Full Moon wo Sagashite [Intrigue I - Terminé]

Full Moon wo Sagashite

@Tatiana Dourov

Avec tous ces voyages, Soo-Min subissait les effets du décalage horaire. Sa nature divine la protégeait des maux humains mais n’importe quel esprit serait perturbé de changer de fuseau horaire aussi souvent. Elle n’avait même pas eu le temps de s’habituer à l’heure de Paris qu’elle avait fait un détour par Londres avant de revenir à la location qu’elle occupait dans la capitale française. Son malaise était peut-être, toutefois, plus d’ordre psychologique : elle avait quitté la Corée pour fuir les massacres mais elle sentait bien que la violence affleurait partout, même ici, en Europe. Surtout ici. La Grande Révélation était partie de là, après tout. Elle avait surtout profité aux quelques panthéons vivaces, dont le sien, mais il lui était difficile de s’en réjouir. Avant même de perdre certains de ses compagnons lors de l’invasion de la Corée par le Japon, elle détestait déjà les guerres : combien d’innocents avait-elle dû accompagner en plus d’un millénaire ? Et elle-même, ainsi que ses parents humains, avaient été des victimes… Non, décidément, elle n’aimait pas ce qui se profilait, et elle n’était pas assez utopiste pour s’imaginer ne pas devoir prendre parti à un moment ou un autre. Partir loin d’Enma et des autres Shinigami n’avait fait que reculer l’échéance inévitable.

« Suis-je vraiment obligée de venir ? » demanda-t-elle pour la troisième fois à son agent en Europe tout en anticipant suffisamment sa réponse pour se résigner à mettre ses boucles d’oreille en argent. « Vous n’avez pas le choix Mademoiselle Kim, votre participation à certains événements était une des conditions à votre aménagement en Europe » Puisque la voix à travers le téléphone ne pouvait pas la voir, elle s’autorisa à faire une grimace à son reflet. Elle avait tellement voulu partir qu’elle avait été un peu souple sur les conditions, d’où les voyages et les mondanités. « Très bien… je serai prête d’ici quelques minutes » soupira-t-elle en raccrochant, certaine qu’il était déjà en chemin : jamais il n’autoriserait qu’ils arrivent en retard à la soirée.

Elle n’était pas friande de mondanités, encore moins lorsqu'elles étaient chics… mais on la traînait partout ces derniers temps. Aucune chance qu’elle parvienne à écrire son prochain livre à ce rythme ! Scrutant son reflet, elle se demanda un instant si elle n’était pas un peu trop habillée pour une sortie de ce genre… Elle avait hérité de son véhicule, à défaut d’un métier qui n’était arrivé qu’après son éveil, un patrimoine conséquent. Bien qu’Ogushin sache se contenter de vêtements simples et de bons goûts, il fallait admettre qu’une garde de robe de luxe n’était pas pour lui déplaire… surtout que son image influait sur les ventes de ses livres. Les mortels croyaient plus facilement les conseils des gens beaux. Tendance stupide car le physique n’était en rien un gage d’intelligence ou de bon sens mais, en la circonstance, cette erreur faisait ses affaires.

Pour sortir ce soir-là, elle portait une robe blanche, coûteuse en dépit de sa simplicité, qui contrastait avec le noir de ses cheveux tombant librement sur ses épaules. Le tissu épousait sa silhouette, laissant ses épaules découvertes. Un manteau en fausse fourrure nacrée et des escarpins noirs à hauts talons complétaient sa tenue. Si c’était trop habillé, tant pis, ils n’avaient qu’à lui donner des consignes vestimentaires.

Plusieurs minutes plus tard, ils arrivèrent sur le lieu de la réception. Les premières salutations et échanges de politesses hypocrites se déroulèrent sans que rien de notable ne se passe puis elle suivit son agent qui devait lui présenter des artistes. Tant de monde... on avait payé sa maison d'édition pour l’obliger à faire leur promotion dans son prochain livre ou quoi ? « Mademoiselle Kim, je vous présente Tatiana Dourov, elle est extrêmement populaire sur les réseaux sociaux » Et c’est sensé m’intéresser parce que…? songea Soo-Min en fixant froidement son agent avant de reporter ses prunelles sombres sur la jeune femme. Qu’elle ne sente pas la mort à plein nez était une bonne nouvelle : elle détestait devoir discuter avec des futurs clients… même s’il était fort peu probable que l’artiste sous ses yeux se fasse accompagner par un Shinigami. Elle était peut-être chrétienne ? Ou autre chose. De nos jours, difficile à dire, tous les panthéons prospectaient. « Enchantée Mademoiselle Dourov, Soo-Min Kim. » dit-elle dans un français parfait. « Dourov n’est pas un nom français, n’est-ce pas ? » interrogea-t-elle par simple curiosité de savoir si elle parlait la langue maternelle de cette femme ou non. Et cela faisait la conversation. Ça ou autre chose, au fond, c’était du pareil au même : influente ou pas, Tatiana restait une mortelle sans grand intérêt à ses yeux. Ceci, elle ne pouvait pourtant pas le dire, sous peine de révéler sa nature divine : en un sens, ce serait bon pour ses ventes, mais cela compliquerait beaucoup son séjour. On ne pouvait pas dire que le panthéon japonais s’entendent bien avec tout le monde. Entre les nouveaux dieux, l’Unique, les greco-romains, les celtes et les égyptiens… les siens n’avaient pas que des amis dans le coin. Son anonymat lui était encore utile, donc autant jouer le jeu et faire semblant de s’intéresser à sa carrière autant que le ferait un mortel.

