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 Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]

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MessageSujet: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyVen 18 Aoû - 16:01

Se serrer les coudes


Début janvier 2022


C’était devenu difficile de dormir dehors la nuit. Les températures négatives avaient vite fait d’engourdir les membres et de mordre la chair plus férocement qu’un animal en colère. J’avais pris l’habitude d’inverser le rythme. Quand je ne trouvais pas d’abri chaud, je tentais de rester active une partie de la nuit et de dormir au petit matin, quand le thermomètre gagnait quelques degrés. Ma situation était peut-être désespérée mais je n’avais pas l’intention de mourir de froid maintenant. Après tout ce que j’avais traversé, quelle fin pourrie ce serait ! Quand j’avais de la chance, je squattais l’appartement ou un entrepôt chauffé pour une nuit ou deux. J’avais quelques lieux de chute mais j’évitais d’y allais trop souvent. Les Ombres rôdaient toujours, je savais que mes ennemis retrouveraient ma trace sitôt que j’abaisserai ma garde. Les routines étaient le meilleur moyen de me faire prendre, le mouvement me protégeait un peu et rendait plus difficile mon traçage.

Ce soir-là, je m’étais installée sur un lieu de passage, une rue pleine de bars où pas mal de jeunes traînaient. Même après six mois à vivre à la dure, c’était aussi difficile pour moi de mendier, je ne m’y faisais pas. Mais un ami de passage m’avait troqué un violon contre un coup de main dans son bar… Un instrument de qualité très moyenne par rapport à celui que j’avais à l’époque, mais j’avais été bien trop heureuse de conclure ce marché pour faire la fine bouche. La musique était ma passion depuis toujours. Violoniste jusqu’au bout des ongles, j’avais espéré pouvoir faire des études supérieures dans le domaine et intégrer un jour l’orchestre national, avant que tous mes rêves ne soient douchés quelques jours après avoir fêté mon bac quand la police avait débarqué à la maison pour m’annoncer la mort de maman. J’avais dû renoncer à la musique en abandonnant mes affaires derrière moi.

Jouer dans la rue aussi, je ne pouvais pas le faire trop souvent car ça attirait beaucoup l’attention sur moi. Mais de temps en temps, il m’arrivait de me poser dans un lieu fréquenté et de jouer. Quand j’avais de la chance, j’arrivais à gagner quelques pièces. Ca rapportait moins que la mendicité, mais cet argent au moins j’avais l’impression de l’avoir mérité. C’était peut-être stupide dans ma situation, mais vivre au crochet des autres entrait en conflit avec mon éducation et ma fierté.

Et j’avais joué, donc, un petit moment. Quelques personnes s’étaient arrêtées, certaines m’avaient souris. Ca faisait du bien d’être regardée comme un être humain, de temps à autre. Si la vie dans la rue m’avait bien appris une chose, c’était qu’on devenait invisible sitôt qu’on affichait un statut social en déclin. Mes habits sales, mon allure, tout montrait clairement que j’étais une marginale. Parfois certains me prenaient en pitié, mais la plupart du temps les gens détournement le regard ou me toisaient comme si j’étais un insecte. Moi qui avait connu l’abondance quand je vivais avec maman, ce changement de statut était peut-être encore plus dur à vivre que les multiples privations et le manque de sécurité auquel je me confrontais quotidiennement.

Mais quand je jouais, j’avais l’impression de redevenir quelqu’un. Ma prestation m’avait rapporté un peu d’argent - plus que d’habitude même - un homme généreux m’avait glissé un billet. J’avais beaucoup de chance. La rue se clairsemait un peu et je regardais passer un groupe tout en manipulant mon archet… Et soudain, j’aperçus une jeune femme qui chancelait tout près. A quoi avait-elle tourné ce soir ? Pas à l’eau, de toute évidence. Elle attirait l’attention de quelques garçons plus loin. Je soupirai intérieurement. Les rues de Paris n’étaient déjà pas sûres pour les femmes sobres, alors seules et déchirées…

-Hé ! Est-ce que ça va ? l’interpellai-je.

Engager la discussion avec elle montrerait qu’elle était accompagnée et dissuaderait sûrement ces jeunes de venir lui parler. Ça ne me coûtait pas grand-chose et si ça pouvait lui rendre service…

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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyMar 22 Aoû - 19:50

Il n’est pas rare que je me plonge dans l’excès et la bêtise. J’en ignore la raison. Je sais simplement que je me sens bien, flirtant avec un soupçon de danger et une belle dose de bêtises. Les psychologues pourraient pointer l’éduction atypique de mes parents, la particularité de mes deux professions – artiste de spectacle et prêtresse slave ou mon environnement social.

Ils peuvent avoir autant raison que tort !

J’ai toujours entretenu une relation particulière avec la belle Faucheuse. Avec une déesse de la mort, de l’hiver et du cauchemar pour mère et un croquemort ou équivalent pour père, on apprend vite à l’aimer et à s’amuser de la Squelette. On la frôle pour quelques secondes. On cherche à la tromper pour une vie entière. Est-ce que mes recherches pour atteindre l’immortalité vont donner des résultats ?

Aucune idée.

Qu’est-ce qui est le plus important ? Est-ce la destination, ou le chemin parcouru ? Mon esprit vénal opte pour la première réponse, mon âme un brin plus spirituel penche pour la seconde réponse. A l’image de ce monde, je suis divisée entre religion et pragmatisme, croyance et matérialisme. Heureusement, dès que le doute m’étreint, il me suffit de repenser à mes vœux et aux figures divines slaves. Ces visions suffisent à me rappeler à l’ordre.

Nous n’avons toujours aucune réponse à mon état actuel : désinhibée, vadrouillant dans les ruelles de Paris, pieds nus, habillée d’un débardeur et d’un short et seule. J’étonne, je surprends, je choque. Les passants s’interrogent à raison au vu des températures moyennes. Au bout du dixième regard agaçant, je fais l’effort de remettre la petite veste et mes petits talons.

Là, dans cette galère monstre à me rappeler ma droite et ma gauche, j’entends cette petite voix. Lorsque je relève la tête, je ne vois qu’un petit oiseau ayant la peau sur les os. Ou presque. Mon regard glisse sur son instrument de musique. Jadis, il était de bonne facture. Aujourd’hui, il est usé. Est-elle une étudiante fauchée ? A moins qu’elle ne fasse partie de ces jeunes perdus dans les rues, en fugue ou non. Il y en a tant, que s’en est véritablement risible.

- J’essaye de remettre mes chaussures. Ça te dit de m’aider ?

Je souffle, je rigole. L’euphorie me gagne. Je ne veux être que joie et amour, à cet instant-ci. Au loin, je vois des regards insistants. Mon regard rieur n’est pas pour autant dupe de leurs véritables intentions. Si je suis rarement contre pour quelques rencontres inattendues et anonymes, je n’ai aucun feeling avec ce groupuscule. Ayant déjà survécu à une ou deux rencontres avec un vampire, autant dire que c’est assez révélateur de l’air que ces jeunes humains – supposés – dégagent.  

- Viens. On s’casse.

Parce qu’elle n’est pas trop moche, la brunette, derrière ses fringues mal accordées.

- On jouera à Cendrillon et au Prince Charmant un peu plus loin.  

Sans lui laisser le choix, je glisse un bras sous le sien et la traine vers une ruelle reliée à un artère principal. Est-ce que nous réussirons à nous rendre au milieu de la foule sans avoir être poursuivies ? Je risque un coup d’œil par-dessus l’épaule. Il semble que nous sommes sauves. Je me retourne, déjà heureuse de lui annoncer la nouvelle.

Puis, la bile remonte, me rendant nauséeuse et plus blanche que je ne le suis déjà.

- Appelle un UBER. Tiens. J'ai l'app. Je ne me sens pas bien ...


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Tatiana Dourov
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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyMer 23 Aoû - 21:45

Naya Flores a écrit:
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-Euh…

Ouah, elle avait l’air vraiment touchée, la pauvre. A quoi avait-elle carburé ? L’alcool ? La drogue ? Je la sentais trop heureuse de vivre, tanguante comme si la gravité la tirait d’un côté et de l’autre…

-Ouais, bien sûr. Attends une seconde, j’arrive.

