Chapter Two - Power and Crazyness

Paris, 01 janvier 2022.

La ville fête la Nouvelle Année dans le chaos et dans la mort, dans le bruit strident des sirènes de police, et dans les cris et les larmes de ceux qui ont perdu quelqu’un. La situation est confuse. Les images tournent en boucle sur les chaînes d’information continue. On accuse tout le monde. Les vieux dieux de la Gaule et de la civilisation celte, qui se sont proclamés publiquement, aux tuileries, comme les dépositaires de cette partie du monde. De ce Teutatès, Dieu-Père proclamé, qui fit s’abattre le Ciel sur la Tête des convives fêtant le Nouvel An à l’invitation des dieux de l’Olympe, en plein cœur de Paris.  On parle, on tance ces terroristes du mouvement déicide, qui provoquèrent la colère divine qui s’abattit sur le cœur de la capitale en s’attaquant aux divinités rassemblées. On accuse le Ministre de l’Intérieur Arthur Lambert, on s’interroge sur son rôle trouble et sur son incapacité à sécuriser la fête, à l’avoir autorisée, même. On tance les dieux de la Rome et de la Grèce Antique, pour avoir organisé ce désastre…

Et les ambulances charrient blessés et corps dans tout Paris, alors que le vent souffle toujours après la tempête qui s’est abattue sur la ville.

L’électrochoc est terrible, alors que depuis des mois déjà le niveau des troubles augmente dans le pays. On rapporte des confrontations, entre les divins de ce monde, leurs séides immortels ou non, et des groupes d’humains. Des lieux de culte ont été brûlés, des sacrifices de sang commis. Les « incidents » des Tuileries sont la goutte d’eau qui fait déborder la colère et les frustrations du peuple. Alors que les guerres divines ont déjà commencé, en Europe de l’Est ou dans d’autres parties du monde, l’Occident était jusqu’alors relativement épargné… Ce n’est plus le cas.

Dans les jours qui suivent, la question affleure sur toutes les lèvres.

Doit-on oui ou non, tolérer ce discours de conquête de terres ou de croyance émis par des entités certes antédiluviennes, mais surannées ?

Les gens se distinguent de plus en plus en groupes opposées. Ceux qui croient dans le Dieu Unique de leurs parents, de celui qu’ils révèrent tous de mémoire d’Homme. Il y a ceux qui s’accrochent à des notions modernes de laïcité, d’athéisme, qui considèrent que les affaires des dieux sont distinctes de celles des hommes ; qu’ils peuvent toujours incarner un cadre sécurisant, ou bienveillant, mais ne pas l’imposer à la société entière. Et enfin, il y a ceux pour qui la flamme de la Foi s’est rallumée pour ces dieux de jadis, certes oubliés des millénaires, mais dont la puissance et la légitimité s’imposent à eux comme la vérité.

La police est débordée. On en appelle au Divin pour tout régler ; crise climatique, différends territoriaux, simples conflits de voisinage ou affaires de justice.

Et le Divin répond.

Partout, des dieux anciens et nouveaux apparaissent, et prétendent assumer leur rôle de toujours. Partout, ils convainquent, et convertissent. La suspicion règne. La violence, aussi. Il est facile, dans ce contexte, de voir le moindre différent dégénérer.

Et le meurtre devenir monnaie courante.

Le monde devient fou. Le déclin de la Foi est révolu. C’est l’Âge d’Or des prophètes et des sermons.

Le Premier Ministre britannique apparaît à la télévision, et évoque les sanctions à venir contre les fauteurs de troubles et fidèles des sectes de l’ancien monde ; il éructe que la Grande-Bretagne ne tombera jamais dans les troubles propres au continent, que la Loi et l’Ordre régneront pour toujours. Le gouvernement allemand transige déjà avec les Dieux Nordiques qui ont jadis présidé au destin des Hommes. En France, le Président sait déjà ce qu’il en est, quand l’Évêque de Tours donne un prêche annonçant la nouvelle croisade contre les païens qui menacent l’âme éternelle des Hommes. De nouvelles guerres de religion viennent juste de commencer.