(c) ANAPHORE

Ma très chère mère m’aime, plus que tout, mais elle n’en reste pas moins une déesse ancestrale avec ses us, ses coutumes, ses qualités, ses défauts et, surtout, ses caprices. Lorsqu’elle exprime un désir, ou qu’elle ordonne, mon père et moi n’avons pas d’autre choix que de lui obéir et d’accomplir sa volonté au mieux de nos capacités respectives. Si je le fais par amour, je suis tout autant animée par la crainte. En effet, il n’est pas bon de contrarier une divinité slave, entités liées aux éléments les plus violents et les plus impitoyables de la nature humaine comme de Mère Nature – la mort, le feu, le « noir », le « blanc » … etc.

Ainsi, lorsqu’elle m’appelle et m’attribue une tâche, je me contente de dire oui. Je ne la questionne pas sur l’objectif ou la nécessité d’une telle mission, préférant simplement obtenir le strict minimum en termes d’information. Si on dit que les voies du seigneur sont impénétrables, celles des panthéons millénaires le sont davantage. Ils appartiennent à une époque lointaine, voire oubliée, où les codes moraux sont bien différents de celles d’aujourd’hui. Qu’importe toutes nos bonnes volontés, nous ne sommes plus capables de les comprendre pleinement et totalement.

Par contre, pour que je puisse accomplir sa volonté, je dois me rendre à une soirée mondaine. Je n’ai nulle difficulté à me procurer une invitation de dernière minute : j’ai toujours des entrées à ce type d’événements grâce à des fidèles fortunés ou assez connus dans différents milieux. Par contre, celui-ci m’arrange l’entrée à condition que je rencontre une femme, un auteur sur le développement personnel. Soit ! Je m’y plie !

Je ne suis pas non plus prise au dépourvu vis-à-vis de ma garde-robe. Je suis une magicienne professionnelle – et une arnaqueuse de talent – et sais donc me mêler à tout type de milieu. Ainsi, j’ai autant de tenues extravagantes et pailletées, que de tailleurs noirs et classiques. Entre temps, on peut trouver quelques ensembles rock and roll, punk, cow-boy et bien d’autres styles ! Il semble que ce soit, l’élégance et la grâce doivent être au rendez-vous et, alors, je me dirige tout droit vers mes robes de « bal ». J’opte pour une belle robe verte, dont le décolleté peut paraître vulgaire mais qui rend bien pour les poitrines peu proéminentes comme les miennes. Afin de me donner un effet princesse, je lisse mes longs cheveux blonds, je me maquille assez sobrement en ne faisant ressortir que mes lèvres rouges et me contente de peu de bijoux – mais choisis avec grand soin.

Je suis prête à rencontrer cette fameuse dame dont Morana m’a envoyé une photo, ainsi que cette écrivaine qui m’a assuré – inconsciemment – mon ticket d’entrée.

Pour l’occasion, j’ai fait appel à une société particulière, offrant des services de transport dans des voitures luxueuses. Je ne peux pas me rendre à de tels lieux en voiture d’occasion, en Uber peu reluisant ou, pire, à pied. Plus largement, nulle personne censée et consciencieux ne risquerait une telle robe ou ne s’aventurerait avec de tels talons dans les transports en commun parisiens.

Et me voilà aux portes de cette soirée, foulant un tapis et souriant à quelques paparazzis. Cette étape accomplie, je m’engouffre enfin dans la salle de réception et balade déjà mon regard sur cette foule. Je suis bien vite interpellée par deux personnes, l’une me présentant à l’autre. Je reconnais immédiatement le nom et offre un sourire discret, mais d’apparence chaleureuse.

