Les services de nuit dans la police étaient comme une loterie. Il était tout à fait possible de les enchaîner sans qu’il y ait le moindre incident notable, un calme plat régnant sur le commissariat, tout comme il était possible d’enchaîner les interventions -risquées ou non- dans le secteur de surveillance. Cette soirée était la dernière d’une longue suite pour Amanda qui devait retrouver celui qui avait fait de sa vie un enfer, pour lui transmettre les informations qu’il lui avait demandé de récolter. Bientôt le gang s’exporterait en Europe, bientôt elle devrait quitter cette ville dans laquelle elle avait toujours vécu afin d’obéir aux ordres de son nécromant et de superviser la réception des containers ainsi que le départ des livraisons. Une des nombreuses tâches ingrates qu’elle devait accomplir et qui contrastait tant avec sa profession, avec les valeurs qui lui avaient été inculquées de son vivant. Elle détestait ce qu’elle était devenue, une véritable honte.

S’absentant momentanément du poste après s’être changée, elle avait alors pris la direction d’une des rues les plus chaudes de son secteur pour y retrouver celui qui salissait tant son âme rattachée à ce corps animé par une magie qui ne devrait pas être utilisée. Connaissant parfaitement ce quartier pour la criminalité qui y régnait, elle avançait d’un pas décidé tout en restant aux aguets jusqu’à finir par arriver l’un des quais du port. A cette heure si avancée de la nuit tout était calme en surface mais sous cette apparente sérénité se cachaient bien des trafics qui donnaient du fil à retordre aux autorités tant ils ne cessaient de réapparaître après chaque interventions. Et ce n’était pas avec le double-jeu auquel elle s’adonnait malgré elle, qu’Amanda était en capacité de mettre fin à tout ça. Regardant devant elle, ses yeux observant l’eau rendue noire par la nuit, elle attendit silencieusement l’arrivée du nécromant. Lorsqu’elle finit par entendre le claquement d’une portière de voiture, son regardant venant se poser sur celui qu’elle attendait, Amanda alla à sa rencontre…

- Et c’est tout ? Tu es sûre de n’avoir rien d’autre à me dire ?

- Certaine, dans deux jours la descente aura lieu et la grosse artillerie sera sortie dès les premières heures. Alors fais avec les informations que je t’ai données et je ne m’impliquerai pas plus dans cette histoire, j’ai fait ma part.

Elle venait de répondre, sèchement, le poing serré. Elle détestait ce qu’il lui faisait faire. Elle détestait ce qu’il avait fait d’elle. Ils s’observèrent un instant comme des chiens de faïence avant qu’elle ne recule d’un pas pour se détourner de lui. Il fallait qu’elle retourne au poste avant que quelqu’un n’ait besoin d’elle et que son absence soit remarquée, elle a fait accompli sa part de travail elle n’avait plus rien à faire ici pour le moment. Desserrant le poing, elle s’éloigna alors de son nécromant et du véhicule et reprit le chemin par lequel elle était arrivée un peu plus tôt. Il lui fallait occuper son esprit rapidement et seuls les dossiers sur son bureau y parviendraient, si toutefois elle pouvait y retourner sans encombre.

Elle n’avait dû faire que quelques mètres, une dizaine peut-être, lorsque dans le silence de la nuit elle cru entendre quelque chose derrière. Peut-être ne s’agissait-là que d’un rat sorti pour se nourrir ? Peut-être quelqu’un pensait-il faire d’elle sa proie ? Elle s’arrêta, aux aguets.

- Je vous conseille fortement d’arrêter ce que vous faites et de vous trouver une autre activité.

Rien d’autre à dire ? La question continuait de flotter dans l’esprit d’Amanda alors qu’elle avait quitté son nécromant quelques instants auparavant. Cette magie qui avait fait d’elle avait beau lui octroyer une insensibilité aux effets du temps, aux maladies et à la mort, il y avait une face tout aussi détestable que celle d’être condamnée à se nourrir de chair humaine : elle ne pouvait rien lui cacher. Tout ce qu’elle savait, il le savait et ce qu’elle voyait ne pouvait lui échapper. Seule la distance permettrait une plus grande liberté mais pour le moment elle était condamnée à rester dans la même ville que lui. Chassant ces pensées dans un coin de son esprit elle se concentra sur ce chemin inverse qu’elle empruntait afin de retourner au poste avant que quelqu’un ne finisse par remarquer son absence et commence à s’inquiéter. Un capitaine ne pouvait rester hors de vue bien longtemps avant que des questions ne posent, un jeu dangereux auquel elle devait se plier. Si elle ne craignait pas les conséquences pour elle, il n’en allait pas de même pour sa famille et son fils qu’elle avait fait en sorte de repousser loin d’elle afin qu’ils ne soient pas une cible potentielle.

