Lights On, Vamps Off ? [Keyra]

Cette Guerre était le cadet de mes soucis pour le moment. Très franchement, si mes frères voulaient plaire à Père et sauter pieds joints dans une bataille avec leurs belles lames argentées, ailes déployées pour la gloire du Père tout Puissant, qu'ils y aillent. Je n'avais aucune raison de prendre les armes pour un affrontement direct, j'étais bien plus malin que ça, et les anciens Dieux n'étaient, pour la plupart, que des sauvages avides de sang et de batailles. Avec un peu de chance, il suffirait de les laisser s'entretuer entre eux pour savoir quel ancien Panthéon est le plus fort, avant d'aller écraser les miette du restant. Tout est dans la Stratégie, mais une fois encore, personne ne semble vouloir m'écouter, donc je reste en retrait, et grogne mon mécontentement quand Père m'ordonne de faire quelque chose et me menace de choses que je n'aime pas, surtout que j'y ai déjà goûté.

Mais pour le moment, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce sont des évènements humains qui me préoccupent. Enfin, préoccuper est un bien grand mot, on va dire que ça occupe mes journées. Au lieu de gérer des incompétents en Enfer, je dois faire le même boulot sur Terre, la seule différence, c'est qu'une fois mort, j'ai une chance sur deux de les revoir. Et là, le problème se situait à l'hôtel "Le Clarence", un 5 étoiles sur les Champs-Elysées. Un Hôtel de luxe comme on en fait peu, et voilà que j'entend des rumeurs comme quoi une cliente aurait passé un arrangement pour privatiser la suite du dernier étage et faire fermer les fenêtres à longueur de journée. Plus aucune lumière.

Si, de manière générale, les demandes farfelues des clients les plus fortunés, je n'en ai strictement rien à foutre, depuis la Grande révélation, je fais attention à certaines choses, et des gens qui demandent à rester dans le Noir complet sans lumière du jour, je suis peut être pas l'Ange le plus Intelligent, bien que pas très loin (je suis déjà le plus charismatique et le plus beau) mais je me doute de qui veut poser ses valises dans un de MES hôtels. Et ça, je doute que si je laisse faire sans rien dire, Père soit heureux. Pas que je fasse ça pour lui, mais surtout pour éviter une énième dispute, j'en ai marre de le voir.

Alors Watch me arriver à l'accueil de l'hôtel, le standardiste qui commence à suer sang et eau et qui bégaye en six langues pour ne pas réussir à prononcer ne serait ce qu'un "comment puis-je vous aider Monsieur Gold ?" ça va, je suis le patron, je suis pas le Diable ! Oh.. Wait. Je sais que la réservation de la suite du dernier étage doit arriver aujourd'hui. Vous lui direz qu'il y a un problème avec son "arrangement" et que le Directeur l'attend dans sa suite. puis, je lui fais mon plus beau sourire colgate histoire de la détendre la jeunette. De toute manière, elle m'intéresse pas, on a trop d'écart, à peu près deux mille ans. Je lui tend alors un billet de deux cents euros avec un clin d'oeil. "ça sera pour votre pourboire si vous faites bien ce que je vous ai demandé." Et je montai direction la suite en question.

Etais-je impatient de découvrir qui était ma cliente mystère ? Pour le coup, ça me change de ma routine de me plaindre de mon Père, alors oui.

La pénombre s’était emparée de la ville lumière, permettant enfin à la Reine de Karakoy de faire son apparition et de descendre de son taxi. Fidèle à ses habitudes, elle avait fait privatiser le dernier étage d’un hôtel de luxe, le même, à chacun de ses brefs séjours. Appât du gain ou fascination pour la jolie brune, le directeur avait pour habitude de se plier en quatre pour satisfaire toutes ses exigences dont la principale : plonger l’étage dans l’obscurité sans jamais ouvrir le moindre volet ni le moindre rideau de velours. Depuis plusieurs années déjà, la collaboration entre eux se passaient sans encombre et offrait son lot de surprises, comme cette rencontre avec une Sirène, quelques mois plus tôt.

Confiante, impassible, calme, Keyra Weiss pénétra dans la hall de réception, pris quelques instants pour admirer l’endroit et la qualité des matériaux qui l’entourait avant d'avancer à nouveau. Avec autant d’années de vie à son actif, elle avait appris à aimer les belles choses, à ne plus se contenter des miettes. D’une démarche féline, vêtue de noir,  sa longue chevelure de jais se balançant jusqu’à ses reins à chacun de ses pas, elle rejoignit l’accueil avec l’espoir que cette chétive créature censée servir d'hôtesse, nouvelle recrue dont l’anxiété se lisait sur son visage, ne lui pose pas trop de question. Lorsqu’elle s’approcha du comptoir, elle sentit son odeur, plus prononcée que la moyenne. Le rythme cardiaque de la demoiselle devait être élevé, rendant le délicat parfum du sang qui coulait dans sa carotide particulièrement tentant. Trop.

Ce n’était pourtant pas le moment de se faire remarquer, pas si vite, pas ici. Avec le temps, elle avait appris à canaliser cette soif qui grognait en elle, vitale, enivrante. La vampire en balade, loin du port de Karakoy, mais pas sans ses hommes de main, qui la suivait à la trace, inspira profondément pour reprendre son sang froid.

Nous avons privatisé le dernier étage. Est-il prêt ?

Qu’il le soit ou non, ça lui était égal. La nuit était bien installée, rendant chaque fenêtre parfaitement inoffensives. Un contrôle méticuleux serait fait par les messieurs à ses côtés. Si la belle avait l’habitude d’un checking sans formalités particulières, une grosse somme d’argent ayant été viré le compte de l’hôtel, en partie, sur celui du gérant, pour la seconde part, la voix tremblante de la jeune femme en face d’elle n’était pas synonyme de bonnes nouvelles.

Madame Weiss. Bienvenue.
Le.. le directeur vous attend. Dans votre suite.

Tiens donc ? Un accueil personnalisé ? Flatteur, mais bien étrange. Elle s’empara de la carte d’accès glissée devant elle, moite, urgk, affreux et se mordit la lèvre, songeuse. 2000 ans d’existence, ça permettait de savoir quand quelque chose clochait. Lorsqu’elle sortit de l'ascenseur, ses 4 compagnons de route  disposé en binôme de chaque côté de sa frêle silhouette, elle leur fit signe de ne pas bouger et de se taire, glissant son doigt sur sa bouche pour ordonner le silence immédiat. Lentement, elle s’approcha de la porte de sa luxueuse suite, la seule à offrir une belle vue et beaucoup d'espace, la seule aussi, à disposer d’un système d’insonorisation à son goût au cas ou elle ait un petit creux. Le Directeur était déjà sur place, elle sentait son odeur, puissante, captivante, ravivant sa nature primaire de créature sanguinaire. Elle fronça les sourcils, immobile, fixant la porte restée entrouverte pour son arrivée.

Hmh.

Cette senteur n’avait rien à voir avec celle du gentilhomme bedonnant qui la regardait avec les yeux en cœur. D’une simple inspiration, elle changea la couleur de ses cheveux pour un châtain moyen et les traits de son visage pour un physique plus passe partout. L’illusion était saisissante. Si seulement elle savait, que dans cette pièce, elle n’aurait pas le droit aux mensonges…
Armée d’un sourire charmant monté de toute pièce, elle pénétra dans la suite et découvrit un interlocuteur qui n’avait ni bedaine ni traces de sueur. Formidable, une montée en gamme.