- Tout le plaisir est pour moi ! Je suis ravie de vous rencontrer. Votre premier livre m’a sincèrement interpellé pour sa finesse, et ses conseils. Le chapitre 9 où vous développez l’impact de la psychologie sur le corps m’a bien plu, répondis-je calmement, maîtrisant parfaitement mon sujet. Assidue lectrice, j’ai pu lire rapidement quelques chapitres de ce livre et mémoriser des notions clés – du moins, je suppose. Je suis née à Moscou, et j’y ai grandi. Par contre, les Russes sont moins friands des spectacles de magies que les Européens et, surtout, Paris a tellement plus de choses à offrir que Moscou en terme de culture.

Je me rappelle vaguement de sa biographie.

- Vous n’êtes pas nées en France, selon votre biographie. Comment trouvez-vous la capitale et, surtout, les Français ?

Full Moon wo Sagashite [Intrigue I - Terminé] Anya-Taylor-Joy

Full Moon wo Sagashite

@Tatiana Dourov

Ogushin était loin de considérer avoir ré-inventer la roue avec le dit chapitre 9. Bien avant que des médecins théorisent le principe d’inconscient, il était déjà courant de penser qu’il y avait un lien entre la bonne santé mentale et celle du corps. Elle sourit néanmoins, se laissant ainsi quelques secondes pour trouver une réponse un minimum spirituelle à donner : elle n’aimait pas beaucoup ce genre de soirée en grande partie car on attendait d’elle qu’elle fasse preuve d’esprit là où, en réalité, elle aurait préféré se taire et se faire oublier. « Ma religion met en avant l’importance de l’esprit depuis de nombreux siècles, à cet égard ce chapitre était nécessaire, bien que convenu » Il était un temps où parler de religion en France était presque tabou dans ce type de sphère sociale mais, depuis la Grande Révélation, c’était devenu un sujet en Top Tendance. Les Dieux étaient les nouveaux peoples de ce monde et Soo-Min était bien contente qu’on ne la connaisse que sous son identité publique. Passer pour une mortelle lui avait toujours paru plus reposant que de subir les plaintes des mortels sur leur fin inévitable cependant, ces derniers temps, elle appréciait surtout de ne pas être un objet de curiosité. La popularité de ses livres lui suffisait déjà pour ce qui était des ronds de jambe et autres cérémonies…

« Le peuple russe a pourtant créé de nombreux ballets dont la magie égale n’importe quelle prestidigitation, mais s’ouvrir à d’autres cultures est toujours très enrichissant » abonda ensuite la déesse de la mort en se disant qu’elle n’avait jamais visité la Russie et que cela manquait peut-être à ses connaissances sur le monde. Comment s’entendaient-ils avec les dieux de là-bas déjà ? Les russes étaient orthodoxes pour la majorité lui semblait-il, mais elle croyait se souvenir qu’il y avait aussi quelques bouddhistes, ce dernier courant de pensée s’étant assez bien accommodé au shintoïsme présent au Japon. « Je n’ai jamais eu le plaisir d’aller en Russie, ce pays est sur la liste de ceux que j’espère découvrir un jour » Si la guerre ne venait pas trop s’en mêler, ce devrait bien être possible : elle ne manquait pas de temps depuis qu’elle travaillait pour Enma avec une tripotée d’autres dieux aux mêmes devoirs qu’elle.

« Je suis coréenne, j’ai grandi aux abords de Séoul » fait qui demeurait strictement vrai, qu’il s’agisse d’elle, Ogushin, ou de Soo-Min, son véhicule. « Je n’ai pas encore eu beaucoup le temps de jouer les touristes, mon agent a toujours des choses à me faire faire depuis mon arrivée, mais je pense m’y plaire. C’est un terrain idéal pour préparer mon prochain livre » qui devrait aborder la question de l’épanouissement par le voyage : elle avait trouvé cette idée surtout par désir de fuir l’Asie un temps mais, même maintenant, elle trouvait que ce n’était pas si mal comme matériaux pour son prochain ouvrage de conseil.

(c) ANAPHORE

- Les spectacles sont très codifiés, en Russie. Malgré tout, si vous n’en avez jamais vu, je vous conseille très chaudement de vous y rendre. Et si vous manquez de temps de découvrir le pays des Tsar, nulle inquiétude ! Un ballet russe est, actuellement, en pleine tournée et donne un spectacle très prochainement. J’ai des places de choix et je serais heureuse de vous y inviter, indiquais-je, avec une nonchalance jouée avec brio. Je suis magicienne : toute ma vie tourne autour de faux-semblant, de jeux d’acteurs et de ruses !

Je l’écoute se plaindre de son emploi du temps chargé, et j’acquiesce tout autant. Par moment, il n’est pas question de trouver de solutions, mais simplement écouter. Les gens aiment décharger leurs sacs sur une situation inconfortable mais, sans vouloir la quitter pour autant. C’est particulier, c’est étrange, mais c’est assez drôle à bien réfléchir. Quitter sa zone de confort est toujours une difficulté considérable.