Ils n’ont pas tiré les premiers, cette fois. Souvent pointés du doigt comme les fauteurs de troubles en Europe, les Dieux Nordiques n’ont aucune responsabilité dans les incidents de Paris. Leur chef de rang, Loki, voit plusieurs couvertures menacées au gré de ses actions. Cela fait deux ans après tout que les événements surnaturels -et de nature divine- se multiplient, et il est à chaque toujours plus mis sur la sellette. Incognito, il a été dénoncé en direct des caméras de télévision par les celtes comme le Dieu de la Ruse et de la Malice. Peu y croient vraiment. mais beaucoup remettent en question sa compétence à ce poste ; est-ce possible de laisser faire, de ne rien voir, ni prévoir, et que tant de gens meurent devant l’impuissance de tout l’appareil d’Etat ? Si seulement la Malice s’était contenté d’être incompétent. Mais le Chaos n’obéit à aucune règle, et rien qui puisse le rendre prévisible. Entouré de sa fille Hel, et d’alliés slaves, il a continué d’abuser de sa position comme de tant d’autres couvertures, pour noyauter la société, faire espionner, arrêter ou exécuter ses adversaires. Son âme damnée, Johannes von Reiner -un oupyr-, accomplit ses basses œuvres. Accompagné de sa création Alcina Kowalski, ils n’ont besoin que d’or et de sang pour tisser une toile de larmes et de cauchemars dans la noire nuit d’Europe. D’autres slaves servent, consciemment ou non, le Dieu de la Ruse. Les Baba Yaga, les prêtresses humaines des anciens dieux slaves, comme Tatiana Dourov, tous œuvrent pour les obscurs desseins du Prince des Mensonges. Il les a tous convaincus. Par appât du gain, par désirs communs, partagés, par ambitions…


Ils ont tous ouvert une boîte de Pandore, la colère d’autres païens, qui désormais se déchaîne de l’Écosse aux Asturies.


Teutatès, Dieu-Père des celtes, a pris sur lui de renverser la table proposée par les Olympiens, pour accueillir les festivités de Nouvel An en plein Paris. L’affaire pue le piège, et le Dieu de la Justice provoque par son discours une succession d’événements semblable à une chute de dominos. Esus qui se dévoile Taranis aussi, ils sont tous bien entourés. Ceridwen est aussi présente… Et quand les événements se gâtent, quand les déicides passent à l’attaque, Teutatès leur envoie sa tempête. Les survivants, tous ceux qui n’évacuent pas les lieux, sont abattus. Tous se battent vaillamment pour se frayer un chemin dans la foule belliqueuse, et il n’y a plus de divinités de paix et de prospérité chez les celtes, plus que des guerriers des tribus de jadis. De nouveaux fidèles déterminés apparaissent, descendants des tribus de jadis, et jusqu’à des déicides ralliés, comme Masha Lancaster, au destin prophétique, devenue prêtresse de la triade de puissance des celtes. Comme à leur habitude, les gaulois querelleurs s’en sortent avec pertes et fracas… Et peuvent compter sur leurs alliés. Morrigan, qui repêche Teutatès dans la Seine, épaulée de Cu Chulainn, le guerrier des légendes d’Irlande. Epone, la déesse-psychopompe, se tient déjà prête à mettre ses connaissances et sa force au service des siens, pour les réarmer des artefacts de jadis. De la « Grande Alliance Païenne » voulue par Teutatès, il y a de l’espoir du côté des autres anciens dieux pourchassés de par le monde. Mama Quilla, déesse-lune des incas, combat déjà avec eux. Elle est rejointe par son comparse Cuichu, qui lui aussi veut venger les pertes subies par les leurs, pourchassés et persécutés par les serviteurs de l’Unique. Jusqu’à certains Olympiens se trouvent des intéressés par cette Grande Alliance… Plus encore depuis qu’Athéna et Dionysos, dupés par des imposteurs ayant organisé en leur nom les festivités du Nouvel An, se sont révélés être manipulés par un auteur et pour des raisons inconnues. Hestia, en marge de son panthéon, a été la première à s’ouvrir aux celtes et à se retrouver, au gré des combats, aux côtés des ennemis de jadis de sa lignée. L’avenir seul dira si ce début ténu d’alliance sera en mesure de perdurer.