« Bonsoir » Dit-elle, sans le moindre tremblement, la peur ayant quitté son corps depuis bien longtemps. Sous les traits de madame tout le monde, Keyra resta sur le pas de la porte, attendant d’être conviée à rentrer. N’était-ce pourtant pas sa chambre, dans laquelle il s’était invité ? « Vous m'attendiez ? » . Quelle chance.
Une chose était certaine, il n’était pas le directeur qu’elle s'attendait à saluer.

Je n'aurai pas à patienter très longtemps avant de trouver l'identité de la personne qui s'amuse à faire des virements important sur le compte de mes hôtels. Pas que je me plaigne de gagner de l'Argent, c'est un fait important, mais étant donné que je suis maintenant engagé contre mon gré dans une Guerre contre des panthéons dépassés, je dois à mon tour sortir les griffes et les crocs, ou bien déployer les ailes au choix, contre certaines personnes. Et soyons honnêtes, mais plonger dans la pénombre tout un étage, c'est pas vraiment très humain, peu importe le délire gothique ou émo dans lequel votre adolescent est en ce moment.

Et effectivement, je n'attends pas très longtemps. Un de mes démons à l'accueil me confirme qu'une femme arrive, accompagné de quatre gorilles, et que la standardiste fait son travail. Parfait. Je renvoie un sms bref pour leur dire de se préparer à intervenir si nécessaire, mais je doute qu'ils aient besoin de venir, surtout si j'ai visé juste. Ainsi, il me suffit de patienter à la lumière artificielle tamisée dans la suite, debout, les mains dans les poches, immobile. La porte avait été laissée entrouverte avec choix, je n'ai rien à cacher à personne. "Madame Weiss semble-t-il." D'un geste de la tête, je l'invitai alors à entrer dans la suite qu'elle avait de toute manière réservée. Observant la femme, je sentais immédiatement qu'il y avait quelque chose qui clochait, mais autant jouer les idiots pour voir jusqu'où cette femme allait tenter de berner le Diable. "Il est vrai. Et je ne vais pas m'attarder, je n'aime pas perdre mon temps. De ce fait, commencez par dire aux quatre personnes qui vous attendent dans le couloir qu'ils peuvent y rester." Fis-je avec un sourire mielleux.

Une fois cela fait, je retire les mains de mes poches et m'approche de l'extérieur pour regarder par la vitre, et voir la vie agitée de Paris en pleine nuit. Depuis la Grande révélation, l'activité était plus forte, de jour comme de nuit, les gens étaient toujours en pleine effervescence, à chercher à plaire à des Dieux qu'ils venaient de découvrir ou redécouvrir, certains se détournant de mon Père, et d'autres ayant leur Foi redoublée d'ardeur, leur croyance en moi bien plus ancrée aussi. "Dites moi Miss Weiss pourquoi une forte somme d'argent arrive sur le compte de mon gérant, ainsi que sur l'hôtel, à chaque fois que vous venez séjourner ici ?" Une question tout simple de la part de Lucifer, n'est ce pas, alors que je l'observe avec un sourire amical sur les lèvres, voyant bien que ce n'est pas vraiment elle que je regarde. Mais j'y reviendrai plus tard. "Nous sommes un hôtel accueillant une clientèle avec des exigences parfois strictes, et nous nous y tenons, je cherche donc à comprendre pourquoi vous cherchez à corrompre mon gérant ?" Avais-je omis de donner mon nom ? Peut être bien.

Pour agrémenter ce visage qui n’était pas le sien, elle avait choisi un joli vert pour teinter ses prunelles et paraître moins froide qu’à l’ordinaire. Ses beaux yeux légèrement en amandes se posèrent sur l’homme qui lui faisait face pour le détailler sans le moindre remord. Elle s’attarda sur la couleur de ses cheveux, d’un blond étincelant, la perfection de ses traits, sur cette moitié de sourire qui lui donnait l’air moins dangereux, en clair, il n’avait pas la carrure d’une brute et pourtant.. sa voix, le choix des mots ainsi que le calme avec lequel il les prononçait, sonnait l’alerte dans l’esprit de la vampire.
Il se posta face à l’imposante fenêtre qui offrait une vue imparable sur l'extérieur, sur ces milliers de lumières qui brillaient, clignotaient et défilaient devant eux.

S’il y avait bien un défaut qui la mènerait à sa perte, à ajouter à sa soif de pouvoir, c’était bien sa curiosité. Deux phrases à peine avait suffit à faire mouche pour rendre cet entretien imprévu suffisamment intéressant pour qu’elle obéisse sans broncher. Elle se tourna légèrement, faisant signe à ses hommes d’aller vaquer à leurs occupations et du bout des doigts, un sourire venimeux sur les lèvres qui dénotait avec la candeur des traits choisis, elle poussa la porte et dans un silence religieux, tourna le loquet pour qu’il l’entende se fermer.

« Il n’y a plus personne. Ni pour moi.. ni pour vous. » Dit-elle, loin d’être stupide. Des yeux avaient épiés ses moindres faits et gestes depuis la porte d’entrée, elle qui d’ordinaire, se faufilait comme une anguille jusqu’à sa suite sans que personne ne se retourne. Sans brusquerie, comme si la situation n’avait rien d’étrange, elle s’avança au côté de cet homme qui avait réclamé audience. Elle se posta devant la fenêtre, ne lui accordant aucun regard complémentaire, elle s’était déjà suffisamment rincée les yeux depuis son arrivée, à présent, elle devait savoir : Qui était il ? Certainement pas un simple directeur. Etait-ce donc ça, la motivation de sa visite ? L’argent ? Tellement décevant. Il y avait mieux à faire, que de devoir se justifier sur quelques généreux virements, mais une conversation en entraînant une autre, elle se plia aux règles du jeu. Pour le moment.. « Pour le remercier d’un sens du service irréprochable ? C’est toujours un plaisir de séjourner ici. »

Elle jouait la maligne et savait qu’il n’apprécierait pas ses mensonges à peine voilés. C’était bien là l’objectif d’une réponse si vide de fond. Evidemment que non, elle n’allait pas jeter son argent pour la qualité des croissants le matin, mais c’était tout à fait malvenu d’expliquer à un parfait inconnu à quel point c'était difficile de nettoyer des traces de sang sur de la moquette, à quel point c’était plaisant de pouvoir errer dans l’établissement sans que personne ne pose de question.. contrairement à lui. « Corrompre, vous dites ? Il n’a jamais été question de cela. Voyez plutôt cela comme un remerciement, pour… des clients aux exigences strictes. Vous semblez en avoir rencontré d’autres, je suis navrée qu’ils n’aient pas su apprécier vos efforts à leur juste valeur. » . Immobile, à sa gauche, les yeux rivés devant elle, ses lèvres se pincèrent et elle profita du reflet sur la vitre pour détailler la réaction de son .. qui était-il, au fait ? « Ce genre de discussion n’est-elle pas censée débuter par des présentations ? » .

Elle tourna la tête et la releva, l’inconnu étant plus grand qu’elle. « Vous connaissez mon nom, mais je n’ai pas le vôtre. Que faites-vous donc dans ma chambre, monsieur ? Je n’invite jamais d’inconnu le premier soir. N’insistez pas » s'amusa-t-elle, inversant volontairement des rôles qu’elle avait deviné lorsqu’il avait parlé de “son gérant”. Elle, propriétaire de cette suite, lui, l’intru. C’était ô combien plus drôle dans ce sens là que dans l'inverse. Elle n'aimait pas être la pièce rapportée du puzzle. Ses sens en alerte, prête à réagir à tout moment pour ne pas se brûler avec le feu qu’elle entretenait volontairement, Keyra sentit à nouveau son odeur. Familière, désagréable. Ils s’étaient déjà rencontrés, pourtant elle ne parvenait point à se rappeler de lui. Quand ? Où ? Pourquoi ? Elle n’oubliait jamais un parfum. Chaque odeur rencontrée depuis sa naissance était enfouie dans ses songes, quelque part dans un coin de sa mémoire..