Je ne l’aurais probablement déjà pas laissé sans soutien à l’époque où j’avais encore un toit sur la tête. Mais après des mois passés à la rue et connaissant maintenant parfaitement le genre de dangers auxquels pouvaient s’exposer une jeune femme esseulée, la question ne se posait même pas. Cette demoiselle allait se faire embarquer par le premier pervers du coin, volontairement ou non. Elle serait bien incapable d’opposer une résistance physique si on voulait la trainer de force.

Je récupérai rapidement les pièces que j’avais gagné pour les fourrer dans ma poche, rangeai le violon dans mon sac à dos et jetai ce dernier sur mon épaule. Laisser mes affaires sans surveillance, même deux minutes, c’était un coup à me faire dépouiller. Tout ce qu’il me restait, mes possessions, mes souvenirs, tout se résumait au contenu de ce sac… Je me battrais farouchement pour en protéger le contenu.

Je rejoins d’un pas rapide la donzelle… Qui changea brusquement d’avis après un regard derrière elle, et me tira de force pour quitter la rue. Mais c’est qu’elle avait de la force en plus !

-Chouette ! Et c’est moi le prince ? demandai-je non sans ironie.

J’avais l’air de ce que j’étais… une misérable. La comparaison avait quelque chose de drôle, remarque. Il fut un temps où les gens m’auraient enviés, maman n’avait jamais manqué d’argent et je vivais dans l’abondance. La dégringolade avait été rapide et brutale. C’est quand on perdait tout qu’on réalisait à quel point on avait pu être chanceux, jadis.

-Je ne te jouerai pas la sérénade, princesse, plaisantai-je.

Mais je pouvais bien l’aider à enfiler des chaussures, c’était dans mes cordes.

Et soudain je la vis blêmir. Ah.. Ça voulait tout dire ça.

-Va vomir un coup, ça te soulagera un peu, dis-je sans m’émouvoir.

Elle s’était mise volontairement dans cet état, je n’allais quand même pas pleurer pour elle… Je pianotai sur son téléphone pour chercher l’application et commander de quoi lui permettre de rentrer chez elle saine et sauve. Par chance, ses données étaient pré-remplies et la commande fut rapide à passer.

-Voilà, le carrosse est en route. Tu veux enfiler tes souliers ?  

Je l’aidais à passer les sandales, ou à lui relever les cheveux si elle rendait son souper…

-Allez viens, il y a un banc juste là. On va attendre ton chauffeur. Comment tu t’appelle ? Ça t'arrive souvent d’aller picoler seule, comme ça ? Tu veux que j’aille t’acheter quelque chose à manger ?

Je proposai, des fois que la nourriture l’aide à mieux digérer l’alcool… Mais j’avais l’impression que c’était trop tard pour ça.

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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyLun 18 Sep - 18:45




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- Évidemment que t’es le prince, t’as encore tes chaussures, répliquais-je, d’un rire amusé.

Je ne suis plus capable de distinguer la moquerie de la taquinerie, le sérieux de la légèreté, le compliment de l’insulte. Je ne m’inquiète pas pour autant. Qu’il est bon de ne plus penser centre trente à l’heure à chaque seconde d’une journée !

- Je n’ai jamais vomi à cause de l’alcool. Jamais.

De la Russie à Paris, en passant par des mégalopoles comme New-York ou Tokyo, j’ai toujours eu une bonne descente, faisant pâlir bien des hommes costauds. Cependant, je dois admettre que plus le temps passe et plus mon corps fatigue.

Bientôt, les aiguilles du cadran biologique s’aligneront sur le chiffre de la sagesse. Je ne suis pas spécialement alarmée ou triste. Telle est la vie ! Tôt ou tard, la Faucheuse va réclamer son dû, soit au détour d’une ruelle mal famée, soit au fond du lit.  

- Trop de questions.

Cette fille parle trop et vite. J’ai un grand mal à la suivre.

- Je suis Tatiana, mais tu peux m’appeler Tanya.

Elle avait dit quelque chose à propos de la picole. Ah ! Oui !

- Les rues de Paris sont plus sûres que celles de Moscou. Je te garantis. Il ne se passera rien. Y a toujours quelqu’un qui dit “madame, par là”ou “madame, attention”. Et puis Uber. Et puis Taxi. Et puis…plein de trucs. J’étais avec des amis, mais je les ai perdu dans la foule.

Si certains quartiers de la capitale russe sont sous sérieuses surveillances, d’autres sont carrément laissés à l’abandon. Dans le premier, il peut être difficile de se lâcher totalement, mais on sait qu’on rentre à la maison à la fin de la soirée. Dans le second, tout peut être permis et tout peut arriver, tant le bon que le mauvais.

Avec mes goûts pour le risque, ma sécurité sur mes terres natales revient à un coup de poker. Autant dire, mon père a été un tantinet rassuré de me voir partir pour une ville un peu plus organisée en comparaison. Évidemment, le risque zéro n’existe pas – et n’existe nulle part en vérité.

Je la détaille de la tête au pied. Malgré les grammes d’alcool dans le sang, je remarque son allure décharnée, le contour des yeux creusé et l’instrument fatigué qu’elle porte. Cette fille vit dans la rue. Elle vient d’interrompre sa représentation nocturne, et donc potentiellement son gagne-pain, pour mes bêtises.

Est-ce que je me sens particulièrement mal à l’aise ? Aucunement. Je ne l’ai pas forcé à agir ainsi. Elle aurait pu penser à sa petite pomme, continuer à jouer les violoncellistes et à se faire un petit pécule de fortune pour survivre à une ou deux nuits. Je n’ai jamais été un modèle de vertu et je ne risque pas de le devenir ce soir.

Cependant, la solitude a un effet toujours étonnant sur l’espèce humaine dont je fais partie. J’ai envie de lui parler. De temps en temps, il est agréable de discuter avec une personne d’une façon désintérêt et sans faire référence aux divins. C’est un véritable repos de l’âme, et de l’esprit.

- T’as plus besoin que moi d’un truc à manger.

Je réprime une nouvelle vague de nausées.

- Tu comptes faire quoi quand je vais monter dans mon carrosse ?




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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyLun 18 Sep - 22:10

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-C’est d’une logique implacable, répondis-je avec un sourire.

Bien sûr, elle faisait référence au célèbre conte européen de Cendrillon et du prince Charmant.

-T’en a de la chance, répondis-je alors qu’elle prétendait n’avoir jamais vomis.

Moi ça m’était arrivé deux ou trois fois ces dernières années, pendant des soirées de lycéens. De belles cuites qui ne m’avaient pas vraiment donné envie de recommencer tant le mal de crâne avait été violent au lendemain. Mais j’avais remis ça, pour l’expérience. J’étais jeune et conne. Aujourd’hui, j’évitais de consommer trop d’alcool, je préférais conserver ma vigilance maximale dans la rue. J’étais toujours jeune, mais un peu plus mature.

J’avais l’impression d’avoir bousculé la pauvre fille bourrée avec mes questions. Visiblement son cerveau avait du mal à suivre.

-Ok Tanya, moi c’est Kara.

Elle s’en fichait peut-être, ou elle aurait tout oublié dans quelques minutes, mais c’était toujours plus sympa de se présenter.

-Mais tu peux m’appeler Prince Charmant si tu veux, dis-je pour la blague.

Les rues de Paris, sûres ? Nous ne connaissions pas la même Paris, visiblement. Soit cette fille était habituée aux quartiers bourgeois remplis de BCBG, soit Moscou était un vrai guetto.

-On a pas eu les mêmes expériences de la rue, répondis-je sarcastique.

Dix jours à peine après avoir fuit mon domicile, un homme avait tenté de m’arracher mes vêtements. Je m’en étais tirée avec une entorse à la cheville et un hématome sur la joue grâce à William. Sans son intervention, j’aurais peut-être fait la une du journal dans la rubrique nécrologique.

-Tu veux que j’appelle tes amis pour les rassurer ? lui proposai-je gentiment.

