1. Les Divins

Pour qu’ils puissent vaquer à leurs occupations parmi l’humanité, il leur fallait un véhicule, une apparence de chair et de sang. Deux cas se distinguent en matière de naissance d’un Dieu.

Première incarnation
Dans un premier cas, le dieu est né révéré des hommes. Il sort alors de l’Ether, la dimension de résonnance de l’âme Humaine qui l’a vu naître, pour s’incarner dans le corps d’un être humain parmi ses fidèles. C’est la mise au monde divine la plus courante. Cette première incarnation se fait le plus souvent dans le corps d’un fidèle qui vient de décéder, ou qui a perdu l’esprit, laissant dans les deux cas un vide propice à la possession divine.

Lignées Divines
Dans d’autres cas, les dieux ont également pu se reproduire entre eux, et engendrer de nouvelles consciences lorsqu’ils arrivaient à maîtriser rapidement la naissance du culte pour leur enfant. Ce n’est pas arrivé dans toutes les religions, et ce n’est pas un cadeau à la portée de toutes les divinités ; certaines ont eu beau tenter des milliers de fois, si l’union entre les deux divins n’était pas intégrée par les fidèles et révérée comme la naissance d’une nouvelle divinité, alors l’union restait inféconde. La croyance de l’Homme reste toujours la seule assurance de création divine. Les relations entre dieux de panthéons différents, souvent rivaux, n’ont ainsi jamais donné de lignées divines ; le secret nécessaire à ces unions, pour éviter les représailles de leurs coreligionnaires, privait les deux divinités en question de toute capacité à engendrer ensemble une descendance divine. Le Panthéon Greco-Romain est l’un des seuls à avoir largement usé de ce type de naissances divines, et les guerres et conflits nés de la jalousie et de l’envie entre lignées divines ont eu tôt fait de décourager l’expérience chez les panthéons voisins. Engendrer des enfants immortels pose aussi la question de la concurrence des pouvoirs et des fonctions, et donc concurrence de l’amour et de la foi des mortels, à la source de tout pouvoir divin…

Les enfants humains de divinités ont par le passé eu différents statuts, considérés comme des demi-dieux ou des héros de légende, des prophètes. Ils n'en restaient pas moins humains, parfois bénis, parfois exceptionnels, mais ils restaient mortels.

La Réincarnation
Si les enveloppes possédées par les dieux sont plus fortes et solides que le commun des mortels, elles peuvent mourir. Catastrophes naturelles, combats inégaux contre foule d’humains, pouvoirs des autres immortels… Les enveloppes peuvent être brisées, le plus souvent lorsque le corps est détruit par crémation, ou démembré par l’agression extérieure. A ce stade, la conscience divine meurt en même temps que le véhicule et retourne dans l’Ether qui l’a vu naître, mais ce n’est que provisoire. Appelé par les âmes avec lesquelles il a des ressemblance en termes de caractère ou d'origine ethnique, qui sont des réceptacles aisés, ou parmi ses propres fidèles qui brillent comme des phares pour cette conscience en errance, le dieu reprendra vite corps au bout de quelques jours ou de quelques mois, ou des années si rien de le rappelle sur Terre. Ayant déjà pris forme physique dans le passé, il lui est plus facile de reprendre corps. Un corps en vie, évidemment; il n'y a autrement que les divinités nécromanciennes qui sont capables de faire revenir un corps à la vie. Un dieu ne peut donc pas investir un corps mourant ou qui est mort sans lui même retourner tout aussi sec dans l'éther.

La Mort Véritable
Si un corps divin peut mourir, l’entité revient avec un nouveau corps. Sauf dans des cas précis. Le premier est l’abandon totale de toute Foi, de toute connaissance des humains sur une divinité précise. C’est rarement arrivé dans l’Histoire, sauf dans les contrées battues et rebattues par les guerres de conquêtes et de purification ethnique ou culturelle ; certains dieux ont pu disparaître à la mort de leur dernier fidèle, à la disparition de leur nom des livres ou des traditions orales. Quand plus personne ne se rappelle d’un dieu, celui-ci disparaît. Il existe bien des théories sur leur retour possible, mais le cas est déjà si rare qu’un retour n’a pu être observé, et cet état de fait apparaît définitif ; si on ne croit plus en vous, alors vous vous effacez dans les limbes.