La peur empêchait d'agir, de réfléchir, de rire d'une situation qui n'avait rien de drôle. Keyra n'avait pas peur de lui et lui certainement pas d'elle. Sur ce point là au moins, ils étaient à égalité. Lassée d'attendre des réponses à ses questions et contrariée d'avoir eut à les poser, elle se mit à déambuler dans la pièce à la douce lumière orangée. Le "gérant" avait accepté toutes ses requêtes. Un tapis moelleux au pied du lit, des voilages au dessus qui descendait du plafond, remplacer les lampes trop blanches à son gout par une teinte chaude qui donnait à l'atmosphère plus de chaleur et lui rappelait le soleil dont elle était désormais privée. « Quand revient-il ? Le gérant .» Petit, bedonnant, qui sentait la sueur, mais au sens de l'accueil plus développé que certain.

Le regard rivé sur les traits modifiés de cette vampire, parce qu'il n'y avait plus aucun doute sur ce qu'elle était, je lui intimais de faire partir ses quatre compagnons de route, qu'ils aillent faire des activités nocturnes, comme ils en ont l'habitude, loin de moi, cela serait dommage que mes employés aient des tas de cendre à récupérer dans leurs aspirateurs dès demain. D'ailleurs j'obtins ce que je souhaitais, et me retournais pour observer la ville, entendant sans problèmes le loquet se fermer, me faisant sourire, dos à elle. "Surtout pour vous." Répondis-je, bien plus froid d'un coup. Si une vampire espérait m'effrayer, elle allait devoir se lever tôt, et comme elle ne dormait pas, elle était très, très mal partie.

Ainsi, la laissant s'approcher de moi, je continuais à observer la ville, les lumières s'entrechoquant entre les voitures, les bâtiments encore ouverts ou les gens se prenant en photos plus bas avec les flashs multiples, il y avait de quoi faire. Quand on parlait de pollution lumineuse, de jour comme de nuit, les Hommes n'étaient pas en reste. Mais passons, la demoiselle se rapprocha à son tour de moi pour répondre avec une non-réponse ce qui avait tendance à m'agacer. Comme je lui ai dis, je n'étais pas là pour perdre du temps, alors si elle voulait jouer aux idiotes, il était temps de passer à l'étape suivante. "Navré, je ne me présente qu'aux gens qui se présentent à moi sous leur réelle identité Miss Weiss." Sous entendu, changer son apparence physique et peut être que vous obtiendrez un nom. "Et d'ailleurs, votre dernier paiement a été refusé, ce n'est pas votre suite pour le moment, pas tant que je n'aurai pas approuvé votre venue personnellement. Soyez donc un peu plus aimable, sinon vous irez demander des faveurs ailleurs." Fis-je en me tournant enfin dans sa direction, mon regard bleu cyan la scrutant.

En même temps, je n'avais rien contre les créatures de tous genres, ils étaient souvent des parias, des mis à l'écart, ou des êtres cherchant à survivre aux Panthéons divers et variés. Mais tant que je n'en saurais pas plus sur celle que j'avais en face de moi, je serai intraitable. Les vampires ne sont pas de mon fait, ils ne sont pas des démons, ils ne vivent pas en Enfer et encore moins sous mon règne. A sa dernière question, mon sourire s'agrandit. "Il ne devrait plus tarder." Enfin, si mes démons sont capables de faire les choses correctement cette fois ci. Quittant la fenêtre pour aller m'installer tranquillement sur un des fauteuils en velours de la suite, j'en profitais pour me servir un verre de whisky, n'ayant toujours pas donné mon identité, de même que mon invitée du soir n'avait toujours pas daigné donner sa véritable apparence physique. "Je crains cependant qu'il ne soit pas vraiment utile dans notre discussion."

Mais quel rabat joie celui-là ! Le charmant jeune homme, sans doute plus si jeune, avait un sens de l’humour douteux et contrariant. La vampire aimait mentir, elle aimait se jouer des gens et trouvait mille et un subterfuges pour divertir cette longue existence et ne pas mourir d’ennui. Loupé pour cette fois, le directeur n’était pas d’humeur et son petit tacle au sujet de son identité ne laissait pas de place aux doutes. Il savait qu'elle n’était pas humaine. Il savait qu'elle n’était ni blonde ni charmante. Comment l’avait-il deviné ? L’illusion était pourtant saisissante de réalisme.

Elle le regarda se servir, fit une moue boudeuse de ne pas être conviée à calmer sa faim dans un verre de whisky et roula les yeux au ciel. Évidemment, elle pouvait décider de quitter la pièce, de s’en aller ailleurs, mais finir dans un trou à rat et ne pas avoir de réponse à cette question existentielle : pourquoi le parfum de cet homme lui était si familier ? n’était pas une option intéressante.

En une fraction de seconde, elle retrouva son apparence. Un teint légèrement hâlé, figé dans le temps malgré l’absence du soleil sur sa peau, dernier vestige de son humanité perdue, une longue chevelure d’un noir profond qui glissait sur ses épaules, des prunelles sombres, qui n’avaient pas le même glamour que ce joli vert précedemment selectionné. Son corps était le même, un petit bout de femme, à la frêle silhouette et à l’allure volontairement féline, pour qu’on évite de se frotter à elle. Une technique tout à fait viable parmi les hommes, facilement impressionnables et dotée d’une confiance en eux très limitée, ça fonctionnait bien moins sur les divinités, toujours trop fières et imbues de leurs personnes. Trop folles aussi, à l’image de la dernière en date, Science, complètement barge. Décidément, on donnait vraiment de l’importance et des pouvoirs à n’importe qui.

Satisfait ? dit-elle, comme si se transformer au milieu d’une chambre était une chose tout à fait normale. Dans le jeu du méchant, il était assez doué lui aussi, employant des techniques proches des siennes. Une voix calme, sans une intonation plus qu’une autre, capable de prononcer des phrases lourdes de sens sans ressentir la moindre anxiété.

Hhm.
Il me tarde de le revoir. Ce qu’il restait de lui.. Un sourire carnassier étira son doux minois, la vampire entendait la mise en garde, mais était d’humeur joueuse, jusqu’à quand ? Si le danger devenait trop grand, alors, elle s’enfuirait en vitesse pour ne pas servir d’objet de décoration.

A présent, quel est votre nom ?

Elle s’avança proche de la table, faisant naviguer ses yeux noirs de la bouteille jusqu’à l’azur des prunelles de cet inconnu sans nom. Une fois. Deux fois. Oui monsieur, elle avait soif. Quelle impolitesse de ne pas servir les dames!

Prudente, ne connaissant pas l'étendue de sa force et encore moins la nature de ses pouvoirs, qu’il soit une créature ou une divinité, elle tira la seconde chaise jusqu’à elle pour s’y installer. Ses sens en alerte, elle entendait chaque détail de cette pièce, du couloir également. Les bruits de pas de la femme de menage suivit de son charriot, la respiration lente de son interlocuteur, elle était à l’affut d
e chacun de ses gestes, prête à la riposte si nécessaire.

Nous nous sommes déjà rencontrés. affirma- t-elle.

Elle le scruta à nouveau, fouillant dans ses plus lointains souvenirs.

Ma mémoire me fait défaut.

Mais cette sensation désagréable qui la tiraillait lorsqu’elle inspirait pour sentir son odeur n’était pas signe de passion. Elle avait un jour hait cet homme, peut-être le détesterait-elle à nouveau d’ici peu..