Je lui adressai un bref sourire alors qu’elle me retournait la politesse. Oui, j’avais besoin de me nourrir. Et non, je n’achèterai pas de sandwich, de pizza, ou je ne savais quel snack ouvert de nuit. C’était bien trop cher et l’argent était une chose précieuse que je gagnais difficilement et que je consommais avec parcimonie.
Je me baissai pour l’aider à enfiler ses chaussures. Je ne savais pas trop pourquoi je faisais tout ça pour une inconnue imprudente, je crois que ça me faisait juste du bien de me sentir utile à quelqu’un, pour une fois. Je m’imposais une vie solitaire pour échapper à mes détracteurs et la vie sociale me manquait terriblement. Je me sentais seule.

-Je vais aller trouver un endroit où me réchauffer, répondis-je vaguement.

Le métro peut-être, si personne de louche n’y traînait. J’étais gelée, dormir dans ces conditions était impensable, aussi allais-je probablement errer un peu jusqu’au levé du jour, attendre les premiers rayons de soleil pour me risquer à me reposer un moment.


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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyJeu 19 Oct - 3:46




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- Parce que moi, je m’entoure de gens. Je joue pas du violon au milieu de la rue, en pleine nuit, habillée comme une SDF. Toi, tu vas attirer uniquement les petits voyous. Moi, je peux obtenir l’aide d’une gentille personne, comme toi, ou alors les voyous, comme tout le monde.

L’alcool délie ma langue, libère mes démons et éclate mes masques. Je me révèle telle que je suis : une femme plein de condescendance, extrêmement observatrice et surtout très calculatrice. Ceux qui savent lire entre les lignes devinent vite où je veux en venir : prétendre pour appâter. Ceux qui prennent au pied de la lettre ne verront qu’une nana capricieuse et déconnectée de la réalité de ce mode.

- Mais je ne suis jamais seule. J’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup de connaissance. Un coup de fil et je nous trouve une table dans un restaurant ultra chic où il faut réserver des mois entiers à l’avance, normalement.

Je sens qu’il manque des connexions logiques entre mes phrases et mes arguments. Malheureusement, l’idée m’effleure que la brunette me donne matière à une nouvelle réflexion. Or, au vu de mon état, je ne peux pas mener de front de multiples sujets : j’ai à décider si je veux poursuivre sur le sujet précédent ou m’attaquer au nouveau sujet. Décidément, ce soir, j’ai trop déconné ou, du moins, plus que d’ordinaire.

- Et si tu venais chez moi ? Tu prends une douche, tu commandes ce que tu veux sur mon profil Uber et tu dors sur le canapé ou avec moi si tu n’es pas trop pudique. Et je te passerais quelques vêtements. Je pense que je dois avoir quelque chose qui doit t’aller. Mais je ne sais pas si mes vêtements te tiendront chaud.

Bénie par ma mère, insensible au froid, ma garde-robe est globalement estivale. Les rares vestes et pulls que j’ai sont davantage décoratifs, pour donner un sentiment de normalité vis-à-vis des personnes que j’invite et qui ont quelques sales habitudes – comme fouiner dans les affaires des autres. Les apparences sont importantes, en tout temps, en tout lieu.

- Vingt degrés l’appartement, c’est assez chaud pour toi ?

A force, j’oublie la température acceptable pour un humain lambda.

- Ca sera ma façon de te remercier.

Déjà, je prends mon téléphone et ouvre une application, celle qui commande pas mal de mes appareils à distance. J’active le chauffage aussitôt, montant les pièces d’une quinzaine de degrés à une vingtaine. Je sens que ce soir, et à la condition que la petite se contente du canapé, je vais dormir aussi nue qu’un vers sous mes draps. Il va faire définitivement trop chaud pour mon pauvre corps.

Entre temps, une notification me prévient que le chauffeur Uber arrive. Je me relève tant bien que mal, fais signe à la brunette de me suivre et nous dirige vers le point de rendez-vous. La voiture ne tarde pas et je m’engouffre sur le siège arrière. Je lance un dernier regard à mon héroïne du jour, me demandant si elle va accepter mon offre ou si elle préfère les pavés froids de Paris. Si le choix me semble évident, j’ai vite appris que tous les hommes et toutes les femmes ne sont pas forcément logiques.



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Citation :
L’appartement :
- Globalement, il y a une odeur discrète de plante. Tatiana fait ses propres arrangements floraux & plantes séchées pour que l’appartement sente naturellement bon.
- La porte d’entrée donne directement à une grande pièce de vie, réunissant la cuisine d’une part et le salon d’autre part. C’est assez spacieux pour accueillir un petit comité pour une réunion (entre une dizaine & vingtaine de personnes).
- Il y a deux autres portes : une pour les WC, une pour l’espace privée de Tatiana (sa chambre, sa petite bibliothèque, ses propres sanitaires).


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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyLun 23 Oct - 0:35

Se serrer les coudes


Je la laissai parler, soupirant intérieurement. Qu’avais-je bien pu faire pour me retrouver tout à coup la cible de cette condescendance ?
Et comme pour beaucoup de personnes bourrées qui avaient l’alcool mauvais, elle était incohérente et tenait des propos à la limite de la méchanceté. Je le savais bien que j’étais une SDF et mon violon était présentement tout ce qui me rapportait de l’argent, si on mettait de côté la mendicité qui me répugnait. Je me mordis la langue pour m’empêcher de lui rétorquer que c’était elle que les garçons fixaient intensément tout à l’heure et que je n’avais eu aucun problème dans la soirée avant de la rencontrer. Des gens s’étaient arrêtés, certains avaient pris le temps d’écouter ma musique, un couple avait même dansé, et j’avais plutôt fait une belle recette. Si la vie m’avait bien appris quelque chose, c’est qu’on croisait autant de bonnes et de mauvaises personnes dans la rue que dans les autres strates sociales… Mais faute de pouvoir se réfugier dans un appartement cadenassé, on était juste un plus exposé et vulnérable quand on vivait dehors.

“Te prends pas la tête, Naya, elle est bourrée”

-Et ils sont où tes supers potes, au moment où t’as le plus besoin d’eux ?

A quoi ça servait d’être Madame et d’avoir des supers places dans les meilleurs restaurants de la ville ? Présentement, elle restait toujours une jeune femme esseulée et bourrée comme ses pieds, qui tenait à peine sur ses jambes. Une victime de choix pour n’importe quel prédateur sexuel ou voleur.

-Ne t’en fais pas, tu pourras toujours passer un coup de fil et réserver une table demain pour décuver quand tu te réveilleras avec la gueule de bois, me moquai-je gentiment.

Qu’est-ce que les parisiens pouvaient être cons, parfois… Ah non, autant pour moi, elle n’était pas d’ici. Une russe, c’est ça ? Elle avait parlé de Moscou.

Et voilà qu’elle m’invitait tout à coup ! Ca, je ne m’y attendais pas. Elle était sérieuse ? Elle n’allait pas me flanquer à la porte au petit matin quand elle se réveillerait en ayant tout oublié de sa soirée ? Ou pire, appeler la police en criant à l’intrusion ?
Cela dit… elle proposait une douche. Et du chauffage. Et de la bouffe et des habits propres.

Et pendant que j’hésitais, je la vis tranquillement régler le chauffage avec son téléphone comme si tout ça était déjà décidé d’avance. Elle me demandait même mon avis !

-C’est bien, oui… dis-je un peu éberluée par la tournure que prenaient les événements.

Vingt degrés, quand on avait l’habitude de passer des nuits à moins cinq, ça avait même un petit goût de paradis.

“Une douche chaude…”

Arf. J’étais faible ! Mais l’hygiène était un véritable luxe en hiver… Je pouvais toujours glaner un peu de nourriture à droite et à gauche en faisant les poubelles des supermarchés ou en faisant les yeux doux aux restaurateurs. J’arrivais à m’en sortir, de ce côté là, même si je mangeais rarement à satiété et que j’avalais tout et n’importe quoi (surtout n’importe quoi en fait). Mais pas moyen d’utiliser les fontaines publiques pour faire un brin de toilette ou laver mes vêtements quand les températures étaient négatives… Et que dire de la perspective de passer une nuit au chaud ? La fille allait sûrement ronfler comme un camionneur dès lors qu’elle serait rentrée, elle ne représentait pas un danger pour moi. Ca m’ennuyait d’abuser d’elle ainsi mais l’offre était réellement tentante. J’étais frigorifiée…

Je finis par lui emboîter le pas.