Chez les dieux du monde ancien, il y a aussi tous ceux qui n’ont cure des événements en cours, ou qui en tout cas continuent pour le moment d’adopter une forme de profil bas. Qui se renseignent, qui gagnent plus discrètement en puissance. Les Egyptiens Râ, Hathor ou Thot, touchés par les événements récents, n’en sont pas encore à prendre parti. Les Shinigami ou Kamis d’Extrême Orient guettent, à l’affût… Quand d’autres, moins discrets, oeuvrent pour eux-mêmes. Circé, sorcière des Cyclades, qui diversifie ses affaires en France, investissant dans les exutoires bien humains que sont casinos et débits de boissons. Ou les goules affiliées au panthéon vaudou, comme l’Inspecteur Amanda Duchesnay, qui ont tendance à se multiplier et qui irriguent la Vieille Europe du sang de leurs victimes, abondant les réserves de chair de leurs fantasques mestres.

Les âmes ne tarderont plus à être moissonnées.

Ils sont là. Ils ont toujours été là. Les serviteurs de l’Unique sont légion. Dans le murmure des alcôves et des confessionnaux, dans les prières de ceux qui prient toujours pour l’absolution. Certains ont toujours été affiliés à l’Unique. D’autres, conquis jadis, corrompus depuis leur panthéon. Les dieux d’un monde qui a brûlé, dans l’ardent sillage des guerres saintes et de la conversion de centaines de peuples. Ils sont là et s’assemblent. Les bisbilles de jadis et la compétition pour la reconnaissance divine sont mis de côté, provisoirement, ou tout au moins en apparence. Parce qu’ils sont tous si différents, Anges et Démons, opposés et pourtant complémentaires. Arsenal de l’Unique, dans sa guerre hégémonique menée contre l’ancien monde. Ils sont encore désunis, désorganisés. Ils peinent à travailler ensemble. Lilith peut compter sur ses succubes, comme Romilly Arriline, tandis que les porteurs de peste et de miasmes sont toujours dans l’arsenal de Belzébuth, l’un des plus puissants démons. Les serviteurs de l’Unique n’ont été que peu impliqués dans les événements récents. Ils corrompent, ils intimident. Ils désunissent l’adversaire, comme certains d’entre eux qui se compromettent avec les Hommes et noyautent leurs défenses… Cela reste une stratégie efficace, bien qu’audacieuse, comme l’ont été certains anges de s’acoquiner avec les Hommes, y compris des déicides résolus comme Shioban Zurer.


Les principaux alliés de l’Unique restent les Nouveaux Dieux, chantres et incarnations de la modernité, qui mettent leur curiosité et leur puissance dévastatrice au service d’un idéal commun, d’un but, qui n’est plus seulement celui d’exister –puisqu’il est accompli parfois depuis des décennies, voire des siècles- mais aussi de dominer, purement et simplement, toutes les formes de dévotion plus archaïques. Ils développent tous autour d’eux, Argent, Technologie, Médias, Science, les plus grands esprits humains du monde dans leurs domaines respectifs, pour inventer le futur, et repousser les archaïsmes humains dans les limbes et condamner les dieux anciens.

Ils se rencontrent au milieu des pierres tombales, et du souffle froid de l’Hiver. Les caveaux sont légion, il faut prendre garde dans la pénombre, mais aucun des deux ne tombe. L’une des silhouettes -masculine- est bien moins à l’aise que l’autre, une femme vêtue de manière presque indécente. Les deux se disputent, ou plutôt, la femme tance vertement l’autre, fautif.

Vous avez échoué. Pourtant, j'avais mis dans vos mains toutes les cartes. Je vous ai trouvé un contact à la mairie de Paris. Je vous ai donné le moyen de repérer des créatures, des dieux et des humains. Je vous ai dis où trouver Râ et comment, en l'emprisonnant, vous pouvez vous servir d'Horus et de son pouvoir de polymorphe. Et pourtant... Vous avez échoué. Votre dette va être plus lourde que prévu. Ma demande était pourtant simple : kidnapper et me livrer un Celte. Vous avez beau vous pavaner avec vos supers pouvoirs et votre puissance, vous n'avez pourtant pas été à la hauteur... La jeune femme se lève de sa chaise et les morts autour d'elle prennent vie. Nous nous reverrons Argent. Et plus vite que vous ne le pensez. Elle tourne le dos au dieu et fait plusieurs pas avant de tourner la tête et d'ajouter. Ah et si vous tentez quelque chose, n'oubliez pas que tout ce que je sais. Toucher ne serait-ce qu'à un de mes cheveux et vous plongerez. Faisant rouler ses formes comme elle en avait l'habitude, Marie Laveau quitte le cimetière dans lequel elle avait retrouvé le Nouveau Dieu...