Je n'étais pas d'humeur à jouer, pas depuis que Père m'avait puni et m'avait forcé la main pour entrer dans la danse géante qu'était cette guerre stupide entre les Dieux. Bien entendu, je n'étais pas le genre de fils à obéir au doigt et à l'oeil, donc je le faisais pas à pas, avançant à mon rythme, qui était assez lent, surtout au vu de ce qu'il m'avait demandé de faire, et que je rechignais encore à effectuer, parce que.. non, je ne voulais pas faire ça, c'était stupide, et une erreur de calcul monumentale. Mais tant que je ne faisais pas ça je devais au moins aller casser les pieds à tous ceux qui prenaient un peu de territoire à mon Père, que ça me plaise ou non.

Voilà pourquoi j'avais décidé d'emmerder un peu la vampire ce soir. Rien de personnel mine de rien, et quand elle changea d'apparence, mon visage ne montra absolument rien, ni surprise, ni dégoût, ni joie, ni tristesse. Je savais. Et elle savait que je savais. "Bien mieux, évitez le mensonge à l'avenir, ne me faites pas perdre mon temps." Fis-je une nouvelle fois, un léger sourire effleurant mes lèvres, alors que je levais légèrement mon verre rempli, un signe de remerciement pour avoir fini par se dévoiler. Plus aucun doute, la vampire en elle est aussi pâle qu'on pouvait l'attendre. La beauté de ces créatures reste tout de même un mystère que je suis incapable de décrire, l'être ayant créé ces Créatures avait un minimum de goût, c'était un fait certain, presque autant que moi avec les Succubes et les Incubes.

"Alexander Gold. Enchanté de vous rencontrer, pour de vrai." Insistai-je une dernière fois, mon sourire carnassier s'agrandissant un peu plus, avant de prendre un second verre tandis qu'elle s'installait en face de moi. "Maintenant qu'il n'y a plus de voile, je vous sers un verre ?" Je reste un hôte courtois, avec ceux qui le sont également. Dans une lenteur calculée, je récupérai le second verre, pour servir tranquillement, signe que je n'étais nullement effrayé de la présence de la vampire, mon propre rythme cardiaque n'ayant pas bougé, alors que je portai le verre à portée de la dame dans un mouvement tranquille. "Mh ? Je n'ai jamais rencontré de vampire, du moins qui soient encore en vie." Mon sourire ne quittait pas mon visage alors qu'on venait toquer à la porte, pour l'ouvrir légèrement, apportant un plateau avec une assiette recouverte d'une cloche en métal noir. "Oh, le service d'étage nous a apporté les amuse-gueules." Avec la tête du gérant à l'intérieur.

Prenant mon temps pour détailler cette femme qui n'en était plus vraiment une, je cherchais dans ma mémoire, cherchant au niveau de son énergie si elle pouvait me dire quelque chose, mais j'avais beau remonter dans le temps, aucune femme avec suffisamment d'arrogance ne me venait à l'esprit. "Avant d'être une vampire, je suppose que vous étiez humaine ? Vous m'avez peut être déjà croisé à ce moment là, mais je doute que ça soit vraiment arrivé, vous vous en souviendriez réellement."

Le mensonge n’était pas une perte de temps, bien au contraire. Un homme trop honnête pour s’adonner aux plaisirs d’une demi-vérité, d’une duperie rondement menée ? Quel gâchis, quel ennui ! Soit, la vérité était ennuyante, mais elle s’en accommoderait cette fois-ci pour récupérer sa chambre et son étage, comme le voulait le plan initial. Hors de question qu’elle finisse dans un hotel miteux. Un sourire carnassier accroché aux lèvres, il se présenta enfin. Il était temps ! Pour le prénom comme pour le verre, sa bouche était déjà sèche, d’avoir attendu aussi longtemps.

Merci. Dit-elle, pour ne pas paraître désagréable et grincheuse en lui lançant une phrase piquante pour lui rappeler sa lenteur d'exécution. Un self contrôle parfait qui laissait entrevoir une existence plus longue que ma moyenne. Les humains étaient des êtres pressés, anxieux, remplis de gestes parasites lorsqu’ils se trouvaient dans une situation de danger. Alexander Gold lui, était parfaitement détendu, sans même frémir d’un millimètre devant sa - magnifique - transformation. Quel ingrat ! Ingrat, mais perspicace. La belle était démasquée, pourtant, ses canines étaient sagement rangées et ses gestes s’étaient volontairement lents pour ne pas trahir sa véritable nature, mais le noir d’un étage entier, pour un homme pas trop idiot, c’était un indice plutôt visible.

Il faut une première à tout, Monsieur Gold. J’espère que vous n’êtes pas déçu.
Trinquons.

Elle s’empara de son verre, le leva à hauteur des yeux avant de le porter à ses lèvres, sans détourner l’attention de son interlocuteur du jour. L’amusement transperçait le masque sur son visage, laissant entrevoir un rictus caractéristique d’une mauvaise blague. Keira se leva, osant tourner le dos au directeur pour lui prouver qu’elle n’avait certainement pas peur de lui, à tort, sûrement. Le service d’étage fit glisser un chariot jusqu’à la table autour de laquelle il s’était installée, laissant les soi- disant amuse bouche soigneusement recouverts.

Le pauvre.

L’odeur du sang frais s’était infiltrée dans son nez dès l’ascenseur. Sous le couvercle, aucun doute, le gérant était dans une mauvaise situation. Un bout de bras, une jambe, une tête, un coeur.. ce qui se cachait dessous n’avait aucune importance, elle était une créature sanguinaire, en revanche, quel était le message, derrière tout ça ?

L’avez vous réduit au rang d’amuse bouche pour le punir d'un vulgaire arrangement ? Pour quelques fenêtres fermées trop tôt ? Ou est-ce là un message, que vous tentez de me faire passer ?

Un avertissement peut-être, de ne pas jouer trop longtemps. Hum, pour le coup, c’était surtout extrêmement tentant. De ses doigts fins, elle retira elle-même le dôme en métal, restant de marbre devant les yeux écarquillés de terreur de ce qui fut autrefois un genre d’allié, naïf, mais fasciné par la beauté sombre de la vampire, de quoi flatter son égo.

Comptez-vous le remplacer par un autre ? Ou prendre les rênes de cet hôtel ?  

La première réponse est plus favorable que la seconde, la concernant. Alexander, je peux vous appeler ainsi ? Lorsqu’on partage une tête pour le dîner, j’estime qu’on est déjà plutôt proche.

Un cadeau comme un autre, mieux que des fleurs, pour une vampire. Elle dégusta une nouvelle gorgée et fit glisser son doigt sur le pourtour de l'assiette recouverte de sang. Elle fouillait dans les méandres de son passé, pour remettre un souvenir sur cette odeur. Son index se porta à sa bouche, manger l’aidait à réfléchir plus vite.

Quel âge avez-vous ? Mon humanité date un peu.

La sienne aussi, plus encore. Elle le ressentait, comme à chacune des ses rencontres avec des divinités. Dans quel camp était-il ? Pas le sien, déjà, ils auraient été bien idiots de ne pas se croiser en plus de deux mille ans de carrière. Ce constat compliquait les choses, car s’ils n’étaient pas devenus de bons amis depuis tout ce temps, alors ils étaient ennemis, sans doute.

Valentina, ça vous parle ?
Deux milles ans plus tôt.