- Les agents ! Je vous comprends tellement ! Le mien ne me laisse pas respirer, par occasion !, répliquais-je, cherchant encore et toujours à nouer un lien – ou un filon quelconque.

Je me détends petit à petit, me sentant comme un poisson dans l’eau. Je sens que c’est maintenant, ou jamais, que je dois attaquer le gros du sujet et lui prouver que je suis autre chose qu’une diva en mal de célébrité ! Je suis venue avec un but, ce soir. Et je ne m’en irais pas sans avoir tout donné ! Si jamais j’échoue, que j’ai suffisamment d’arguments face à ma mère – ou ses alliés de circonstances. Décidément, il n’est vraiment pas intelligent de désobéir aux divinités slaves, personnifications d’une nature froide, violente, impitoyable et sombre.

- La pensée monothéiste a, pendant bien longtemps, empiété sur les autres voies spirituelles. Si cette pensée unique est très présente au cœur de l’Europe, de l’Amérique du Nord ou de l’Orient, elle s’est également répandue dans les pays asiatiques. A moins de me tromper lourdement, je crois que les pays comme le Japon, la Chine ou la Corée sont partagés entre une religion monothéiste montante et une religion polythéiste ancestrale, répondis-je calmement, laissant transparaitre toute ma curiosité sur la question religieuse. J’espère que vous ne considérez pas ces questions comme une intrusion. Je suis, avant tout, curieuse de découvrir de nouveaux modes de pensées. Je pense que cela vient du fait que mes parents ne sont pas chrétiens, ayant trouvés leur voie spirituelle dans les rituels slaves, soufflais-je, taisant naturellement que ma génitrice est Morana, déesse slave de la Mort, de l’Hiver et de la Sorcellerie.

J’arrête ce long monologue, lui laissant toute l’occasion de répondre ou non. J’en profite pour gouter à ce champagne pétillant et délicieux, ou encore de m’extasier sur la peau parfaite de cette demoiselle ou encore sur ce physique charmant. Décidément, elles ont une génétique imbattable. Il n’est pas étonnant que certains hommes en rêvent ardemment. Si je n’ai pas trop à me plaindre, je suis bien loin de ce grain de peau ou de cette solide et épaisse chevelure. Mes cheveux sont si lisses qu’il faut un miracle pour que des bouclettes laquées au maximum tiennent plus d’une demi-heure, ou même qu’une épingle ne s’échoue pas sur mon épaule après deux ou trois secousses de la tête. La séance coiffure avant un spectacle est un véritable casse-tête avec moi !

@Soo-Min Kim & @Tatiana Dourov & Erika Helland

Full Moon wo Sagashite

Il n'était pas toujours évident de répondre aux exigences des autres, et encore plus quand cela faisait déjà plusieurs millénaires qu'on venait à parcourir la Terre. Mais alors répondre aux exigences de Loki, c'était encore quelque chose d'autre, quelque chose qui pouvait parfois se montrer un peu stressant. Il fallait dire que depuis de nombreuses centaines d'années, les membres des panthéons et cultes anciens avaient dû faire profil bas pour pouvoir continuer à exister dans ce monde, agissant dans l'ombre, sous couverture pour ne pas totalement disparaître du cœur des Hommes et de leur croyance. Il y avait eu des combats plus compliqués que d'autres, des périodes bien plus rudes également, et pour certains, continuer à accomplir sa tâche au sein des mortels, s'était révélé être un combat de tous les jours. C'était ainsi qu'Hel fonctionnait, la Mort était la finalité de toute chose, mais elle n'était pas la seule à chercher à mettre son service dans les clous, et avoir plus de bénéfices que de dépenses à la fin du mois. La loi du marché était rude, et il fallait dire que pour cela le Dieu Unique avait créé un de ces business bien difficile à concurrencer. Pour autant, elle était toujours là, elle accomplissait toujours sa tâche, et elle ne manquait pas parfois, à donner un petit coup de pouce au destin, à la vie, pour pouvoir obtenir ce qu'elle désirait. Cependant, il fallait reconnaître qu'à côté de Loki, la Reine des Morts était clairement une petite joueuse. Son père était passé maître dans l'art et la manière de tromper son monde, de parvenir à le manipuler, avec subtilité ou parfois non, avec une duplicité qui n'avait aucune limite et un talent plus que certain, qu'il fallait savoir reconnaître et respecter. Heureusement pour elle, elle était la petite-fille chérie à son papa et donc elle venait à éviter le courroux terrible de son paternel. Et maintenant qu'il avait donné un grand coup dans la fourmilière, maintenant que les lignes étaient profondément en train de changer, alors Hel répondait à l'appel de ce dernier pour certaines tâches, missions à accomplir.