L’autre cas est bien moins insidieux, plus frontal et plus violent. Des artefacts divins existent en ce monde. Chargés de la puissance de divinités capables de forger des armes ou des objets d’une puissance extraordinaire, ces artefacts détiennent en eux la puissance de tuer définitivement un Dieu. Cet acte est considéré comme très grave ; les pactes de jadis impliquent que les dieux, déjà peu nombreux, rivalisent autour de la conquête de l’âme humaine pour devenir plus puissants et affaiblir leurs adversaires. On s’élève ou on s’effondre selon sa capacité à faire croire sa nature et ses pouvoirs aux êtres humains. Tuer un autre dieu est rarissime, et considéré comme très grave. Ceux qui s’y sont risqués dans le passé ont souvent été bannis ou exilés par leurs congénères, voire abattus par une alliance de tous ceux menacés par qui utilise des objets d’un tel pouvoir à de funestes fins.

Le dernier moyen de faire disparaître un Dieu est son suicide. L'acte d'en finir avec soi-même est suffisant, spirituellement parlant, pour éteindre toute étincelle divine ou de croyance dans le coeur de ses fidèles. Ceux-ci se retrouvent alors arrachés violemment à leur foi, porteur d'un grand vide psychique comme une partie de leur âme qu'on leur aurait arrachée. Ce n'est presque jamais arrivé dans l'Histoire, mais ça a toujours été bouleversant pour leurs proches et leurs fidèles, qui se retrouvent avec une part de leur psyché qui leur est violemment arrachée.

Caractéristiques physiques et psychiques d’une enveloppe
La conscience de l’Homme est écrasée au moment où le Dieu la pénètre et remplace la flamme de sa psyché. Il n’y a pas assez de place pour deux consciences dans un seul corps. Toutefois, le divin qui possède cette nouvelle enveloppe ne fait pas table rase du passé de l’humain. Ses caractéristiques physiques seront conservées. Ses souvenirs également.

Un être humain possédé est rempli de la puissance et de la force de l’entité divine. Il ne subit plus le passage du temps et reste figé dans l’âge de l’incarnation, car le métabolisme humain ressort transformé de l’expérience. Ils sont insensibles aux maladies, aux bactéries. Ils sont plus forts que des humains ordinaires et plus résistants. Ce qui tuerait des hommes ordinaires les blesse à peine, et moins encore à mesure que leur puissance progresse. Dans tous les cas, ils survivent à tout ce qui ne les abat pas sur le coup, et si la guérison n'est jamais instantanée, elle reste terriblement rapide. Une enveloppe divine ne mettra que quelques jours à se remettre des plus terribles blessures, voire quelques semaines dans les pires des cas. Seuls les dégâts infligés par des artefacts ou des pouvoirs divins peuvent laisser des traces ou des stigmates permanents, selon leur niveau de puissance.

Les Divins conservent également les capacités de l’hôte ; talents physiques ou artistiques, reproduction… Mais s’ils peuvent engendrer, il ne s’agira que d’êtres de chair et de sang, à moins que le culte de l’enfant n’ait précédé sa naissance, ce que nous avons vu plus haut.

Pour les aspects les plus triviaux de leur apparence, ils fonctionnent comme des corps humains ; leurs cheveux repoussent, leur peau peut se gorger de soleil ou rester pâle, et ils ressentent tout ce que vit physiquement l’enveloppe, toucher, battements cardiaques, tout. Il n’y a véritablement qu’au niveau de leur longévité et de la robustesse de ces corps que l’incarnation bouleverse l’organisme.