Son remerciement était au moins la preuve qu'elle connaissait les bonnes manières et qu'elle savait les utiliser quand elle se trouvait dans une situation qui les nécessitait. Je n'aurai donc pas à devenir plus condescendant que nécessaire, pas ce soir, du moins. mon sourire étincelant fut la réponse à son remerciement et j'inclinais légèrement la tête vers le bas, alors que je portai très vite le verre à mes lèvres. Sa réponse, pour une fois me fit légèrement rire. "Votre facilité à tendre vers le mensonge m'irrite, mais votre beauté naturelle rattrape ce défaut, la balance est redevenue neutre vous concernant." L'observant alors se lever, me tourner le dos en marchant tranquillement, comme si je ne représentais pas de danger. En soi, pour le moment, je ne représentais rien pour elle, elle ne savait pas qui j'étais et je n'avais aucune raison de me dévoiler, pour l'instant, ce jeu du qui est-ce était plus amusant que de mettre mes gros sabots sur la table en disant "Je suis le Diable, maintenant tu dégages, ou je te brûle." Non, je suis beaucoup plus fin, et raffiné, je ne suis pas Gabriel, ou Remiël.

Le service d'étage finit d'ailleurs par amener ce qui reste de l'Ancien gérant, remercié pour ses nombreux services et envoyé dans l'au-delà. Il aura une après vie dans l'Enfer certainement bien plus agréable que certains, mais pour avoir continué ses petits arrangements avec des créatures qui étaient en dehors de tout texte biblique, alors.. j'allais peut être faire en sorte qu'on sévisse un peu sur lui. "J'enverrai vos condoléances à sa famille" Fis-je alors en haussant un sourcil, le whisky venant se poser sur mes lèvres à nouveau, avant de reposer le verre sur la table, me levant à mon tour, mettant les mains dans les poches de mon pantalon de costume, pour bien montrer que je ne craignais pas les mouvements et gestes de la vampire, alors que je me rapprochais d'elle de deux pas. " Il était pleinement au courant de ce qu'il risquait s'il faisait ce genre d'arrangements sans que je ne sois au courant en amont. Il a fait son choix. Je prône le libre arbitre voyez vous, mais il faut toujours savoir assumer ses choix, Miss Weiss." Comme la tête ici présente, que je regarde quelques instants, sans détourner le regard, pas dégoûté pour un sou, ayant vu bien pire au cours de mon existence. "Il a déjà été remplacé, par quelqu'un qui m'a donné votre nom, le jour et l'heure de votre arrivée dans cette suite. Il a été promut. J'aime la loyauté." Un clin d'oeil dans la direction de la vampire, avant de lui tourner le dos à mon tour, pour aller récupérer mon verre de whisky, et c'est à ce moment là qu'elle me donne son nom humain.

Je reste alors immobile quelques secondes, fouillant dans ma mémoire alors que je soulevais mon verre. J'étais peu venu sur terre, surtout il y a deux mille ans. Très peu de passages et très peu d'humains croisés, alors je pouvais me rappeler des noms tout de même si je faisais un petit effort. "Je ne compte plus vraiment, mais je ne sais plus si je suis plus proche des 2000 ou des 3000 ans." Puis, alors que je portai le verre à mes lèvres, le nom de Valentina me revint, du moins en partie. Observant alors la vampire, un peu plus suspicieux que d'habitude, les sourcils froncés, je ne bougeais plus d'un pouce. "Oui. Mais il s'agissait d'une pathétique geignarde. Une gamine pleurnicharde. Je ne l'aurai même pas touché avec un bâton." Un instant de silence. "C'était vous ?" Mon sourire commence à illuminer mon visage. "Comme quoi, la vie offre de belles surprises." Enfin, j'espère que je ne me trompe pas sur son cas, sinon, j'aurai confondu deux personnes, rien de gravissime.

Une gifle, puis une caresse. La technique était imparable et particulièrement efficace avec la brunette. Elle détestait être contrariée, mais adorait être flattée, l’équilibre de ses mots était parfait pour qu’elle ne s’agace pas et marche dans son sens.

Hhm.
J’ai la vague impression que ce quelqu’un d’autre ne va pas me plaire. N’êtes vous qu’un directeur d'hôtel, Monsieur Gold ? J’ai du me méprendre, à voir un si beau costume j’ai pensé que vous étiez un homme d’affaires avisé, mais j’ai presque l’impression d’être jetée à la porte après plusieurs années de collaboration. Je suis.. contrariée ?

Car les pièces étaient jolies, spacieuses, l’hôtel était suffisamment vaste pour faire des allers et venus sans attirer les regards. Oui, c’était bien dommage.

Je n’aime pas que l’on me balance.
Et si.. nous traitions ensemble désormais ? Vous n’auriez pas à glaner des informations sur mes visites et je n’aurais pas à fricoter avec des hommes répugnants. Je n’ai nullement l’intention de devenir votre amie, mais les affaires sont les affaires et cet hôtel est absolument parfait. Regardez autour de vous, la décoration est somptueuse. J’aime les jolies choses, je me sens bien ici. Et vous n’êtes pas bedonnant.

Elle porta son verre à sa bouche, rictus provocateur accroché aux lèvres.

Vous l’avez dit vous même, la balance est neutre. Vous avez dit quelque chose au sujet de ma beauté naturelle, aussi, mais passons, pourquoi ne pas me garder comme cliente ? Je rapporte plus à cet hôtel en une visite que des dizaines d’autres.

Keyra n’était pas du genre à se lamenter, s’il ne voulait plus d’elle ici, elle partirait. Traiter avec un remplaçant qui n’avait pas une once de loyauté à son égard n’était pas une chose envisageable, elle finirait pas le faire tuer et la guerre serait déclarée pour de bon.

Hhm.
Une pleurnicharde…

L’enflure. Evidemment que c’était elle. Lorsqu’il fit allusion à ses lointains traits de caractère, la vampire serra la mâchoire fermement. Silencieuse, Keyra dégusta quelques gorgées pour conserver son calme et sa diplomatie. Si elle espérait un accord avec cet hôtel, elle ne devait pas s’énerver à cause d’une simple vérité douloureuse.
L’auto-dérision était sa seule porte de sortie, pour rire de cette conversation sans avoir envie de sauter à la gorge de ce sale type dont elle se souvenait parfaitement à présent.

Je me souviens de vous.

Ses yeux se figèrent dans les siens et en une fraction de seconde, la pièce se transforma. La table autour de laquelle ils sirotaient un bon vin était posée sur un sol en terre presque boueuse au milieu d’un village miteux, plusieurs milliers d’années plus tôt. Le décor était saisissant, son souvenir était net, comme s’il avait eu lieu la veille. A la place du lit, on y voyait une femme en sanglots, assise sur un large tronc qui faisait office de banc. L’épouse d’un odieux mari qui venait de marquer son corps d’une énième trace violine encore visage autour de ses poignets. Devant elle, debout et fier, se tenait un homme qu’elle n’avait pas daigné regarder, trop honteuse pour affronter l’audacieux qui se moquait d’elle.

Vous vous moquiez.
Je ne vois pourtant pas d’humour dans cette scène. Pouvez-vous m'expliquer ?

Petit con.

Qui êtes-vous  pour avoir vécu autant de temps et pour afficher si fièrement votre arrogance ? Un homme important, cela va de soi. Une divinité, ça coule de source. Mais laquelle ?

Respirer. Rester calme. Respirer. Rester calme.

Elle jouait donc au même jeu que moi, et ses mots pouvaient blesser, comme une lame qui aurait pour but de venir atteindre la douce peau de porcelaine de ce véhicule si magnifique. Mais ses petites piques ne font que m'amuser un peu plus, étrangement. " Très honnêtement, être jetée à la porte ne dépendra que de vous et de la suite de cette discussion, je vous l'assure, et je ne suis pas connu pour mes mensonges." Pour mon omission de certaines vérités peut être, mais je ne mens pas, pas alors que je cherche toujours à obtenir la vérité de tout le monde. Et puis, il est bien connu que le Diable ne ment pas, il arrange la vérité à sa façon.