C’était un bel appartement pour une femme seule. Je la croyais bien volontiers quand elle prétendait avoir des relations, elle avait visiblement le portefeuille qui allait avec. Je me sentis soudain beaucoup moins gênée d’avoir commandé sur le trajet un plat copieux de porc au caramel et d’une flopée de légumes. Puisqu’elle m’avait si gentiment proposé de me nourrir… Il était si rare de pouvoir avaler un peu de vert…

-Bel appartement, c’est jolie.

Je n’étais pas si impressionnée que ça. Fut une époque pas si lointaine où je vivais moi aussi dans un environnement spacieux et agréable et je réalisais maintenant à quel point j’avais été privilégiée. Maman devait gagner sacrément bien sa vie vu le prix des loyers dans la capitale… Dommage que je sois partie avant de toucher le moindre héritage. Enfin bon… Ce n’était pas comme si j’aurais pu en jouir de toute façon. Il y avait de l’argent sur mon compte en banque, je m’interdisais seulement de le toucher de peur que l’on me trace si je le retirais.

Bref, c’était une autre vie. Une éternité me semblait-il. Pas si lointaine, pourtant…  Aujourd’hui, un matelas dans un placard chauffé ferait office de grand luxe pour moi, j’étais devenue plutôt minimaliste par la force des choses.

L’environnement sentait bon, grâce aux pots-pourris et arrangements floraux, supposai-je. Le canapé n’était pas mal, j’allais bien dormir là-dessus. Je ne m’étais pas attendue à tout ça en portant secours à la demoiselle, mon geste était parfaitement désintéressé, mais la récompense était plutôt chouette.

Et la douche brûlante fut une bénédiction. J’y restais un bon moment pour me réchauffer et me laver le corps et les cheveux. Je sortis de là le sourire aux lèvres avec l’impression de flotter sur un petit nuage.

-Tout va bien ? demandai-je à Tatiana après l’avoir cherché dans l’appartement et constatant qu’elle ne dormait pas encore. Est-ce que tu as besoin d’aide pour te changer ou… je ne sais trop quoi ?

Se laver ? Se brosser les dents ? Se border ? Taper la causette ?
Le livreur se manifesta peu après et je réceptionnai la nourriture. Un plat chaud après une douche chaude ! Il en fallait vraiment peu pour être heureux dans la vie.


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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptySam 28 Oct - 17:45




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Je ne fixe pas mon écran de téléphone lorsque la demoiselle fait ses commandes. Si je reçois des messages importants et capitaux pour le panthéon, mes notifications restent extrêmement discrètes, sans révéler le nom du destinataire ou les premières lignes du contenu du message. Quant à y accéder, j’ai pu gérer les principaux accès pour qu’un FaceID soit demandé constamment. Alors, en toute franchise, à moins d’être un petit génie informatique ou me prendre en otage et me scotcher devant l’écran, il y a peu de chance que quiconque puisse lire quoi que ce soit sans que je ne sois au courant.

- Fais comme chez toi.

Nous sommes arrivés à l’appartement. Si la température n’est pas encore optimale pour la violoniste en herbe, elle est déjà excessivement chaude pour le sang chaud que je suis – sang froid, au vu de ma bénédiction. Sans gêne, je me dirige déjà vers ma chambre, me débarrassant nonchalamment de mes vêtements en chemin. J’arrive à moitié nue au pied du lit, et est particulièrement tentée de m’écraser au lit. Divisée, l’esprit au ralenti, je m’assis au rebord et réfléchis très longuement à la question. Entre temps, ma tête retombe entre mes genoux, faisant preuve d’une grande souplesse.

Entre temps, les bruits, les odeurs, les sons sont légions autour de moi. Le livreur UBER qui annonce que la commande est là, le plat commandé qui se mêle à cette odeur florale, la demoiselle qui prend sa douche chaude, cette même brunette pimpante et revigorée qui propose son aide. Je relève difficilement la tête et la fixe d’un regard interrogateur.

- Je suis bourrée. Pas handicapée. Je vais prendre ma douche. Laisse moi juste un bout de porc.

Pas nonchalant, me saisissant d’une serviette, je me dirige vers la salle de bain. Je grogne quand l’eau chaude coule sur ma peau. Si elle est à température parfaite pour dégommer toute impureté, elle est encore trop chaude pour moi. Je ne suis à l’aise que lorsque je tourne franchement le pommeau jusqu’à la température la plus glace et la plus glaciale. Lorsque ma peau n’est plus qu’un morceau de glaçon, j’émerge.

Esprit encore brumeux, serviette autour d’une peau albâtre et blanche comme la lune, je me pose devant la petite, saisis un morceau de viande et en prend une bouchée en grimaçant. Alcool et viande ne font pas bon ménage, mais il est bien pire de dormir à jeun avec un tel taux d’alcoolémie. Je mâche, sans aucune conviction. Je lâche au bout de la seconde petite bouchée, rinçant les doigts et la bouche dans l’évier. Je ne parle pas durant tout ce temps, tentant de refaire le point dans ma petite tête.

- Les couvertures et tout le nécessaire …. Ils sont sous la mezzanine du canapé. Si jamais ce n’est pas confortable, t’as qu’à dormir dans le lit avec moi. Je m’en fiche, sincèrement. T’es pas la première que j’invite ici … et tu seras pas la première à exiger un matelas.

Je prends tranquillement la route de ma chambre.

- Ah. Et … y a une fermeture automatique, de la porte d’entrée et des fenêtres. Je te donne pas e code, pour des raisons évidentes. Donc demain matin … panique pas, quoi. Et si tu dois partir à tout prix, juste réveille moi. Allez, vais dormir. Bonne nuit Katia ou Kaya ou … bref. Bonne nuit la SDF.

Je m’écrase sur ce lit douillet, enrobée simplement de ma serviette et profite d’un sommeil sans interruption, sans rêve, sans cauchemar.

***

Le réveil est dur. Très,très dur. Les souvenirs de la veille me reviennent, comme un foutu boomerang. Le petit minois d’une brunette est assez récurrent. Nauséeuse et migraineuse, je tangue et me frappe sur tous les meubles sur ce court trajet jusqu’à ma commode. Je sors une nuisette et un kimono en soie, enfile le tout davantage pour respecter la possible pudeur de mon invité qu’autre chose et m’aventure jusqu’au salon. A nouveau, je cogne aux coins des portes ou aux poignets. Je peste, je maugrée, j’insulte.

- Bonjour.

Mon ton est pâteux, mes cheveux dans un état terrible et la gorge sèche.

- Laisse-moi juste boire mon café avant de … mettre la main sur mon téléphone et déverrouiller tout ça.

Je baille à m’en décrocher la mâchoire. J’ouvre les placards et prépare mon café, telle une automate. Entre temps, je mets la main sur un paquet de brioche industrielle, d’un pot de confiture déjà très bien entamé et d’un beurre tout aussi réduit de moitié. Du regard, je le cherche ce foutu portable, mais impossible de le voir. Est-il dans ma chambre ?

- T’as bien dormi … euh … il faut que tu me rappelles ton prénom.

Les événements de la veille ne sont pas tombés dans le néant, mais ils ne sont pas extrêmement clairs.

- Ai-je dit des trucs … gênants ou blessants, d’ailleurs ? Ou essayer de te forcer à … des expériences ? J’ai quelques mauvaises tendances avec l’alcool, certains soirs.

La petite a un mignon minois, le genre bien sage et bien calme.



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Tatiana Dourov
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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyDim 29 Oct - 14:12

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Il faisait bon dans l’appartement. Pas chaud, mais très doux au regard des températures que j’avais l’habitude de côtoyer. J’aurais pu m’en contenter, cela dit, j’étais mexicaine et je m’épanouissais mieux au soleil du sud que dans la froideur hivernale de Paris. Ça ne me dérangerait pas si le chauffage continuait à tourner encore, au contraire.

- Le canapé ira très bien, t’en fais pas.

