Un de mort, dix de Respawn ? || Romain

Vous savez ce qui m'emmerde le plus dans la vie de célébrité ? La plupart du temps, je ne conduis pas. Et si c'est un peu confortable d'avoir un chauffeur, et qu'une limo c'est un quand même classe, tout ça n'est rien à côté de la conduite d'un petit bijou de mécanique comme mon char du soleil. Malheureusement, il parait que ça ne passe pas inaperçu dans les rues des capitales européennes, alors je suis bien obligé d'accepter l'option la plus humaine. Il y a quand même quelques avantages, comme pouvoir utiliser mon téléphone. Remember kids, don't text and drive ! Ce n'est pas parce qu'on est un dieu qu'on se fiche de la sécurité routière.

Je pianote sur mon téléphone, constatant que ma story durant le concert fonctionne très bien sur les réseaux. L'emoji soleil m'est envoyé en réaction par centaines, et j'ai vu plusieurs pancartes me nommant "New Apollo" dans la salle. Les Papaddicts font bien leur boulot. D'ailleurs, j'envoi un petit message à Rachel, ma nouvelle pythie, pour la féliciter de son efficacité. Quand je relève ma tête du petit écran, mon chauffeur me signal que nous sommes arrivés. Je siffle, impressionné. Si le parking ressemble déjà à ça, je n'imagine pas le reste de l'hôtel. Ce n'est pas l'Olympe, mais l'endroit relève tout de même d'un luxe particulier, surtout dans un endroit clos censé sentir l'urine et les gaz d'échappement.

Je ne connaissais pas la réputation du propriétaire des lieux, mais on m'a rapidement briefé sur sa généreuse offre. Sa meilleure suite contre une rencontre. Je lève rapidement les yeux au ciel, tandis que mon agent me dit qu'il m'attend en ce moment même. Sérieusement, je viens de me taper un concert de plus de deux heures et tous les préparatifs que ça implique, on est en plein milieu de la nuit, et monseigneur a décidé que c'était le moment pour un petit rendez-vous privé. Après ça, qu'on me dise encore que ce sont les artistes, les divas ... Bon, je dois lui reconnaitre qu'il avait bon goût en matière de décoration. Les différents halls qu'on me fait traverser sont tous plus luxueux les uns que les autres, sans que ça ne tombe jamais dans le vulgaire. C'est marrant quand on y pense, à chaque fois qu'un endroit veut tendre vers le luxe en occident, on l'affuble de colonnades, de marbres blancs et d'or. En somme, une architecture à la gréco-romaine. Comme quoi, même dans le monde moderne, les humains n'oublient pas la grandeur de l'empire qui les a précédé.

Et après un voyage en ascenseur - bon sang, je n'aurai jamais dû bénir l'invention des musiques d'ascenseur, c'est d'un kitch - les portes s'ouvrent avec un léger ding directement dans la fameuse "chambre". Et effectivement, appeler ça une chambre est un euphémisme. Non, à ce stade, c'est un appartement pour une famille de cinq personnes minimum. À peine suffisant si je devais y vivre, heureusement, ce n'est que temporaire. Quoi ? J'ai une réputation à tenir, et trois salles de bains ne sont pas de trop pour entreposer tout mes produits de soins. Et on ne parlera pas du fait que la taille de ma garde robe rendrait ridicule l'inventaire d'un magasin de prêt à porter. It takes what it takes. Un corps humain a malheureusement besoin d'entretien pour être digne de la perfection que j'incarne, même si la génétique du jeune Romain est déjà une base de départ plutôt correcte.

En parlant de Romain, moi qui pensait pouvoir souffler un peu ce soir, me voilà obligé à maintenir le masque un peu plus longtemps. Jouer un rôle n'est pas un problème pour moi, bien entendu, mais je l'admet, parfois, j'aimerais pouvoir être un peu plus moi même. Surveiller constamment mon comportement lorsque je suis en présence de mortels, ça devient assez rapidement lassant, en vérité. Et je n'ai pas le temps de faire trois pas dans la fameuse suite, que déjà, mon regard se pose sur celui qui ne peux être que le propriétaire des lieux, au vu de sa position très ... conquérante. Mon chou, on dirait que quelqu'un a des choses à prouver. En même temps, il doit à peine être en âge de consommer légalement le verre qu'il a la main. Comment un gamin peut se retrouver à la tête d'un empire hôtelier ? Moi qui m'attendait à ce que ce mister Gold me demande un autographe pour ses enfants, il va maintenant falloir que je me prépare à prendre des selfies pour rendre jaloux tous ses copains de lycée.