La suite me fit hausser un sourcil, mon sourire quitta à moitié mon visage alors que je commençais à étudier sa proposition. Il est vrai que je pourrai commencer à m'impliquer un peu plus dans tout ce domaine magique et divin, surtout si mon plan de remplacer mon Père à terme devient tangible, parce que je ne peux pas débarquer sur une scène de Guerre et ne rien connaître de personne, ni amis, ni ennemis, potentiels alliés, neutres.. et la vampire restait assez franche, maintenant qu'elle savait qu'elle ne pouvait plus faire de détours. " Votre présence jusqu'à très récemment, m'importait très peu, mais.. certaines choses ont changé, et j'ai du commencer à me montrer, ainsi que mes crocs.." Instant de silence. "Oh pardon, c'était déplacé." Un petit clin d'oeil dans sa direction alors que je portais de nouveau le verre à mes lèvres, la réflexion allant à vive allure dans ma tête. "Très bien, nous traiterons ensemble si vous le désirez, mais nous allons devoir mettre à jour quelques points avant."

Oui, je ne suis pas mon père comme je l'ai dis. Il veut la guerre aux autres panthéons ? Je ne suis pas contre, mais une vampire, jusqu'à preuve du contraire n'est pas un être divin. Par conséquent, je ne suis pas tenu d'aller lui couper la tête et de l'afficher à l'entrée de mon hôtel comme un avertissement pour tous ceux qui voudraient braver les interdictions ou s'approprier les Saintes-Terres.

Puis vint un sujet beaucoup plus amusant, celui de son ancienne identité. Et c'est là que les choses se corsent. Du moins pour elle, moi je n'ai que très peu de souvenirs de ce jour, enfin un peu. Il y a des humains qui marquent un peu plus que d'autres, quand on les pousse au vice et à l'Enfer, à l'éternelle damnation, et ce jour là, cette Valentina, ou la petite pleureuse, rayez la mention inutile était très certainement un dommage collatéral. Mais à l'époque, expliquer ça à une humaine, non, aucune utilité. Aujourd'hui par contre.. elle à vécu bien des vies et 2000 ans plus tard, elle est toujours là, en vampire ! Aurais-je contribué indirectement au glow up de sa personnalité ? Je sais que je suis un Ange, mais à ce point là.. "Votre mari.. une vraie perle. Je me rappelle bien mieux, grâce à vous. Je lui avais fait croire que vous étiez une sorcière et qu'il devait battre le démon en vous pour s'assurer une place au Paradis. Vous n'imaginez pas comme j'ai ri quand il est arrivé en Enfer et que j'ai pris un malin plaisir à le torturer pendant des centaines d'années." Je l'observe alors quelques instants, le regard brillant de plaisir, on pouvait même distinguer, si on y faisait attention, quelques flammes qui dansaient dans le fond de mes yeux. "Vous n'étiez que l'instrument ce jour là et votre réaction était si pathétique.. Qui n'en aurait pas ri ?" Silence. "Certainement un de mes frères, avec leur empathie légendaire" Un rictus de dégoût alors que Miss Weiss touche du bout du doigt sur qui je suis et mon sourire s'agrandit encore plus alors que je l'observe, silencieux. Elle garde son calme d'une manière admirable, peu ont réussi cet exploit face à moi. Si j'en crois mes frères, je suis le pire connard arrogant cynique et égocentrique que la Terre puisse porter, mais en même temps il en faut un dans chaque fratrie. Non ?

"Important ? J'ai tout un Royaume prêt à déferler sur Terre à la moindre occasion. On m'a porté de nombreux noms au cours des siècles, mais celui que j'affectionne le plus est Lucifer. Enchanté." Mon sourire quitte alors mon visage, alors que je repose mon verre, maintenant que le jeu du cache-cache divin est terminé, nous allons pouvoir passer au plat principal, notamment sur la raison de ma venue. "Pour revenir à ce que je disais plus tôt, votre présence dans un de mes Hôtels ne me dérangeait pas, jusqu'à ce qu'on me force la main pour intégrer votre Guerre." Et oui, je ne laisse pas n'importe qui entrer maintenant, pas sans regarder. "De ce fait, si vous voulez continuer à jouir de cette suite, avec les arrangements, et pour le même prix, il y aura quelques conditions."

Chez elle, dans son empire de Karakoy, rares étaient ceux qui osaient s’adresser à elle avec tant de désinvolture. La vampire avait même oublié l’effet que ça faisait, de parler à quelqu’un possédant le même humour cynique qu’elle, la même démarche lente et assurée. L’illusion cessa et un frisson de colère parcourut son échine lorsqu’il aborda un sujet délicat, deux mille ans plus tard : son mari. D’abord, elle eut envie de sauter jusqu’à sa carotide sans craindre le retour de bâton. Voilà bien longtemps qu’elle n’avait pas combattu plus fort qu’elle, se contentant de dominer sa petite armée sans difficulté. Ils étaient tous si jeunes, si manipulables, si influençables, à quelques exceptions près. Après la gifle, vint la caresse. Le beau blond lui compta avec un plaisir non dissimulé l’arrivée en grandes pompes de son défunt mari.. en Enfer.

Quelle satisfaction. Plaisir absolu. Ses yeux sombres n’étaient plus effrayants, il trahissait son plaisir d’entendre une si belle nouvelle. Le bougre avait péri, l’audacieux avait sombré pendant qu’elle s’était élevée. L’ironie du sort.

Enfin une nouvelle agréable à entendre. Vous voyez, que vous savez être charmant, parfois.

Elle ne torturait pas, elle tuait. Humaine chétive devenue une créature sanguinaire assoiffée de pouvoir. Une vengeance personnelle contre sa misérable condition, contre les médisances de sa sœur qui l’avait souvent jugée trop faible, contre tous ceux qui n’auraient pas mis une seule pièce sur elle, pour une carrière aussi longue. Les vampires étaient immortels, mais la plupart étaient trop stupides pour vivre aussi longtemps qu’elle et son aînée, alors peut-être avait-il ajouté sa pierre à l’édifice, en faisant d’elle une martyre, brisée sous les coups d’un homme plus fort pour divertir un divin complètement fêlé.

L’Enfer.

Un mot parmi d’autres qui n’était pas passé inaperçu. Keyra attrapa la bouteille et remplit les deux verres car la suite de la conversation promettait d’être intéressante. Créature du Panthéon Slaves, elle était loyale à Chernobog, mais mettre tous les œufs dans le même panier n’était jamais une bonne solution. En vérité, elle s’alliait surtout avec les plus offrants, ceux capables de lui apporter du plus et pour lesquels elle n’était pas qu’un vulgaire pion, de la chair à canon que l’on pouvait envoyer en première ligne sans broncher. Ce genre de deal là ne l'intéressait pas.

Lucifier..
Nous allons de surprises en surprises. Vous auriez dû commencer par là. dit-elle en levant son verre, lèvres pincées par la curiosité.

Le voile de l’identité levé, la jolie brune était plus que jamais intriguée. Les pièces du puzzle s’emboitaient dans son esprit. Ce sourire abominable qu’il avait lorsqu’il évoquait les souvenirs de Valentina, cette facilité déconcertante à servir la tête de son employé sous un couvercle comme s’il s’agissait d’un repas haut de gamme, sa faculté à capter la présence de ses hommes dans le couloir, pourtant silencieux.

Factuellement, en face de lui, seule et sans armée, elle était en danger. Elle n’avait pourtant pas bougé, pas même frémi.