C’était sympa de sa part de me proposer son lit, mais je préférais me contenter du canapé un peu moins confortable. Je ne dénigrais pas son hospitalité, c’est juste que ces six derniers mois dehors m’avaient appris à me méfier des gens et de leur réaction… Avec la menace de l’Ombre qui planait à chaque instant et l’insécurité constante à laquelle je me frottais en vivant dehors… J’avais rencontré toutes sortes de personnes (pas toujours bienveillantes) et appris à me protéger en conséquence. J’aurais énormément de mal à m’endormir à côté d’une inconnue. J’étais insouciante comme cette fille à l’époque… C’était triste de penser à quel point j’avais changé en quelques mois.

S’adapter et survivre.

“Je suis bourrée. Pas handicapée.”

-Pour certains c’est presque pareil, lui fis-je remarquer.

J’allais éviter de la vexer en lui rappelant qu’elle n’était pas foutue d’accrocher ses chaussures un peu plus tôt. Les gens bourrés oubliaient vite les détails ennuyeux.

Après la douche, le repas me fit un bien fou. J’avais commandé pour deux mais Tatiana bouda bien rapidement sa part et me prévint qu’elle allait tout verrouiller pour la nuit.


-Pas de soucis, dis-je après une courte hésitation.

Si l’idée d’être enfermée ne me plaisait pas tant, celle d’abandonner tout ce confort pour retourner dehors (avec les cheveux mouillés de surcroît) était hors de question. Une sécurité centralisée qui bloquait tout y compris de l’intérieur… C’était un sacré dispositif. C’était qui cette fille au juste ? Pourquoi avait-elle besoin de faire de son appartement une forteresse ? Quel intérêt ? Surtout si c’était pour inviter ensuite n’importe qui chez elle…

Bref, ça ne me regardait pas. Dès lors que je ne me sentais pas de mauvaises intentions de mon hôtesse, je n’avais pas de raison de craindre cet enfermement.

-C’est ça oui, marmonnai-je. Bonne nuit, Cendrillon.

Je tendis l’oreille jusqu’à entendre le bruit caractéristique de la porte qui se refermait, puis mes yeux se posèrent sur la nourriture délaissée… Qui atterrit prestement dans mes mains, puis dans ma bouche. Je n’allais quand même pas gaspiller ! Bien éduquée néanmoins, je pris le soin de jeter les déchets et de passer un coup d’éponge sur la table avant de sortir les couvertures.

Mes yeux se posèrent sur le chauffage… J’hésitai un bref instant. Je risquais de me faire chasser au petit matin, mais je tenais là l’opportunité de laver et de faire sécher un peu de linge. Je rejoins finalement la salle de bains et entrepris de nettoyer tant bien que mal au robinet avec ce que j’avais sous la main (liquide vaisselle, savon extirpé de mon sac…) les vêtements de rechange que j’avais dans mon sac et le gros sweat qui me servait de manteau. Et tout atterrit finalement sur les chauffages…

Ce n’est qu’après avoir terminé mon œuvre que je m’effondrais sur le canapé, emmitouflée dans des couvertures bien chaudes…

Un petit goût de paradis.

Je me réveillai plusieurs fois pendant la nuit, sursautant quand j’entendais un bruit. Réflexe de survie… Bien inutile dans le contexte. Je me levai une fois pour retourner mon linge sur les radiateurs, avant de me recoucher. Ce petit manège dura jusqu’au lever du jour où je ne parvins plus à me rendormir. J’observai un moment la rue, l’air pensif, avant de m’activer sans faire de bruit pour faire quelques exercices d’étirements matinaux et des abdos. J’avais perdu du poids et des muscles, j’avais conscience de manquer de souffle en ce moment… J’essayais de me garder un peu en forme malgré tout, je savais à quel point l’exercice était important pour garder un semblant de santé.

Mes yeux se posèrent sur l’heure indiquée sur le four. Je tournai comme un lapin en cage…
Je fis le tour des chauffages, retournai les vêtements humides, rangeai le reste dans mon sac. Songeant que c’était peut-être là ma dernière chance de prendre une autre douche chaude aujourd’hui, je retournai dans la salle de bains pour me laver à nouveau et savourer le bonheur d’être propre et de pouvoir me coiffer devant un miroir.

Puis je fis un saut dans la cuisine. Est-ce qu’elle allait m’en vouloir si je fouillais ? J’avais besoin de m’occuper… Oh il y avait là quelques ingrédients… !

***

Je sifflotai en faisant cuire quelques pancakes dans une poêle lorsqu’une masse blonde s’extirpa de sa chambre dans un fracas du diable.

-Salut ! Tu m’as dit de faire comme chez moi, alors… J’ai pris la liberté de préparer le petit dej’. Tiens, je t’ai fais une mixture anti-gueule de bois, dis-je en lui servant un verre. Une pote m’a donné la recette un jour, c’est pas mal.

Elle avait sale mine. Ca faisait un paquet de temps que je ne m’étais pas réveillée avec ce genre de tronche… J’en faisais des conneries de ce genre à l’époque avec les copains du lycée. Tante Moira m’avait couverte quelques fois.

-Range ta brioche, prends ça plutôt !

Je cherchai une assiette et lui glissai quelques pancakes dedans.

-Kara.

C’était mieux que “la SDF”... Je crois.

-Tu te souviens pas ? Tu m’a demandé si je voulais bien t’épouser… T’as essayé de me passer la bague au doigt.

Je lui lançai un long regard avec de m’exclaffer.

-Je déconne ! C’était sympa de m’inviter chez toi, je te remercie.

Je remis de la pâte sur la poêle chaude pour faire cuire quelques pâtisseries supplémentaires.

-Si ça ne t'ennuie pas, je finis de faire sécher mes affaires avant de déguerpir. Enfin, sauf si t’es pressée.



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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyDim 19 Nov - 12:15




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- Oh. Une déclaration de mariage, rien que ça. J’ai déjà été marié à Vegas, à une … connaissance. Heureusement, c’est facile à divorcer.

A bien des occasions, j’ai cette sensation que ma vie est digne d’un sitcom américain. Là où il y a une bêtise ou un vice, j’y suis. Cependant, plus les années s’écoulent, plus je m’enfonce dans les péripéties divines, plus je suis envieuse de l’immortalité des divins, plus mes jeux nocturnes prennent une tournure aussi sombre que dangereuse. Il n’est plus question d’une rencontre avec une personne banale et un mariage express à Vegas, mais un échange sanglant avec un vampire. Le premier est aisé à régler – quelques papiers à signer –, le second est un brin plus difficile à gérer – si je me retrouve encore face à lui.

Je n’ai pas véritablement le temps de réagir à ma brioche disparue et à l’apparition d’une assiette. Les pancakes sentent bon. La mixture anti-gueule de bois est moins séduisant, mais elle est loin de la bouillie verdâtre que certains servent. A bien réfléchir, c’est un mal pour un bien. Ce qu’elle me propose ne me retourne pas complètement l’estomac et est déjà plus consistant que mon petit déjeuner assez industriel.

- Merci, Kara.

Je prends une bouchée des pancakes et constate que ce n’est pas mauvais. Je lui fais comprendre mon contentement avec un miam guttural, à moitié étouffée par sa pâtisserie réduite en bouillie. Je mastique plus lentement, lorsque la petite me donne matière à faire réfléchir. Est-ce qu’elle vient de dire faire sécher ? Pourtant, à moins d’être sourde ou aveugle, la machine – lave linge et sèche linge intégrée – ne tourne pas. Certes, la petite a été recueillie comme un chiot perdu dans la rue, mais elle n’est pas ignorante sur le fonctionnement d’un des outils les plus utiles, les plus importants et les plus essentiels de ce siècle ?

- Tu sèches où ? La machine ne tourne pas. L’option sèche linge est intégrée, dans les programmes, pourtant.

Je la détaille, de la tête au pied. Elle a meilleure mine, mais elle n’en reste pas moins bien maigre. Ses tenues sont assez usées et assez inadaptées au froid de Paris. Je repense subitement à ces vêtements que je comptais faire don à une quelconque association du coin. Si la majorité est estivale, il y a bien quelques pièces automne, voire même hiver. Fille de l’Hiver, bénie pour résister, voire apprécier, le froid, je ne m’habille pas très chaudement en temps ordinaire. Si les mois les plus froids sont mes favoris, les mois les plus chauds sont simplement un véritable enfer sur terre. Là où les gens se jettent à la plage, à bronzer jusqu’à ressembler à un poulet roti, je m’abrite soit entre quatre murs climatisés, soit sous un parasol avec une glacière contenant des sacs froids pour mes extrémités.