Mais alors qu’elle marchait silencieusement, le silence lui permit d’entendre un bruit non loin d’elle. Un bruit qu’elle aurait pu facilement manquer en d’autres circonstances. Dans une telle zone il pouvait s’agir de n’importe quoi. Un rat ayant trouvé son festin nocturne. Un camé jonchant le sol. Un dealer qui concluait une affaire. Ou même un de ces criminels attendant patiemment qu’une proie se présentent à eux et qu’ils puissent jouer avec. Dans les trois premiers cas ça lui était aussi égal que si on lui annonçait que le bleu du Star-Splangled banner prenait une teinte légèrement plus sombre. En revanche si elle devait être la cible d’une quelconque agression, il s’agissait d’une toute autre histoire. Et ce ne serait pas une femme qui serait retrouvée morte, dénudée, au petit matin. Elle s’arrêta et observant les alentours, elle éleva la voix. Trouvez une autre activité, je n’ai pas envie de vous faire quoi que ce soit. Son regard capta un mouvement et se tournant dans la bonne direction elle observa un homme sortir de l’ombre, mains en l’air, et dont le costume hors de prix trahissait sa non-appartenance à la population de cette zone.

Sourire narquois déformant les lèvres de l’inconnu, Amanda serra les mâchoires alors qu’il s’adressait à elle. Il la connaissait mais d’où pouvait venir la réciproque ? Un type qu’elle aurait arrêté il y a quelques années ? Probablement. Mais elle en avait arrêté des hommes et une partie d’entre eux devait probablement rêver de la croiser à nouveau pour nettoyer l’affront qu’elle leur avait causé. Ce visage lui disait quelque chose mais il fallait que son esprit ait suffisamment de temps pour le lui rappeler. Elle s’avança de quelques pas, observant l’homme de haut en bas. Au mauvais endroit, au mauvais mom… Putain !

- Pas plus dangereux que pour un type qui se balade là où il ne le devrait pas, en costume à plusieurs milliers de dollars. Et vous, y a-t-il une personne qui vous attend ? Ce serait un déchirement s’il vous arrivait quelque chose et qu’il y ait quelqu’un pour vous pleurer, Bloye, répondit-elle en soutenant son regard. Encore occupé à cuver ? Navré cette fois-ci vous n’avez pas d’opération à faire capoter. Qu’est-ce que vous faites là ?

Bien des choses qu’Amanda pouvait dire ou faire pouvaient lui retomber dessus sans crier gare. En cet instant c’était le souvenir de cette arrestation de cet homme qui ne se trouvait pas là où il devait être, cet homme dont la présence avait bien failli mettre à mal l’opération qu’elle supervisait, cet homme dont l’identité comportait de nombreuses failles. Et il avait été libéré parce qu’elle n’avait rien eu en sa possession pour l’incriminer sur quoi que ce soit, peut-être qu’en cet instant l’état d’ébriété de Bloye pouvait lui donner une raison de l’embarquer mais avait-elle un tant soit peu envie de s’encombrer de lui alors qu’elle était censée être au poste ? Venant mettre ses mains derrière son dos, elle serra le poing. Elle pouvait partir sans se retourner mais c’était prendre le risque qu’il lui colle au train et n’insiste dans sa volonté de la titiller comme mouche ne cessant de tourmenter un lion. Elle pouvait aussi se jeter sur lui et se faire un festin de reine. D’ailleurs, quel goût pouvait-il bien av… Elle se mordilla l’intérieur de la joue, chassant cette pensée qui risquait grandement de réveiller cette faim d’outre-tombe.

- Ravie de constater que vos envies puissent être satisfaites à mes dépends.

Elle le toisa un instant de bas en haut avant que son regard n’accroche à nouveau celui de cet homme. Qu’espérait-il en lui posant ces questions ? La faire chanter ? S’il croyait avoir une quelconque crédibilité…

- Tiens donc, alors comme ça on prend exemple sur les grandes personnes en jouant les apprentis flics ?

Il essayait de la provoquer, à n’en point douter, mais jusqu’où était-il capable d’aller pour la faire dégoupiller et ainsi commettre une erreur irréparable ? Etait-il juste là par pur hasard et profitait de l’occasion pour se venger de ce qu’elle lui avait fait ou bien l’avait-il longuement cherchée pour arriver à ce moment précis ? Ce sifflotement qu’il se permettait de faire… il appréciait la situation.

- Vous et moi, nous n’avons rien en commun. Votre petite identité est loin d’être parfaite alors voilà mon conseil : ne me cherchez pas, je peux être un véritable molosse quand je le veux. Au sens propre comme au figuré. Alors occupez-vous de vos affaires ou sinon vous allez le regretter, finit-elle avant de reculer d’un pas et de faire volte-face. Il n’était pas question qu’elle cède à ces provocations, il ne fallait surtout pas que sa Faim se réveille elle la pousse à se jeter sur lui.
 

