17 juillet 2018. C'était ma dernière nuit dans ce corps. Mais à ce moment là, je l'ignorais encore.

La cible avait été désignée il y a quelques jours à peine. J'avais reçu son nom et sa localisation par courrier, à l'adresse qu'occupait mon véhicule, quelque part dans le nord du Wisconsin. Elle s'appelait Linda et semblait mener une vie biens sous tout rapport. Infirmière dans un petit hôpital du Midwest, veuve d'un comptable victime d'un accident de voiture quelques années auparavant, et mère aimante d'un jeune garçon d'environ onze ans. Agée d'une quarantaine d'année, elle faisait son fameux gâteau au citron à chaque nouvel arrivant dans le quartier. Mais dans le secret de sa cave, l'autel édifié à la gloire de Buluc Chabtan, divinité maya de la mort violente et du sacrifice, réclamait des offrandes toujours plus sanglantes. La parfaite Linda ne se contentait plus d'égorger un lapin pour satisfaire la soif macabre de la divinité. Depuis quelques mois, les cas de disparitions d'adolescents de la ville avaient augmentés drastiquement. Les médias évoquaient un possible jeu sur internet qui tournait mal, les parents interdisaient à leurs enfants de sortir le soir. Mais tous étais loin de la vérité morbide qui se déroulait dans la cave de Linda. C'est du moins ce que m'affirmait la lettre, signée d'un sceau angélique. La justice céleste devait être rendu, et j'étais désigné comme le juge et le bourreau, puisque tel était mon devoir.

Il n'avait pas été compliqué de la convaincre de me laisser entrer, prétextant que j'étais perdu et que mon téléphone n'avait plus de batterie. Elle ne montra aucun signe de nervosité, ne paru pas un instant suspicieuse qu'un inconnu vienne frapper à sa porte alors qu'on commençait à parler d'un tueur en série dans les rues de sa ville sans histoire. Tout cela ne faisait que corroborer le narratif de la mission qui m'avait été confié. Profitant qu'elle s'excusa un instant car son fils l'appelait à l'étage, je repérais la porte menant à la cave, verrouillée, bien entendu. À son retour, je quittais les lieux, la remerciant chaudement.

Ce n'est que plus tard dans la nuit, après que les dernières lueurs se soient éteintes derrière les rideaux clos, que je rentrais discrètement par la porte arrière de la demeure, restée ouverte. Une preuve qu'elle semblait ne pas craindre l'intrusion d'un criminel psychopathe, qu'elle était elle même. Je crochetais la serrure de la cave, mais alors que je descendais les escaliers dans le noir complet, un bruit derrière moi attira mon attention. La femme avait visiblement entendu ma présence et me suivait, une batte de base ball dans une main, une lueur que j'interprétais comme de la folie dans le regard. Elle était donc bien le monstre païen qu'on m'avait chargé d'épurer.

Glorieuse se fit le prolongement de ma main, et je rendis la justice divine sans même qu'elle ne tente de se défendre, résolue, je supposais, à être lavée de ses pêchés impies. Son téléphone, glissa de sa poche, et le vibreur insistant me fis jeter un œil aux notifications. C'était des messages d'un dénommé Liam.

OMG non n'y va pas, c'est peut-être le tueur dont ils parlent à la télé.
Linda, s'il te plait, répond moi !
LINDA !
J'appel la police Linda !!!

Je laissais l'objet technologique en plan, ne comprenant pas pourquoi elle avait prévenu quelqu'un si elle comptait s'en prendre à moi pour me sacrifier à son dieu. À tâtons, je cherchais l'interrupteur, et enfin faisait la lumière sur le lieu. Je m'attendais à une scène digne d'un film d'horreur, un autel ensanglanté, des symboles rituels. Je ne trouvais qu'une cave avec quelques tâches d'humidité, un vieux congélateur ronronnant dans le fond, et quelques ustensiles de bricolages dont les taches étaient composées de rouille et non de sang. Interdis, ne comprenant pas pourquoi il n'y avait rien de ce que j'aurais dû trouver ici, je n'entendis pas les bruits de pas derrière moi.

Maman ... la voix fluette et tremblante me fis sursauter. Je me retournais pour constater le corps frêle d'un enfant penché sur le cadavre de la femme. Son fils, qui avait sans doute été alerté par le bruit que notre affrontement, aussi court fût-il, avait provoqué.
Tu as tué maman ... fit-il en levant son regard baigné de larmes vers moi. Je remarquais alors que, dans sa petite main tremblante, un pistolet à l'éclat métallique faisait un contraste saisissant avec son porteur.
TU AS TUÉ MAMAN ! hurla-t-il en se redressant. Sa main ne tremblait plus. Il tira trois fois. Ne manqua pas une seule. God bless America.