Sauf qu'elle n'en restait pas moins, médecin urgentiste dans l'un des plus grand hôpitaux de Paris et qu'il était parfois difficile de pouvoir se libérer. On pouvait rarement demander aux clients de repasser le lendemain, car on avait une soirée mondaine qui vous attendait. De plus, passer de la blouse de médecin et des crocs aux pieds, à la robe de cocktail et aux escarpins vertigineux demandait un peu de travail. Comme toujours, son père s'était occupé de tout. Puisque c'était son idée, parce qu'il semblait avoir ses entrées dans tout Paris, il avait pu lui avoir son invitation, même à la dernière minute. Il n'en était pas encore à choisir sa tenue, mais elle était presque certaine qu'un jour, il serait capable d'aller jusque là. En attendant, elle fut enfin arriver, donnant son pass pour entrer avant de récupérer une coupe de champagne quand celle-ci lui passa sous le nez, il ne fallait pas oublier certains plaisirs, et avec sa garde qui avait duré plus de vingt-quatre heures, il avait autant soif que faim. Néanmoins, elle devait se rapprocher subtilement des personnes qui étaient plus ou moins sa cible ce soir. Il n'était bien évidement pas question de maladie mortelle ou de les conduire précipitamment à leur fin, mais juste de s'assurer que la fille de la Déesse Slave faisait son boulot correctement, sinon elle allait s'en charger elle-même et la diplomatie n'était pas un art dans lequel elle excellait. Un livre, semblant abandonné, de l'invité coréenne, traînait sur une table, sans doute oublié par quelqu'un qui était allé se chercher un verre. Elle l'ouvrit et ne vit aucune dédicace à l'intérieur. C'était parfait pour elle, elle pourrait ainsi lui en demander une si besoin et entamer la conversation. Elle se rapprocha donc de Tatiana et Soo-Min pour être assez proche et entendre leur conversation, mais pas assez pour être directement dans leur champ de vision.

AVENGEDINCHAINS

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@Tatiana Dourov & @Erika Helland

« Si je suis disponible à l’une de ces dates, ce sera avec plaisir que j’accepterais votre invitation » répondit Soo-Min avec politesse, un petit signe respectueux de la tête accompagnant ses paroles. Bien que les autres Shinigami la jugent plutôt froide, tous s’accordaient à dire qu’elle était un modèle de respectabilité : son savoir vivre et son attachement aux traditions anciennes participaient à cette bonne réputation. Toutefois, même au Japon ou en Corée, ses manières pouvaient parfois passer pour un peu désuètes. La déesse s’en moquait. L’élégance et une politesse distante faisait d’elle une image réconfortante pour les morts qu’elle accompagnait auprès d’Enma.

Concernant la religion, Soo-Min opina du chef avec circonspection avant de répondre. « Je ne suis pas très au fait des courants religieux de la Chine, mais la Corée est à majorité chrétienne, catholique même. La guerre contre le Japon avait fait disparaître notre religion d’origine, se tourner vers l’occident apparut alors comme un choix raisonnable » Elle simplifiait. L’enchaînement des évènements avait été plus complexe et imbriqué que ce que cette phrase laissait entendre. Il faut dire qu’Ogushin n’aimait guère penser à l’ancienne Corée, celle où elle était née une première fois en tant que simple princesse d’une petite région proche de l’actuelle Séoul. « Le Japon est shintoïste, religion à laquelle j’appartiens. Je n’ai jamais beaucoup aimé la pensée chrétienne, trop culpabilisante à mon goût » Elle fit une pause, son regard se perdant légèrement dans la contemplation d’un point invisible sur le mur. « La religion se perdait là-bas comme partout ailleurs, mais depuis quelques mois les fidèles reviennent en force » compléta-t-elle sans avoir l’impression de faire là une « grande révélation » elle-même. Toutes les religions avaient bénéficié de la découverte des mortels sur la nature divine. Et le shintoïsme ayant conservé ses moments forts grâce à l’esprit de culture et de tradition des japonais, il avait été assez facile pour les collègues d’Ogushin de gagner en pouvoir. Elle-même en avait beaucoup profité, encore qu’elle ne sache jamais si c’était réellement une bonne chose. Après tout, elle exécrait les guerres.

Alors qu’elle allait ajouter quelque chose, pour changer de sujet et revenir sur les occupations professionnelles de l’artiste avec qui elle discutait, la Shinigami sentit une aura divine près d’elle. Soo-Min fronça imperceptiblement les sourcils. Voilà qui allait lui compliquer la tâche : si elle pouvait sentir les dieux, eux pouvaient lui rendre la pareille… or, elle voyageait incognito, faisant parti des déités ayant refusé de se dévoiler aux humains.