Amanda détestait cette situation dans laquelle elle se trouvait à présent, essayer de se faire détourner d’elle un homme qu’elle avait arrêté quelques années auparavant et sur lequel elle avait enquêté, trouvant des éléments troublants sans que cela ne soit concret pour le garder. Elle voulait fuir cette conversation pour ne pas risquer de déraper, pour ne pas inquiéter ses collègues dès lors que l’un d’entre eux remarquerait son absence au poste. Elle essayait de le menacer mais il n’avait pas peur d’elle, pourquoi le devait-il ? Après tout elle était toute seule, sans le moindre renfort s’il se passait quoi que ce soit. Mais ce qu’Amanda détestait par-dessus tout, c’était elle-même. Ce qu’elle était devenue, ce monstre affamée de chair humaine devant cacher ce qu’elle était et s’éloigner des siens pour ne pas les mettre en danger à cause de sa nature mais surtout pour ne pas laisser à son nécromant la possibilité de s’en servir comme moyen de pression. William se rapprocha et elle ne cilla pas. Oui elle fuyait les questions, se cachait derrière son insigne et elle mentait depuis cinq ans à présent… Lorsqu’il mentionna sa corruption, elle senti son poing se serrer si fort que ses ongles commencèrent à s’enfoncer dans sa peau.

Elle était coincée : si elle répondait, elle s’enfoncerait alors un peu plus dans le mensonge, et si elle ne répondait pas c’était affirmer silencieusement les propos de William. Malgré l’envie d’hurler qu’elle n’était pas corrompue, même si bien des éléments l’indiquaient comme tel, Amanda ne prononça pas le moindre mot. Elle pouvait lui dire la vérité ou du ce qu’elle était et ce que derrière cela engendrait mais là encore elle était coincée, si elle disait le moindre mot de travers son nécromant le saurait. Mais pour l’homme qui se tenait devant à elle, se délectant aussi ouvertement de la situation dans laquelle il la mettait, devait-elle éprouver le moindre scrupule à lui épargner une visite de celui qui gâchait tant son existence ? Elle desserra son poing. Ca n’en valait pas la peine. Elle finit par se détourner de lui pour s’en éloigner mais il la retint, attrapant son poignet. Elle se raidit avant de se retourner vers lui. Il trouvait ça amusant… Elle serra un instant les mâchoires.

- Vous voulez vraiment jouer à ce jeu ? A part votre parole il n’y a aucune preuve de ce vous avancez me concernant. De ce que vous dites ça pourrait bien être une preuve de corruption mais qui vous dit que ce n’est pas un travail d’infiltration d’un réseau ? Elle observa un instant les traits de son visage. Je vous le dit à nouveau, passez votre chemin. Il ne faut pas que vous sachiez qui est l'homme a qui je me suis adressée ni les raisons pour lesquelles je suis allée le voir.
 

Elle n’avait jamais vraiment aimé se retrouver au pied d’un mur et la condition dans laquelle elle existait désormais depuis plusieurs années n’arrangeait pas vraiment ce sentiment. Comme il avait pu le lui dire, elle pouvait s’estimer heureuse de ne pas être qu’un ensemble de chairs en décomposition seulement guidée par une fin insatiable. De converser sa conscience et sa volonté lorsque ces dernières n’étaient pas rendues muette par cette Faim qui devenait trop forte pour être encore contrôlée. Pour le moment elle était encore maîtresse d’elle-même mais combien de temps tiendrait-elle avant que la Faim n’agisse comme un mécanisme de défense ?

Ce William posait beaucoup trop de questions, cherchait bien trop à la mettre à découvert alors que pour son propre bien il valait mieux pour lui qu’il n’insiste pas et passe son chemin. Etait-il de nature vindicative ? Ou bien cherchait-il tout simplement à appuyer là où ça faisait mal, par simple volonté de se divertir ? Amanda ignorait totalement quel était le projet de l’homme dans cette conversation. Devait-elle se préoccuper de la sécurité d’un innocent ou pouvait-elle lui révéler ce qu’il ne devait pas entendre, le mettant ainsi en danger ? Avait-elle quelque chose à faire de ce curieux qui pour la deuxième fois s’était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment ? Corruption ou infiltration, c’était deux paroles qui s’affronteraient s’il décidait d’aller plus loin, d’exposer ce qu’il s’était passé ce soir. Mais infiltration de quoi : d’un réseau criminel ou de la police ? A son plus grand dégoût, c’était la seconde réponse qui était la bonne. Elle le mit tout de même en garde de ne pas chercher plus loin et quelque chose changea dans le regard de l’humain alors qu’il se postait à nouveau devant elle pour l’empêcher de partir.

Pourquoi disait-elle cela ? A nouveau il posait une question dont il ne fallait pas qu’il connaisse la réponse. Elle détourna le regard, serrant à nouveau les mâchoires tandis que les effluves de sueur de William venaient lui chatouiller les narines. Etait-elle en danger ? Que voulait l’homme qu’elle avait vu ? Elle ferma un instant ses paupières. Au mauvais endroit au mauvais moment. Dieu qu’elle aurait préféré être morte que de quotidiennement annihiler ce qui lui restait de droiture, que de souffrir de la séparation avec son fils. Elle ouvrit à nouveau les paupières et accrocha une nouvelle fois le regard de l’homme qui se tenait face à elle.