J’espère que vous me trouvez moins.. pathétique, désormais? Toutes les mauvaises rencontres ne sont pas inutiles, je dois bien l’avouer. Votre voix et le son de vos moqueries sont restés de longues années gravé dans ma tête. Elle étouffa un rire. Et nous revoilà, à trinquer devant cette.. tête décapitée.. à rire de vos silences mystérieux et à sourire de mes vices, que vous appeler mensonges. Nous avons plus de points communs que vous ne le pensez.

Car cette Guerre, elle n’avait jamais eu envie d’y participer non plus. Trop égoïste pour se soucier d’une réussite commune, si elle s’intégrait aux festivités c’était uniquement pour ne pas crever et car Jana était dans les petits papiers de Chernobog. Dans cette grande partie d'échec, agir seule, c’était la défaite assurée. Encore une question de choix. Quel serait le suivant ?

Tient donc, votre sens du commerce est de retour, Alexander ? Je suis toute ouïe..

Le verre vint tinter sur ses dents avant qu’elle ne plonge ses lèvres dans le liquide alcoolisé, ses iris brunes figées sur l’azur des siennes.

Faites- moi rêver, Lucifer. Proposez.

Si la colère pouvait se lire dans ses yeux, une fois que j'aborde le sujet de son mari et de son dernier voyage, la colère laisse place au plaisir. Ainsi savoir que son mari avait fini dans le lieu des pêcheurs était une bonne nouvelle pour elle ? Eh bien, c'était un plaisir d'avoir contribué au sien. Vous voyez, quand je vous dis que je suis un Ange, personne ne me croit, et pourtant, je contribue au plaisir des gens en envoyant ceux qu'ils n'aiment pas en Enfer. "Si vous en voulez d'autres, il a commencé à chouiner et pleurer après une trentaine d'années, tentant de se repentir de ses actes, demandant pardon pour ce qu'il vous avait fait, qu'il regrettait et tout l'orchestre." Un instant de silence, alors que je buvais quelques gorgées de whisky. "C'était pathétique. Du coup on l'a puni encore plus ce jour là, et on lui a cousu la bouche, pour qu'il arrête de geindre." Parfois c'était la meilleure solution, sinon on entend tout le monde chouiner constamment, et ce n'est pas vraiment sympa. On est même à deux doigts de la migraine, je vous assure, insupportable.

Enfin, voilà qu'elle prend conscience de qui elle a en face d'elle, et je vois bien son attitude changer, légèrement. Ses mots changent, et ce qu'elle me dit ne manque pas de me faire sourire, même rire légèrement. "Pas si différents ? Faites tout de même attentions à vos comparaisons Miss Weiss, je suis peut être de bonne compagnie, mais je n'aime pas être insulté." Fis-je, un peu plus sérieux, en plongeant mon regard bleu dans le sien, avant de reprendre. "Je vous écoute, quels sont nos points communs ?" Parce que oui, j'étais curieux de ce qu'elle pouvait bien me dire après ce que j'avais bien pu lui faire il y a deux millénaires et maintenant, la vie qu'on menait. Elle en tant que vampire et moi.. toujours la même, le Maître de l'Enfer, le Diable. Bien entendu, je me doutais qu'on pouvait me trouver des points communs avec la vie de chaque personne, et je n'allais pas incendier qui que ce soit d'un claquement de doigt, pas comme ça, j'étais de bonne humeur aujourd'hui, je préférais tout de même prévenir la vampire, certains divins étaient peut être plus difficiles que moi.

Pour autant, je revenais rapidement à la raison de ma présence dans cette suite, et la présence de la vampire aussi. "Vous n'êtes pas sans savoir que mon père n'aime pas vraiment tout ce qui sort de sa création, notamment en terme de divinités, et il me semble, sauf dernières nouveautés que je n'aurai pas, que vous autres vampires, vous n'êtes pas encore à vénérer mon Père, mais plutôt certains Dieux Slaves." Reposant alors mon verre, je retournais tranquillement vers la fenêtre pour observer l'extérieur. La ville était agitée, mais à cette hauteur, tout semblait si insignifiant et inutile.. "Je pourrais vous interdire tout bonnement l'accès à mes Hôtels, mes casinos et tous les lieux que je possède, mais je préfère travailler plus intelligemment. L'accord que vous aviez avec la tête pensante ici présente" fis-je en montrant la tête coupée dans le plat en argent. "Tiendra tant que vous n'attentez rien contre le moindre Monothéiste et que vous ne vous attaquez pas au moindre croyant de la religion de mon père. Tant que ces conditions sont respectées, vous êtes la Bienvenue dans mon Hôtel." Un sourire s'afficha alors sur mon visage, alors que je récupérai mon verre. "Cependant, si vous abusez de mon hospitalité, et que vous tentez, d'une manière ou d'une autre, de vous attaquer à moi, mon Royaume ou à l'un de mes frères..." Je me tus quelques instants avant de reprendre "Je ferai lâcher sur vous la pire Apocalypse que ce monde ait pu connaître."

Si vous connaissiez la taille de mon égo, vous auriez sans doute compris qu’il ne s’agissait pas d’une insulte. Mais prenez cela comme vous voulez. Des qualités communes, cela vous convient mieux ? Je ne suis plus la jeune créature chétive et pleurnicheuse d'antan. J’ai changé. Peut-être grâce à vous, un peu.

Tiens donc, vraiment ? Valentina aurait hurlé à la moindre goutte de sang, elle évitait d’ailleurs autant que possible de manger de la viande à l’époque, se satisfaisant de soupes et de légumes sans goût, fade, tout comme l’était sa personnalité.

Si je me délecte de vos paroles au sujet de cet homme, jadis mon époux et que la simple idée de l’imaginer suppliant et en larme caresse ma peau et me donne des frissons, votre passage sur terre pour m’infliger votre dédain et me cracher votre dégoût en plein visage n’a pas été sans conséquence. J’ai détesté ma nouvelle nature pendant au moins .. cinq cent ans ? Je crois même que ma survie relève du miracle, la plupart des jeunes vampires se font avoir bien plus tôt. J’ai ensuite fait de vos mots, de ceux des autres, des coups reçus par ce vilain qui vous a diverti, ma plus grande force. J’en ai fait une armure et j’ai traversé les siècles avec, imperméable à la peur, au dégoût, à l’échec. J’aime que l’on me respecte, j’ai soif de grandeur auprès des miens uniquement. Je me moque de votre guerre, chacun ses combats.

Voilà, des points communs. Une histoire partagée quelques minutes il y a deux mille ans et la suite à écrire. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Les vampires sont des créatures Slaves, Monsieur Gold. Votre Père aurait été clairvoyant s’il avait pensé à nous en premier. Dans la longue liste des disciples, soyez assuré que les vampires ne sont pas les plus faibles. Si l’on tient les fenêtres closes, comme dans cet hôtel, par exemple. Dit-elle, en rappel à sa requête initiale.
Vous n’avez pas envie de me brûler, n’est-ce pas ? Si je n’attaque pas, vous non plus, c’est bien ça le deal dont il est question, au delà de quelques hôtels et casino ?

Ses lèvres sirotait l’alcool, lentement, tout comme l’était le tempo de leurs échanges. L’animosité n’était pas loin, postée à l’entrée de la porte et prête à exploser aux moindre faux pas, mais les enjeux étaient intéressants, dans les deux sens.

Je vous conseillerai de me présenter vos frères, pour éviter les malentendus. Lorsque j'ai faim, je fais des bêtises. Vous les divins avez la fâcheuse manie de changer de corps comme de chemise. Pitié, conservez celui-ci un temps, je vais vite m’y habituer.

Plus vite que pour ce pauvre monsieur qui servait d’apéritif à la vampire qui trempait régulièrement son index dans le sens qui entourait le plat principal.