Je visse à mon visage mon plus beau sourire, ce qui n'est pas compliqué, chacun de mes sourires est charmant, et me dirige avec un entrain feint vers le beau blond. Dans d'autres circonstances, il aurait totalement pu me correspondre en tant que véhicule d'ailleurs. Alexander Gold, je suppose ? Très heureux de te rencontrer. Merci pour la chambre, c'est ... j'ai pas les mots, j'ai rarement vu des endroits aussi beaux ! Ah, je sais me montrer affable et adorable quand il le faut, même si j'ai comme une drôle de sensation sur ce gars, qui a l'air beaucoup trop lisse pour être net, qu'on se le dise.

Ma première impression ne disparait pas alors que le jeune homme m'accueil. Il y a définitivement quelque chose qui ne colle pas avec lui. J'ai comme un frisson qui me parcours quand je me rapproche finalement de lui. Et mon instinct m'évoque quelque chose de surnaturel. Divin ? Non, pas exactement. Mais pas très loin. Cette sensation me laisse perplexe, et bien que j'essai de le cacher, je ne peux empêcher un instant mes yeux de se plisser, en pleine réflexion. Ah, les micro expressions, ces petites traitres qui sont à la fois le panache de l'acteur qui sait les reproduire mais aussi le trépa du menteur qui ne sait pas s'en défaire. Peut-être pensera-t-il, cependant, que cette demi seconde d'hésitation était due à sa proposition, à laquelle, d'ailleurs, je m'empresse de répondre.

Non, merci, j'ai diner avant de prendre la voiture. Quoi que, je ne serais pas contre une eau pétillante. Mais j'imagine qu'une telle chambre doit bien avoir son minibar rempli avec de quoi se faire quelques Perrier tranches ? Je suis loin d'être autant porté sur l'alcool que pourrais l'être mon demi-frère, dieu du vin, mais aussi en passant de la folie - si le rapport entre les deux n'était pas assez évident comme ça. Un verre de champagne, de temps en temps, sans doute. Mais rien, bien entendu, ne vaut le nectar divin. Malheureusement, c'est une denrée qui semble avoir disparue avec la chute de Rome, et c'est plus que dommage. Et puis, chanter, ça laisse la gorge sèche, même pour moi. Je me dirige donc vers ce que j'imagine être le mini bar, et me baisse pour en explorer le contenu. Inutile de déranger un employé pour ça, et je pressent que cette discussion se déroulera bien mieux à huis clos. D'ailleurs, lorsque le blond reprend la parole, je comprends que mon intuition sur sa nature se révèle très certainement juste, bien que je ne parvienne toujours pas à l'identifier exactement. Quand à la raison de cette invitation et de cet entretien, et bien je suppose que ça n'a vraiment rien d'innocent. Mais pour le moment, jouons donc à la célébrité faussement modeste.  

Oh, tu sais, c'est pour ainsi dire ma seconde identité. Depuis que j'ai commencé à jouer ce rôle dans la série, les gens ont parfois du mal à faire la différence entre lui et moi. Mais si je peux être totalement honnête ... ce n'est pas pour me déranger. Ce qui, en soit, n'a rien d'un mensonge. Juste une vérité agencée dans le sens qui m'arrange le plus. Et si il s'imagine m'avoir par la flatterie, c'est bien mal me connaitre. Ce n'est pas en me disant que je suis beau ou que je chante bien que je vais m'émouvoir. Enfin, honey, je sais tout ça. C'est littéralement mon essence. Si tu pouvais au moins essayer de ne pas énoncer des évidences. Ah, et voilà enfin une bouteille de Perrier. C'est si compliqué que ça d'avoir une eau de qualité chez les anglo-saxons ? Bon, autant pour la tranche par contre. Il me faudra me contenter d'un "arôme citron", et c'est loin d'être la même chose, ceux qui vous disent le contraire ont un palais clairement déficient. Je me redresse, me sers un verre - je ne suis pas un barbare, les gens civilisés ne boivent pas à la bouteille - et m'installe dans un des fauteuils du "petit" salon de la suite. Et toi, racontes moi. Comment une personne aussi jeune a fait pour être à la tête d'un empire hôtelier ? On doit avoir à peu près le même âge. Être une star à 25 ans, c'est facile, un entrepreneur milliardaire, c'est un autre type d'exploit. Je ne me contente pas de faire la conversation pour être poli. Cette question m'intrigue réellement, et qui sait, de cette façon, je pourrais peut-être obtenir des information sur qui - ou quoi- se tient devant moi.