- Je ne peux rien dire parce qu’il le saura. Je ne suis pas en danger, ce sont ceux qui m’entourent qui le sont… alors vous voulez continuer ce petit jeu ? Allez-y mais vous vous exposerez à des conséquences dont vous ignorez l’ampleur. Mais si vous avez un tant soit peu d'instinct de préservation, je vous en prie ne cherchez pas loin et oubliez ce que vous avez vu, répondit-elle.
 

Si elle avait encore pu avoir la capacité d’aspirer l’air dans ses poumons pour vivre, Amanda aurait bloqué sa respiration l’espace de quelques battements de ce cœur qui ne battait plus. Le regard rivé dans le sien, ce William était désormais proche d’elle, bien trop à son goût mais elle ne pouvait y faire grand-chose : elle avait beau vouloir s’en éloigner le plus rapidement possible, il semblait fortement déterminé à ne pas lâcher le morceau. Déterminé à obtenir des réponses à ses questions auxquelles elle ne pouvait répondre sans s’exposer à des conséquences qu’elle préférait éviter. Elle était une seule et même personne, pourtant une certaine dualité régnait en elle sans qu’elle puisse y faire quoi que ce soit. Elle se fichait de ce qu’il pouvait arriver à cet homme si elle répondait avec honnêteté à ses questions mais dans le même temps elle ne pouvait faire taire cette part d’elle qui se souciait du sort de quelqu’un qui semblait innocent de tout crime -de ce qu’elle avait pu voir sur lui malgré les éléments qui posaient question- et de ce qu’il pouvait advenir de ses proches dont elle s’était éloignée pour les protéger de tout conséquence à cette nouvelle existence.

La main de l’homme exerçait une pression sur son avant-bras sans que cela soit nourrit par une volonté de la maitriser de quelque manière que ce soit. Non ça semblait presque doux, contrastant grandement avec cet échange qu’ils avaient depuis désormais quelques minutes. Il n’était qu’à quelques centimètres d’elle, accentuant les effluves de sueur qui parvenait à Amanda. Serrant les mâchoires alors qu’il la questionnait à nouveau, à voix basse, tendant de lui montrer qu’elle pouvait lui faire confiance, elle se contenta de poser une main fraîche sur celle de William. Décrochant momentanément son regard de celui de l’homme, Amanda observa ces traits qui s’était muent en quelque chose d’autre que cette dureté et moquerie dont il avait fait preuve quelques instants plus tôt. Elle fronça légèrement les sourcils puis accrocha les yeux clairs de son interlocuteur. S’il avait de l’instinct aucun d’eux ne seraient ici, à cet instant ? Que voulait-il dire par-là ? Elle pencha légèrement la tête sur le côté, desserrant légèrement les mâchoires sans toutefois réagir verbalement.

Il n’avait pas peur d’elle ni de celui avec qui elle s’était entretenue. Il ignorait tout et ne tiendrait pas les même paroles s’il savait sur l’homme sur lequel il voulait des réponses, s’il savait ce qu’elle était. Elle pressa légèrement sa main sur celle de William avant de la retirer de son bras et de la relâcher.

- Vous n’avez pas peur parce que vous ne savez pas à qui vous auriez à faire en continuant à chercher une vérité qui ne devrait pas être exposée. Je le couvre parce que je n’ai pas d’autres choix, ce qu’il a sur moi… il a tout, et comme je vous l’ai dit il saura tout ce que je dis dans les moindres détails. Il existe des choses qui vont au-delà de votre compréhension et il vaut mieux ne pas s’y frotter. Elle détourna le regard, tournant son visage vers ce chemin qu'elle devait emprunter pour rentrer. J'en ai trop dit et je dois vraiment rentrer.

Je n’ai pas peur car je n’ai rien à perdre. Ce qui n’est pas votre cas.

Les paroles de William heurtèrent Amanda avec une force qui s’insinua dans son corps maintenu en état par la nécromancie, jusqu’à venir racler ses os avec une lenteur à faire grincer des dents. Elle ignorait tout de la situation de l’homme mais les mots qu’il venait de prononcer étaient vrais. Derrière cette apparente volonté de rester en retrait de bien des situations, son apparent manque d’intérêt, elle avait quelque chose à perdre. Sa chair et son sang. Son fils. Bien malgré elle, Amanda senti les traits de son visage s’affaisser quelque peu alors que son esprit lui rappelait ce visage encore un peu et surmonté de courts de cheveux noir de jais. Il lui manquait. Atrocement. Mais elle ne pouvait pas faire autrement, elle ne pouvait pas être à nouveau en contact avec lui, il ne fallait pas qu’Il apprenne son existence et s’en serve contre elle-même s’Il avait d’ores et déjà tout contrôle. Elle serra si fort son poing qu’elle senti ses ongles entailler sa peau sans que toutefois du sang ne se mette à couler et tâcher le bout de ses doigts.

