Fête de trop

Je tousse. Des goutes écarlates tombent dans le mouchoir que je tiens devant ma bouche. Mon corps me lâche mais mon esprit lui, reste fort. J’ai encore une dernière chose à accomplir avant de laisser la mort m’emporter. Je l’entends, le champ glorieux de mon pays. Je les entends tous ses valeureux combattants qui m’ont précédé. Je l’entends, mon instructeur me répéter que personne, non personne ne doit savoir.

Foutues garces.

Je ne les ai pas trouvées tout de suite alors mon regard s'est tourné vers les deux divinités capturées par les humains. Mais avant que je leur mette la main dessus, elles avaient disparu de leurs prisons. Quelqu'un les a aidées à fuir. Depuis combien de temps ? Je l'ignore. La presse française s'est tue à ce sujet et les hautes sphères politiques n'ont pas l'air de vouloir divulguer cette info, une info qui vaut de l'or pour les miens.

Il m'a fallu plusieurs semaines pour trouver les deux femmes mais quelles prises ai-je faites. La française n’a pas été longue à tuer. Si fragile, si sotte. A se demander si elle appartenait vraiment aux déicides. Elle n'en avait pas la force. Elle ne méritait pas cet honneur qui lui a été fait.

Sa compagne cependant… Horreur de la nature. Se mélanger entre elles de la sorte c’est immonde, contre-nature. Une créature. C'est tomber bien bas que de coucher avec une telle chose, que de trahir les siens pour une telle chose. Au moins puis-je lui reconnaitre sa vaillance.

Elles ne sont plus, désormais. Lorsque l’incendie aura fini de brûler, il ne restera qu’une carnasse de voiture, sans aucune preuve, et deux corps sans vie. Personne ne remontera jusqu’à moi. Personne ne remontera jusqu’à les miens. Je m’en suis assuré.

J’arrive au coin de l’une des rues malfamées de la ville. Parfait. Je glisse un courrier dans la boite aux lettres du coin. Une carte postale de la ville, indiquant que mon voyage s’est bien déroulé mais que j’ai hâte de retrouver, d’ici quelques jours, les miens. Ils comprendront. Ils comprendront que j’ai débarrassé ce monde de la Traitresse et que je ne m’en suis pas sorti. Je ne suis pas sot. Je sais que la blessure infligée est mortelle. Cette lame s’est enfoncée trop loin dans mon corps pour que je puisse espérer revoir les miens. Maudite créature.

Je ne suis parmi tant d'autres, qu'une goutte dans cet océan qui va tous les tuer. Les Dieux ont peut-être regagné de la ferveur avec les derniers évènements mais ce n'est que provisoire. Nous allons les détruire, nous allons tous les détruire. En attendant, nous allons les laisser nous dégager le terrain. Les journaux ne cessent d'en parler. La montée des croyances, envers l'unique, mais aussi les anciens dieux, s'accompagnent d'une montée des violences. Des lieux de cultes considéraient comme monuments historiques sont abimés, brûlés. Le temple d'Athéna, en Grèce, a vu ses dernières colonnes détruites à coup de masse par des fidèles du Vatican, un Vatican qui se refuse à tout commentaire.

Je ris. Je ris alors que la faucheuse s'approche de moi. Elle vient m'emporter et je l'accepte. Oui, le combat n'est pas terminé. Notre regard se portera bientôt sur cet Esus qui s'est arrangé pour que l'on parle de lui. Erreur. Erreur qui va lui être fatale. Ce reportage n'est pas une coïncidence. Les humains font des recherches sur lui, tout comme sur cette Mama Quilla qui s'expose à Paris. Pauvres Fou. Les miens sauront les débusquer et les anéantir.

Personne ne doit savoir. Personne ne doit me relier à ma cellule. Je vérifie une dernière fois que bien mes faux papiers sur moi : Victor, citoyen biélorusse en vacances à Paris. Je sors le couteau dont s’est servi la créature pour me blesser avant qu’elle ne meure. Et sans aucune hésitation, je l’enfonce précisément à l'endroit où se trouve mon cœur.

Je laisse derrière moi une divinité, des créatures et une traitresse tuées même si le combat n'est pas encore terminé. Nous devons tuer cette déesse à qui la félonne a parlé. Que lui a-t-elle dit à notre sujet ? Nous n'en avons aucune certitude, si ce n'est qu'elle a parlé. Une déesse grecque, c'est la conclusion de mon dernier rapport. Elle a fui avec une créature de ce panthéon, et elle a été protégée un temps. Et vu ses penchants féminins, elle ne se serait pas confiée à un homme. Oui la déduction est facile.


Ne pleurez pas ma mort, car ma gloire, elle, sera éternelle.