Pas de tranche dans les étages ? Et ça se dit grand luxe. Sur l'Olympe, il m'aurait suffit de claquer des doigts pour qu'une nymphe m'apporte autant de tranche de citron que je le désir, de toutes les variétés connues et même certaines de leur propre création. Devoir appeler un mortel, attendre qu'il la découpe et la ramène, bon sang, quel archaïsme. Et pourtant, il se permet de sous entendre que JE serai dépassé ? Dépassé ? Les évènements de Marseille tendent à prouver le contraire ... Mais nous ne sommes pas là pour discuter théologie, n'est-ce pas ? fis-je avec un sourire, cette fois ci bien conscient qu'il a très bien compris qui je suis, et mes soupçons confirmé. Même si j'ignore tout de son panthéon et de ses allégeances, he's one of us.

Je vois. Ta vision du monde est singulière. On dirait presque que tu as besoin de prouver à quelqu'un que tu peux réussir sans son concours. Relation familial complexe, j'imagine ? Je peux comprendre ça. Ce qui, en sois, m'avance sans vraiment m'avancer. Citez moi un panthéon dans lequel les relations sont harmonieuses. Vous ne pouvez pas. C'est bien normal, nous autre dieux avons la fâcheuse manie de redoubler d'inventivité en terme de famille dysfonctionnelle. Alors il ne me reste plus qu'à trinquer avec mon hôte. À nos succès passés et à venir !

Je lui rend son sourire, dont il ne semble jamais se départir. Mais c'est qu'à ce jeu là, on peut-être deux joueurs. Et en parlant de jeu, je pensais en avoir fini avec sa petite partie personnelle de qui-est-ce, mais il semble que tant que je ne lui aurai pas confirmé en mots clairs et directs qui je suis, il ne lâchera pas l'affaire. Pas de problème, je peux trouver autant de tournures de phrases qu'il souhaite pour ne jamais lui donner pleine et entière satisfaction. Oh, et bien, j'ai cru comprendre que les divinités peuvent reconnaitre leurs essences entre elles, je suppose donc que si j'en rencontre une, elle saura à quoi s'en tenir, et moi aussi. Toujours un sourire, assorti d'un léger basculement de la tête sur le côté. Eh oui mon  ami, tu n'as pas le monopole de savoir ce qui se trouve en face de toi. Peut-être l'avantage d'être presque sûr de mon identité alors que je ne sais rien de toi, pour le moment. Mais je compte bien y remédier.

Permet moi de te contredire. Une superstar n'est jamais bien loin d'une horde de fans prêts à tout pour leur idole. J'imagine que pour un dieu, la disparition de quelques fidèles prêts à sacrifier leur vie pour sauver la sienne est un compromis acceptable. Ils peuvent aussi, au besoin, se transformer en une armée loyale. Hypothétiquement, bien entendu. Play dumb ? Oh, ça n'a rien d'une menace voilée. Il ne s'agit pas d'un déicide après tout, et je ne me sens pas en danger immédiat. Je suis simplement totalement factuel. Ce n'est pas pour rien qu'on parle parfois dans les médias d'une "armée de fans". Et ça, je l'ai bien compris. Pendant que je bois une nouvelle gorgée de mon Perrier, mon regard s'attarde sans gêne sur mon interlocuteur. Je le détaille point par point. Quelque chose ne va pas. Considéré comme divinité de la beauté masculine, je sais que ce qui fait d'un être quelqu'un de beau, ce sont les petits défauts. Hors, ce jeune homme ne semble en présenter aucun. Un être parfait ? Soudain, un éclair de compréhension me traverse, et je comprends pourquoi son essence ne me paraissait pas totalement divine. Je suis en face d'un ange. Et un sacrément puissant, avec quelques daddy issues et un sourire trop lisse pour être honnête. Oh ... je vois. Bien entendu, ce n'est qu'une idée, mais je crois que je viens de comprendre l'identité de cet homme, et de satisfaction, il est possible que mes yeux brillent soudain d'un éclat d'or, bien plus fort qu'auparavant. Comment donc explorer subtilement ma nouvelle théorie ?