Lorsque l’homme reprit à nouveau la parole, cherchant à lui faire expliquer sa situation, souhaitant comprendre. Lui clamant de fuir. Lui proposant de la cacher en partant dès maintenant. Devenir quelqu’un d’autre et se cacher jusqu’à ce qu’Il se lasse de la chercher. Si seulement cela était un tant soit peu possible… elle n’hésiterait pas un seul instant à courir chercher son fils et quitter le pays mais pour quel résultat ? Fuir des années ? Prendre le risque d’être poursuivis par des hommes de main ? Que se passerait-il le jour où la Faim serait trop forte pour être contrôlée, un jour où elle serait seule avec son fils ? Elle se savait incapable de son contrôler lorsque la Faim s’emparait d’elle, il était hors de question de prendre un tel risque. Elle ne pourrait non plus se servir de lui pour qu’elle puisse se sustenter, ce serait… William se recula d’un pas et Amanda ferma un instant les yeux, soulagée que cette présence si étouffante et entêtante s’éloigne quelque peu. Elle haussa un sourcil : s’il pouvait l’accompagner sur une partie du chemin ? Etait-il sérieux dans sa proposition ou redevenait-il l’homme du début de leur échange ?

Elle entrouvrit la bouche, prête à répondre par la négative, mais lorsqu’elle le vit prendre la sortie des quais et se rendit compte qu’elle n’avait pas vraiment le choix de la réponse. Secouant légèrement la tête, elle le rejoignit alors et ils se mirent en chemin pour quitter les lieux.

- Je vous ai expliqué que je dois obéir à ordres et je ne suis pas en capacité physique de les refuser. Cet homme sait tout ce que fait, voit et dit dans les moindres détails. Alors laissez mon chiot en-dehors de vos questions, j’y tiens énormément et je ne voudrais pas le perdre. Elle n’avait pas de chiot mais il s’agissait du premier mot qui lui était venu à l’esprit pour éloigner le plus possible les souvenirs sur son fils, pour que son nécromant reste encore dans le brouillard concernant sa vie avant qu’il ne fasse d’elle sa marionnette revenue d’entre les morts. Vous n’avez pas changé depuis la dernière fois, pourtant les gens qui ont de fortes habitudes à consommer de l’alcool en grandes quantités ont tendance à vieillir prématurément.

En essayant de ne rien dire, Amanda en avait pourtant trop dit sur cette situation qui était la sienne depuis quelques années à présent et à cause de ce qu’elle disait ; de la manière dont elle réagissait : la situation avait pris une autre tournure. Voyant un homme qui était prêt à la faire chanter, s’adoucir quelque peu en faisant preuve d’une certaine inquiétude à son encontre. S’il savait ce qu’elle était, jamais il ne lui aurait proposé de la cacher, de partir avec lui. Jamais il ne se soucierait d’elle en dehors du fait de tenter de la tuer. Si elle ne détestait pas autant ce qu’elle était devenue, si elle n’avait rien qui pouvait être utilisé comme moyen de pression sur elle, elle n’hésiterait pas un seul instant à suivre cet homme. Mais la volonté d’un seul être en avait décidé autrement et elle était désormais un danger pour quiconque s’approchant d’elle, esclave d’une faim incessante de chair qui ne s’endormait pleinement qu’en de bien trop rares occasions. Elle allait devoir rapidement s’aérer l’esprit, chasser de son cerveau tout ce qu’elle venait de voir, d’entendre et de dire sinon son nécromant saurait tout de leur conversation.

S’il ne semblait pas être quelqu’un de mauvais, ce William posait à nouveau beaucoup de questions, relevant le fait qu’elle avait changé. Qu’il ne pouvait concevoir qu’après ce qu’elle lui avait montré d’elle au cours de leur première rencontre elle puisse ne devenir rien d’autre qu’un vulgaire pantin à la solde d’un autre. Qu’elle ne s’en rebelle pas. Marchant à côté de lui pour quitter ce maudit secteur, elle préféra détourner la conversation afin de ce donner quelques instants d’un air qui ne pouvait contenter ses poumons. A la réponse de William, elle roula légèrement des yeux. Au mauvais endroit au mauvais moment… c’était ce qui faisait qu’elle était telle quel aujourd’hui.

- Nous sommes d’accord sur ce point mais notre silence vaut bien des mots, non ? réagit-elle avant de presser quelque peu le pas. Plus vite elle vite elle s’éloignerait des docks, mieux elle s’en porterait. Lorsque cette partie de la ville fourmillante d’activité en journée et théâtre de trafics la nuit s’étala enfin derrière eux, ce fut alors le signe que pour eux il était temps que leur chemin se sépare. Tournant le visage vers William, prête à le saluer avant de prendre le chemin du commissariat, Amanda n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit, l’homme prenant à nouveau la parole. Elle haussa un sourcil. Etait-il sérieux avec cette proposition qu’il lui faisait ? Elle jeta un œil à sa montre : la moitié de la nuit ne s’était même pas encore écoulée. Avait-elle envie de le suivre ? Avait-elle envie de dépenser de l’argent pour boire quelque chose qui n’affecterait pas son organisme avoir d’avoir atteint un nombre de verres consommés ? Peut-être qu’il ne s’agissait pas d’une question d’envie mais de besoin : elle était seule malgré ses collègues qui l’avaient soutenue à son retour. Peut-être que s’occuper l’esprit en compagnie d’un « inconnu » était ce dont elle avait besoin.

