Forgive me Father.. || Valentine

Voilà des mois que Valentine n’avait pas foutus les pieds dans une église. Elle a, en fait, longtemps douté qu’elle franchirait de nouveau le seuil d’un édifice religieux un jour. Et pourtant la voilà, assise sur un banc, à regarder autour d’elle, cherchant à retrouver la magie qu’elle pouvait ressentir autrefois au sein de ces majestueux temples, contemplée par les multiples regards des saints, de marbre. Rien à faire. Chapelet en main, elle avait l’habitude de prier pendant des heures, mais là, rien. Elle se sent vide. Ses sœurs s’étaient offusquées de sa réaction, pour beaucoup. La révélation tombait, l’Unique existe. Valentine aurait dû se sentir transcendée. Pourquoi elle ne s’était pas sentie transcendée ? Pourquoi se sentait-elle plutôt trahie ? Comme si on lui avait menti. Si elle n’a jamais cru dur comme fer à la genèse, et cru en l’évolution, donc n’a jamais pensé que la religion de l’Unique était la toute première foi de l’Homme. Valentine aime trop l’histoire pour la plier selon ses préférences, et pour comprendre la foi en l’Unique dans toutes ses complexités, il faut comprendre le contexte qui l’a vu naître, des plaines désertiques entourant la fertile vallée du Nil, au sein du peuple maudit par les autres, et par l’histoire.

Avant, en étant dans un lieu saint, Valentine se sentait sereine, en paix, et a souvent connu la plénitude, le sentiment d’appartenir à un tout. Aujourd’hui, elle ressent de la colère, beaucoup de colère, et ne peut même pas tourner cette colère vers l’Unique parce que, lui, et bien… Il ne lui a rien demandé ! Ce n’est pas pour toute la vie à côté de laquelle elle est passée, non, Valentine a aimé sa vie et ne la regrette en rien, non. Non, ce qui la heurte dans cette histoire, c’est peut-être le rôle clé que pourraient jouer les mortels dans l’idée qu’ils se font des divinités. Et si les dieux ne créaient pas les mortels, mais que les mortels créaient les dieux ? Cela expliquerait tout, en vérité. Tellement, en tous cas, si pas tout.

Attaquer chaque exposé de chaque divinité sous cet angle lui permettrait d’aborder de façon plus légitime le contexte socio-culturel, économique et religieux qui voient l’émergence de chaque panthéon, et pourquoi certains sont plus intransigeants que d’autres. Ce qui le définit, ce n’est pas le dieu lui-même, mais plutôt les besoins d’explications « rationnelles » de l’esprit humain face aux colères de dame nature ! Sentant l’inspiration venir, Valentine éructe… Avant de se souvenir d’où elle est, de son passif et… Se met à rire. C’est tellement improbable. Même désabusée, c’est encore ici qu’elle trouve l’inspiration… « A charge de revanche ? » Elle balance, clin d’œil à l’appui, en direction de la couple surplombant le chœur de l’Eglise. Remettant son chapelet dans son sac, elle se relève, prenant la direction de la sortie, mais, tandis qu’elle remonte la nef, ses yeux ne peuvent qu’être attirés par la silhouette d’un jeune homme en costume rouge. Ce n’est pas commun, d’oser porter une telle couleur. Aussi, il semble chercher quelque chose. Le pas de la mortelle ralentit. Elle regarde autour d’elle. Le curé est sans doute occupé à son courrier à cette heure. Elle ne réfléchit pas plus. « Excusez-moi… ! » Elle l’interpelle, à travers l’église, avant de, sourire aux lèvres, se rapprocher pour ne pas avoir à crier. « Bonjour… Vous semblez chercher quelque chose, et le curé, qui aurait pu vous renseigner, est occupé. Je peux peut-être le suppléer ? Comment puis-je vous aider ? » Toute âme cherchant de l’aide en entrant dans une église doit en recevoir, d’où qu’elle vienne. Valentine n’est peut-être plus une nonne, mais qu’elle porte une soutane ou pas ne change rien à ce qu’elle est : quelqu’un de profondément tourné vers les autres. Chercher à l’empêcher d’aider son prochain, c’est la faire lutter contre sa nature profonde, son naturel, qui revient au galop, chassé ou non !