Et c'est ainsi que finalement, les masques tombent. Je vois qu'on abandonne les façades. Je préfère ça. Je commente, avant que l'ange ne laisse libre court à sa colère. J'ai visiblement touché un point sensible. C'est vrai que le bassin méditerranéen était une propriété papale depuis quelques temps. Mais que ce cher Louis Benoit Jean Jacques 92 ou peu importe son nom se rappel à qui son Dieu a volé ces terres, et sur quelle base les humains ont inventé son panthéon et toute ses fêtes. Sans nous autres, anciens dieux, il n'aurait tout simplement jamais existé. Alors, même si je ne tiens pas spécialement avec les miens, ce territoire nous revient de droit. Et comme j'ai touché l'angelot dans son ego, il semble vouloir faire de même, si qui ne manque pas de me laisser échapper un petit rire moqueur. Tu vois, les problèmes, c'est que si tu veux me piquer, va falloir autre chose. Je suis loin d'être le plus grand fan de feu mon paternel, et mon oncle a peut-être protégé ma mère à l'époque, mais c'est un bien piètre acteur.

Bien entendu que m'appeler Apollon est me va mieux. C'est mon nom, triple andouille. Est-ce que le blond peroxydé grille les neurones des essences divines ? Rappelez moi de ne jamais tenter ça avec les cheveux de Romain. On rigole, on rigole, mais voilà que le pas si jeune homme décide, de but en blanc, de me poser une question. Non mais et puis quoi, qu'il aille se faire foutre. Je sais où elle est, et non, elle ne possède pas le Graal. C'était pas la réponse prévue ça. Ma bouche a parlée contre ma volonté, ignorant totalement ce que je voulais lui répondre. Un truc plutôt obscène, en l'occurrence. Et peu de choses peuvent m'empêcher d'envoyer chier quelqu'un quand je l'ai décidé. Je suis peut-être beau et talentueux, mais pas stupide pour autant. De la magie pour une telle question ? Intéressant. J'en déduis que vous n'êtes pas au courant pour le Graal. Voilà qui réduit la liste des suspects. Ainsi, j'en sais plus que toi sur la relique la plus sacrée de ton papounet, mon cher Lucifer. De nouveau, j'affiche ce sourire avec lequel il a décidé de rentrer en compétition, observant quelques secondes sa réaction et reprenant avant qu'il puisse parler. C'est qui tu es, n'est-ce pas ? Oh, ne rougis pas, de tous les admirateurs qui se sont inspirés de moi, tu es sans aucun doute celui qui a le mieux réussi à tirer son épingle du jeu. Mais enfin, "le plus beau des anges", "le porteur de lumière" ... tu aurais au moins pu faire un effort pour que ce ne soit pas évident que tu as copié sur la copie du voisin. Je pousse le bouchon ? Peut-être. J'ai dis que je n'étais pas stupide, ça ne veut pas dire que je ne suis pas impertinent, même quand c'est contre mon bien. Surtout, quand c'est contre mon bien, en fait.

Parce que, comme tu le dis si bien, Zeus se croyait intouchable. Spoiler, il s'est trompé. Mais ironiquement, grâce à lui et ma formidable belle-mère, nous autre ses enfants avant tout a fait conscience que notre existence n'est pas immuable. Ce qui nous rend moins arrogant quand il s'agit de notre sécurité. Un sourire, une gorgée de Perrier, un appui discret sur ma montre et la porte de la suite s'ouvre dans l'instant, libérant un garde du corps, l'arme de service prête à tirer directement dans la tête du beau blond. Bien entendu, il ne tiendrai pas longtemps face à un autre dieu. Suffisamment, néanmoins, pour me servir de bouclier et m'offrir une porte de sortie. Hypothétiquement, évidement. Oh, je me doute bien qu'en étant sur son propre terrain, le prince des enfers doit avoir des systèmes pour sa sécurité personnelle dont je n'ai pas la moindre idée. Pourtant, d'un geste négligeant, je fais signe au garde de repartir. Mais nous sommes entre personnes civilisées, n'est-ce pas ? Je me penche en avant, vers lui, jaugeant sa réaction.