- Je vous suis et ne m’appelez pas capitaine, je ne suis pas en uniforme, répondit-elle finalement avant de le laisser la guider.

Lorsqu’il lui répondit, Amanda observa un instant William du coin de l’œil avant de rapidement détourner le regard. Si elle mettait de côté ce qu’ils venaient de se dire ; la manière dont il l’avait abordée ainsi que le contexte, elle n’était pas habituée à entendre quelqu’un se mettre à sa disposition pour l’écouter si elle en avait besoin. Si un jour vous avez besoin d’être écoutée, je reviendrai. Elle mordilla distraitement l’intérieur de la joue tandis que les mots flottaient dans son esprit avec une douceur étonnante. Non. Depuis qu’elle était devenue une abomination mangeuse de chair, nul ne lui avait réellement voulu être à son écoute et puis comment pouvait-elle pleinement se confier avec un tel secret ? Si elle pouvait se gifler, elle le ferait car il fallait qu’elle prenne cette proposition telle qu’elle lui était faite : sincère. Tout comme cette proposition d’aller boire un verre avec lui au lieu de séparer leur chemin et qu’elle ne rentre directement au poste. Un court silence s’installa tandis qu’ils marchaient, pour mieux installer de la légèreté à travers les mots d’un William qui ne tarda par à en rire. Un léger sourire vint étirer les lèvres d’Amanda.

- Malheureusement, on ne donne pas dans le « cinq étoiles », réagit-elle, son sourire s’agrandissant quelque peu avant de prendre le bras qui lui était tendu, suivant ainsi l’homme vers la destination de son choix.

Le trajet ne fut pas excessivement long, ni trop court, permettant ainsi à Amanda de rassembler toute sa concentration pour maîtriser sa faim qu’elle devrait tout de même satisfaire plus tard. Ils franchirent la porte du bar et la brune découvrir un lieu à l’ambiance feutrée ; à la décoration pas suffisamment moderne pour attirer une foule de touriste à la recherche de ce qui pouvait être mainstream. Un endroit qui semblait parfait pour y trouver un peu de calme et y passer une bonne soirée. Alors que son regard détaillait les potentielles activités, Amanda se senti être attirée loin de l’entrée et rapidement être amenée vers le bar. Il allait boire. Que pouvait-elle bien prendre ? Un simple shot de tequila ? Un verre de whisky ? Une bouteille entière de vodka ? Une décision relativement difficile à prendre.

- Un verre de votre rhum le plus âgé s’il vous plaît, dit-elle avant dans sortir de son portefeuille de sa poche de pantalon, prenant un billet pour payer son verre. Une fois le billet posé sur le comptoir, à côté de celui posé par William, elle observa le barman s’affairer à préparer leur commande. Des gestes sûrs ; rapides ; laissant facilement transparaître l’expérience de l’homme. Son attention se vit à nouveau être attirée par William et elle le regarda un instant avec des yeux ronds avant de se reprendre, chassant sa surprise. Oh non non, pas du tout ! Si vous tenez à vos pieds, ne me faites pas danser. Vous, vous savez danser ?

Bien des hommes et des femmes rêveraient de boire autant d’alcool qu’ils le voudraient, sans en subir les conséquences, mais aucun d’entre eux ne pouvait se douter de la difficulté que ça constituait de vivre ainsi. Ils ne pouvaient pas un seul instant se douter à quel point continuer à exister avec le poids des souvenirs, des décisions prises pour continuer à avancer était difficile. Qu’ils ne pourraient jamais oublier cette douleur qui ne cessait de brûler le moindre de leur tissus, alimentant chaque neurone d’une Faim sans cesse présente et qui se ferait de plus en plus présente jusqu’à devenir incontrôlable. Jusqu’à faire perdre tout contrôle, toute retenue nécessaire pour ne pas tuer qui que ce soit. Un verre. Une bouteille. Trois bouteilles. Rien ne faisait vraiment effet. Il était possible de pousser toujours plus loin pour ressentir des effets convenables mais rien n’était suffisant pour oublier ou pour supporter, et si une limite pouvait être atteinte c’était prendre le risque de devenir incontrôlable. Si sur de nombreux aspects de la vie de tous les jours, Amanda n’y portait plus attention, il n’en restait pas moins qu’elle craignait une chose : devenir ce monstre incontrôlable qu’elle était devenue.

- A la vôtre, répondit-elle en levant à son tour son verre avant de le porter à sa bouche et d’en boire le contenu d’une seule gorgée. Un goût légèrement âpre qui ne lui arracha toutefois pas la moindre grimace alors qu’elle demandait au barman de lui laisser la bouteille tandis qu’à côté d’elle, William semblait avoir une idée derrière la tête en lui demandant si elle savait danser. Danser… Tentant de décliner ce qui s’apparentait peu à peu à une invitation, elle écarquilla légèrement les yeux lorsqu’elle vit la main de son interlocuteur s’approcher d’elle. Il n’était quand même pas sérieux ? Se servant un nouveau verre, elle secoua la tête. Vous êtes têtu comme une mule quand vous avez une idée en tête, réagit-elle avant de boire à nouveau cul-sec son verre mais alors qu’elle s’apprêtait à se servir une nouvelle fois, elle en fut empêchée par le mouvement d’un William se levant de son siège et l’entraînant dans son sillage sans lui laisser la moindre possibilité de discuter. Durant un instant, elle regretta de l’avoir suivi jusqu’ici pour l’amener à lui faire exécuter un exercice dans lequel elle était bien loin d’être à l’aise.