- J’comptais me débarrasser de quelques vêtements. Si t’es intéressée, tu peux y jeter un coup d’œil avant de partir.

Je la détaille encore un peu. Même si elle est assez mince, ses formes sont plus généreuses que les miennes. Je ne sais pas si elle pourrait se glisser dans mes hauts, pantalons et autres pièces.

- Quelle est ton histoire ?

Ai-je besoin de détailler davantage ? La petite n’est pas née dans la rue : elle y a atterri. Il ne faut pas être Einstein ou le plus grand détective au monde pour le voir.



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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyMar 21 Nov - 17:16

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-C’est si facile que ça de se marier à Las Vegas ?

Ça avait l’air d’être une récurrence chez elle, de picoler. C’était chouette de faire la fête, ça devait être autrement plus pénible de se réveiller un matin avec la bague au doigt sans se rappeler du visage de son mari.

-Avec plaisir ! dis-je alors qu’elle me remerciait de lui avoir préparé des pancakes.

Mon action n’était pas complètement désintéressée, j’étais bien trop heureuse d’avoir accès à une cuisine et de pouvoir manger un petit déjeuner de cette qualité, c’était un festin pour moi. Ce genre d’occasion était rarissime.

-Euh…

Je lui montrai le radiateur d’un geste de la main.

-Ca fait un boucan du diable ces machines, je ne voulais pas la lancer alors que tu dormais.

Et puis il y avait une limite au sans-gêne, j’avais déjà pris mes aises en piochant dans ses placards pour faire un truc à manger.

-J’ai lavé ça vite fait à la main cette nuit, c’est mieux que rien.

C’était pas le nirvana, mais c’était déjà mieux que rien. Ces programmes mettaient des heures à tourner, et j’imaginais que Tatiana allait me foutre à la porte sous peu, donc pas moyen d’utiliser sa machine à laver et son sèche-linge, de toute façon.

-Sérieux ?

Je lui lançai un regard étonné alors qu’elle me proposait des vêtements. Étonné… Et bien entendu très intéressé.

-Ce serait super, oui !

Je n’avais pas vraiment les moyens de changer régulièrement mes habits, et je dormais dehors. Même si je lavais ce que je pouvais quand je pouvais (moi y compris),les opportunités restaient très limitées et les tissus s'abîmaient vite. Parfois, j’arrivais à économiser suffisamment pour acheter une bricole dans un magasin discount ou une friperie, mais les rentrées d’argent se faisaient rares et il fallait généralement choisir entre manger ou m’habiller.

Mon histoire ? De but en blanc, comme ça ?
Je soupirai avant de me détourner pour glisser un nouveau pancake dans une assiette et remettre de la patte dans une poêle.

-J’ai perdu ma mère et les choses ont commencé à déraper. Je me débrouille pour m’en sortir, le temps de trouver des solutions.

C’était un résumé écourté, mais il avait le mérite d’être véridique.

-Et toi, c’est quoi ton histoire ?



Comment une fille de l'est avait-elle finit par débarquer à Paris ?

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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyLun 27 Nov - 15:39




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Je la fixe avec un air sincèrement ahuri. Depuis quand vit-elle dans la rue exactement ? A-t-elle été une petite pauvre, vivant des machines d’occasion faisant un boucan d’enfer ? Au contraire, a-t-elle vécu comme une véritable petite princesse, incapable de savoir qu’il existe plus d’un modèle de lave-linge et de sèche-linge ? J’opte davantage pour le premier scénario. J’ai bien du mal à envisager qu’une ex petite précieuse puisse laver son linge efficacement – ou même finir dans la rue.

- Si tu le désires, tu peux laver et sécher ton linge dans ma machine. Tu peux me repayer cette faveur en mettant mon linge aussi, tiens. J’ai du mal à trouver une bonne femme de ménage, ces temps-ci. Mon linge s’est accumulé.

Les travaux ménagers n’ont jamais été ma tasse de thé. En temps ordinaire, je délègue le tout à une femme de ménage qui passe une à deux fois dans la semaine. Malheureusement, suite à mon tête-à-tête avec un vampire, j’ai omis de nettoyer certains éléments dans ma chambre à coucher. La petite dame a eu peur et a réussi à faire peur ses propres collègues. Depuis, j’ai tenté avec deux femmes de ménages, toutes décevantes. Là, je suis au troisième essai et je n’ai pas vraiment d’avis. Autant dire, je ne refuse pas que quelqu’un se charge de la lessive courante – même si c’est le temps d’une machine.

- Mais si t’es pressée, vas-y. Je te retiens pas.

Quoique, si. Il faut que je déverrouille l’appartement. Je m’apprête à me relever, lorsqu’elle répond succinctement à ma question. J’attends qu’elle termine, avant de me relever et de partir à la recherche de ce fichu téléphone. À travers l’appartement, je gueule sans aucune gêne. L’isolation n’est pas mauvaise du tout – excellente même – et je peux donc me le permettre.

- Profite de piocher dans ma garde-robe pour une tenue professionnelle adéquate. Et va candidater pour le premier job de serveuse ou de caissière ou je ne sais pas quoi. Tu gagneras plus qu’en jouant du violon dans la rue.  

Mon ton est nonchalant. Et pâteux. Un gros déclic se fait entendre. Elle peut partir, si elle le veut.

- J’ai plus d’opportunités en Europe en tant qu’artiste de cirque que dans les pays de l’Est. Et puis, j’ai toujours voulu vivre à Paris. Tour Eiffel, la ville lumière, la ville des amoureux …  Ça m’a vendu pas mal de rêves.

Je me tourne vers elle.

- Tu n’as pas fait des études ?

Je ne l’interroge pas sur sa mère, sur les circonstances de sa mort, sur ses aventures sordides. Ce ne sont pas mes oignons. Enfin, et plus important, je préfère me tourner vers l’avenir que me lamenter sur le passé. Sincèrement, ca ne sert à rien, absolument à rien, si ce n’est prendre du temps et des efforts.



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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyLun 27 Nov - 17:31

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Je la regarde étonnée et un sourire vient éclairer mon visage, ravie par la proposition. Avouons-le, les habits que j’ai “lavé” à la main avec les moyens du bord sont tous sauf propres. J’ai dégrossi le travail mais le résultat sera incomparable avec une machine à laver et de la vraie lessive. Ce genre d'opportunités est trop rare pour être manqué. J’ai le ventre plein, le petit déjeuner que je suis en train d’ingurgiter est délicieux, j’ai passé la nuit au chaud et sur un canapé confortable et j’ai maintenant la possibilité de laver correctement mes vêtements… Pour un peu, je serai presque tentée de faire un câlin à mon hôtesse pour la remercier.

-Je vais faire ça alors ! J’ai du temps devant moi.

Je n’allais pas cracher sur quelques heures de chauffage en prime !

- Ton linge est dans la salle de bains ?

Je jette un pancake sur le tas dans l’assiette, remet de la pâte dans la poêle et règle sur une cuisson à feu très doux avant de filer dans la salle d’eau pour revenir avec la panière. Je balance mes affaires dans la machine à laver : tout ce que je peux y fourrer, y compris mon sac à dos que je vide précautionneusement, et mes baskets. Je glisse ensuite, avec plus de délicatesse, le linge de Tatiana que je prends le soin de trier au gré des couleurs, évitant au passage tout ce qui semble fragile. Elle a raison, il y a quantité de linge… Je comprends pourquoi ça ne la chagrine pas de se séparer de quelques habits.

Quand le programme se lance, je réalise que la blondinette a disparu. Je retourne près de la poêle pour retourner le pancake et j’en attrape un de cuit au passage pour l’avaler après l’avoir recouvert d’un peu de sucre en poudre. C’est de la pure gourmandise car je n’ai plus faim, mais les occasions de manger chaud sont trop rares pour que je boude une pâtisserie. J’ai conscience que ce sera peut-être mon seul repas consistant de la journée.