Est-ce que c'est possible de manquer le point autant de fois d'affilé ? Il se trouve que je suis issu d'une union qui n'a, même pour la loi, rien de l'inceste. Tout au plus, ma mère et mon père étaient cousins au troisième degré, ce qui, d'un point de vue d'une titanide et d'un dieu, n'a de toute façon aucune pertinence puisque nous n'avons tout simplement pas d'ADN, pas de gènes, et donc pas tous les problèmes que les unions incestueuses peuvent rencontrer chez les mortels. Ce qui, en revanche, n'est pas le cas de son panthéon, si on en crois leur version de la génèse des mortels. Bien sûr, parce que votre panthéon est exempt de ce genre de choses. Rappel moi comment les enfants d'Adam ont pu avoir une descendance quand la seule femme disponible était leur mère ? Définitivement, il m'est bien impossible de me départir de mon sourire.

Bon, peut-être à part quand il utilise un de ses dons pour forcer ma parole. Voilà qui est agaçant, en réalité, pour un être qui sait manier les mots, de se les voir volé contre sa volonté. Mais encore une fois, il perd assez vite l'avantage qu'il a sur moi. Parce qu'à chaque fois qu'il ouvre la bouche et pense être au top du sarcasme, il tombe immanquablement à côté. Mon choux, j'ai inventé le sarcasme, ne joue pas à ce petit jeu avec moi. Les gens qui ont peur d'un nom sont faibles, voilà tout. Et laisse ce plouc d'Icare où il est. Le soleil ne risque pas de me brûler, je suis le soleil. Et tout en disant cela, je me nimbe d'une aura chaude et lumineuse. Le fauteuil se met à fumer et le tissu roussi légèrement. Oh, ce n'est que de l'esbrouffe. Nous sommes en pleine nuit, et je ne capte que les rayons de lumière de la lune par la fenêtre. Ces rayons ont beaux être des réfractions de la lumière du soleil, ils ont leur propre énergie, qui est du domaine de ma sœur. Ils ne me sont pas plus utile que pour faire un petit effet lumière, mais que voulez vous, j'ai toujours eu un goût pour la mise en scène un brin mélo dramatique. En parlant de ma jumelle. Parce que tu crois vraiment que tu aurais pu l'approcher ? C'est une chasseresse, pas une proie. Je rigole, moqueur. Mais pour une fois, mon visage s'est séparé de mon sourire, et mon regard se fait réellement menaçant l'espace d'un instant. Ce qui semble assez étrange sur le visage doux de Romain. Ce n'est pas une expression qui lui est naturelle. Quand à moi ? Le soleil réchauffe, mais il brûle également. Cela ne dure qu'un temps, avant que la battle colgate ne reprenne le dessus. Et que de nouveau, le blond prouve qu'il était loin, bien loin de la réalité. Oh, si naïf ... C'est ta jeunesse, sans aucun doute. Connais-tu le paradoxe de l'omnipotence ? Faisons donc cette expérience de pensée, veux tu ? Si ton père est omnipotent, alors il peut créer une pierre qu'il serra incapable de soulever. Mais si il est incapable de soulever la pierre, alors il n'est pas omnipotent. Tu comprends ? La perfection est une illusion. Un dieu de la beauté et des arts comme moi le sais bien. Ce sont les défauts, les aspérités, qui rendent les choses belles et intéressantes. Ce qui est parfait ? Aucun intérêt, oubliable dans la seconde. Qu'il se revendique parfait s'il le désire. How boring. Il a clairement des problèmes avec son estime de lui même. En même temps, se voir rejeté pour avoir osé s'opposer à son père, ça crée des traumas d'enfance, c'est sûr. Je pourrais comprendre, si j'avais fais la même erreur de débutant que lui. Mais je ne l'ai jamais fais. J'ai toujours respecté mon père pour ce qu'il représentait. Mais aimé ? Jamais. Je n'ai donc jamais ressenti le besoin de prouver quoi que ce soit à quelqu'un d'autre qu'à moi même, et ça, mes amis, c'est le conseil santé mentale numéro un. Faites les choses pour vous, pas pour les autres, et surtout pas pour une figure parentale dysfonctionnelle.