Quelques couples garnissaient la piste de danse à laquelle s’ajoutait ce duo improbable qu’elle formait avec William. Alors qu’elle se mettait face à lui, bien peu à l’aise quant à ce qu’il allait advenir, autours chacun commençait à bouger au rythme de la musique latino : certains montrant qu’il pouvait exister de très mauvais danseurs quand d’autres montraient qu’ils pouvaient participer à des concours. S’éclaircissant la gorge, Amanda focalisa son attention sur William. Elle le laissa alors la guider, essayant d’imiter ce qui se faisait autours d’elle avec un visage trahissant sa concentration et marchant probablement plus d’une fois sur les pieds de ce partenaire de danse improvisé. Un exercice peu aisé à pratiquer qu’elle s’empressa de fuir dès lors que la première chanson s’arrêta, revenant au bar pour non pas boire au verre mais directement à la bouteille.

- Excusez-moi pour vos pieds mais je vous avait prévenu : la danse ce n’est pas pour moi, dit-elle entre deux gorgées. Elle s’était pliée à son activité, ce serait à lui de faire de même. Que faire ? Une partie de billard ? De fléchettes ? Ou bien participer à ce que cette employée du pub commençait à faire remplir aux volontaires ? Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, un sourire étira les lèvres d’Amanda quant elle remarqua pour quelle activité étaient dédiées les inscriptions : un karaoké. Ne laissant pas le temps à William de lire la feuille, elle inscrit leur nom ainsi que la chanson que chacun chanterait et laissa la femme poursuivre son chemin. Dix minutes, voilà le temps qu’il restait avant que ce soit au tour de l’homme de ne pas être dans son élément. Les minutes défilèrent, la voyant questionner William sur ses talents de danseur afin de détourner son attention de préparatifs jusqu’à ce que l’on annonce au micro le début du karaoké. Observant un instant la réaction de William non sans arborer un sourire satisfait, Amanda éprouva un sincère plaisir à assister au défilé de chanteurs amateurs combattant la peur de chanter devant une foule -aussi petite soit-elle- jusqu’à ce que son nom soit enfin appelé.

Chanter faisait partie des traditions de son peuple et cela lui rappelait ces fois où elle avait pu chanter avec son père devant les anciens. Un doux souvenir qui n’était pas encore noyé sous le poids des horreurs qu’elle faisait, voyait et pensait. Elle prit le micro, jeta un œil aux paroles qui commenceraient bientôt à défiler puis la musique fut lancée.

I'm goin' out tonight, I'm feelin' alright
Gonna let it all hang out
Wanna make some noise, really raise my voice
Yeah, I wanna scream and shout, uh
No inhibitions, make no conditions
Get a little outta line
I ain't gonna act politically correct
I only wanna have a good time
The best thing about bein' a woman
Is the prerogative to have a little fun and…

A mesure que les minutes s’étaient écoulées, la soirée avait prit un tournant que la capitaine de police aurait été incapable de soupçonné à l’instant où elle avait entendu la voix de cet homme. Lui qui avait été si prompt à vouloir la mettre dans la délicate position du flic corrompu pris sur le fait, il s’était peu à peu adoucit en constatant que la situation allait au-delà de ce qu’il avait pu voir, qu’il ne s’agissait que de la partie émergée d’un iceberg qui n’était autre qu’elle depuis que son esprit s’était réveillé dans son corps mort et pourtant animé comme si elle était encore vivante. Oui, elle n’aurait pas cru qu’elle irait au bar avec lui, boirait à son côté et se prêterai à des activités sociales. S’alcooliser fortement n’était pas une option pour qu’il ne puisse pas poser des questions à ce sujet. Danser avait réveiller une gêne certaine même si elle avait fait l’effort de se concentrer pour ne pas se rendre ridicule, l’amenant à oublier toute convenance en buvant directement à la bouteille au lieu de se servir dans son verre. Et lorsque l’occasion se présenta, Amanda n’hésita pas un seul instant à mettre William dans une position inconfortable.

- Ce n’est pas d’avoir dansé avec vous qui me met dans cet état, j’ai surtout honte du spectacle que j’ai pu donner.