Soo-Min tourna la tête à la recherche de la personne concernée. Elle repéra une femme qui les regardait, Tatiana et elle, non loin. Elle tenait son dernier livre au bras, la déesse le reconnut à sa couverture qu’elle avait choisi elle-même à l’époque de sa maquette. « Mademoiselle ? » interpella-t-elle l’inconnu avec, dans le regard, un avertissement. La déesse inconnue comprendrait-elle que Soo-Min voulusse rester anonyme ? En même temps, elle-même paraissait être venue seule. Les prêtres n’étaient bizarrement pas réputé pour leur discrétion, elle les aurait vu proche de leur déesse. Point à mettre à l’avantage de la brune : si elle tenait le livre de Soo-Min, c’est qu’elle ne venait pas avec des intentions belliqueuses. Quel intérêt, en effet, de s’encombrer d’un ouvrage de développement personnel pour attaquer, on vous le demande ! « Je vois que vous tenez mon livre, souhaitez-vous une dédicace ? » Soo-Min lui tendait une perche pour se joindre à Tatiana et elle, la prendrait-elle ?

(c) ANAPHORE

Les guerres passées ont apporté bien des complexités aux relations entre pays voisins, comme aux évolutions propres à chaque pays. Les vainqueurs imposent leurs lois, les perdants tentent de résister par de maigres moyens. Chine, Corée, Japon ont eu leurs lots de victoires et de défaites, de gloires et de souffrances. Le premier adopte bien des courants religieux, le second semble jurer par l’Unique et le troisième se partage entre courants. Décidément, il ne va pas être aisé de discuter avec la demoiselle sans commettre de terribles impairs liés à l’histoire de ces trois contrées.

- Il y a bien des avantages et des désavantages à plusieurs religions. Par contre, nous devons convenir que les fidèles de l’Unique ont été les plus vindicatif à grande échelle. Aucun continent n’a été épargné, soufflais-je, tentant d’entrer dans le vif du sujet.

Malheureusement, ma tentative est mise à mal par l’intervention d’une nouvelle personne. Il semble que je ne sois pas la seule à vouloir échanger avec cette demoiselle d’Asie au sujet de son livre. Est-ce un pur hasard ? J’en doute fortement, étant donné la raison première de ma présence même ! Est-ce un potentiel ennemi qui tente de me couper l’herbe sous les pieds ? Je serais bien embêtée, surtout que mon intégrité tant physique que morale en dépend. Est-ce que c’est une nouvelle alliée, prête à m’appuyer dans cette démarche ? Dans ce cas-ci, j’espère que je n’aurais pas à défendre ma contribution en prime !

- Bonjour, je suis Tatiana Dourov. J’avoue être là par curiosité au sujet de Mademoiselle Kim et son livre, m’introduis-je. Et, à force de parler, j’ai oublié la raison première de mon arrivée ici : la dédicace !

Evidemment, tout n’est qu’une excuse de façade pour grapiller davantage quelques minutes auprès de cette demoiselle. Pourquoi est-ce que je dois l’amadouer, lui plaire et surtout la convaincre ? Qu’est-elle exactement ? Est-elle comme moi, une humaine au service des divins ? A moins qu’elle ne soit une divinité ! Tant de questions sans réponses ! Tant de missions sans détails ou clartés ! La Foi en Morana et ses pairs me guide et me permet de patienter, mais jusqu’où ?

Je tais ce doute aussitôt qu’il apparaît : je n’en ai pas le droit. Si la Grande Révélation a bousculé les mentalités, ces dernières restent encore trop timorées pour oser en discuter à vive voix. Ils tâtent, ils observent, ils patientent, ils prient leurs propres dieux avec ou sans doute. Pour ma part, j’ai perdu ce droit dès ma naissance. A l’instant où ma douce mère a posé un regard sur moi, elle savait qu’elle avait trouvé sa prochaine prêtresse. Elle m’a façonné durant toutes ces années, et elle s’attend à une fidélité et loyauté sans faille. Je m’y plie par amour pour ma mère, par crainte d’attirer les foudres d’une divinité slave – ou être remplacée par une personne plus compétente – mais aussi par loyauté, ayant déjà trop donné.