Je lance un regard perplexe à Tatiana alors qu’elle me propose de m’offrir des vêtements pour me donner une chance de décrocher un boulot. J’en viens à me demander comme une femme peut exprimer à la fois autant d’arrogance depuis la vieille tout en étant aussi prévenante. Elle est tantôt piquante tantôt généreuse… Je ne crois pas que ma condition ou ma vie l’intéresse plus que ça, je ne ressens pas vraiment d’empathie de sa part, pourtant, elle m’aide. Ce qu’elle m’offre est sûrement insignifiant à ses yeux, sans valeur. Elle est clairement déconnectée des considérations matérielles là où je passe ma vie à calculer le moindre centime pour ne pas crever de faim ou pour acheter le minimum vital.

La vie d’artiste de cirque ça paye si bien que ça ? me demandai-je. Peut-être qu’elle dispose d’un héritage ou que sa famille la soutient, je ne sais pas trop. J’aurais imaginé une vie d’itinérance et de caravanes pour ce corps professionnel, mais je suis peut-être trop dans les préjugés.

-Et c’est quoi que tu fais en tant qu’artiste de cirque ? Tu aimes Paris, ça te plait ?

Elle est fine et élancée… De la souplesse peut-être ? Des acrobaties ?

-J’ai eu mon bac avec mention, et deux ou trois semaines après j’ai perdu ma mère et mon appartement, répondis-je franchement. Les études supérieures c’était plus vraiment une option cette année… Pour l’instant j’essaie de trouver des petits boulot à droite et à gauche et d’économiser comme je peux.

Les petits boulots non déclarés se résumaient la plupart du temps à faire de la plonge ou un peu de ménage dans les restaurants en échange de quelques pièces ou d’un repas. Je ne pouvais pas espérer beaucoup mieux dans ma situation : je ne pouvais pas me déclarer, demander de l’aide à des organismes publics, et j’étais SDF et étrangère…

-Je ne vais pas rentrer dans les détails et te raconter ma vie. Je ne peux/souhaite pas trouver de boulot déclaré pour le moment, j’ai mes raisons.

Elle se dirait peut-être que j’étais une étrangère sans-papier, c’était pas ce qui manquait à Paris. Ce serait plus facile à faire avaler que la vérité, de toute façon.

-Mais j’ai besoin d’argent, j’ai du temps à revendre et je me donne à fond dans ce que je fais. Si tu as besoin d’une femme de ménage, je suis volontaire !

Je la gratifiai d’un grand sourire.

-Je sais aussi cuisiner, sucré et salé, si tu as besoin qu’on prépare tes repas…   Je peux faire tes courses, ton ménage, ta paperasse… Je parle français, castillan et anglais. ‘Parait que je fais de supers massages, aussi.

Sur un malentendu, y a un bien un truc qui va l’interpeller, non ? Je ne peux pas cracher sur quelques heures de travail rémunérées, quand bien même je suis prête à me vendre bien au-dessous du prix du marché. je suis trop désespérée pour cracher sur quelques euros.

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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptySam 6 Jan - 19:59




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Tatiana Dourov & Naya Flores  « FRANCE, PARIS, UN QUARTIER QUELCONQUE, 25 JANVIER 2022»



- Mon linge est un peu partout, en plus d’être dans la salle de bain.

Hormis le salon, le reste de l’appartement est un bric à brac. Mon linge peut trainer par-ci, par-là. Il m’arrive de laisser un verre vide ou une bouteille entamée sur un meuble impromptu. Les magazines spécialisés dans la magie s’accumulent soit au chevet de mon lit, soit sur un meuble de la cuisine. La poubelle peut vite débordées avec les emballages de plats commandés sur Uber ou autres restaurants favoris, ou acheter au supermarché du coin. Si ce n’est pas le grand bordel en temps ordinaire, ce n’est pas la propreté optimale. Et puis, il y a l’hécatombe des week-ends ou de certains jours particuliers.

- Je suis une magicienne.

Il y a un autre mot français, mais extrêmement complexe. Malgré que ma maitrise de la langue française est excellente, je trébuche encore sur bien des mots.  

- Oh que oui ! J’adore Paris ! La ville lumière ! La ville des amoureux ! Les cafés, les terrasses, les macarons, les pâtisseries … Enfin, avec tous ces événements à la télé, mon père s’inquiète et préfère que je rentre à Moscou. J’aime mes terres natales … mais c’est encore trop tôt pour que je m’y enferme à vie.  

La petite explique son pédigré. Je suis presque certaine que l’Etat offre bien quelques aides aux démunis. Entre les APL et autres aides mystérieuses et généreuses, il y a moyen d’éviter de tomber dans la rue. Cependant, je peux me tromper. De toute façon, qui suis-je pour donner une leçon ? Une grande partie de ma garde-robe, de ma décoration, de ma cave à vin et autres choses sont des cadeaux de mes fidèles et fans.

D’ailleurs, j’ai bien fait de ne pas l’interroger sur ses démarches administratives. Son désir de travailler au noir donne l’indice nécessaire : elle fuit, elle se cache. J’ai vu assez de profil similaire, pour les identifier aisément. Pour autant, je ne montre rien, je ne demande rien. Je ne suis ni sa mère, ni son père, ni son guide spirituel. Je n’ai aucun droit ni aucune obligation vis-à-vis d’elle.

- J’ai la gueule de bois, Katja ou Katia ou quoi que ce soit ton prénom.

Un faux prénom, assurément, mais je m’en fiche encore une fois.

- Tu as besoin d’un travail non déclaré, j’ai besoin d’une femme de ménage qui ne pose aucune question. Il faut venir des jours spécifiques, à des heures spécifiques : au-delà, tu dois sortir. A quelques occasions, le ménage sera comme aujourd’hui : du linge, du ménage et peut-être un peu de cuisine. A d’autres occasions, le ménage sera plus chaotique : vaisselles brisées, vins ou alcools renversés, odeurs d’herbe et autres … Disons que j’ai un cercle social très varié, allant des types chics et classes à des amis et copains aux goûts très particuliers ou avec un grand amour du risque. Tu te sens capable de ne poser aucune question, de te contenter de nettoyer et de ne rien dire à personne de ce que tu vois ?  

Autant être cash. J’ai autre chose à faire que de gérer les prudes et les gens avec éthiques. Pour ceux-là, il y a pléthore de demande dans la première boite d’intérim.

- Si tu es capable, je peux payer le smic au prorata des heures faites sur la semaine, avec un petit surplus de 10%. Le tout en cash.  

Qu’elle se décide vite, j’ai envie de dormir.

- Ah oui ! J’ai un système de sécurité costaud. J’ai des caméras partout. Je ne cache rien.

Citation :
Si Naya accepte, ce que tu peux exploiter dans les rps futurs :
- Tous les lundis, mercredi et vendredi. De 11h à 16h maximum.
- Smic +10%, en cash.
- Aucune question, aucune remarque sur tout ce qu'elle peut voir.
- Tatiana voyage beaucoup en France, donc 75% du temps, le ménage sera simple.
- Tatiana peut faire 1 grosse fête ou soirée dans le mois et donc là, possibilité de trouver des extrêmes. Voici quelques exemples [pas tous en même temps, mais beaucoup des éléments] !   reste de drogues & équivalent, restes d'herbes & équivalent, draps très souillés, beaucoup de bouteilles & verres vides & plats sales ou brisés au quatre coin de l'appartement etc ...


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Tatiana Dourov
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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyDim 7 Jan - 13:29

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Je hochai la tête. Une magicienne, d’accord. Elle devait être habile de ses mains. J’avais toujours été bon public avec les tours de passe-passe, je me laissais vite prendre au jeu.

-C’est vrai oui, cette ville a quelque chose de spécial.

Je ne dirai pas le contraire, moi qui aimait tant la France du temps où je vivais au Mexique. Ce n’était pas pour rien si maman avait choisi cette destination pour installer son nouveau commerce. Paris avait été notre nouveau départ. J’avais tout de suite adoré la ville… Je l’aimais toujours, d’une autre manière, même si j’avais découvert de nouvelles facettes d’elle bien peu glorieuse depuis que je vivais dehors. J’étais désormais à des années lumières de l’image bobo et lumineuse de Paris : je connaissais son visage caché, celui que les guides touristiques ne montraient pas. En outre, mon esprit assimilerait toujours à cette ville le lieu où j’avais perdu ma mère et où tout avait basculé.