Mais voilà, que, hypothétiquement, nous en venons sur un concours de la taille de notre bi... service de sécurité. Oh, je sais que je ne gagnerais pas sur son terrain, et je ne sourcille même pas quand il est clair que mon garde passe un mauvais moment. Je daigne même pas tourner mon regard vers lui. Si je ne joue pas le rôle de Romain, qu'il soit clair que je n'ai strictement rien à faire du sort d'un mortel insignifiant. Que Lucifer soit magnanime si ça peut apaiser sa culpabilité de ne pas être le parfait fils pour papounet. Moi, je n'en ai pas grand chose à fiche. Quand à ses allégations. Je pars soudain d'un rire franc. Alors ça, c'est la meilleure. On ne m'a pas dis que le maître de l'Enfer - encore une chose que vous nous avez piqué, d'ailleurs - était un comique. Reconnaitre la supériorité d'un panthéon où vos croyants se font la guerre pour savoir quel nom donner à ton père ? C'est à dire qu'entre Allah, Dieu ou Yavé, il doit souffrir d'un sacré trouble dissociatif de l'identité. Et encore, je ne parle pas de ceux qui sont d'accord sur le nom, mais pas sur la version du bouquin ... Catholiques, protestants, orthodoxes .... J'en oublie non ? Je suis sûr que j'en oublie. C'est un bordel votre truc. Personne n'a la même version. Et puis, la génération Z, n'est-elle pas formidable, réinterprétait votre Bible avec le prisme de la Grèce Antique avant même la révélation. Je suis désolé de te l'annoncer, mais vous étiez déjà sur le déclin. Je sais, la première fois, ça fais mal. On est aussi passé par là. Mais the show must go on. Tu verras, ça ira. Tu peux essayer une reconversion. T'as pensé à être consultant pour la police ? Avec ton pouvoir qui oblige à dire la vérité, tu ferais un malheur. On pourrait même en faire une série ! Et franchement, je suis sérieux. Pour la série, que je vais sans doute pitcher à un producteur le lendemain, et pour l'absurdité et l'instabilité des croyants du panthéon monothéiste. Quand à la guerre, mon cher, ce n'est jamais quelque chose qui m'a intéressé. Sauf celle de Troie, mais franchement, c'était surtout pour la tension dramatique autour. De quoi inspirer les auteurs pour des millénaires, une petite merveille. CE qui est toujours vrai, pour Troie comme pour la guerre. Ce n'est pas pour rien si je ne me suis toujours pas révélé et que je n'ai que très peu de contact avec mon panthéon. Je suis pour ainsi dire un électron libre, du moins pour le moment.  

Purs, de la part d'un ange déchu, c'est quand même un comble à entendre. Je pouffe, mais ne dis rien. Parfois, les mots ne sont pas nécessaires pour mépriser le ridicule des propos que l'on peut entendre. Cet ange est un expert en la matière. De mon côté, j'ai eu quelques millénaires de plus que lui pour apprendre à reconnaitre quand je mène un combat inutile, et clairement, j'ai peut-être trouvé plus têtu que moi sur ce coup. Ce qui n'est pas un compliment. L'entêtement à avancer des propos stupides simplement par ego n'est pas un accomplissement à rêver d'atteindre. Et en parlant d'ego ... Bon, ok, ce coup ci, c'est peut-être moi qui ait commencé à jouer à qui a la plus grande. Mais quand même, pas besoin d'être aussi extravagant. Un peu de drama, c'est classe. Trop de clinquant et de bling bling, c'est juste vulgaire. Ah, les jeunes, ils confondent trop souvent le vrai luxe et l'étalage sans élégance. C'était censé être une démonstration ? Depuis quand le soleil a des ailes ? Et après c'est moi qu'on compare à Icare ... Je rigole, levant les yeux au ciel quand il pense que je le défis de s'en prendre à ma sœur. Oh, qu'il essai. Elle n'aura pas besoin de moi pour lui foutre une sacré râclée. Artémis est devenu experte en castration à vif des mâles un peu trop sûr d'eux, le diable ne ferait pas exception, ça, j'en avais la certitude. Par ailleurs, je dois lui accorder un élan de sagesse. Car suite à ma démonstration, il change son fusil d'épaule et se clame à présent imparfait. Ce qui veut surtout dire qu'il cherche à avoir le dernier mot et ne sait pas aussi bien argumenter qu'il le prétend, ce qui est une bonne chose à savoir. Cela le rend influençable. Ce qui me fait m'interroger. Pourquoi un rebelle, qui plus est un banni, acceptes docilement de servir le père qui l'a jeté des cieux ? Je ne peux croire que c'est par amour pour le divin, alors quoi ? Recherche de rédemption ? Ca ferait un super arc narratif, mais je n'y crois pas. Recherche de pouvoir ? Oui, sans doute plus crédible. Ne me dis pas que tu comptes le renverser et prendre sa place, ce serait ridicule. Voyons, qu'est-ce que le diable a à gagner dans cette affaire ?