@Soo-Min Kim & @Tatiana Dourov & Erika Helland

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L'idée était réellement qu'elle ne se fasse pas remarquer. Elle venait à la soirée, prenait un verre, peut-être deux ou même trois d'ailleurs et ensuite … Ensuite, elle allait attendre de voir si la première envoyée de son père allait faire son travail ou non, la mission pour laquelle elle avait été envoyé ici, et si cela fonctionnait tant mieux. Erika pourrait alors rentrer chez elle, elle pourrait prendre un bon bain dans lequel elle viendrait à délasser son corps alors qu'elle enchaînait les journées de garde en ce moment à l'hôpital et elle viendrait ensuite à dormir. C'était le deal, sans prise de tête, sans prendre véritablement part à la soirée. C'était simple non ? Elle surveillait celle qui était venue se rapprocher de la cible et si vraiment, cela se passait mal alors peut-être qu'elle serait obligée d'intervenir. Son père avait décidé de mener une vendetta pleine et entière contre les Celtiques, qu'il jugeait responsable à bien des égards, mais qui était aux yeux de sa fille, surtout un prétexte pour pouvoir prendre le pas sur le reste des Nordiques toujours en vie. La mythologie avait écrit leur histoire depuis bien longtemps et même si les choses venaient parfois à varier de quelques degrés entre les différents textes issus de la passation orale qui était la règle pendant de nombreuses décennies, la finalité était toujours la même pour Loki, pour Fenrir ou pour Hel. Aujourd'hui, il avait la possibilité de tenter un véritable coup de poker, et de redistribuer définitivement les rôles de chacun au sein du panthéon. C'était tout bénéf, pour lui, il n'y avait pas à dire, mais on ne pouvait pas se lancer dans une guerre en étant tout seul, leur seul panthéon ne pouvait pas totalement faire face devant celui de leurs ennemis qui avaient su vraisemblablement les réunir. Elle n'avait eu, après tout, que les récits de ce qui avaient pu se passer à l'entrepôt ou encore dans les catacombes. Et c'était sans doute mieux ainsi, s'il lui était arrivé quelque chose, elle se demandait comment son père aurait réagi.

Pour autant, aujourd'hui, il voulait qu'elle s'implique de plus en plus dans les différentes manœuvres qu'il engageait, et elle aimait terriblement son père, c'est pourquoi elle avait accepté, quoi qu'il puisse lui demander ou presque, elle était prête à le faire pour lui, car il ne l'avait jamais abandonné, il ne l'avait jamais trahi et elle ne comptait pas commencer à le décevoir maintenant. Il formait une équipe, même encore plus un duo et elle désirait le rendre fière. Elle était donc là, jouant avec le verre qu'elle avait entre les mains, lançant de petits regards en direction des deux femmes qui étaient un train de discuter, l'une étant la chasseresse, l'autre étant la proie. Le petit problème qui préexistait à tout cela, c'est que comme l'une d'entre elle était divine, elle pouvait sentir son aura, tout comme Hel pouvait sentir la sienne et elle la vit alors se tourner vers elle pour finalement l'apostropher. Génial. Erika dut faire appel à son talent d'actrice, et pour le coup elle remercia son père pour tous les conseils qu'il lui avait prodigué pendant de nombreuses années. Elle posa son doigt sur elle, tout en murmurant un « Moi ? » timide, les joues légèrement rosies par cette soudaine interpellation, comme si elle était bien trop gênée pour venir à la base rejoindre les deux femmes et demander un autographe. C'était sans doute maladroit mais pas grave, elle devait quand même se prêter au jeu. Elle fit quelques pas regardant la célébrité de la soirée puis la blonde à ses côtés qui se présenta. « Helena Moreau … Je … Je vous ai vu en grande discussion toutes les deux, je ne voulais en aucun cas vous déranger. Ma dédicace pouvait attendre. » Elle lui tendit le livre puis se pencha sur la table entre les deux femmes pour prendre un stylo et le tendre à l'auteur du livre. « C'est possible de signer mon livre à l'attention de mon père, il s'appelle Edouard. C'est un grand fan lui aussi, et je ne doute pas qu'il appréciera la dédicace, ça lui fera une superbe petite surprise. » Elle attendit qu'elle baisse la tête pour se tourner vers Tatianna et lui faire un clin d'oeil discret.

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@Tatiana Dourov & @Erika Helland

« C’est vrai, la colonisation y a grandement participé » Mais elle n’avait pas un but religieux à son avis. Le capitalisme était plutôt en cause dans la christianisation. L’occident avait envahi d’autres pays, d’autres continents, pour récupérer des richesses. Imposer leur dieu et leur civilisation avait été un simple bonus avantageux… Néanmoins, Soo-Min n’en voulait pas aux américains qui avaient amené le christianisme sur ses terres. La Corée avait déjà abandonné ses dieux à ce moment-là de leur histoire, donc ce n’était pas leur faute si ses amis d’autrefois avaient disparu fautes de fidèles. Au fond, ces tragédies étaient plutôt le fait des japonais, mais en vouloir à ses collègues actuels demeurait délicat. Toujours dans la mesure et la retenue, Soo-Min préférait anesthésier tout sentiment et toute pensée sur ces événements, et sur l’état des religions en général.