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L'éther ... La perception du temps, là bas, n'a rien de tangible. Mon enveloppe est morte, mais pas mon essence. Elle est là, dans ce grand tout, ou ce grand rien, cette dimension qu'on ne peut pas réellement décrire, car elle n'est pas faite de ce qu'un esprit humain peut comprendre. Deux heures ? Deux jours ? Deux ans ? J'ignore combien de temps je reste là bas, avec que je sente cet appel. Père attend de moi que je revienne parmi les humains. Mon esprit ère en quête d'un corps, mais je comprend bien vite que Dieu ne s'embarrasse pas de me laisser le choix. Il a trouvé l'hôte, et mon avis sur la question n'entre pas dans l'équation. Alors j'obéis, et soudain, tout reprend texture.

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Avant même d'ouvrir les yeux, mes sens m'envoyaient des tas d'information. D'abord, l'odeur, ferrugineuse. Du sang avait coulé ici, il y a peu de temps. J'aurais pu croire ne pas avoir quitté la cave funeste, si ce n'est que l'air était très différent. Sec. Chaud. Trop chaud même. Il y avait beaucoup d'animation autour de moi. J'entendais les bruits caractéristiques d'un scope relayant des battements cardiaques. Plus loin, un appareil venait de déclencher une alarme aiguë. Mais rien ne sonnait comme dans un hôpital. La réverbération du son, en réalité, semblait situer le lieu où j'étais allongé en extérieur. Enfin, dans le lointain, on entendait régulièrement des bruits sourds ressemblant à des échanges de coups de feux.

Mon corps, lui, m'envoyait une information incompréhensible : il me manquait quelque chose. J'ouvrais alors les yeux, et la lumière filtrant à travers la toile jaunâtre d'une tente m'aveugla un instant. Mon regard se porta autour de moi. Des brancards, pour certain occupés par des hommes en treillis, reposant sur un sol fait de béton et de sable. Les éléments s'assemblèrent alors dans mon esprit. Une ville probablement abandonnée, quelque part proche d'un désert. Un hôpital de fortune remplis de militaires. Je me redressais en grognant, ce qui attira l'attention d'un homme vêtu de blanc pas loin de moi. Doucement Major Hadar. Restez allongé, où vous aller rouvrir la cicatrice. Il me plaqua le dos contre le brancard dans un geste mêlant douceur et fermeté, et remontant le dossier pour que je sois presque assis. C'est alors que je pouvais enfin comprendre les signaux que mon corps m'avait envoyé plus tôt. À l'endroit où aurait dû se trouver ma jambe gauche, il n'y avait que du vide, contrastant avec la blancheur immaculée du bandage couvrant mon genou. Passé le choc de cette incarnation forcée, mon essence prend enfin totalement possession de ce nouveau corps, et les souvenirs de l'homme m'assaillent.

Major de l'armée française Aaron Hadar été déployé depuis cinq mois sur l'opération Barkhane, au nord du Mali. Suite à une altercation avec un groupe djihadiste, une balle avait déchirée mon artère tibiale. Pour m'éviter de me vider de mon sang, un garrot d'urgence avait été posé, me permettant de survivre le temps d'être rapatrié vers le centre médical du front. Il était néanmoins trop tard pour sauver les tissus privés de sang qui avaient commencé à se nécroser, et il avait fallu amputer au dessous du genou. On me rassura. Le chirurgien était un expert dans son domaine, le moignon serait très beau (va savoir ce que peux bien signifier un beau moignon pour le personnel médical) et l'armée prendrait bien sûr en charge la totalité de frais pour mon futur appareillage. Sans surprise, Aaron était un fervent croyant, issu d'une famille d'origine Israélienne du côté de son père. Ces derniers, chrétiens orthodoxes, avaient rejoint la France dans les années 60, peu en accord avec l'arrivée du peuple juif dans le pays. Une démarche que je jugeais bien vaine, ignorant que pouvait l'être les humains qu'aucun d'eux n'avaient ni raison ni tord, que l'Unique ne jugeait pas la façon dont ses enfants avait choisi de croire en lui, tant qu'ils respectaient ses préceptes. Aaron avait une femme, Stéphanie, et une petite fille de 3 ans, Emma. Je m'imprégnais de cette histoire, du nouveau rôle que j'allais devoir incarner.

Rapidement rapatrié dans un hôpital à Bamako, puis à Paris, je restais encore plusieurs mois hospitalisé pour ma rémission et ma rééducation, bien que les professionnels m'assurent de ne jamais avoir vu quelqu'un récupérer aussi vite. Vous devez être béni par Dieu. Ils ne croyaient pas si bien dire. Je m'habituais à la gestion d'une prothèse qui coûtait facilement une année entière de pension militaire. Je rencontrais ma femme et ma fille. Je me renseignais aussi sur l'affaire qui m'avait coûté la vie, deux ans plus tôt, ne comprenant pas ce qu'il s'était passé. Mais on disait simplement qu'un homme était suspecté d'être à l'origine de la disparition de plusieurs adolescents et coupable du meurtre d'une mère de famille. Il avait été héroïquement abattu par le jeune fils de la victime, et depuis, la bourgade avait regagné sa tranquillité. C'était à n'y rien comprendre. Je ne voulais pas remettre en doute la justice qu'on m'avait demandé de rendre, mais rien ne concordais avec les pratiques impies qu'on m'avait dénoncé.