Les Dieux se reconnaissent entre eux, ils sont capables de passer outre l'apparence au sein du même panthéon en reconnaissant leur nature profonde qu'importe le changement d'enveloppe, ainsi que les dieux étrangers qu'ils ont pu côtoyé de nombreuses fois en plusieurs millénaires. Autrement, ils sentent toujours la nature divine d'une autre divinité,
Ils peuvent aussi détecter les créatures si elles sont de leur panthéon ou si elles utilisent leurs pouvoirs à proximité.

Il y a plusieurs critères qui apportent de la puissance aux divinités, et aux agents -leurs créatures- qui évoluent dans leur sillage. La Puissance Divine émane de la force de la Foi, mais cette force est difficilement quantifiable et peut être jugée sur trois aspects.

Le premier est l’Abondance.
Il s’agit d’une simple conséquence arithmétique, l’union fait la force. Plus un dieu -et a fortiori un panthéon- a de personnes qui croient en lui, et plus il sera puissant. La renommée fait tout, en matière divine. Plus le nom du dieu est connu, puis sa résonnance dans l’Ether augmente, et plus il retrouvera un écho de sa puissance parmi les humains qui l’entourent. Il gagne ainsi en puissance à mesure que le nombre de croyants augmente. La puissance est proportionnée au nombre de croyants, il ne faut donc pas négliger sa renommée quand on est un divin. Sinon, cela peut mener dans certains cas extrêmes d’abandon et d’oubli à la fin de la divinité, qui disparaît dans les limbes qui l’ont vue naître.

Le second est la Ferveur.
On distingue plusieurs types de personnes, chez les humains. Premièrement, les simples croyants. Ils n’ont pas forcément foi en ce dieu, c’est-à-dire qu’ils ne placent pas leur vie entre ses mains. Mais ils sont convaincus que cette divinité existe ; ils croient, donc la divinité peut exister. Ensuite on retrouve les fidèles, qui prient ou révèrent le dieu. C’est quelque chose d’extrêmement nourrissant pour une divinité. Enfin on retrouve les apôtres, porteurs de la vérité de leur dieu de par le monde, qui consacrent la totalité de leur vie au service de cette divinité qu’ils ont choisie. Cette fois, ce n’est plus un calcul mathématique simpliste comme la puissance qui découle de l’Abondance. La Ferveur démultiplie le pouvoir à mesure de la force de la Foi des croyants, et peut même aller jusqu’au Sacrifice. Le Don de Soi est un met délicat aux yeux des dieux, qui se gourmandent des prières, des rituels, de la proximité charnelle voire de la mort volontaire (ou non) de ceux qui croient en eux. Dans tous les cas, une divinité ou une créature n’est pas obligée de dévoiler sa véritable identité à ceux qui placent leur Foi en elle, mais la Ferveur est plus forte à mesure que les liens entre croyants et divins se font proches.

Le troisième est le Devoir.
C’est la source de pouvoir la plus nébuleuse, la plus dépendante des actions immédiates des divinités et des créatures. Accomplir leur devoir sacré, leur fonction dans ce monde, procure aussi au divin plus que de la satisfaction. Il maîtrise plus son pouvoir que les divinités plus indolentes, et y trouve plus de satisfaction. En accomplissant son devoir, en usant de ses pouvoirs pour influer sur le monde des hommes, ils se font connaître et peuvent enclencher un cercle vertueux qui augmente et le nombre de croyants, et la ferveur de ceux-ci. Le Devoir est donc la source la moins directement profitable de toutes, mais elle peut toutefois décupler la renommée de la divinité à terme.

Puissance des Panthéons
Depuis la Grande Révélation, la Foi a littéralement explosé dans le monde. On ne peut plus distinguer des échelles précises de puissance entre chaque panthéon car l’immense majorité des dieux sont connus et révérés, parfois par des cohortes de fidèles de tailles différentes, mais dont les plus petites compensent souvent leur taille par leur ferveur ou leur implication dans le devoir divin de la déité suivie. En terme de jeu, nous ne faisons plus la différence que pour les panthéons les plus puissants, ceux qui ont encore un énorme nombre de fidèles, souvent fervents, et impliqués.
Ainsi le bonus de +1 au lancement des pouvoirs est pour le moment réservé aux Monothéistes et aux Nouveaux Dieux.