Le karaoké était une activité ouverte à tous : du chanteur du dimanche à celui qui faisait partie d’un chœur. Si prononcer des mots en rythme avec la musique était relativement à la portée du plus grand mot, savoir les chanter en ayant un timbre de voix adapté ne l’était. Tout le monde n’était pas fait pour chanter tout comme elle se savait faire de partie de ceux n’étant pas nés pour être des danseurs. Elle n’avait jamais été fan de danse mais chanter était une tout autre histoire qui la rapprochait toujours de ce que la vie lui avait arraché, faisant ressurgir des souvenirs heureux qui se trouvaient bien trop souvent étouffés par la haine qu’elle éprouvait envers son nécromant et sa condition, envers ces dieux qui avaient permis de contrevenir à l’équilibre naturel en accordant le pouvoir de relever les morts. Elle n’éprouvait rien d’autre que de la colère envers eux mais elle ne pouvait que leur obéir au doigt et l’œil même si elle ne le voulait pas. Souriant à William, se fut avec plaisir qu’elle se mit à chanter devant ce public improvisé avant qu’elle ne cède sa place à l’homme qui l’accompagnait, ne se préoccupant pas du regard qu’il lui lança lorsqu’ils se croisèrent. Elle avait été mise dans l’inconfort, c’était désormais à son tour et il avait intérêt à ne pas la décevoir. Il la désigna du doigt lorsque la musique se fit entendre et il se lança dans une prestation mémorable d’un grand gaillard chantant faux et dansant, arrachant un rire qu’Amanda s’empressa de cacher en mettant sa main devant sa bouche.

Les applaudissement vinrent célébrer le spectacle donné et sa fin -heureusement- tandis que William reprenait place près d’elle.

- Elle a été enterrée dès l’instant où vous êtes monté sur scène William, répondit-elle avant que les mots de l’homme ne viennent effacer cette joie momentanée qui était apparue sur son visage. Je n’ai pas besoin d’être protégée mais mon chiot oui : je dois en rester éloignée mais je ne peux pas partir d’ici. Elle posa sa main sur le bras de William alors que ce dernier écrivait sur une serviette en papier, finissant par lui tendre ce qui était son numéro de téléphone. J’ignore bien des choses de vous mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir que vous avez traversé des épreuves qui vous ont marqué, qui vous ont rendu dur et borné mais alors que rien ne vous y oblige, vous cherchez à m’aider… Merci, dit-elle avant de le relâcher et de prendre ce qu’il lui tendait.

La main posée sur le bras de William venait appuyer les propos qu’elle lui adressait, elle se confiait à lui sans toutefois pleinement lui dire les choses : elle ne voulait pas mettre en danger qui que ce soit et surtout elle avait la sensation qu’il avait parfaitement compris que le chiot n’était qu’un enfant. Un jeune garçon voué à vivre auprès de sa pokni, ne recevant des présents de sa ishki qu’en de rares occasions et grandissant probablement avec la colère d’avoir été ainsi abandonné. Elle senti une ombre passer momentanément sur son visage tandis que l’homme lui demandait l’âge de son fils. Combien cela lui faisait-il désormais ? Dix ans ? Bon sang, qu’est-ce qu’elle pouvait maudire silencieusement son nécromant de l’avoir ramenée d’entre les morts. Jamais il n’aurait dû la choisir mais surtout les morts devaient le rester, créer de telles abominations comme les goules et les zombies… Inconsciemment ses doigts raffermirent leur prise sur l’avant-bras d’un brun.

- Dix… ans. Il a dix ans, répondit-elle avant qu’elle ne cherche à détourner le sujet en exposant la courte analyse de lui qu’elle avait faite, finissant par le remercier de cette aide qu’il voulait lui apporter alors que rien ne l’y obligeait. Elle prit le papier dont elle observa l’écriture apposée dessus, avant de le ranger dans sa poche. Comme si quelque part elle craignait qu’il ne change d’avis et ne cherche à lui reprendre ce qu’il venait de lui donner. Mais alors qu’elle retirait sa main du bras de l’homme, ce dernier vint poser sa main sur la sienne avant de réagir à ce qu’elle venait de lui dire. Le temps semblait avoir été un grand enseignant pour lui, cela avait-il un rapport avec ce visage en tout point similaire à celui qu’elle avait vu la dernière fois ? Silencieuse, elle se contenta de hocher la tête avant qu’à son trait d’humour elle ne se surprenne à sourire à nouveau. Vous avez grandement amélioré cette soirée et j’espère vous recroiser un jour. Après tout il n’était pas si désagréable et elle comptait tout de même obtenir plus de réponses le concernant. Qui était-il ? Qu’était-il ?

Il commença ensuite à déclarer qu’il était désormais temps que leurs chemins se séparent ici-même et doucement elle vint soustraire sa main à la sienne, se saisissant à nouveau de la bouteille pour en boire une gorgée. Il savait bien se montrer divertissant tout comme il savait montrer tout le sérieux du monde alors qu’il lui demandait de ne pas jeter le papier à la poubelle. Que si elle ne le faisait pas pour elle, qu’elle devait le faire pour son fils. Doué avec les enfants ? Elle haussa un sourcil.

- Je ne jetterai pas le papier, je vous le promet William, et je garde à l’esprit vous savez y faire avec les chiots. Je me demande bien ce que donne la vision d’un gaillard tel que vous jouer avec l’un d’entre eux, dit-elle avant de se lever. Puissions-nous discuter à nouveau autours d’un verre. Bon voyage à vous, conclue-t-elle avant de prendre la direction de la sortie.