-Kara, dis-je dans un soupir.

Est-ce que ça valait seulement la peine de le répéter ? Elle serait bien capable de me le demander à nouveau dans cinq minutes... Je le lui avais déjà dit quand elle était sortie de sa chambre et j’en venais à me demander si elle ne faisait pas exprès. Ou bien elle s’en foutait royalement. Dans l’un comme l’autre, je sentais bien qu’elle se fichait de moi, je n’avais pas de valeur à ses yeux et ne méritait donc probablement pas son respect. Un paradoxe en sachant qu’elle m’avait ouvert ses portes pour la nuit et me proposait d’utiliser son électroménager. Enfin qu’importe… Je voulais bien lui répéter mon nom trois fois par jour si elle me donnait du travail. J’avais désespérément besoin d’argent, faire du ménage serait loin d’être la chose la plus difficile que j’avais été amenée à faire jusqu’à présent.

Je la regardai d’un air neutre lorsqu’elle me lista le genre de choses auxquelles je pourrai être confrontée. Je lui répondis sans hésiter.

-Tu peux bien ce que tu veux de ta vie, Tatiana, ça ne me regarde pas. Tant que tu es réglo et que tu me paie, et que tes passe-temps ne m’attirent pas de problèmes, je ferai ce que tu me demandes sans poser de questions. Tu tiens à ta discrétion et moi à la mienne, je pense qu’on peut s’entendre.

Sous-entendu : ne parle pas de moi et ne me pose pas de questions et j’en ferai autant. Elle n’était pas la seule à rouler en dehors des clous après tout.

Le Smics légèrement majoré… en cash. Ce que toucherait un salarié pour un contrat court. Elle y gagnait car elle échappait aux charges patronales, quant à moi je serai payée nettement plus que ce que j’arrivais généralement à négocier quand je donnais la main dans les restaurants ou les bars. Le smic horaire c’était beaucoup d’argent pour moi, et au vu des plages horaires indiquées par Tatiana et de la nature variée des tâches attendues, j’allais pouvoir faire pas mal d'heures. Mon petit doigt me soufflait que cette fille ne comptait pas les centimes pour finir le mois… Elle avait de l’argent. Ce job était une vraie aubaine. Qui aurait cru que je trouverait une telle opportunité en donnant un simple coup de main à une fille bourrée ? Je n’avais même pas eu à argumenter pour me faire embaucher ! Ne restait plus qu’à faire mes preuves maintenant. J’allais faire en sorte de me rendre indispensable et de l’assister sur un maximum de tâches. J’avais tout à gagner à travailler le plus possible après tout.

-Ok, pas de problèmes pour les caméras. Et tes prix me conviennent.

Cette fille avait un système de sécurité dans son appartement. Je me demandais si elle était parano ou si elle était la gosse de quelqu’un d’important qui avait accepté qu’elle parte à l’étranger en la surprotégeant. Je misais plutôt pour la deuxième possibilité, une fille paranoïaque n’aurait pas invité une étrangère à dormir chez elle, encore moins à dormir dans son lit. Ca devait être la gosse d’un de ces très riches oligarques russes ou un truc du genre.

Pas de questions, on avait dit…

Franchement, je m’en foutais. Pourvu que bosser ici ne me rajoute pas plus de problèmes que j’en avais, je voulais bien fermer les yeux sur la drogue ou je ne sais quelle activité sexuelle déviante.

-Est-ce que ça t’ennuie si j’utilise ta douche à la fin de mes services ?

Là, j'aurai un carton plein. J’arrivais globalement à me nourrir dehors en faisant les poubelles des supermarchés, mais l’hygiène était un vrai problème. Impossible de se laver aux fontaines publiques quand il faisait si froid.

-Tu veux que je commence maintenant ? Je peux nettoyer les pièces de vie et m’occuper de ton linge pendant que tu te repose, proposai-je.

Puisque je devais rester encore un moment pour m’occuper de son linge et du mien, autant optimiser ce temps.

Ou je pouvais attendre sur le canapé avec un bon bouquin et profiter du chauffage.
Une bonne nuit de sommeil dans un environnement sécurisé, confortable et chaud, doublé à une douche, une lessive et une offre d’emploi… J’étais ravie. Il en fallait peu pour égayer mon quotidien désormais… C’était l’un des rares avantages quand on avait touché le fond, on apprenait à se satisfaire de choses simples.


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MessageSujet: Re: Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé]   Se serrer les coudes [Intrigue III - Terminé] EmptyLun 15 Jan - 11:20




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Tatiana Dourov & Naya Flores  « FRANCE, PARIS, UN QUARTIER QUELCONQUE, 25 JANVIER 2022»



- Je vais t'appeler "K". C'est plus simple.

"K" prononcé à l'anglaise, bien évidemment ! Son prénom est assurément faux. Dès lors, pourquoi est-ce que je m'embeterai à le retenir ? Quant à accepter l'aide d'une demoiselle en fuite, ou avec bien des squelettes dans son placard, je suppose que c'est un mal nécessaire. Seules les personnes de ce type peuvent supporter mes lendemains de fete ou, pire, mes lendemains de tete-à-tete avec des créatures particulières - dont l'une avec des dents longues. Au moins, je sais que la petite ne va pas m'embeter si elle trouve des draps tachés de sang. Au mieux, elle va nettoyer et se taire. Au pire, elle va disparaitre sans vague.

- Bien, si tu n'es pas dérangés par le système.

Le système a deux objectifs : m'éviter de mauvaises surprises avant de mettre pied dans mon nid et, surtout, empecher les betes et voleurs à quitter mon arène trop vite. Chaque jour, je m'enfonce toujours plus dans quelques dangers. Servir les appétits d'un vampire ou jouer la petite espionne pour une divinité inconnue auprès d'un type tout aussi inconnu ne me disent rien qui vaille. Je vais avoir une très sale fin, tant au sens propre qu'au sens figuré. Je crains ces deux-là davantage que les crétins que je ramasse dans les bars pour une petite nuit. Et je préfère savoir si ces deux-là m'attendent chez moi avec un flingue ou autre. Je ne cherche à gagner que quelques jours de plus en vie, voilà tout.

- Il y a deux choses auxquelles tu ne touches pas. Le reste, tu fais ce que tu veux, tant que tout est propre à la fin et dans le délai imparti : dormir, manger, doucher, amener un copain ...

Je l'invite à me suivre. Nous entrons dans ma chambre et nous nous enfoncons jusqu'au fond de la pièce. Là, il y a deux meubles anciens : une bibliothèque remplie de livres et d'objets hétéroclites et une pharmacie remplie de flocons, de sachets et de plantes.

- Ma bibliothèque et ma pharmacie sont intouchables, qu'importe qu'il y a de la poussière ou que ca amène la poussière dans la pièce. Je m'en charge personnellement. Certains livres sont très fragiles et sont régulièrement restaurés. Quant à mes plantes, certaines sont très particulières, d'autres rares, ou tout simplement j'ai mon système de rangement. Pas touche. Sinon, t'es virée directement.

Mon ton est strict, cette fois-ci. Je ne rigole pas.

- Nous sommes mardi. Tu commences donc demain, selon notre entente. Je vais dormir. Ne fais juste pas trop de bruits avant de partir.

Je l'invite à sortir, je grappille un gros sac de vetements en vrac, je le lui donne et je la pousse hors de la chambre. Alors, lourdement, je tombe au lit et m'enfonce dans les bras de Morphée à nouveau.

Citation :
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- Tous les lundis, mercredi et vendredi. De 11h à 16h maximum.
- Smic +10%, en cash.
- Aucune question, aucune remarque sur tout ce qu'elle peut voir.
- Tatiana voyage beaucoup en France, donc 75% du temps, le ménage sera simple.
- Tatiana peut faire 1 grosse fête ou soirée dans le mois et donc là, possibilité de trouver des extrêmes. Voici quelques exemples [pas tous en même temps, mais beaucoup des éléments] !   reste de drogues & équivalent, restes d'herbes & équivalent, draps très souillés, beaucoup de bouteilles & verres vides & plats sales ou brisés au quatre coin de l'appartement etc ...


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