Par ailleurs, les deux femmes ne purent s’attarder plus longtemps sur ce sujet, même si la coréenne s’y était montré plus encline, car une déesse avait fait son apparition non loin. Soo-Min préféra lui adresser la parole la première que d’être espionnée sans savoir qui l’observait.

« Vous ne nous dérangez pas, au contraire vous recentrez notre conversation. Il eut été dommage que j’oublie de signer le livre de Mademoiselle Dourov à cause de mes bavardages » Malgré ces paroles, elle commença par attraper le livre tendu par la déesse et prit un stylo dans son sac – elle en avait toujours un, avec un carnet, au cas où une idée lui traverserait l’esprit – pour rédiger les dédicaces. Elle n’était même pas venue à cette soirée pour ça, mais au moins était-ce une activité avec laquelle elle se sentait à l’aise. Les signatures faisaient parti du métier après tout. « Edouard ? » répéta-t-elle sans signe d’émotion mais en jetant un coup d’oeil à la soit disant Helena. « J’ai connu un Edouard, c’est sûrement un prénom courant sur ce continent » Connaître était un emploi du verbe abusif. On lui avait dit qu’elle devrait prendre contact avec leurs alliés nordiques, et on avait mentionné ce prénom comme contact important. Elle n’en savait pas beaucoup plus, et cet indice s’était révélé presque aussi utile jusqu’ici que si elle avait dû chercher une aiguille dans une botte de foin.

Elle termina sa signature puis tendit la main pour prendre le livre de Tatiana. « Et vous ? Dois-je faire la signature en votre nom ou pour quelqu’un d’autre ? » Si l’autre déesse voulait lui parler dans le cadre de l’alliance, il allait falloir évacuer la présence de l’humaine. Commencer par se débarrasser de la dédicace paraissait une première étape pour rompre poliment la conversation, mais étrangement, Soo-Min sentait que rien ne serait si simple que ça…

(c) ANAPHORE

Je sens que la soirée allait toucher à sa fin à l’instant où elle aura signé ce fichu livre. Mes méninges tournent mille à l’heure sur la réponse à donner – ou un moyen pour le retenir, ou pour la revoir. Lorsque la jeune Asiatique me demande si la dédicace est à mon nom ou au nom d’une autre personne, une idée splendide éclot dans les tréfonds de mon esprit tortueux. Un grand sourire victorieux se dessine sur mes lèvres.

- Je vous prie de signer au nom de Morana, ma mère, et de Chernobog, plus ou moins mon patron. Ils ont eu vent de votre livre grâce à des connaissances dans quelques pays scandinaves. Vous avez été une ré-vé-la-tion. Eux et leurs amis sont persuadés que votre philosophie et votre spiritualité font écho à la leur. Malheureusement, ils sont occupés sur les vieilles terres slaves, et ils n’ont pas pu faire le déplacement. Je suis leur … émissaire, si l’on veut. Ils seraient très honorés de vous rencontrer, et d’échanger avec vous. Faites-moi savoir si vous êtes intéressés à les rencontrer et à parler spiritualité. Nous en avons tous besoin dans un contexte aussi tendu, et où bien des religions sont isolées et menacées. Voici ma carte de visite.

De ma petite sacoche, je sors une carte de visite et la glisse entre les doigts de l’Asiatique. Est-ce que je peux faire davantage ? Je ne saurais pas dire, en toute franchise. On ne m’a rien dit à son sujet, hormis que j’ai à la contacter et à la convaincre de rejoindre la cause des Slaves et des Nordiques. Est-elle une déesse, une créature ou une humaine ? Si elle est une divinité, quelle est sa fonction et ses attributs ? Si elle est une humaine, qui est-elle au sein de son panthéon ? En somme, depuis le début, j’avance à l’aveuglette et cette ambiance mondaine n’aide absolument pas !

- Mademoiselle Moreau, Mademoiselle Kim, je vous souhaite une excellente soirée. Si, par hasard, vous êtes d’humeurs à vouloir discuter davantage avec moi, je ne serais jamais bien loin, promis-je, prête à prendre mes distances déjà.

Je sais que je ne peux pas insister davantage au risque de paraître étonnamment suspecte, voire ingérable ou insupportable. C’est le cœur léger, et la certitude d’avoir agi au mieux, que je mets plus ou moins fin à cette conversation. La suite ne dépend plus de moi, mais de cette femme – qui qu’elle soit. J’ai donné suffisamment d’indices pour lui signaler mes intentions et mes origines, pour qu’elle ne comprenne rien. Et si elle ne comprend pas, soit elle est une sotte, soit elle ne mérite tout bonnement pas l’attention de mon panthéon.

Sujet: Re: Full Moon wo Sagashite [Intrigue I - Terminé]