J'oubliais pourtant bien vite cette affaire début décembre, lorsqu'une secousse agita le monde divin. Un dieu était mort. Pas juste son véhicule. Son essence avait quitté ce monde. Nous ignorions tout de l'identité de ce disparu, mais apprendre la mort d'un dieu avait quelque chose de marquant, d'autant plus si nous autres, envoyés de l'Unique, ni étions pour rien. Quelques jours plus tard, je rentrais à mon domicile, retrouvant femme et enfant. Les choses furent un peu plus calme.

Jusqu'à la nouvelle année, et l'attentat d'Istanbul. Père ne saurait accepter cet affront, et me chargea de retrouver ces agitateurs ayant usé du sceau de Salomon, malgré les blessures encore fraiches de mon véhicule. De toute façon, cela m'incombait, que je le veuille ou non. Je suis champion, son bras armé, le représentant de sa justice, et on ne salis pas ainsi une célébration en son honneur. Je me lançais alors dans une traque aux pistes tentaculaires. Au fur et à mesure des mois, je sentais, comme tous, la mort d'autres dieux païens. Spectateur lointain, occupé par ma mission, je découvrais les déicides dans la vidéo virale de la mort de Zeus. Je comprenais qu'ils étaient à l'origine de la mort des autres dieux, ou en tout cas en étaient les premiers suspects. Je faisais le rapprochement alors avec ceux que j'avais traqué depuis la Turquie, qui devait être la cellule à l'origine de l'attentat, sans pour autant réussir à mettre la main sur eux. Ils ne se mettaient pas autant en avant que la jeune femme sur la vidéo. Plus que de la peur, leur existence faisait naître de la colère en moi. De quel droit de simples humains se permettaient-ils de rendre un châtiment réservé aux divins ? Puis j'encaissais et désapprouvais la grande révélation. Juste une tentative desespérée des païens de regagner un peu de prestance, sans se rendre compte que leur fin était désormais proche, la ferveur envers mon père devenant plus puissante que jamais. Et je le voyais, mon père de plus en plus se reposer sur le plus problématique de mes frères, Samael. Mais mon avis sur la question n'était pas requis, alors je me gardais bien de le donner.

Faisant passer mes absences pour des missions de l'armée, qui devait pourtant me réformer et me verser une pension d'invalidité, je rentrais un jour pour découvrir la sœur d'Aaron à son domicile, s'occupant de sa fille. Une lettre m'attendais. Ma femme était partie. Depuis mon accident, elle ne me reconnaissait plus et elle n'arrivait plus à supporter ce qu'elle voyait en moi. Je n'étais plus l'homme qu'elle avait aimé, elle devait partir, me priant de ne pas la chercher. Elle laissait derrière elle une enfant, Emma, car ses traits lui aurait trop rappelé les miens. Elle s'excusait de sa lâcheté. Je ne pouvais pas abandonner cette enfant. Pas comme sa mère l'avait fait, pas en l'ayant privé de son vrai père par mon incarnation. C'était injuste, et je ne pouvais l'être. C'est ainsi que je devenais, moi, le prince des archanges, un père célibataire.

Père me fit plusieurs fois comprendre qu'il n'appréciait pas que mes missions ne souffrent de mon implication auprès de la petite, que j'apprenais doucement à connaitre, dans un rôle de parent que je n'avais jamais porté jusqu'alors. Elle passait la plupart du temps avec sa tante, heureusement compréhensive et crédule à mes mensonges pour justifier mes absences régulières. Mais la fin de l'année 2021 et le début de l'année 2022, et les événements s'enchainant, je retrouvais le chemin de la maison, à la demande de mon père, laissant pendant un temps tomber la recherche de la relique. Ma mission était de seconder mon frère dans la lutte contre les anciens panthéons. Pas de doute, Samaël, celui que certains mythes décrivent autant comme mon jumeau que ma Némésis , allait être ravi de l'apprendre.  

Avant de te lancer corps et âme sur le forum, nous tenions à te donner quelques informations importantes ! Promis cela ne prendra pas beaucoup de temps.

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Et voilà c'est fini, je vais rendre mon micro et repartir tyranniser les membres dont tu fais désormais pleinement partie  Te voilà paré à affronter le monde ! Comme on dit chez moi... Y'a plus qu'à! Bon jeu à toi!