Je suis sans doute un idiot, mais je ne me sens pas le moins du monde en danger. Non, le diable ne me fait pas trembler. Déjà, parce que mon panthéon est bien moins manichéen que le sien. Ensuite, parce qu'il semble que même lui ne le soit pas tant, au vu de son discours. Il est jeune, un peu naïf, mais pas idiot. Oh, crois moi, tout est cyclique. Aujourd'hui, tu es au sommet de ta gloire. Demain ... Et bien disons que c'est difficile d'être puissant si il n'y a plus personne pour croire en toi. Franchement, avec 7 milliards d'âmes, tu te sens vraiment menacé par nos panthéons quand nous n'avons avec grand peine que quelques millions de croyants pour les plus chanceux d'entre nous ? Touché ? Si il était aussi serein que ça sur la suprématie de sa croyance, alors pourquoi avoir peur des anciens dieux et vouloir s'en débarrasser ? Après tout, même avec la grande révélation, nous n'avions jamais cessé d'être là et notre impact culturel existait chez les mortels depuis des millénaires. Être le dieu des prophéties m'a appris que l'avenir est trop nébuleux pour faire des promesses qu'on n'est pas certain de pouvoir tenir. Je ne suis pas intéressé par la guerre, mais pas un novice non plus. Mon implication divine dans la guerre de Troie m'a d'ailleurs appris qu'aucune alliance ne se prête à la légère.

Vraiment, tu prétends être le soleil ? Je dois donc t'apprendre qui tu es Lucifer ? Ton père t'as menti à ce point ? Je souris, amusé de voir que l'ego du diable l'emmène à dire ce genre de chose. À moins qu'il ne soit réellement pas au courant ? Tient, voilà qui serait amusant ... Et justement, voilà qu'il prétend que les gens ne le connaissent pas réellement. Il est certains que si ils s'arrête à ce petit bouquin d'histoire fantastiques autour duquel leur religion s'est crée ... La vérité sur toi ? Oh, mais je la connais. Ton nom est romain, il signifie celui qui porte la lumière. Un nom qui était donné à la version romanisée d'Eosphoros, l'étoile du matin, un grec, fils d'Eos, la déesse de l'aurore, et de Céphale, un fils d'Hermès. Eosphoros à un frère, Hespéros, Vesper chez les romains, l'étoile du soir. Ils sont chacun la représentation de la planète Vénus, visible peu avant l'aurore et juste après le crépuscule. Ton nom, mon cher Lucifer, tu n'es ni plus ni moins qu'une récupération des hébraïques qui voulaient se moquer de Nabuchodonosor II après lui avoir repris Israël, en le qualifiant d'astre de l'aurore, ce qui est a ensuite était traduit dans la Septante puis la Vulgate. Quelques réinterprétations et réécritures plus tars et voilà que le commun des mortels associent ton nom à celui de Satan. Mais tes origines, mon cher, se trouvent dans mon panthéon, et tu n'es ni plus ni moins que l'un de mes neveux. Pas besoin de lire la Bible pour te connaitre, en effet, je t'ai littéralement vu naitre. Ne jamais jouer au plus connaisseur avec un dieu qui avait vécu autant l'histoire antique qu'un grec. Le bassin méditerranéen était témoin de la naissance des monothéistes. Toutes les histoires de ce nouveau dieu et de ses anges étaient de près ou de loin des redit de mythes gréco-romain ou égyptiens, puis plus tard des celtes et même des nordiques, afin de rallier à leur cause tous les païens. La vérité, c'est que le Lucifer sous l'identité du diable n'est qu'une interprétation moderne et christianisée d'un phénomène astral divinisé par les grecs, sous la plume d'Homère et d'Hésiode, que j'avais moi même inspiré en tant que dieu des poètes. Autrement dis, j'étais celui qui avait inspiré la naissance mythologique de celui qui se tenait aujourd'hui devant moi. De rien, c'est un plaisir. Ma démonstration terminée, je le regarde avec un sourire satisfait. Après tout, le maître des mensonges ne pourra que constater que tout ce que je viens de lui raconter n'est que la strict vérité historique. Son père lui avait-il vraiment caché qu'il était un enfant adopté, dérobé à ses anciens adversaires pour se rendre plus légitime ? Oh, comme j'aimerais qu'il le découvre via mes mots, après tout, il parait se bercer de douces illusions sur sa place au sein de son panthéon actuel.      