Pouvoirs des Dieux
Les pouvoirs des dieux peuvent prendre des formes diverses, de la plus visible, comme le pouvoir de commander à la terre ou à la foudre, à l’invisible, comme les pouvoirs influant sur l’humeur. Si, sur le forum, les pouvoirs des divins ne sont limités que par l’imagination de leurs joueurs, d’un point de vue du jeu, ces pouvoirs sont déterminés par la foi humaine, qui conditionne autant l’essence divine que son expression. Les pouvoirs des dieux ne sont donc que des extensions d’eux-mêmes, des aides pour leur permettre non pas d’exprimer leur puissance, mais de remplir les fonctions pour lesquelles ils ont été pensés. Ainsi, un dieu de la guerre pourra avoir des pouvoirs liés aux armes, à l’esprit querelleur ou conquérant des humains, un dieu de la foudre pourra faire tomber les éclairs ou sentir l’électricité dans l’air… Les humains façonnent les dieux, et très peu l’inverse. S’il existe autant de pouvoirs qu’il y a de dieux, leur raison d’être demeure inchangée à travers les siècles. De tous temps, ils conditionnent les limites et les domaines d’influence des dieux, qui ne peuvent guère y transiger, et s’adapter.

La Foi s’est longtemps construite et traduite dans le luxe, et dans l’opulence, dans le sacrifice constant des biens mortels pour obtenir faveurs et protection de leurs éternels protecteurs. On construisit des temples, on inventa des rites. Depuis l’Aube du Monde, les divins vivaient parmi les hommes, mais comme une caste supérieure, intouchable, à la fois révérée et crainte. Beaucoup vivaient dans des domaines remplis de serviteurs et se complaisaient dans l’opulence, tandis que d’autres se mêlaient aux Hommes pour les guider vers leur lumière. L’arrivée de l’Unique changea tout cela.

Durant les deux derniers millénaires, l’essentiel des divins vivait caché. A la suite des grandes purges menées par l’Unique et ses légions d’anges et de démons, de leur expansion tout azimuts, les divins avaient pris le parti pour survivre en adoptant un profil bas. L’Unique continuait de dispenser miracles et catastrophes de par le monde, de glorifier les actions de ses anges ou de promettre l’intervention de ses démons, mais l’Humanité se réfugiait dans l’ignorance volontaire et confortable des choses du divin. L’influence des Nouveaux Dieux, pernicieuse, avait opéré un déclin apparent de la Foi dans le monde, alors que les anciens rites comme les prières ou les sacrifices passaient peu à peu dans le folklore d’un lointain passé, sauvage et barbare. La technologie, les médias, le confort de la vie moderne remplaçaient peu à peu l’ancienne Foi que l’Humanité vouait en ses protecteurs.

La Grande Révélation changea tout cela.

A nouveau, la connaissance intime du Divin était répandue de par le monde. La déflagration psychique de cette révélation accrut fortement les pouvoirs des divinités jadis oubliées, pour lesquelles les Hommes s’intéressaient de nouveau, repoussant même pour certains ces dieux de la modernité qui leur avaient tant promis et qui les avaient trompés, manipulés. Redevenus puissants, les dieux païens de jadis se sentirent pousser des ailes, et beaucoup remirent en question l’hégémonie de l’Unique ou des Nouveaux Dieux. Certains continuèrent de vivre dans l’anonymat, que ce soit par sécurité ou pour continuer sereinement leurs desseins. D’autres se révélèrent, recherchant l’adoration et la gloire lors de grandes interventions publiques, ou se battant férocement aux yeux de tous pour se défendre ou se venger contre leurs adversaires. Beaucoup rétablirent aussitôt un culte et certains, bien entourés, se mirent même à se tailler de véritables domaines. De nouveaux temples étaient érigés… Et les sacrifices, dans certaines religions ou parties du monde, reprirent.

C’était un nouvel âge d’or de la croyance, un zénith retrouvé de la puissance de l’éternité.