Je ne ferai rien, et j’espère ainsi pouvoir conserver mes quelques privilèges en ces lieux, et dans l’ensemble de votre réseau. Pas de lumière du jour, les volets doivent être fermés dès le milieu de la nuit, mes hommes s’en chargent. Ils doivent être ouverts à nouveau le soir, ça c’est vos employés qui s’en chargent. J’aime profiter de la vue et voir toutes ces petites personnes agitées rentrer chez elles. Je ne fais jamais de dégâts, nous remettons tout en ordre -ou presque- avant notre départ. Il y a parfois un peu de casse, je ne veux aucun objet de valeur dans la pièce, juste de la jolie décoration. Si je casse, je rembourse. Je ne veux pas de reproches ni aucune trace de facture. Pour..simplifier la comptabilité ?

Ou peut-être car sa fortune était liée à tout un réseau illégal à Istanbul ? Oh, un détail.

Nous sommes d’accord sur les termes, Monsieur Gold ?

Le regarde posé dans ceux de la vampire, je l'écoutais alors parler sans un mot, prenant mon verre lentement, pour réfléchir. Il est vrai que chaque action, chaque pas que je faisais dans cette guerre avait un impact, et mon père avait forcé ma main et mon pied pour que j'y sois pleinement, notamment en voulant me forcer à lâcher un des premiers pions de l'Apocalypse Biblique, ce qui était sûrement la pire chose qui puisse arriver aux Hommes, mais aussi aux Anciens Dieux, et aux nouveaux. l'Apocalypse est tellement ancienne que tout le monde considère ça comme un mythe, mais moi sait parfaitement ce qu'elle représente, mon Père aussi, et que l'idée vienne de lui, et qu'il puisse la valider.. je trouve ça encore plus stupide. Enfin, passons. "Chacun doit s'adapter à sa condition pour vivre dans un monde hostile. Si vous avez survécu à votre condition c'était pour devenir quelque chose d'autre sensiblement. Je ne suis pas devenu le Diable en un jour." Révélais-je alors à la vampire. Il est vrai que j'ai chuté, mais prendre le contrôle des Enfers et diriger un Royaume tout entier reste challengeant, il s'agit là d'une épreuve constante, et les démons doivent avoir un rappel constant de qui je suis, sinon, j'ai parfois quelques mutineries, certains pensant que je ne mérite pas ma place sur le trône. Ils le regrettent bien vite. "Mes ailes resteront sagement dans mon dos tant que vos crocs resteront sagement dans votre mâchoire. Je pense ne pas avoir à vous rappeler la Bible." Je reste l'étoile du Matin, je fais percer la lumière du jour même dans la nuit la plus noire, aucun vampire n'est à l'abri quand je suis dans le coin.

Ainsi quand Miss Weiss me parle de mes frères, je fais une petite grimace de dégoût. L'idée même de partager mes victoires ou mes alliances avec ces petits cons imbus d'eux mêmes me répugne. "Je vous donnerai les noms humains de ceux que je connais, c'est tout ce que je ferai pour vous, mais je ne m'infligerai pas de rencontre. La Bible ne mentait pas concernant mes relations avec ma famille, moins je les vois, mieux je me porte." Pour autant, je ne tiens pas à les voir mourir. Ah, la famille.. Et quand elle fait allusion à mon enveloppe humaine, mon regard se porte sur elle, un sourire sur le visage. "Je ne compte pas changer d'apparence. On accorde au Diable plus de faveurs quand il s'habille en Prada." Un clin d'oeil dans sa direction, alors que je me prend de nouveau du whisky, et tend la bouteille en direction de la vampire.

"Je vais vous donner le contact de deux de mes assistants. Ce sont des démons, pas de simples humains. Il se déplaceront d'hôtels en hôtels, en fonction de vos besoins, les virements seront effectués sur mon compte bancaire, en totalité, pas sur les hôtels, je ne veux pas avoir la fiscalité sur le dos." Un instant de silence avant de poursuivre. "Vous gérez votre réseau comme vous l'entendez, je gère le mien."

A bien y réfléchir, Keyra ne regrettait plus l’ancien directeur et les accords en cours dans cette chambre étaient ô combien plus intéressants que les précédents. Lucifer, Lucifer, quel heureux hasard et plaisante rencontre imprévue au programme. Grâce à lui, la vampire gagnait en liberté d’actions et n’aurait plus à se contenter d’un seul et unique hôtel à sa disposition. Le réseau de cet homme était vaste, un empire, à l’image de son tempérament et de ses ambitions. Un empire qui accueillerait sa présence sans trop râler lors de ses déplacements qui promettaient d’être de plus en plus nombreux.

Karakoy était sous contrôle, bientôt, elle s’attaquerait à la Pologne et à Paris. Une jolie tête blonde s’occuperait des terres froides sous sa surveillance, pendant que la brunette profiterait des palaces haut de gamme pour agrandir ses influences. Lier l’utile à l’agréable. Et si en plus il gardait ce physique tout à fait charmant et venait lui rendre quelques visites, la vue n’en serait que plus belle encore.

Tiens donc, Monsieur Gold aurait-il des différends avec ses frères ? Hhm, la famille. Jamais simple. La sienne n’était pourtant pas nombreuse, elle se résumait à une seule et uniquement personne : Jana Dracea de Manesti et c’était..amplement suffisant ?

La jeune femme se servit un nouveau verre sous l’impulsion du blondinet et sortit de son sac qui pendouillait sur ses hanches un petit carnet de poche, recouvert d’une pochette en cuir rouge.

Les prénoms seront suffisants dans ce cas. Notez moi leurs noms humains et vous avez ma parole que je ne mènerai aucune action contre vous en échange des services rendus.

Son index posé sur la couverture, elle fit glisser le calepin devant lui pour qu’il inscrive les informations dont elle aurait besoin.

Marché conclut Alexander.

"Replongez vous dans la Bible, et vous comprendrez quels sont mes différends. Les Humains ont cru bon de tout mettre par écrit. Même s'il y a quelques inexactitudes.." Oui, la Bible c'est un beau bouquin, mais déjà faire écrire des demi analphabètes des lois divines, le mec qui a eu cette idée au Paradis était sacrément courageux. Ils ont refait des versions différentes à chaque fois, les Juifs, les Musulmans, les Catholiques.. On y retrouve quelques similitudes et parfois quelques dingueries, comme la lapidation. Une idée pas mal, que je pensais pas retrouver dans le Livre de mon Père, mais très sincèrement j'ai approuvé dès que je l'ai lu ! Enfin, on est pas là pour parler livres, mais plutôt deal avec les Créatures diverses et variées. Les Vampires n'étaient pas divins, et il suffisait d'un peu de lumière pour dire au revoir à ces Créatures, je n'étais donc pas personnellement inquiet.

Voyant le carnet rouge être déposé sur la table avec un stylo, je le récupère prudemment, la lenteur et le calme qui me caractérise si bien, alors que je viens à noter le nom humain de chaque frère dont je connais l'identité pour le moment, ainsi que le nom de Belzébuth et de Lilith, pour qu'ils ne soient pas ennuyés par les Slaves à l'avenir, du moins certaines de leurs Créatures. Si Miss Weiss disait la vérité, alors les vampires commençaient à prendre une place importante et il était bon de pouvoir les utiliser au bon moment. Donner l'accès à mes hôtels n'était qu'une mince contrepartie pour la non-aggression sur le panthéon complet de la part de tout un pan de créatures. Ainsi, une fois que les noms dont j'avais la connaissance avaient été ajoutés, je reposais le carnet sur la table, tout aussi soigneusement, en observant la vampire, ricanant légèrement. "Marché conclu, Miss Weiss."