En tout cas, le maître de l'enfer ne semble pas satisfait que je ne concède pas à faire de promesse en l'air. Une nouvelle fois, je souris. Ce n'est pas la première fois qu'on me menace, et ce ne sera pas la dernière. Fais donc comme tu l'entend, mon cher. Je ne tremblerai pas devant toi, si c'est ce que tu espères. Ne te vexe pas, mais la gigantomachie, c'était quelque chose. Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion d'assister à la titanomachie. Néanmoins, tu comprendras que pour effrayer mon panthéon et moi même, il faut plus que les menaces ma foi fort classiques d'un ange déchu à peine au fait de ses origines. Nous n'en sommes pas à notre première guerre, et nous sommes pourtant toujours là. Regardez moi parler en "nous" comme si j'étais solidaire en quoi que ce soit de mon panthéon. Mais nos propres tensions internes ne regardent pas Lucifer, qui par ailleurs, a lui même laissé entendre que tout n'est pas rose chez les monothéistes non plus. Non, Paris c'était il y a deux semaines. À vrai dire, ma tournée s'achevait ce soir. Il va falloir revoir tes informateurs, c'était pourtant accessible avec une simple recherche google. Je lui réponds, sur l'exact même ton qu'il s'est amusé à prendre.  

L'ange déchu ne laisse rien paraitre d'autre qu'un regard amusé. Un tel niveau de contrôle est impressionnant, mais quel est l'intérêt de la poker face si ce n'est caché ce qu'on récent vraiment ? D'une certaine façon, un visage impassible m'indique que mon petit récit historique a fait un chemin. Lequel, je l'ignore, tout comme l'impact réel sur le blond. Avait-il apprit quelque chose ou testait-il mes connaissances à son sujet ? Était-il impressionné, intimidé, bouleversé ? Impossible pour moi de le savoir, mais j'étais certain d'une chose, il n'était pas si neutre que ce qu'il voulait bien me laisser voir et croire. Alors je répondais avec le même sourire à sa nouvelle provocation. Oh, je me ferais un plaisir de conter, mais pas l'histoire que tu espères. Que dis-tu de celle qui raconte comment, à cause de l'excès de confiance de ses anges, le dieu unique perdit finalement sa bataille millénaire contre les anciens panthéons ? Un récit autrement plus amusant, bien que sans doute utopiste, car pour se faire, il aurait fallu un semblant d'union chez les dieux païens. Mais Lucifer n'avait pas à connaitre les guerres intestines que se livraient les anciens.  

Et comme je faisais comprendre que je ne promettrais pas de ne pas me battre si l'occasion devait se présenter, il passa cette fois ci à la menace. Mais une menace bien étranger, que je ne réussis pas à cerner. Celle qui arrive ? L'Apocalypse ? De quoi tu parles, Lucifer ? Mais il ne m'accorda comme toute réponse que l'un de ses sourires, avant de se lever et de me faire ses adieux.

La chambre désormais vide, cette entrevue me laissa un goût amer. Oh, je ne m'étais pas laissé démonter, et je pense avoir gagner un peu de son respect, ou du moins ce qui existe comme respect pour un être tel que lui. Mais son dernier avertissement n'avais pas de sens pour moi. Bien entendu, je connaissais comme tout le monde l'Apocalypse des monothéistes dans les grandes lignes. Mais je ne voyais pas ce que cela venait faire dans la discussion. J'étais certain qu'il y avait quelque chose à tirer de ses propos, quelque chose à comprendre, mais je ne parvenais pas à mettre le doigt dessus.

Je prenais mon téléphone et appelais mon chauffeur, puis mon manager. Bien que je doute que l'ange fasse quoi que ce soit pour le moment, je n'avais qu'une confiance très modérée, aussi, je prenais la décision de ne pas rester passer la nuit ici, malgré le luxe et le faste du lieu. Cette discussion reviendrai à mon esprit par la suite, régulièrement, sans que je n'arrive jamais à totalement saisir la réelle teneur de son avertissement.