'immédiat.

Elle était surprenante et intéressante, je devais bien l'avouer et mon intérêt était d'autant plus présent qu'elle n'était pas n'importe qui en réalité. Une femme forte, un mythe, une légende, mais pourtant bien réelle. Elle était loin de son île natale, mais elle ne semblait manquer de rien et s'être acclimatée à cette nouvelle vie, malgré l'épidémie qui fait rage. Je la jauge quand même, me demandant ce que nous pourrions accomplir ensemble si jamais l'occasion se présente. Aucun doute que ça pourrait être un vrai régal. Il n'y avait pas que ça qui serait délicieux d'ailleurs, mais je m'égare. Je songe un moment à Romilly, cela faisait un moment que je n'avais pas vu ma succube préférée, j'espérais au moins qu'elle aille bien. Les temps sont compliqués, la maladie a fait ressurgir ce qu'il y a de pire chez les hommes et même si je m'en délecte de tous ces morts, ces accusations de sorcellerie ou je ne sais quoi d'autre, je n'aimerais pas qu'elle soit sacrifiée d'une manière ou d'une autre. Je demanderais à Lilith quand l'occasion se présentera. Mais la sorcière en face de moi ne semblait pas être du genre à s'effaroucher d'un rien, elle ferait une bonne alliée certainement. Et je ne dirais pas non à mélanger un peu de plaisir au tout, elle était tout à fait à mon goût.

En tout cas, elle savait recevoir, le vin était délicieux, la viande aussi et la discussion agréable. Cela m'avait quelque peu manqué en Enfer. Disons que l'ambiance est radicalement différente, vu que nous sommes là pour punir les âmes damnées. En second lieu nous pervertissons les Hommes, mais ce n'est qu'un détail. La vie était plus douce dans un certain sens, mais nous avions quand même des responsabilités, même si actuellement, je ne suis pas là où je suis censé être, mais qui ça intéresse ? La machine infernale marche de toute façon, qu'on soit là ou par ne change rien. Je souris à la jeune femme et reprends une gorgée de vin. Maintenant que les présentations étaient faites, c'était tout de même plus simple pour parler sans détour. Elle reprend la parole et j'eus un sourire sur le coin des lèvres. " Je ne pensais pas non plus tomber sur une sorcière mythologique dans un village aussi paumé." Je ne saurais pas dire si c'est le hasard qui m'avait conduit jusqu'ici, mais si c'était le cas, c'était un sacré coup de chance. Je ris légèrement à ses propos et secoue la tête. " Cette maladie n'est pas de notre fait, mais ça m'intéresse d'en connaître les effets. Qui sait, peut-être que je m'en servirais à l'avenir pour semer un nouveau vent de panique chez les hommes." L'histoire me donnera raison, mais ce n'est pas le sujet.

Puis notre paternel, Dieu, il s'en fout bien de ce que l'on peut faire. Enfin jusqu'à une certaine limite, mais visiblement cette épidémie de Peste ne le dérange pas plus que ça. " C'est peut être un défi pour tester la foi des Hommes. On peut émettre pas mal d'hypothèses et aucune ne sera pleinement satisfaisante." Et en réalité, j'en ai rien à foutre que la moitié de la population mondiale finisse sous terre. Je pose mon verre et m'étire légèrement, les yeux toujours posés sur elle. " La question la plus importante est la suite à donner à cette charmante rencontre." Alliée potentielle ? Amante potentielle ? Ennemie ? Bonne question. " Je crois que l'on pourrait trouver un terrain d'entente pour plusieurs raisons. Que tu sois du panthéon grec ne change rien, avoir des amis en dehors de son cercle le plus proche est toujours un plus, tu en conviendras." C'est même certain, sinon, je ne vois pas comment elle aurait pu survivre autant de temps toute seule. Même en étant aussi débrouillarde qu'elle l'était.

Je sais que je prends un risque a révéler ma nature démoniaque, mais même s'il s'agit d'une sorcière grecque, je n'ai pas peur d'elle, ni de ce qu'elle peut me faire. Je n'ai pas dévoilé toutes mes cartes. Mais je sais que ça peut impressionner, parce que depuis quelques siècles, nous avons étendu notre influence sur l'Europe et parfois même en dehors du Vieux Continent. Nous avons pris la place des anciens cultes, dont celui auquel j'appartenais avant de rallier les monothéistes. Au final, j'ai bien fait, parce que j'en suis là désormais et j'en suis satisfait. Avait elle peur ? Non je n'ai pas l'impression, j'ai du mal à le concevoir vu son comportement et ça me fait légèrement sourire. Le hasard fait bien les choses, parce que franchement, la trouver au milieu de nulle part. " Je suis bien des choses, mais je sais reconnaître une bonne hôtesse de maison. Vous savez accueillir et je m'en voudrais d'être un hôte détestable." Je ne voudrais pas lui laisser un souvenir néfaste, bien que je doute que nos routes soient amenées a se recroisées, mais ça pourrait très bien arriver. Je suis un dieu, d'un panthéon influent et puissant et elle, une créature qui semble avoir de la ressource.

Mais elle avait bien raison sur un point, je comptais bien comprendre comment cette maladie fonctionnait. Je voulais tout savoir sur cette épidémie, parce que je voulais la manipuler, peut-être en faire un nouveau fléau à jeter sur les Hommes, cela pourra m'être très utile. " J'obtiens toujours ce que je veux." Je la regarde et eus un sourire sur le coin des lèvres. Je suis un démon après tout, je sais comment faire, je sais être persuasif. Et puis qui oserait refuser quelque chose au démon Belzébuth après tout ? J'inspire la crainte et le respect. Et j'adore ça. Mais il y avait plusieurs pistes pour comprendre ce qui se passait et j'étais loin d'avoir tout compris. Tout ce que je sais, c'est que c'est une maladie redoutable, qui ne laisse pas de grandes chances de survie, ce qui peut être bien pratique pour punir les Hommes dans le futur. Ils prieront Dieu à nouveau et ça sera gagnant pour tout l monde, même si le Vieux n'aime pas qu'on s'amuse avec les Humains.

Elle eut un sourire quand je lui demande ce qu'on fait désormais. Nous n'étions pas du même panthéon, mais il serait dommage que cette rencontre se termine d'une façon violente, que ce soit pour elle comme pour moi. Et puis, je n'en avais pas envie. Elle non plus visiblement. Je sens ses doigts sur la peau de mon bras et je souris de nouveau et lentement, je lève les yeux vers son visage, prenant bien le temps d'apprécier ce que je voyais. " Nous pourrions travailler ensemble. Je ne suis pas contre, mais je risque d'être distrait par toi." Je m'amuse quelques secondes avant de réfléchir à sa question. " Je pourrais tout aussi bien te devoir un service. Peu importe la nature, je t'aiderais, si je le peux." Si je suis dans le monde des hommes, dans le cas contraire, je ne doute pas qu'elle trouve un autre moyen.